Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 15 octobre 2013 à 21h30
Débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l'industrie du tourisme en france

Sylvia Pinel, ministre :

Je vais y venir !

En ce qui concerne l’Observatoire national du tourisme, j’ai demandé à mes services et à Atout France de réfléchir à l’amélioration de l’outil statistique de la France. En outre, j’ai veillé à préserver le budget d’Atout France dans le cadre des lois de finances successives. Certains d’entre vous avaient déjà voté des diminutions des crédits du budget du tourisme et même la réduction des services du ministère. C’était au cours d’une précédente législature, aussi n’y reviendrai-je pas…

En revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite nuancer votre constat sur le budget spécifique de la promotion, qui vous semble insuffisant. Certes, il est inférieur à celui de nos principaux concurrents, notamment à celui de l’Espagne que vous avez tous cité. Toutefois, je suis persuadée que la stratégie de redressement de nos comptes publics nous impose de faire mieux avec le budget actuel, Michel Bécot l’a souligné. Nous devons y parvenir grâce à une meilleure coordination des actions d’Atout France et de celles des collectivités locales.

Je rappelle que le budget cumulé des 96 agences de développement touristique s’est élevé, en 2012, à 220 millions d’euros et celui des 22 comités régionaux du tourisme à 136 millions d’euros, dont près de 50 % pour la promotion, venant ainsi compléter les efforts en faveur du budget d’Atout France.

Madame Bouchoux, vous m’avez interpellée sur un sujet qui me tient à cœur, celui de la parité au sein du conseil d’administration d’Atout France. Il est vrai que ce dernier réunit des personnalités assumant déjà des responsabilités dans le tourisme et représentant souvent des institutions. La faible représentation des femmes traduit malheureusement la faible mixité dans le tourisme. Je m’en suis entretenue à plusieurs reprises avec la présidente de l’association Femmes du tourisme.

Ce constat est particulièrement vrai dans les secteurs de mon périmètre : qu’il s’agisse de l’artisanat, du commerce ou du tourisme, peu de femmes exercent des responsabilités. Toutefois, chaque renouvellement du conseil d’administration d’Atout France est pour moi l’occasion d’améliorer la situation et d’inverser cette tendance : j’ai ainsi nommé deux femmes, dont la présidente du comité régional du tourisme de la Martinique, Karine Roy-Camille. Je vous rassure cependant sur un point important : Atout France est exemplaire sur la parité de ses directeurs ; c’est du 50-50, j’y veille particulièrement.

Au-delà du fonctionnement de cet organisme, nous devons rechercher une plus grande efficacité dans la promotion, par exemple à travers une marque France unique, dont les acteurs se réclameraient ou, dans le cadre des contrats de destination, qui permettront de fédérer nos efforts. Nous devons nous appuyer sur les stratégies d’influence permises par les nouvelles technologies– Internet et les réseaux sociaux – pour des budgets beaucoup plus limités. Il s’agit d’un axe stratégique majeur pour la promotion touristique dans les années à venir ; j’ai demandé au président d’Atout France d’y veiller.

Je souhaite en particulier que la promotion de la France à l’étranger dans les salons, foires et expositions se fasse sous une bannière France unique et non plus en ordre dispersé, comme c’était le cas jusqu’à présent. Nous devons en effet renforcer la destination France ou, plus exactement, les destinations France, pour réduire la fracture de fréquentation existant entre les différents territoires.

Le Conseil national du tourisme, que j’ai renouvelé à la fin de l’année 2012, doit contribuer de manière plus opérationnelle à l’élaboration et à la mise en œuvre de notre politique.

La deuxième priorité sur laquelle j’ai souhaité mettre l’accent, c’est la qualité de l’offre touristique française. Au-delà de la promotion, ce qui compte pour satisfaire et faire revenir les touristes français ou internationaux, c’est de proposer un bon produit, comme l’a souligné Jean-Jacques Mirassou.

L’amélioration de la qualité de l’accueil passe par la prise en compte des différences culturelles de nos visiteurs et se traduit en termes d’apprentissage de langues étrangères, de savoir-faire, de modernisation et d’investissement dans les équipements. L’adaptation des formations aux métiers du tourisme est un enjeu majeur pour le maintien du leadership mondial de la France et pour faire en sorte que les touristes français continuent à voyager sur notre territoire. Je pense que, sur ce point, nos constats se rejoignent parfaitement.

Nous modernisons la formation professionnelle afin de renforcer les compétences des hommes et des femmes qui sont au cœur de la réussite de notre politique touristique ; Corinne Bouchoux et Évelyne Didier en ont parlé.

À cet égard, Michel Sapin et moi-même avons confié une mission à François Nogué, président du conseil d’administration de Pôle emploi, pour professionnaliser la filière, renforcer l’attractivité des métiers, et surtout – l’emploi étant la première de nos priorités – pourvoir les postes vacants pour lesquels les entreprises du tourisme rencontrent de réelles difficultés de recrutement. J’ai également demandé que des propositions spécifiques soient formulées sur les emplois saisonniers, notamment pour sécuriser davantage les parcours professionnels des salariés concernés.

Nous livrerons prochainement le contenu et les conclusions du rapport Nogué. Quatre axes prioritaires se dessinent : anticiper les besoins en compétence avec une optimisation de l’observation sur l’emploi dans le secteur et l’évaluation des métiers ; faire de la filière une voie durable de l’insertion professionnelle pour les jeunes et les demandeurs d’emploi – je pense notamment au développement des emplois d’avenir – ; accélérer la montée en compétence et garantir les parcours professionnels avec l’alternance et l’adaptation des formations ; améliorer la qualité de vie au travail, en termes tant de conditions d’accueil que de santé, considérations particulièrement fortes pour les saisonniers.

Sur ces différents sujets, il sera nécessaire de favoriser la concertation avec les organisations professionnelles et syndicales concernées afin d’agir efficacement.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a souhaité ouvrir les emplois d’avenir aux entreprises de ce secteur. J’ai donc mobilisé les préfets pour qu’ils consentent un effort prioritaire sur le tourisme et je suivrai avec beaucoup d’attention la montée en puissance de la conclusion de ces contrats.

L’amélioration de l’accueil, c’est aussi, bien sûr, la facilité d’accès à notre territoire à travers la simplification de la délivrance des visas de circulation, valables entre six mois et cinq ans, non seulement pour les talents étrangers, les hommes d’affaires, les artistes ou encore les scientifiques, mais aussi pour le tourisme. Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a demandé que ce point soit traité avec rapidité.

Dans le cadre de la qualité de l’accueil, j’insiste également sur l’importance de la sécurité des touristes, évoquée par certains d’entre vous. Manuel Valls et moi-même avons immédiatement réagi à certains faits regrettables et mis en place des mesures spécifiques pour assurer la sécurité des touristes : renforcement de la présence policière sur les sites touristiques les plus visités, mise en place d’un partenariat actif avec les ambassades, les professionnels du tourisme, les transporteurs municipaux, la SNCF, la RATP, amélioration de l’accueil des victimes étrangères dans les services de police, édition d’un guide pratique de prévention en six langues. Les résultats sont au rendez-vous, puisque le nombre de vols à la tire à Paris a baissé de 22 % aux mois de juillet et d’août derniers ; cela mérite d’être souligné.

L’amélioration de la qualité de l’offre touristique passe aussi par celle des hébergements. La loi de 2009, dont le bilan nous a été présenté aujourd’hui, instaurait un nouveau classement pour les hôtels, mais aussi pour l’ensemble des autres hébergements tels que les campings ou les résidences de tourisme, afin de leur offrir davantage de visibilité à l’international, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur Lasserre et monsieur Bécot.

Au 30 septembre 2013, 12 862 hôtels ont été reclassés, soit 75 % de l’ensemble de l’offre d’hôtels et 85 % des chambres. L’efficacité de ce classement est indéniable : une enquête indépendante a montré, au mois de mai 2013, que les établissements classés avaient mieux résisté à la crise que les autres.

Je suis convaincue que nous pouvons encore simplifier l’accès à ce classement et l’adapter aux réalités économiques. J’examinerai avec beaucoup d’intérêt les propositions concrètes qui ont été formulées aujourd’hui, dans la perspective d’une évolution.

Le rapport pointe très justement le fait que le reclassement de la petite hôtellerie indépendante n’a pas été aussi rapide que souhaité. Ces petits hôtels, qui font le charme et le caractère de notre offre touristique dans les territoires, rencontrent des difficultés dans la mise aux normes en matière de sécurité et d’accessibilité. Ils ont donc tendance à retarder les travaux et, ce faisant, leur demande de classement.

La question de l’accessibilité constitue une préoccupation des élus locaux comme des professionnels. Depuis ma prise de fonction, je ne cesse de dire que nous devons, sur ce sujet délicat et complexe, trouver une solution d’équilibre tout en préservant l’intérêt légitime et les droits des personnes à mobilité réduite et des personnes handicapées.

L’entrée en vigueur de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a soulevé de réelles difficultés d’application pour les petits établissements ouverts au public, les commerces de proximité et les hôtels indépendants.

Lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier, le Premier ministre n’a pu que constater que le rendez-vous de 2015 fixé par la loi ne serait pas respecté. Il a donc décidé de l’ouverture de deux chantiers, qui porteront respectivement sur les agendas d’accessibilité programmée, permettant aux hôteliers de poursuivre leur démarche de mise aux normes au-delà de 2015, et sur l’ajustement normatif. Ces travaux se dérouleront sous la présidence de la sénatrice Claire-Lise Campion et des propositions concrètes seront formulées d’ici au mois de janvier prochain.

Nous avons là une opportunité unique de trouver un juste équilibre, qui puisse garantir la dynamique de l’accessibilité, voire l’accélérer grâce à un déploiement réaliste de ces normes. Ces décisions correspondent aux recommandations qui ont été opportunément exprimées par les rapporteurs.

Mme Giudicelli s’est interrogée sur le financement de ces mises aux normes. J’ai demandé à la Banque publique d’investissement de travailler sur des offres de financement pour la modernisation, la réhabilitation et l’accessibilité des hôtels indépendants.

Au-delà, nous devons poursuivre nos efforts pour la modernisation des hébergements touristiques français et leur adaptation aux exigences de nouvelles clientèles.

L’investissement touristique global s’élève à 12, 738 milliards d’euros en 2012, soit un recul de 4 % par rapport à 2011. Ce sont les secteurs des équipements touristiques qui concentrent aujourd’hui les investissements : musées, monuments historiques, casinos, parcs de loisirs, thermalisme, thalasso, et ce au détriment de l’offre d’hébergement. Les investissements pour la rénovation de l’existant, notamment dans les zones touristiques de montagne ou du littoral, sont perçus comme insuffisamment rentables par les acteurs privés.

J’ai donc mis en place, au mois de juillet dernier, un groupe de travail sur le tourisme de montagne qui doit formuler des propositions spécifiques sur la rénovation et la réhabilitation, mais aussi sur l’élaboration d’une offre touristique attrayante en dehors des périodes de sports d’hiver, pour renforcer la rentabilité de ces stations et attirer les investisseurs privés.

Je souhaite engager la même démarche pour la réhabilitation en zone littorale. Je suis particulièrement attachée à ce que les propositions qui seront avancées tiennent compte des spécificités locales et constituent une boîte à outils à la disposition des élus locaux. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez aussi bien que moi les enjeux de vos territoires et êtes souvent les mieux placés pour trouver les bonnes méthodes d’accompagnement.

Les autres classements modifiés par la loi de 2009 – je pense notamment aux offices de tourisme – ont contribué à la montée en qualité globale des services, mais restent encore trop complexes à mettre en œuvre.

Je reçois très souvent des sollicitations d’élus locaux qui me signalent les difficultés qu’ils rencontrent : coût des certifications ou marques de qualité exigées sur les périodes d’ouverture minimale, difficulté à remplir le critère portant sur la capacité d’hébergement calculée sur la base d’un ratio rapporté au nombre d’habitants… Le dispositif réglementaire sera amendé pour prendre en compte ces difficultés et je procéderai aux ajustements nécessaires pour inciter les communes où se trouvent ces offices de tourisme à améliorer leurs prestations touristiques.

La modernisation de l’offre touristique française passe également par les technologies du numérique, qui modifient en profondeur la valeur ajoutée dans la filière.

À cet égard, beaucoup de professionnels me font part de leurs difficiles relations avec les sites de réservation en ligne. Si certaines dispositions sont illégales, elles doivent être condamnées. Mais ce que je souhaite surtout, c’est que nous sortions par le haut de ce débat : il faut que les professionnels, avec l’aide de l’État et d’Atout France, prennent définitivement le virage du numérique, se fédèrent et puissent construire ensemble une stratégie numérique. Le numérique constitue en effet un véritable levier pour les acteurs de la filière touristique, qu’il s’agisse des hôteliers, des restaurateurs, du monde des loisirs, de la culture ou des collectivités locales.

Enfin, c’est également dans la perspective de l’amélioration de la qualité de l’offre touristique française que j’ai souhaité mettre en place un comité de filière pour la restauration. Il s’agit de remplacer la démarche du contrat d’avenir, qui n’a pas produit les résultats escomptés, par une véritable démarche partenariale.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur la TVA dans la restauration, dont le taux est passé de 5, 5 % à 7 %. Nous la maintiendrons au taux intermédiaire, après avoir tiré un bilan pour le moins contrasté du contrat d’avenir, dont les résultats furent inégaux. Le débat sur le bilan du contrat d’avenir est désormais clos. J’ai souhaité que, dans le cadre du comité de la filière, nous puissions désormais travailler autour de certaines priorités.

Je rappelle que les restaurateurs et professionnels du secteur sont largement bénéficiaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, puisque la masse salariale n’y dépasse pas celle qui est fixée par les critères d’attribution. Ainsi, environ 90 % de la masse salariale du secteur y est éligible, contre 66 % pour les autres secteurs de l’économie. En outre, cette filière bénéficie également des contrats de génération. Ce sont souvent de très petites entreprises, qui peuvent donc percevoir la somme de 4 000 euros pour l’embauche d’un jeune.

Avec la filière et les organisations professionnelles, nous avons défini dix priorités, évoluant autour de la qualité et de l’information des consommateurs, des conditions de travail des salariés et de la valorisation des métiers et des savoir-faire.

J’ai en particulier proposé la mise en place du label « fait maison », dont nous avons discuté avec certains d’entre vous, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la consommation, pour valoriser le travail des restaurateurs et mieux informer le consommateur.

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