Le projet relatif à l'économie sociale et solidaire (ESS) fera date, et pas seulement parce qu'il s'agira de la première loi consacrée à ce secteur en France. Tout en fixant les grands principes, il apporte des solutions très concrètes. L'ESS compte en effet 2,3 millions de salariés, soit 10,2 % de l'emploi salarié en France, grâce aux associations, aux fondations, aux entreprises et chantiers d'insertion, aux coopératives ou encore aux mutuelles. Avec un taux de croissance de 2,6 % sur la période 2001-2009, contre 1,1 % dans le secteur privé hors économie sociale et solidaire, il crée de nombreux emplois non délocalisables.
L'ESS constitue une façon originale d'entreprendre, une troisième voie entre la sphère administrative et celle du capitalisme classique. Elle valorise l'engagement personnel, la solidarité et les valeurs humanistes. Les entités qui s'y consacrent ne recherchent pas le seul partage des bénéfices (leurs éventuels excédents sont majoritairement consacrés à la poursuite de leurs activités), et elles instaurent dans leurs statuts une gouvernance démocratique. Toutefois, ce secteur est un secteur économique à part entière, comme l'a rappelé Benoît Hamon.
Doit-on y voir uniquement une économie de la réparation, un tiers secteur réservé aux plus démunis de nos concitoyens ? Une telle interprétation méconnaîtrait la vitalité et l'innovation de certains projets. Ainsi, une coopérative industrielle à Romans a sauvé de la disparition la tradition de la fabrication de chaussures et préservé des dizaines d'emplois, en dépit de l'indifférence des banques et des investisseurs classiques.