Commission des affaires sociales

Réunion du 15 octobre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous entamons une semaine particulièrement dense en réunions de la commission avec la présentation par Aline Archimbaud de son rapport au Premier ministre sur l'accès aux soins des plus démunis.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Merci de me donner l'occasion de vous présenter le rapport que j'ai remis en effet au Premier ministre en septembre dernier. La mission qu'il m'avait confiée faisait suite aux travaux que j'avais préalablement menés au titre de la commission des affaires sociales à l'occasion d'une proposition de loi qui portait sur l'accès aux soins des plus démunis. L'objectif de cette mission était, d'une part, de comprendre les causes concrètes des taux élevés de non-recours aux droits en ce qui concerne la couverture complémentaire universelle complémentaire (CMU-c), l'aide médicale de l'Etat (AME) et l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), d'autre part, de présenter des propositions pour lutter contre les inégalités d'accès aux soins et à la santé en général.

Les chiffres sont préoccupants puisque des millions de nos concitoyens sont concernés par des renoncements aux droits ou aux soins. Cela pose finalement un problème de cohésion sociale plus global car les difficultés ont tendance à se cumuler. Et cela aboutit à de la résignation, de l'amertume, de la colère, tous sentiments qui peuvent se révéler dans une tentation de l'extrémisme. D'autant que ces problèmes ne concernent plus seulement les personnes très précaires mais aussi celles qui se situent juste au-dessus des seuils d'accès aux droits, ce qui peut entraîner un fort sentiment d'injustice.

En outre, les retards dans la prise en charge des soins génèrent en fait des coûts colossaux pour l'assurance maladie car il est, bien évidemment, nettement plus coûteux de prendre en charge une personne aux urgences ou pour un traitement aigu que de prévenir la maladie ou de la traiter en amont.

Alors que la loi de 1999 qui a créé la CMU partait de principes humanistes de bienveillance et de protection, le millefeuille administratif a en définitive créé un véritable « parcours du combattant ».

S'est ajouté à cette complexité un discours stigmatisant de chasse à la fraude qui a marqué les esprits, alors que le montant estimé de la fraude représente une part très faible du déficit de la sécurité sociale, en tout cas un montant bien inférieur à ce que représenterait, grâce à un meilleur accès aux droits, la diminution des coûts de prise en charge.

J'ai procédé à 240 auditions et à plusieurs déplacements. Deux aspects transversaux sont apparus : d'une part, la coupure entre le sanitaire et le social qui est mal vécue par les acteurs de terrain et affaiblit considérablement l'efficacité des dispositifs ; d'autre part, la force de l'engagement de ces acteurs et en même temps le sentiment qu'ils sont au bord de l'implosion, du « burn-out ».

Le rapport contient quarante propositions que l'on peut regrouper en plusieurs parties. J'estime que ces solutions sont accessibles mais elles nécessitent une impulsion politique qui a longtemps été défaillante.

Premièrement, la nécessité d'une simplification radicale. Je propose par exemple de connecter les fichiers de la Cnaf et de la Cnam pour rendre automatique l'attribution de la CMU-c aux bénéficiaires du RSA socle, qui y ont de toute façon droit. Les dossiers à remplir peuvent parfois comprendre des dizaines et des dizaines de documents car les demandeurs doivent justifier de leurs revenus sur les douze derniers mois, ce qui est complexe pour les personnes ayant plusieurs employeurs ou travaillant par intermittence. Je propose en conséquence de fonder l'attribution de la CMU-c et de l'ACS sur le dernier revenu fiscal de référence. Cette solution peut entraîner un certain décalage mais allègerait énormément le travail des agents des caisses et faciliterait le montage des dossiers. Je propose également de fusionner l'AME et la CMU-c, ce qui apporterait là aussi des économies de gestion. Nous pourrions enfin espacer les renouvellements des droits et si possible les automatiser pour les personnes dont les situations évoluent peu.

Deuxième axe de travail, aller chercher les bénéficiaires un par un. De très nombreux bénéficiaires potentiels sont démunis face aux démarches à effectuer ou devant des procédures qu'ils ne comprennent pas. Simple exemple, tout le monde n'est pas à l'aise lorsqu'il faut passer par une plateforme téléphonique... Qui plus est, les situations des personnes précaires sont souvent particulières et doivent être traitées de manière individualisée. Des expérimentations ont été lancées sur cette question et fonctionnent mais il faut les amplifier pour aller au-devant des personnes.

Troisièmement, ouvrir de nouveaux droits. Aujourd'hui, quelqu'un qui devient bénéficiaire de l'allocation adulte handicapé (AAH), par exemple parce que sa maladie s'aggrave, est privé de CMU-c, car le montant de l'allocation dépasse de ... soixante euros le seuil d'éligibilité. Cette situation est absurde, même si je comprends bien qu'il s'agit d'un arbitrage financier aux conséquences non négligeables. Pour autant, nous devons développer une vision à long terme : la rupture de prise en charge de ces personnes aura un coût ultérieur élevé pour la société. Je propose par ailleurs de transformer l'ACS en une couverture maladie universelle complémentaire contributive ou, si cette première solution n'est pas retenue, de créer au minimum un label pour les contrats ACS comme cela a été prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. On constate en effet que beaucoup de bénéficiaires de l'ACS sont en fait très mal couverts en raison d'une qualité médiocre des contrats qu'on leur fait signer.

Quatrièmement, lever les obstacles financiers. Je suis heureuse que la ministre ait annoncé la mise en place progressive du tiers-payant intégral. Cette mesure constitue ma proposition n° 18 et je l'insère dans une logique de parcours de santé qui serait en dispense d'avance de frais et sans dépassement d'honoraires. Nous devons en effet nous appuyer sur les médecins traitants alors même que les dépassements constituent un frein gigantesque à l'accès aux soins : les généralistes font état de difficultés grandissantes à adresser leurs patients vers des spécialistes de secteur 1, ce qui est tout à fait anormal.

Cinquièmement, soutenir les structures tournées vers les populations fragiles. Je tire la sonnette d'alarme : ces structures sont au bord de l'explosion. Je propose de flécher les missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (Migac) et les autres financements plus directement vers elles, notamment les urgences et les permanences d'accès aux soins de santé (Pass) en ce qui concerne l'hôpital. Aujourd'hui, les crédits ne parviennent parfois pas jusqu'à elles et sont utilisés pour d'autres finalités.

Sixièmement, combattre et sanctionner les refus de soins. Seule une très faible minorité de praticiens a des pratiques condamnables, par exemple en donnant des rendez-vous très tardifs par rapport à ceux qu'ils donnent pour le reste de leur patientèle. Il ne s'agit aucunement de stigmatiser toute une profession ou de jeter la suspicion car, encore une fois, ces pratiques sont très minoritaires. Pour autant, elles existent et on assiste alors à une forme d'autocensure des patients et des médecins traitants qui n'adressent plus leurs malades vers ces spécialistes. J'ai travaillé sur ces questions avec l'équipe du Défenseur des droits et je propose d'élargir la définition législative du refus de soins et d'autoriser les personnes qui estiment en être victimes à se faire accompagner ou représenter par une association dans les procédures de conciliation ou de recours en justice. Je propose également d'aménager la charge de la preuve comme cela existe en matière de logement ou de discrimination, pour que la personne mise en cause réponde précisément aux éléments fournis par celle qui s'estime victime. Parallèlement, le procédé du testing doit être mis en oeuvre, non pour mettre en cause un professionnel en particulier, mais pour étudier et évaluer la situation sur un territoire.

Septièmement, développer la culture de la prévention. Là aussi, la situation est urgente et des solutions sont à notre portée. Par exemple, je propose d'autoriser la prise en charge par l'assurance maladie des actes de soins prescrits par les médecins scolaires et les médecins des services de protection maternelle et infantile (PMI). Je propose ensuite d'instaurer un bilan de santé gratuit pour tous les nouveaux bénéficiaires de la CMU-c et leurs ayants droit. En outre, je crois nécessaire de faire reculer la part du paiement à l'acte car il n'est pas adapté pour un certain nombre d'activités qui nécessite un temps variable selon les publics. J'ai ainsi visité la « maison de santé dispersée » de Lille Moulin où, à côté de sept professionnels libéraux, travaille une médiatrice santé qui s'occupe par exemple des démarches des personnes reçues ; or, cette activité importante n'est pas financée par les actes médicaux, il faut donc développer des modes de rémunération forfaitaires pour les professionnels et structures qui prennent en charge des personnes en situation de précarité. Autre proposition, il me semble nécessaire de mieux former les professionnels à la prise en charge des personnes en situation de précarité, ce qui n'existe pas aujourd'hui dans le cursus universitaire.

Huitième et dernier axe de propositions, améliorer la gouvernance du système et favoriser l'innovation. A Lille, j'ai rencontré les promoteurs de l'association « Un chez-soi d'abord » qui prennent en charge des personnes à la rue et les logent d'abord pour les soigner ensuite. On voit bien que les problèmes sont liés et doivent être traités ensemble. Or, les financements sont beaucoup trop cloisonnés entre les diverses administrations, ce qui rend quasiment impossible des projets développant une approche globale. Je propose de faciliter de telles démarches. Par ailleurs, je propose de dégager, au sein du fonds d'intervention régional (FIR), une ligne dédiée à la « santé communautaire ». L'expression « communautaire » a parfois été mal comprise ; il ne s'agit aucunement de faire du « communautarisme » mais de s'inspirer des expériences québécoises dans lesquelles des patients sont eux-mêmes formés pour animer des ateliers destinés à la population de leur quartier, ce qui permet d'apporter de la confiance et de faire franchir les premiers pas à des personnes isolées. Je propose aussi de créer un fonds de soutien à l'innovation pour encourager la créativité sociale et favoriser l'émergence de nouveaux métiers ; je pense par exemple à ce qui concerne la médiation en santé qui souffre d'une absence à la fois de financement et de reconnaissance professionnelle ou universitaire.

Je conclurai mon propos en évoquant une étude sur le « gisement moins de maladie », que j'ai présentée en annexe de mon rapport. Elle révèle de manière économétrique qu'investir en santé est intéressant aussi pour la collectivité dans son ensemble : ainsi, une famille bénéficiant de la CMU-c est moins malade grâce à cette couverture qu'une même famille n'en bénéficiant pas et le rapport entre le coût de la CMU-c et les économies réalisées en dépenses de santé est très favorable. Certes, il s'agit d'un investissement qui demande du temps à se concrétiser dans un contexte de réduction des dépenses mais l'effet est réel et mesurable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je vous remercie pour ce rapport foisonnant qui a demandé temps et énergie. Il nous est opportunément présenté à quelques jours du 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère.

Je regrette d'autant plus qu'aucun sénateur de l'opposition ne soit présent pour participer à nos travaux !

Vous faites de nombreuses propositions : comment les hiérarchiser ? Il est clair que les personnes se découragent, notamment celles qui sont isolées, et un accompagnement est nécessaire pour leur permettre de recourir à leurs droits. D'ailleurs, il vaudrait mieux parler de ces personnes-là que de celles qui fraudent ! Je m'interroge sur votre proposition relative à la PMI car, dans mon département, les médecins qui y travaillent peuvent d'ores et déjà prescrire et être reconnus par l'assurance maladie. Les choses sont peut-être différentes selon les départements. Plus généralement, nous devrons évaluer l'ensemble du fonctionnement des PMI pour mieux positionner ces structures au service des familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Leroy

Je vous remercie également pour ce travail très complet. Lors d'un déplacement au Québec, une mission de notre commission s'est intéressée aux centres de santé communautaires qui ressemblent à nos maisons de santé. Nous avons aussi dans nos territoires des expériences intéressantes : je pense notamment à la maison de santé pluridisciplinaire de Fruges dans mon département où sont présents, outre les professionnels de santé, des travailleurs sociaux et des agents de la caisse d'assurance maladie. Il est important d'approfondir ce travail pluridisciplinaire pour développer une approche globale.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Lors de notre mission au Québec, nous avons en effet été marqués par la très forte articulation entre le social et le sanitaire : il n'existe pas de coupure, de césure, entre les deux secteurs comme nous le constatons malheureusement en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

C'est un travail considérable ! Je crois qu'il est difficile de hiérarchiser les propositions car elles sont de nature et de niveau très variés. Certaines sont en cours de mise en oeuvre ou décidées ; certaines peuvent rencontrer des écueils, par exemple en se confrontant aux négociations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé. Je soutiens pleinement l'approche d'ensemble qui doit prévaloir pour appréhender les questions d'accès aux soins et de recours aux droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Je présente également mes félicitations pour ce rapport généreux qui fait clairement écho à nos valeurs de gauche. Peut-être est-ce pour cela que nos collègues de l'opposition brillent par leur absence !

On le sait, l'exclusion résulte d'un cumul de handicaps et de difficultés mais je souhaite insister sur l'importance du nombre des personnes qui dorénavant basculent dans la pauvreté : les personnes précaires ne sont plus seulement des sans domicile... Nous assistons à une massification du phénomène de renoncement aux soins. Une étude a été publiée aujourd'hui : elle révèle que 33 % des personnes y renoncent, ce qui est bien supérieur à ce qui était généralement admis jusque-là. C'est tout bonnement effrayant ! J'ai entendu le récit d'une femme atteinte d'un cancer du sein qui renonce pourtant à des soins car elle ne peut pas payer les dépassements d'honoraires et elle ne peut pas avancer les frais.

Il y a donc urgence à agir, à dépasser les voeux pieux, et les actes doivent suivre avec des mesures concrètes et financées ! Ainsi, on parle beaucoup des centres de santé qui apportent une aide essentielle dans beaucoup de territoires, je pense notamment à ceux installés dans les bassins miniers. Or, les centres de santé, qui constituent véritablement des outils très utiles, s'étiolent, dépérissent, faute de financements suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Au moment de la préparation du projet régional de santé, des diagnostics de territoire ont été élaborés : la région Nord-Pas-de-Calais est malheureusement championne de France pour beaucoup de pathologies et pour le taux de suicide. Et les poches où les taux étaient les moins bons correspondent exactement aux zones de chômage élevé !

Vous évoquez dans votre rapport des délais « anormaux » pour obtenir un rendez-vous chez certains spécialistes, par exemple des ophtalmologistes, mais dans ma région, le délai « normal » est de neuf mois ! Les patients feraient mieux de prendre le train pour aller dans le Sud de la France ou en Angleterre pour se faire soigner ! Est-ce tolérable ?

Enfin, les études médicales et paramédicales sont uniquement tournées en France vers le curatif, non vers le préventif. C'est un drame ! La prévention ne doit pas concerner seulement les plus démunis mais toute la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Les propositions que j'ai faites relèvent en effet de plusieurs niveaux : PLFSS, loi ordinaire, mesures réglementaires, plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, mais aussi de la Cnam. Elles ne sont pas compliquées techniquement ; c'est une question de volonté politique et administrative...

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Christiane Demontès, sur le projet de loi n° 805 (2012-2013) relatif à l'économie sociale et solidaire.

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Le projet relatif à l'économie sociale et solidaire (ESS) fera date, et pas seulement parce qu'il s'agira de la première loi consacrée à ce secteur en France. Tout en fixant les grands principes, il apporte des solutions très concrètes. L'ESS compte en effet 2,3 millions de salariés, soit 10,2 % de l'emploi salarié en France, grâce aux associations, aux fondations, aux entreprises et chantiers d'insertion, aux coopératives ou encore aux mutuelles. Avec un taux de croissance de 2,6 % sur la période 2001-2009, contre 1,1 % dans le secteur privé hors économie sociale et solidaire, il crée de nombreux emplois non délocalisables.

L'ESS constitue une façon originale d'entreprendre, une troisième voie entre la sphère administrative et celle du capitalisme classique. Elle valorise l'engagement personnel, la solidarité et les valeurs humanistes. Les entités qui s'y consacrent ne recherchent pas le seul partage des bénéfices (leurs éventuels excédents sont majoritairement consacrés à la poursuite de leurs activités), et elles instaurent dans leurs statuts une gouvernance démocratique. Toutefois, ce secteur est un secteur économique à part entière, comme l'a rappelé Benoît Hamon.

Doit-on y voir uniquement une économie de la réparation, un tiers secteur réservé aux plus démunis de nos concitoyens ? Une telle interprétation méconnaîtrait la vitalité et l'innovation de certains projets. Ainsi, une coopérative industrielle à Romans a sauvé de la disparition la tradition de la fabrication de chaussures et préservé des dizaines d'emplois, en dépit de l'indifférence des banques et des investisseurs classiques.

La commission des finances rendra aujourd'hui un avis tandis que celle des lois présentera des amendements fin octobre en vue de l'examen du texte en séance le 6 novembre prochain. La commission des affaires économiques est compétente pour examiner au fond le projet de loi. C'est pourquoi j'ai jugé pertinent de limiter le champ de notre saisine aux articles ayant un lien direct ou indirect avec le code du travail : les articles 7, 9, 11, 12, 22, 33, 45, 49, 52 et 53, soit dix articles sur les cinquante-trois que compte ce projet très dense.

L'article 7 remplace l'agrément solidaire par un nouvel agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » (Esus). Pour l'obtenir, les entreprises devront satisfaire aux conditions fixées à l'article 1er du projet. Celui-ci définit des principes communs de gestion et de gouvernance, aussi bien pour les acteurs historiques appartenant de plein droit au champ de l'économie sociale et solidaire, que pour les sociétés commerciales qui souhaitent l'intégrer. L'entité devra poursuivre un objectif d'utilité sociale défini à l'article 2, et remplir les autres conditions posées à l'article 7, en matière de rémunération des salariés par exemple. Les entreprises et chantiers d'insertion, et les autres structures analogues, bénéficieront de plein droit de l'agrément Esus, si elles respectent les dispositions de l'article 1er. Enfin, certains organismes de financement ou des établissements de crédit seront assimilés aux Esus sous certaines conditions.

L'article 7 forme la clef de voûte du projet de loi. Les équilibres trouvés résultent de négociations depuis un an avec tous les acteurs concernés. L'objectif du Gouvernement est clair : fixer des principes communs à tous les acteurs actuels de l'économie sociale et solidaire, tout en ouvrant la porte à de nouveaux acteurs sans brader les valeurs historiques du mouvement. Il serait toutefois souhaitable, en fin de navette parlementaire, de consolider ces dispositions en évitant les renvois à des dispositions non codifiées.

L'enjeu de l'agrément est important car sa délivrance par les services des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ouvre l'accès à des dispositifs de soutien fiscal et de financement par les fonds solidaires gérés par des sociétés spécialisées dans l'épargne salariale, dont l'encours est estimé à 2,6 milliards d'euros en juin 2012, sur un total d'encours d'épargne salariale avoisinant 89,2 milliards d'euros.

L'article 52 fixe les nouvelles règles de validité des « agréments solidaires ». Leur durée s'établit actuellement à deux ans en cas de première demande, et à cinq ans en cas de renouvellement. A l'entrée en vigueur de la loi, les entreprises bénéficieront de plein droit, pendant la durée restante de validité de l'agrément solidaire, du nouvel agrément Esus pour une période d'au moins une année.

L'article 9 prévoit qu'au-delà d'un certain seuil, les grands acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales les plus importantes, devront établir un schéma de promotion des achats publics socialement responsables, afin d'encourager le recours aux clauses sociales. Ce schéma est intéressant car il permettra de réserver des marchés à des entreprises employant des personnes handicapées, mais aussi des personnes défavorisées. La réglementation du code des marchés publics, ainsi que la législation en matière de contrat de partenariat et de délégation de services publics, ne visent actuellement que l'insertion des personnes handicapées. Mais cet article anticipe l'adoption de la directive européenne relative aux marchés publics, qui devrait avoir lieu en décembre prochain, et qui étendra le bénéfice des clauses d'insertion aux personnes défavorisées.

Les articles 11 et 12 facilitent la transmission d'entreprises aux salariés, tant lors des cessions de fonds de commerce que lors de la vente de parts sociales donnant accès à la majorité du capital dans les sociétés. Souvent, en effet, les chefs d'entreprises, surtout de TPE et PME, rencontrent des difficultés pour transmettre leurs entreprises. Le Gouvernement estime que, chaque année, plus de 50 000 emplois sont supprimés faute de repreneurs d'entreprises en bonne santé. Les experts comptables et notaires évaluent à 17 000 le nombre de PME employant de 5 à 100 salariés transmises chaque année, ce qui est loin d'être négligeable.

Dans les entreprises employant moins de 50 salariés, aucune cession de fonds de commerce ou des parts sociales majoritaires ne pourra intervenir avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'intention de vendre. Dans les entreprises employant de 50 à 249 personnes, l'information des salariés ne serait pas enserrée dans un délai, compte tenu de la consultation obligatoire du comité d'entreprise. Dans tous les cas, les salariés seront en mesure de manifester leur souhait de proposer un projet de rachat. L'article 53 précise que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux cessions conclues trois mois au moins après la publication de la loi.

Les vives réactions des organisations représentatives d'employeurs ne me paraissent pas justifiées. Tout d'abord, le dispositif ne concerne pas les entreprises en mauvaise santé financière qui font l'objet d'une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ni les procédures de transmission à un conjoint, un ascendant ou un descendant. Ensuite, aucun droit de préférence n'est instauré au profit des salariés, eu égard au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre, principes de valeur constitutionnelle. En outre, les salariés pourront reprendre les entreprises en société coopérative de production (Scop), mais également sous forme de société anonyme ou de société à responsabilité limitée de droit commun s'ils le souhaitent. De même, ils pourront certes saisir la juridiction compétente pour annuler une cession ou une vente de parts sociales réalisées en méconnaissance du droit à l'information préalable, mais cette saisine devra être faite dans un délai de deux mois à compter de la date de cession. Des milliers d'emplois pourraient être préservés grâce à ces nouvelles procédures d'information.

Les articles 11 et 12 concernent le code de commerce et ne modifient pas les attributions des comités d'entreprise, à la différence de la proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle, également appelée proposition de loi « Florange ».

Comblant un oubli du législateur, l'article 22 autorise les sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) à conclure des emplois d'avenir. Les mécanismes coopératifs et participatifs des Scic sont identiques à ceux des Scop, mais leur capital est ouvert à des membres divers, publics comme privés.

L'article 33 instaure dans la septième partie du code du travail un nouveau contrat pour les entrepreneurs salariés associés d'une coopérative d'activité et d'emploi (CAE). On compte aujourd'hui une centaine de CAE environ en France, regroupant 5 000 personnes. Selon la confédération générale des Scop, le projet de loi favorisera la création de plus de 10 000 emplois dans les cinq ans. Ces coopératives, nées au début des années 1990, poursuivent un objectif original, puisqu'elles accueillent des porteurs de projet, comme des artisans dans le BTP ou des artistes, leur offrant à la fois un accompagnement pendant la phase de test (qui peut durer trente-six mois), et des services mutualisés comprenant notamment la gestion financière, sociale et administrative. Ces coopératives ne doivent pas être confondues avec les couveuses d'activité et les sociétés de portage salarial. En outre, les entrepreneurs dans les CAE se distinguent des auto-entrepreneurs, car ils sont salariés et évoluent dans une structure collective.

Les salariés de CAE, toujours plus nombreux, demandent un cadre juridique sécurisé. En effet, le cadre de droit commun du contrat de travail ne leur est pas adapté. L'absence de lien de subordination avec les dirigeants de la coopérative, le calcul de leur rémunération sur la base du chiffre d'affaires réalisé et le risque contentieux ont plaidé pour la création de règles spécifiques. C'est pourquoi l'article 33 fixe les règles de ce nouveau contrat, qui n'est pas, d'un point de vue juridique, un contrat de travail. Toutes les dispositions prévues dans le code du travail s'appliqueront aux entrepreneurs salariés associés, sauf disposition expresse contraire. Le projet de loi précise en outre que tout entrepreneur salarié a vocation à devenir associé de la coopérative.

L'article 45 donne la possibilité aux fondations employant moins de neuf salariés d'utiliser des chèques-emplois associatifs. Enfin, l'article 49 ajoute, dans les cahiers des charges des éco-organismes, des dispositions prévoyant les conditions et limites dans lesquelles est favorisé le recours aux entreprises d'insertion et aux autres structures analogues qui bénéficient de plein droit de l'agrément Esus.

Les amendements que je vous proposerai clarifient et sécurisent juridiquement certaines dispositions, sans remettre en cause l'équilibre général des articles, compte tenu de la forte concertation ces douze derniers mois sur ce texte.

Devant la commission des affaires économiques comme en séance publique, début novembre, j'attirerai l'attention de nos collègues et du ministre sur des sujets qui dépassent le cadre de notre avis, comme la place de l'insertion par l'activité économique ou encore la définition de l'utilité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Notre rapporteure pour avis a accompli un remarquable travail de recherche et d'explication. Cependant, les élus que nous sommes sont souvent confrontés à des fermetures d'entreprises rentables. Le candidat François Hollande s'était engagé à créer un droit de préférence pour les salariés souhaitant reprendre leur entreprise en coopérative. Le simple droit d'information prévu par ce texte nous laisse sur notre faim. Des marges d'améliorations existent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Le candidat François Hollande entendait, en effet, instaurer une clause de préférence. Cependant, ce projet de loi est l'aboutissement d'une large concertation avec aussi bien les acteurs historiques de l'économie sociale et solidaire que les partenaires sociaux. Or leurs positions étaient très divergentes : certains, au nom de la liberté d'entreprendre, refusaient jusqu'au principe d'un droit à l'information, tandis que d'autres voulaient aller beaucoup plus loin. J'ajoute que les juristes ont émis des réserves d'ordre constitutionnel sur l'introduction dans le projet de loi d'un droit de préférence. Ce texte résulte ainsi d'un équilibre. La question mérite toutefois un débat politique en séance publique, et je vous fais confiance pour cela.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 7

L'amendement rédactionnel n° 1 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Mon amendement à l'article 9 ne figure pas dans la liasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Il sera examiné, comme les amendements extérieurs, par la commission des affaires économiques, saisie au fond. L'amendement n° 2 supprime la référence à une valeur plancher liée au Smic dans la fourchette des rémunérations. Ainsi, parmi les conditions fixées pour obtenir le nouvel agrément Esus, il faudra que la moyenne des cinq rémunérations les plus élevées ne dépasse pas un plafond fixé à sept fois la moyenne des cinq rémunérations les plus faibles dans une entité donnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Oui, pour éviter les trappes à bas salaires.

L'amendement n° 2 est adopté.

L'amendement n° 3 améliore la présentation des entités bénéficiant de l'agrément Esus et ajoute à la liste les acteurs du logement et de l'hébergement des personnes défavorisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Avec cette énumération, ne risque-t-on pas d'oublier certaines structures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

L'introduction d'une liste dans le projet de loi initial résulte d'une recommandation du Conseil d'Etat. Le risque est faible que nous ayons oublié des structures.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous évitons aussi que certaines structures qui n'auraient pas droit à cet agrément en bénéficient.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Quid des Scop ? Ne font-elles pas partie de l'économie sociale et solidaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

L'article 7 ne concerne que les conditions d'obtention de l'agrément Esus. C'est l'article 1er qui définit les entités appartenant à l'économie sociale et solidaire, dont le périmètre est plus large que celui couvert par l'agrément Esus. Au-delà des Scop, nous nous sommes interrogés pour savoir quelle devait être la place des structures d'insertion par l'activité économique (Siae) : fallait-il les placer à l'article 1er parmi les membres historiques de l'économie solidaire et sociale, ou les maintenir à l'article 7 parmi les bénéficiaires de plein droit de l'agrément Esus, étant précisé qu'un grand nombre d'entre elles sont sous statut d'entreprise commerciale ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

La mention des « entreprises adaptées » au 9° paraît très large.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Je voudrais également savoir ce que désignent « les entreprises adaptées ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Il s'agit des entreprises qui emploient majoritairement des personnes handicapées.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Il nous faudra définir des critères exigeants pour reconnaître une entreprise de l'économie sociale et solidaire. L'économie sociale et solidaire consiste en un mélange d'esprit citoyen, d'activité marchande et de soutien des pouvoirs publics. Nous aurons le débat en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

ATD-Quart-monde relève-t-elle du champ de la loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cela est possible. Je précise en tout cas que la liste des associations énumérées dans l'objet de l'amendement n'est pas exhaustive.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

A mes yeux, cette association de type loi 1901 appartient de droit au champ de l'économie sociale et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Pourquoi mentionner les services de l'aide sociale à l'enfance ? Ils dépendent...

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Le texte n'ouvre pas un droit inconditionné à l'agrément. Des vérifications auront lieu. Tous les services de l'aide sociale à l'enfance ne seront pas concernés, ni toutes les structures. Il existe des établissements qui gèrent des services de l'aide sociale à l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le texte mentionne les entreprises produisant des biens mais omet les associations de services à la personne. J'ai déposé un amendement visant à étendre le dispositif à ce type d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous faites référence à l'alinéa 7 de l'article 1er. Je m'engage à y revenir devant la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 3 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° 4.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Grâce à l'amendement n° 5, les acheteurs publics pourront s'appuyer sur les structures où sont employés des facilitateurs des clauses d'insertion, comme les maisons de l'emploi ou les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (Plie), afin de repérer les marchés pertinents, rédiger des clauses d'insertion, repérer les publics et accompagner les entreprises titulaires des lots dans la mise en oeuvre des clauses sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Le code des marchés publics contient déjà des clauses favorables à l'insertion sociale. Il faut de la cohérence. Veillons à ne pas superposer les textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

La rédaction proposée semble créer une obligation et non simplement ouvrir une opportunité aux acheteurs publics. Dans mon département, j'ai eu recours aux services intégrés pour développer l'insertion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'article 14 du code des marchés publics qui concerne l'économie sociale et solidaire mentionne les critères sociaux et environnementaux. Ces derniers ne figurent pas dans la rédaction proposée. Je déposerai un amendement pour le rétablir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Lorsque nous confions des missions sociales financées par le fonds social européen (FSE), l'Europe nous oblige à procéder par appel d'offres.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cet amendement prévoit que dans chaque région est signée une convention entre le représentant de l'Etat et un ou plusieurs organismes d'insertion. Sans établir aucune obligation pour les collectivités territoriales, il crée un cadre juridique. Certaines collectivités territoriales sont en avance dans ce domaine, mais d'autres peuvent avoir besoin d'être parties à cette convention.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Pourquoi ne pas écrire que dans chaque région, « il peut être » conclu une convention ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Soyons volontaristes. Les collectivités ne sont pas contraintes, mais il importe de fixer le cadre. Le préfet doit inciter ou informer les collectivités. Il faudra également mentionner les conditions environnementales à l'article 9, qui figurent déjà dans le code des marchés publics. Je soutiendrai l'amendement de M. Godefroy devant la commission des affaires économiques. Il pourra d'ailleurs être représenté en séance publique s'il n'est pas adopté demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous nous abstenons pour le vote de cet amendement.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 11

L'amendement rédactionnel n° 6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Avec mon amendement n° 7, les salariés des entreprises de 50 à 249 salariés, dépourvues de comité d'entreprise, seront informés dans un délai de deux mois avant la cession d'un fonds de commerce dans les mêmes conditions que les salariés des entreprises de moins de 50 salariés.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article 12

L'amendement de clarification n° 8 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

L'amendement n° 9 obéit à la même préoccupation que l'amendement n° 7.

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 33

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Nous en arrivons à l'article 33, qui traite des coopératives d'activité et d'emploi. Mon amendement n° 10 répond à un souci de cohérence juridique.

L'amendement n° 10 est adopté.

L'amendement n° 11 simplifie et précise la rédaction des alinéas 13 à 23. Il comble un vide juridique concernant les entrepreneurs salariés qui ne sont pas associés de la coopérative.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Les associés des coopératives ont un statut bien défini, mais pourquoi le droit commun ne s'appliquerait-il pas aux simples salariés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Les coopératives d'activité et d'emploi, contrairement aux Scop que nous connaissons, rassemblent des entrepreneurs, qu'elles aident à lancer leur activité.

Le projet de loi prévoit qu'un entrepreneur salarié peut tester son projet pendant trente-six mois maximum, mais qu'il doit ensuite devenir associé de la coopérative. Naturellement, l'entrepreneur peut aussi à tout moment quitter la coopérative pour fonder sa propre société. Mon amendement vise à sécuriser un dispositif original qui favorise la création d'activités économiques. Une Scop, quant à elle, peut employer des salariés sans limite de temps.

L'amendement n° 11 est adopté.

L'amendement n° 12 est dans la continuité du précédent : il définit le contrat conclu par un entrepreneur salarié qui est devenu associé.

L'amendement n° 12 est adopté.

L'amendement n° 13 corrige une erreur matérielle.

L'amendement n° 13 est adopté.

L'amendement n° 14 supprime l'alinéa 30, redondant.

L'amendement n° 14 est adopté.

L'amendement n° 15 corrige une erreur matérielle.

L'amendement n° 15 est adopté.

L'amendement n° 16 est rédactionnel.

L'amendement n° 16 est adopté.

Avec l'amendement n° 17, il s'agit de supprimer le mot « associé », dans un souci de clarification.

L'amendement n° 17 est adopté.

Mon amendement n° 18 supprime un alinéa rendu inutile par l'amendement n° 12 que nous avons adopté.

L'amendement n° 18 est adopté.

L'amendement de clarification n° 19 est adopté.

Article 52

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Nous ignorons à quelle date la loi sera promulguée. Les assemblées générales des entités de l'économie sociale et solidaire ne se réunissant en général qu'une fois par an, il convient de leur donner un délai supplémentaire pour modifier leurs statuts et répondre ainsi aux conditions fixées à l'article 7 pour obtenir le nouvel agrément Esus. Par mesure de précaution, je vous invite donc à adopter l'amendement n° 20 qui fixe à deux ans minimum la durée de validité de l'actuel agrément solidaire.

L'amendement n° 20 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS

La commission procède à l'audition de M. Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, sur le projet de loi n° 1412 (AN-XIVe) de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous poursuivons maintenant nos auditions sur le PLFSS 2014.

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

Ce PLFSS ne comprend pas de mesures spécifiques à la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), hormis son financement. A cet égard, si le projet de loi s'inscrit dans la poursuite du rétablissement de l'équilibre de la branche, il prévoit une hausse significative de la dotation transférée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) : elle passe d'un peu plus de 100 millions d'euros cette année à 413 millions l'an prochain, la moyenne des années antérieures se situant aux alentours de 300 millions.

La hausse de ce transfert, décidée par le Gouvernement, me paraît s'expliquer par plusieurs raisons. Une bonne nouvelle d'abord : l'accélération du traitement des dossiers entraîne mécaniquement une hausse des dépenses. En outre, l'indemnisation concerne de plus en plus des préjudices graves. La réévaluation des provisions accroît le coût moyen des dossiers. Il faut également reconstituer le fonds de réserve prudentielle, asséché cette année et qui, compte tenu de l'incertitude attachée à tout mécanisme assurantiel, doit couvrir entre deux et trois mois d'activité. Enfin, pas plus que cette année, où l'on avait choisi de puiser dans le fonds de roulement, il n'y aura l'an prochain de dotation de l'Etat au Fiva. J'ai cru comprendre que la dotation du Fiva avait été définie in extremis, après la présentation du PLFSS, ce qui explique pourquoi elle repose entièrement sur la branche AT-MP, alors que l'Etat y contribue habituellement à hauteur de 50 millions d'euros environ.

La situation est exceptionnelle : l'an prochain, la dotation du Fiva devrait très vraisemblablement revenir aux alentours de 300 millions d'euros. Evidemment, le choix du Gouvernement réduit l'excédent de la branche AT-MP, qui devrait servir à rembourser la dette - elle s'élève à environ 2 milliards d'euros. D'autre part, le financement du Fiva étant mutualisé entre les entreprises, toute hausse de la part mutualisée de la tarification réduit d'autant la part ciblée sur les entreprises à forte sinistralité, ce qui diminue la capacité de la branche à user de la tarification comme d'un outil de prévention.

La convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la branche AT-MP doit être signée avant la fin de l'année : les dernières réunions auront lieu la semaine prochaine au plus tard, puis le projet sera soumis à la commission AT-MP en novembre. Ce texte structurant fixera des orientations et des objectifs opérationnels assez précis pour les quatre ans à venir. Il répondra aux préoccupations exprimées en septembre par les partenaires sociaux, ainsi qu'aux recommandations émises par la Cour des comptes et l'Inspection générale des affaires sociales. Outre une partie programmatique, il comprendra un volet budgétaire assurant le financement des activités de prévention et de tarification des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) - la réparation des préjudices, qui occupe les deux tiers de nos agents, relevant de la convention d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la branche maladie. En effet, la branche AT-MP, sur le plan opérationnel, repose au niveau régional sur la branche vieillesse, et au niveau des caisses primaires sur la branche maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Voilà plusieurs années que la Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la branche AT-MP. Il est vrai que, cette année, elle ne l'a pas exactement refusé, mais s'est dite dans « l'incapacité » de le faire... Les choses progressent-elles ? Peut-on espérer que les comptes seront bientôt certifiés ?

Lors d'une audition, M. le ministre du budget avait assuré que l'excédent de la branche AT-MP servirait à rembourser la dette inscrite dans les comptes de l'Acoss. Ne voit-on pas cet objectif s'éloigner, compte tenu de l'absence de toute participation de l'Etat au financement du Fiva, et du prélèvement opéré sur votre excédent ? Deux milliards d'euros de dette, ce n'est pas rien.

Quel bilan tirez-vous de la nouvelle tarification ? A-t-elle eu un effet sur l'ampleur du contentieux, qui coûte chaque année près de 500 millions d'euros à la branche ? Quelle place la nouvelle convention d'objectifs et de moyens fait-elle à la prévention ? Comment le compte de prévention de la pénibilité prévu par le projet de loi sur les retraites s'articulera-t-il avec le fonctionnement de la branche AT-MP ? Enfin, savez-vous si l'Etat s'engage à de nouveau apporter sa contribution au financement du Fiva en 2015 ? Le rapport du Sénat estimait que, compte tenu de la responsabilité de l'Etat dans le scandale de l'amiante, sa participation devrait être d'environ 30 %.

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

La question de la certification de nos comptes n'a rien de formel : il s'agit de la sécurité financière de la branche, dont le budget s'élève à 12 milliards d'euros. Le problème tient à l'impossibilité de définir précisément le niveau de la provision pour risque contentieux. Naguère, cette provision n'existait pas : le coût des contentieux était simplement mutualisé entre les entreprises. C'était une erreur comptable, mais aussi politique, puisque la mutualisation réduit notre capacité à prévenir les accidents du travail.

Paradoxalement, le problème est accru par le fait que la branche est à l'équilibre : dans ces conditions, une erreur de 100 millions d'euros peut convertir un excédent en déficit, et changer qualitativement la situation comptable de la branche. En outre, nous avons du mal à comptabiliser les contentieux en cours.

Pour y remédier, il est prévu de créer un logiciel spécialisé de gestion des contentieux, qui servira aussi à la branche maladie. Il y faudra au moins deux ans. En attendant, nous préparons avec la Cour des comptes l'enquête questionnaire auprès des caisses primaires pour faire l'inventaire des contentieux en cours au 31 décembre de cette année. Malgré cela, il n'est pas sûr que nous obtenions l'an prochain la certification.

La Cour nous reproche également le manque de contrôle interne sur la tarification. Ce contrôle devrait porter aussi bien sur la branche elle-même que sur ses relations avec les Urssaf. Nous y travaillons. Toutefois, je reste persuadé qu'il n'y aura pas de contrôle interne satisfaisant tant que nous n'aurons pas simplifié la tarification. On compte en France plus de 600 codes risques, contre 40 tout au plus chez nos voisins européens. Cette catégorisation ne correspond à aucune autre : elle est incompatible avec la nomenclature d'activités française (NAF) utilisée par l'Insee. Le travail de simplification en cours n'aboutira pas avant quelque temps : il faudra rechercher un accord entre partenaires sociaux, dans le cadre des comités techniques nationaux des branches professionnelles. C'est l'intérêt des entreprises comme des salariés.

Pour en revenir au Fiva, tout prélèvement sur notre excédent réduit d'autant notre capacité à rembourser notre dette. Cependant, je ne conteste pas le montant global de la dotation du Fiva, qui correspond à ses besoins. La participation habituelle de l'Etat, de l'ordre de 50 millions d'euros, est somme toute relativement marginale, même si j'aurais évidemment apprécié d'avoir un excédent supérieur de 50 millions... Bien que je n'aie pas d'information sur les intentions de l'Etat pour 2015, j'ai bon espoir qu'il participera de nouveau au financement du fonds, parce qu'on aura mieux anticipé les choses. En outre, le fonds ayant retrouvé d'ici là un certain équilibre, sa dotation globale devrait repartir à la baisse.

La nouvelle tarification n'avait pas pour but de réduire le risque contentieux. A cet égard, le décret entré en vigueur en 2010, qui encadre les possibilités de recours relatifs à l'instruction des dossiers en fixant un délai de deux mois, s'est révélé très efficace, en particulier pour les contentieux procéduraux. La réforme de la tarification visait à rendre celle-ci plus lisible aux yeux des entreprises, en la forfaitisant et en la reliant plus étroitement aux sinistres. En revanche, elle pourrait susciter des contentieux d'ordre médico-administratif, du fait de l'importance des seuils : 90 000 euros pour un préjudice occasionnant une incapacité professionnelle de 39 %, 400 000 euros pour une incapacité de 40 %. Cela incite naturellement à sous-évaluer l'incapacité... Tout dépend de la qualité du travail fait avec les médecins-conseils. Ce contentieux-là ne peut être réduit par décret.

Au-delà de l'utile réforme de la tarification, il faut réfléchir à une simplification, pour améliorer le service rendu et inciter à la prévention. Le système actuel est trop complexe. Il pèse sur les agents, rend difficile le contrôle interne et peu lisible le mécanisme assurantiel. Dès lors, la tarification ne joue pas son rôle d'outil de prévention. Or la branche AT-MP a précisément pour objet de prévenir ces drames humains que sont les accidents du travail et maladies professionnelles.

La prévention primaire occupe une grande place dans le projet de convention d'objectifs et de gestion. Nous avons tenu compte de certaines recommandations de la Cour des comptes, en particulier sur la nécessité d'identifier des priorités, de définir des cibles et d'évaluer l'impact de nos actions. En revanche, la question des tableaux ou celle des trajets nous paraissent être plutôt du ressort de l'Etat. Nous ne sommes pas non plus tout à fait favorables à l'utilisation comme principal indicateur de la valeur du risque, croisement de la fréquence et du coût individuel du risque. Si cet indicateur traduit la gravité d'un accident du travail, très bien. S'il traduit le niveau de responsabilité professionnelle du salarié, il n'est pas pertinent : nous n'avons pas à traiter différemment un cadre supérieur et un ouvrier spécialisé. Je ne sais que répondre à votre question sur la pénibilité...

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

On comprend bien l'intérêt de la création du compte pénibilité. Toutefois, je crains qu'il se heurte au principe de prévention. Souvent, une entreprise choisira d'offrir à ses salariés une compensation - par exemple une formation - plutôt que réduire la pénibilité de leurs tâches, comme l'exposition à des agents cancérogènes. Et les salariés feront le même arbitrage, plutôt que de se prémunir contre le risque de tomber malades vingt ou trente ans plus tard...

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

Or la branche AT-MP est bien fondée, depuis 1898, sur l'intérêt commun des employeurs et des salariés à prévenir les risques professionnels. Nous verrons ce que diront les décrets. Dans les entreprises où les travailleurs sont exposés à des facteurs de pénibilité importants, il faudra mener en même temps des actions de prévention. Pour le reste, je ne sais comment les choses s'organiseront au sein des Carsat, sinon que les ingénieurs et inspecteurs du travail pourront être sollicités. Là encore, il faut attendre les décrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Je n'ai pas bien compris pourquoi l'Etat se désengageait cette année du Fiva. C'est une décision lourde de sens, car l'indemnisation des victimes de l'amiante devrait relever de la solidarité nationale. Les sommes en jeu ne sont pas si considérables.

Un environnement de travail cancérogène n'est pas seulement pénible, il est dangereux. Envisage-t-on d'intervenir dans les processus de production des entreprises, l'organisation du travail, ou se contentera-t-on d'informer les salariés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les députés sont passés très vite sur le compte pénibilité, dont les contours seront définis par décret. Comment, par qui et avec qui ? La loi reconnaît déjà les accidents du travail, les maladies professionnelles, l'invalidité, l'incapacité. La médecine du travail, elle, doit prévenir tous les risques : cancers, mais aussi silicose du boulanger, par exemple. Quant à la pénibilité, je ne sais pas ce que c'est, et je me pose beaucoup de questions sur le nouveau compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

La pénibilité est déjà reconnue, par exemple quand des travailleurs de nuit partent plus tôt à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Certes. Cependant, la longévité des travailleurs de nuit et de jour est sensiblement la même. Les premiers ont même tendance à vivre plus longtemps...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Si favorable que je sois à l'instauration d'un compte pénibilité, je ne vous cacherai pas mes inquiétudes. Dans l'entreprise où je travaillais, on n'avait aucun mal à trouver des volontaires pour les tâches pénibles, récompensées par des primes ou un départ à la retraite anticipé. Ne perdons pas de vue la prévention.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Vous soulevez là un problème très important. On sait que les travailleurs de nuit, même lorsqu'ils font valoir leur droit à un repos compensateur plutôt que de demander une rallonge financière, préfèrent en général prendre ces temps de repos successivement plutôt que selon le rythme préconisé par les chronobiologistes. A nous, législateurs, de réduire les risques professionnels plutôt que de les valoriser. Certaines conditions de travail, comme l'exposition aux nanoparticules, pourraient être dangereuses, sans que l'on en soit sûr. En revanche, on connaît très bien les risques associés à d'autres situations, et l'on sait les prévenir.

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

La loi prévoit que l'Etat subventionne le Fiva ; il l'a fait tous les ans sauf l'année dernière, où le financement s'est fait par prélèvement sur le fonds de roulement, et cette année, où la définition du montant a été trop tardive pour figurer dans le PLFSS. Si nous nous y prenons assez tôt, nous devrions avoir un financement équilibré à l'avenir, grâce à une subvention qui a du sens en termes de responsabilité collective.

Les facteurs de la pénibilité sont déterminés par décret : certains sont précis, tels que le travail de nuit ou le travail posté ; d'autres, tels que l'exposition aux agents cancérogènes ou la manipulation de charges lourdes seront soumis à un seuil.

Comme Mme Catherine Génisson, je considère que parallèlement à la mise en place du compte pénibilité, une prévention ciblée doit soustraire le plus possible les salariés aux risques auxquels ils sont soumis. Ainsi notre convention définit-elle trois domaines prioritaires dans les quatre années à venir : les chutes dans le secteur du bâtiment et travaux publics, les troubles musculo-squelettiques, qui occasionnent de grandes souffrances dans l'agro-alimentaire et la grande distribution, et l'exposition aux agents cancérogènes. Nous cherchons ainsi à substituer à ces derniers des agents inoffensifs ou à installer des dispositifs protecteurs, tels que des aspirateurs de fumée. Nous menons d'ores et déjà ces actions, et nous continuerons à le faire dans chaque entreprise où des comptes pénibilité seront ouverts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Comment les entreprises sollicitées pour financer la branche AT-MP réagiront-elles ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Comment concilier deux démarches incompatibles, puisqu'elles reposent l'une sur des prescriptions libérales et l'autre sur des prestations socialisées ?

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

Très politique, une telle question dépasse mon domaine de compétence.

Les entreprises ne décideront pas du niveau de tarification ; celle-ci, à la différence de la branche AT-MP, sera double : d'une part sur l'ensemble des entreprises et d'autre part sur les entreprises où un risque est avéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Dans la branche AT-MP, les très petites entreprises comptent très peu d'accidents, de même que les grandes. Les entreprises entre vingt et cent-cinquante salariés concentrent l'essentiel des accidents.

Debut de section - Permalien
Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnamts

On remarque en effet une sur-sinistralité dans ces entreprises qui forment la majeure partie de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Si elles ne veulent pas trop payer, elles auront intérêt à faire de la prévention. Nous avons reçu des salariés qui ont du mal à faire valoir leurs droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je crains que le réflexe ne soit l'absence d'embauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je remercie M. Martin d'avoir répondu à nos questions.