Dans un contexte économique difficile et dans un cadre de maîtrise globale des dépenses publiques, vous nous présentez, monsieur le ministre, un budget de l'agriculture en hausse de 2, 5 %, supérieur à l'inflation prévisionnelle. Je m'en réjouis pour les agriculteurs.
Ceux-ci sont en effet assez anxieux du fait, d'une part, de la mise en place de la nouvelle PAC à compter du ler janvier 2006 - année test pour la mise en oeuvre des droits à paiement unique, les DPU, et l'application des bonnes conditions agricoles et environnementales -, et, d'autre part, de l'ouverture, dans une semaine, de cette fameuse et inquiétante conférence de Hong-Kong dont les résultats seront décisifs pour l'agriculture européenne.
Nous connaissons votre fermeté à ce sujet, monsieur le ministre, et nous savons que vous ferez tout pour ne pas sacrifier notre agriculture sur l'autel des éventuels gains pour l'industrie et les services. Obtenir un accord international à tout prix ne peut pas vouloir dire brader notre agriculture, qui fait vivre des centaines de milliers de personnes dans nos campagnes, qui nous assure une alimentation de qualité et autosuffisante et, en plus, qui permettra demain une importante production énergétique avec les biocarburants, comme vient de le rappeler mon collègue Michel Doublet.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur quatre points.
Tout d'abord, j'aimerais que vous nous rassuriez sur l'indemnité compensatoire de handicap naturel. Il semble que sa revalorisation ne soit pas assurée cette année, alors qu'elle l'avait été chaque année depuis 2003. Cela inquiète nos exploitants de montagne, car cet apport constitue pour eux, vous le savez, un complément indispensable de revenu.
Ensuite, quelles vont être les solutions pour les éleveurs dont le CTE arrive à terme en 2005 ou 2006 ? En 2000 et 2001, de nombreux agriculteurs ont signé des contrats territoriaux d'exploitation comprenant des mesures herbagères. Dans le Jura, quinze CTE vont arriver à terme à la fin de 2005 et quatre-vingt-trois y arriveront à la fin de l'année 2006. Les agriculteurs nous interrogent sur la suite qui sera donnée.
La fusion des enveloppes consacrées aux contrats d'agriculture durables, les CAD, à la prime herbagère et plus globalement, aux mesures agri-environnementales, offrira plus de souplesse en matière de gestion des priorités. Mais les agriculteurs seront-ils assurés de l'obtention nécessaire des crédits consacrés à ces différentes politiques contractuelles ? Dans mon département, cela représente 2, 4 millions d'euros en 2006 et 2007.
De même, pourquoi est-il impossible pour une exploitation agricole en CTE de reprendre le contrat d'une autre exploitation bénéficiant de la prime herbagère agro-environnementale, ou PHAE, au cours des cinq ans, sans reverser les primes, alors que le nouvel exploitant s'engage à poursuivre le contrat du cédant ?
Je m'interroge aussi sur l'avenir de cette prime herbagère pour la période 2007-2013 ; vous en connaissez l'importance.
En 2007, les contrats PHAE arriveront à terme. Ce soutien aux systèmes herbagers constitue une part non négligeable du revenu des exploitations qu'il convient de conserver. Or les premiers projets du nouveau règlement de développement rural pour 2007-2013 ne font pas état, en tant que tel, d'un soutien aux productions herbagères. Seules sont mentionnées des mesures agro-environnementales auxquelles les États membres pourraient souscrire.
La profession agricole souhaite la reconduction des dispositifs actuels. Une remise à plat de ces derniers risque de conduire à la définition d'un cadre encore plus restrictif pour les exploitants, notamment en termes de chargement et de fertilisation. Ces deux critères étant déjà particulièrement faibles - c'est le cas, par exemple, dans mon département -, les agriculteurs ne comprendraient pas ces nouvelles exigences. Monsieur le ministre, pouvez-vous me donner des informations sur ce sujet ?
Enfin, j'en viens au problème laitier, qui a été peu abordé au cours de cette discussion. Les critères définis par l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, l'ONILAIT, pour gérer la réserve laitière départementale soulèvent des difficultés sur le terrain, d'autant plus qu'ils changent sans cesse.
Dans mon département, pour les petits producteurs installés dans un cadre sociétaire, - ce que nous souhaitons tous -, la référence laitière est actuellement calculée en divisant la référence laitière de la société par le nombre d'associés. La répartition de la référence entre les associés, au sein de la société, n'est pas prise en compte. En revanche, en cas de départ de l'un des associés, c'est bien sa propre référence qui sera prise en compte et non la moyenne arithmétique de la référence laitière de la société par associé.
Dès lors, pourquoi ne pas considérer comme petits producteurs les membres de la société produisant moins de 100 000 litres de lait ? Qu'en est-il dans les autres départements ?
Les organisations professionnelles souhaiteraient que ce critère soit assoupli afin que la Commission puisse prendre en compte des éléments particuliers, sans avoir à en référer systématiquement à l'ONILAIT, ce qui prend en outre beaucoup de temps.
Plus globalement, le problème laitier faisait déjà partie de mes préoccupations l'an dernier, car les inquiétudes des producteurs demeurent, malgré la relative stabilisation de la baisse des prix et l'accord obtenu au moment du Salon de Rennes en septembre dernier. Dans mon département, par comparaison avec les autres productions, c'est toujours le secteur laitier qui affiche les revenus les plus faibles, malgré les contraintes qui pèsent sur la production laitière et en dépit de l'appellation d'origine contrôlée dont elle bénéficie.
Le compromis de Rennes prévoyait de reprendre la discussion à partir de janvier 2006 pour réguler le marché du lait de façon pérenne. Où en est-on à ce sujet ? N'oublions pas que le nombre de producteurs laitiers a beaucoup diminué et continue de baisser en raison des contraintes que connaît cette filière qui ne peut plus se permettre de supporter des baisses de prix.
Monsieur le ministre, les grandes négociations que vous aurez à aborder l'année prochaine, aux niveaux européen et mondial, réclameront toute votre vigilance. Je souhaite que vos collègues des finances ne vous fassent pas perdre trop de temps avec des restrictions et des gels de crédits en 2006 !
Cela étant, vous avez toute ma confiance et, dès ce soir, je voterai votre projet de budget.