Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 6 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai récemment présenté devant vous le projet de loi d'orientation agricole, rapporté par Gérard César, Joël Bourdin étant rapporteur pour avis de la commission des finances.

Ce texte trace des perspectives pour l'agriculture française dans les quinze prochaines années, dans un cadre international et communautaire en évolution. Il offre au secteur agricole une ambition et des moyens, et, conformément au cap fixé par le Président de la République, doit permettre de bâtir une « agriculture économiquement forte et écologiquement responsable ».

La commission mixte paritaire constituée pour examiner ce projet de loi doit se réunir cette semaine, et c'est le 22 décembre prochain que la Haute Assemblée pourra se prononcer définitivement.

Le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui donne donc dès 2006 les moyens financiers nécessaires pour s'inscrire dans le cadre tracé par cette loi d'orientation.

Nous sommes également, nombre d'entre vous l'ont rappelé, dans la dernière ligne droite des négociations de l'OMC, une semaine avant le sommet de Hong-Kong. Naturellement, cette échéance est très importante pour la France, et, si nous sommes très attachés au multilatéralisme, nous n'entendons pas pour autant que le cycle de Doha remette en cause les principes fondateurs de la PAC telle qu'elle résulte des réformes de 2002 et de 2003. Notre détermination est totale, et le Premier ministre l'a répétée aujourd'hui même, lors du déjeuner, quand il a reçu à Matignon Peter Mandelson, commissaire européen au commerce.

Notre action a permis de rassembler autour de nos thèses un nombre important de nos partenaires européens - nous ne sommes donc pas isolés, bien loin de là - et d'enrayer une nouvelle dégradation de l'offre européenne qui aurait pu être de nature à remettre en cause la réforme de la PAC de 2003 et la préférence communautaire. Mais autant vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous restons particulièrement vigilants !

Nous sommes fermes sur ces positions, d'abord parce que l'agriculture est un secteur stratégique pour notre pays, bien sûr, y compris pour ses industries agroalimentaires, mais aussi parce que, s'agissant des enjeux européens, il nous faut mettre en oeuvre parallèlement, avec pragmatisme et progressivité, la réforme de la PAC de 2003, qui est pleinement engagée depuis 2005.

Vous le savez, sans la politique agricole commune, et c'est certainement pour cette raison qu'elle est parfois attaquée, l'agriculture française n'en serait pas là où elle en est aujourd'hui. La PAC, je le rappelle, représente 8 milliards d'euros d'aides directes annuelles pour la « ferme France » au titre du premier pilier, et 2 milliards au titre du deuxième, et ce jusqu'en 2013.

J'ouvre ici une parenthèse afin de répondre à Gérard Cornu au sujet des dates de paiement des aides. La France a toujours eu pour principe de payer au premier jour permis, soit désormais le 1er décembre. Je souligne que ce n'est pas une obligation, mais bien un choix politique national en faveur de notre agriculture.

Nous pouvons au demeurant obtenir des dérogations lorsque des conditions exceptionnelles exposent les agriculteurs à de graves difficultés financières ; ces dérogations ne peuvent toutefois pas porter sur plus de 50 % des crédits de l'exercice en cours. C'est ainsi que cette année, parce que nous souhaitions aider les filières concernées, nous avons obtenu un paiement anticipé de l'aide laitière au 16 octobre et de la prime à la brebis et à la chèvre et de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes au 1er novembre.

La politique agricole qui est conduite articule les trois niveaux : international, communautaire et national. Il faut que nous soyons bons à chacun de ces échelons pour que l'agriculture française reste sur le podium mondial, qui, là encore, ne compte que trois marches.

Le projet de budget pour 2006 a été établi de façon à donner des moyens dès l'année prochaine et à poursuivre l'adaptation progressive de l'agriculture française selon une triple exigence, qui, je crois, est partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée.

Il nous faut d'abord avoir une agriculture forte, alors que l'environnement international est de plus en plus compétitif : vous aviez raison, monsieur Courteau, de souligner que ce dernier point est particulièrement bien illustré par le domaine viticole. Nous devons également mettre en oeuvre la politique agricole commune rénovée. Enfin, il est indispensable de répondre aux attentes de plus en plus larges de nos concitoyens en matière de protection de l'environnement et de qualité sanitaire des aliments, attentes que M. Jacques Blanc a évoquées tout à l'heure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez d'autant plus que vous êtes en train d'examiner l'ensemble du projet de loi de finances : nous sommes dans un contexte difficile de contrainte budgétaire. Malgré cela, l'effort en faveur de l'agriculture et de la pêche est maintenu puisque le projet de budget du ministère s'élève à 5 011 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2, 5 %. Cette enveloppe, dans le cadre de la LOLF - à laquelle, je le reconnais, nous devons encore nous habituer, parce que dans un premier temps nous perdons tous un peu nos repères -, regroupe les moyens attribués à quatre missions, dont trois sont interministérielles. Vous vous êtes déjà prononcés sur l'enseignement agricole, et vous examinerez ce soir la mission « Sécurité sanitaire ». J'évoquerai donc principalement la première mission : « Agriculture, pêche et affaires rurales », qui représente 2 951 millions d'euros.

Je rappellerai toutefois que le total des concours publics à l'agriculture représentent 29 milliards d'euros : près de 10 milliards d'euros de financements européens, que j'ai déjà mentionnés ; 12, 5 milliards d'euros pour la protection sociale agricole, dossier très important que beaucoup d'entre vous ont évoqué ; enfin, et nombre d'entre vous l'ont abordé aussi, notamment M. Amoudry, les aides des collectivités locales.

Nous avons donc bâti ce budget suivant quatre orientations, dans le respect de l'esprit de la loi d'orientation agricole qui va voir le jour sous peu : il s'agit de sécuriser les revenus des exploitants ; de stimuler l'initiative et l'innovation, notamment à travers l'enseignement agricole et la recherche ; de développer l'agriculture en cohérence avec les attentes de la société dans les domaines de l'aménagement du territoire, du respect de l'environnement et de la sécurité de l'alimentation ; enfin, d'adapter l'organisation de l'administration pour que le ministère soit en mesure d'accompagner ces mutations décisives de l'agriculture.

Notre première ambition est donc d'avoir une agriculture forte, ce qui passe d'abord, soyons clairs et simples, par la garantie du revenu des exploitants.

L'agriculture est confrontée à des aléas spécifiques, climatiques et économiques. Dans la continuité des actions engagées en 2005 par Hervé Gaymard, notamment l'assurance-récolte, le projet de budget répond à ces enjeux. J'ajoute que la politique de maîtrise des risques intervient évidemment en complément des accords négociés avec l'Union européenne quant au maintien des aides et à leur découplage partiel.

Vous savez que le Premier ministre m'a demandé de déposer d'ici à quelques semaines un mémorandum pour réfléchir à l'évolution que nous souhaitons pour la PAC, en particulier en matière de gestion des risques, et j'espère qu'un très grand nombre d'États de l'Union joindront leur signature à la mienne, ce qui donnera à ce document la plus grande force politique possible.

Pour répondre à ces crises qui sont le lot des agriculteurs, le projet de budget pour 2006 prévoit une majoration des crédits destinés aux agriculteurs en difficulté : cette ligne, qui avait eu tendance à baisser dans les budgets précédents, est dotée de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Des prêts bonifiés de consolidation de dette et des prêts « calamité » sont également prévus, pour un montant correspondant à environ 220 millions d'euros de moyens d'intervention, sous forme d'enveloppe de prêts.

Nous poursuivons la réforme des mécanismes de protection contre les calamités agricoles, point que nous avons largement abordé dans la discussion du projet de loi d'orientation agricole : la dotation du dispositif d'incitation à l'assurance-récolte - lequel, expérimenté en 2005, a été un formidable succès sur le terrain - progresse de 100 %, atteignant 20 millions d'euros en 2006. Je souligne, monsieur Soulage, car je vous sais très attentif à cette question, que la dotation inscrite dans le projet de loi de finances pourra être abondée par le fonds national de garantie des calamités agricoles.

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