Le texte dont nous nous sommes saisis pour avis manifeste la forte mobilisation du Gouvernement sur la question du logement et de l'urbanisme. Il vise à dissiper nombre des incertitudes du droit en la matière, notamment pour ce qui intéresse la préemption. Il modifie aussi largement le droit de la copropriété.
Plusieurs propositions que nous avons formulées dans notre récent rapport d'information sur les outils fonciers à disposition des élus locaux trouvent leur traduction dans ce vaste projet de loi. Aussi ambitieux soit-il, son périmètre est toutefois limité : les questions relatives à l'urbanisme commercial ou à l'aménagement rural sont renvoyées à d'autres textes portant spécifiquement sur ces matières.
En tant que rapporteur pour avis, j'ai souhaité travailler en complémentarité avec les rapporteurs de la commission des affaires économiques, saisie au fond, et je vous propose des amendements qui portent plus particulièrement sur les relations contractuelles entre bailleur et locataire -nous avons travaillé sur ce point en bonne intelligence avec le conseil supérieur du notariat et l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat-, le droit des sols et le droit de préemption.
À l'article 1er, je vous propose de supprimer des dispositions qui, par leur absence de précision, portent atteinte à la sécurité juridique des relations contractuelles entre bailleurs et locataires. La définition de la « résidence principale » est trop restrictive car fondée sur la durée d'occupation du local et le dispositif relatif au paiement partiel du loyer est inintelligible en l'état.
Je vous propose ensuite de modifier l'article 1er bis pour permettre à l'un des partenaires d'un pacs, au moment de sa dissolution, de saisir le juge pour se voir attribuer le bail du logement du couple. A l'article 2, je suis réservé sur diverses dispositions, notamment sur le dispositif visant à lutter contre les opérations immobilières purement spéculatives : il est assez dérogatoire au droit commun puisqu'il permet à la commune d'exproprier le propriétaire pour maintenir le locataire dans son logement. S'agissant de l'article 22 bis relatif aux immeubles en jouissance à temps partagé, il nous est apparu nécessaire d'encadrer les possibilités de retrait d'un des associés.
En ce qui concerne les copropriétés, en lien avec les réflexions de M. Dominique Braye, ancien sénateur et président de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), en intégrant les réflexions du rapport de notre collègue M. Claude Dilain et après avoir entendu le Conseil supérieur du notariat, je vous propose des mesures destinées à rendre plus opérationnels les outils de connaissance de la situation des copropriétés en améliorant les dispositifs d'information prévus par le texte. Je vous propose une nouvelle rédaction de l'article 23. Sans revenir sur le principe du registre d'immatriculation des copropriétés, je suggère de limiter les informations à lui transmettre, aux pièces que la copropriété ou son syndic pourra aisément fournir, ainsi que d'élargir sa publicité et de revoir le régime de sanction du syndic défaillant. Quant au « fonds de prévoyance » de l'article 27, je recommande de le rendre obligatoire pour toutes les copropriétés, pas seulement celles qui ont plus de dix lots. Les personnes ayant qualité pour intervenir en tant que mandataire ad hoc ou administrateur provisoire appelés dans le cadre des procédures de redressement prévues aux articles 29 et 30, méritent également d'être précisées.
En ce qui concerne les documents de planification et d'urbanisme, le rapport conjoint de la commission des finances et de la commission des lois consacré aux outils fonciers des collectivités territoriales avait déjà souligné la nécessité de simplifier leur hiérarchie. L'article 63 propose une généralisation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) pour l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, c'est-à-dire, en pratique, pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération, les métropoles et les communautés urbaines étant déjà compétentes de plein droit. Cela répond à un souci de cohérence : le niveau des intercommunalités est la bonne échelle géographique pour traiter des enjeux d'urbanisme stratégiques.
Toutefois, l'élaboration d'un plan local d'urbanisme intercommunal ne saurait se concevoir sans associer étroitement l'ensemble des communes membres : pour assurer le succès d'une telle démarche, comme nous l'avons recommandé dans le rapport d'information précité, les modalités pratiques de coproduction des outils de planification par les communes et l'établissement public de coopération intercommunale doivent être précisées. À cet égard, je souscris à la proposition de la commission des affaires économiques du Sénat qui, à l'initiative de son rapporteur, M. Claude Bérit-Débat, prévoit le transfert de la compétence PLU aux communautés de communes et d'agglomération, dans le délai de trois ans à compter de la publication de la loi, sauf si une minorité de blocage, constituée de 25 % des communes représentant au moins 10 % de la population de l'intercommunalité, s'oppose à ce transfert. En cas de refus du transfert, il y aurait cependant une « clause de revoyure » : l'établissement public de coopération intercommunale délibèrerait à nouveau sur le transfert de la compétence après le renouvellement de l'organe délibérant. Quand le transfert de la compétence deviendrait effectif, l'établissement public déciderait lui-même du moment propice pour l'élaboration d'un PLUi ou il le ferait lors de la révision d'un PLU applicable dans son périmètre.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques n'a pas remis en cause les procédures engagées antérieurement à la promulgation de la présente loi, ce dont je me félicite. Cela signifie concrètement que les PLU ou les cartes communales en cours d'élaboration ou de révision sur le périmètre de la communauté pourront être achevés par la commune, en tout état de cause, dans le délai de trois ans suivant la publication de la loi. Cet amendement, adopté à une large majorité par la commission des affaires économiques, répond donc à une inquiétude légitime des élus communaux tout en facilitant, sans l'imposer, le transfert de la compétence aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération. L'intercommunalité est, et doit en effet demeurer, une coopération de communes et il est donc essentiel que l'exercice d'une compétence de cette importance repose sur l'adhésion et la participation des communes membres.
Concernant la délégation des aides à la pierre, le projet de loi propose d'élargir les délégations de compétences de l'État en faveur des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Je vous proposerai de permettre à ces EPCI d'être signataires des conventions d'utilité sociale (CUS) des bailleurs sociaux de leur territoire, tout en supprimant la limitation des possibilités de conclure ces conventions pour les bailleurs.
Concernant les schémas de cohérence territoriale (SCoT), le projet de loi pose le principe de l'absence d'opposabilité directe au plan local d'urbanisme des normes supérieures opposables au SCoT et comporte diverses améliorations. Je vous proposerai des amendements de précision car il y a nécessité de clarifier le paysage des schémas en matière d'aménagement du territoire. A cet égard, au nom de la cohérence, il est indispensable de conforter le rôle de la région pour l'aménagement du territoire.
Je n'ai aucune observation sur la modernisation de la carte communale et la transformation des plans d'occupation des sols en PLU. Le projet de loi prévoit également de réduire le seuil de mise à disposition gratuite des services de l'État pour l'instruction des documents d'urbanisme, dans le but d'inciter les communes à acquérir leur autonomie dans ce domaine. Il faudra que les moyens humains ainsi dégagés soient orientés vers le conseil et l'accompagnement aux collectivités afin d'aider les territoires ruraux à stimuler leur développement local. Sur les problématiques du foncier, on peut regretter que rien ne figure dans le texte sur l'information en matière foncière. Je vous présenterai un amendement pour encourager les collectivités à mettre en place un système d'information géographique.
S'agissant de la préemption, le projet de loi n'apporte pas la grande réforme attendue mais propose une série de modifications, en élargissant l'exercice du droit de préemption, en abordant la question lancinante de la cession de parts de sociétés civiles immobilières et en traduisant dans le code de l'urbanisme plusieurs solutions jurisprudentielles. Je me félicite des avancées du projet de loi en matière d'information des titulaires du droit de préemption, mais aussi du renforcement des droits des personnes privées.
Je tiens à saluer un amendement de nos collègues centristes, adopté par la commission des affaires économiques, visant à soumettre au droit de préemption les mutations à titre gratuit, sauf entre membres de la même famille. Il s'agit de régler un problème de contournement de la loi par des donations fictives. Par ailleurs, m'inspirant des travaux de nos collègues Esther Benbassa et Jean-René Lecerf, je proposerai un amendement pour lutter contre l'usage du droit de préemption à des fins discriminatoires.
Le projet de loi comporte des dispositions utiles pour lutter contre le phénomène des « marchands de sommeil ». Je proposerai toutefois de rétablir le texte de l'Assemblée nationale sur la question du régime d'autorisation préalable à la mise en location. Il ne s'agit pas d'instaurer un « permis de louer », mais de permettre aux collectivités de faire des contrôles sur la décence des logements.
Enfin, je vous proposerai un amendement tendant à autoriser la ratification d'une ordonnance importante du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, prévue par la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction dont nous avons eu à connaître il y a quelques mois.
Ainsi, j'ai cherché à compléter les travaux de la commission des affaires économiques, saisie au fond, tout en me plaçant pleinement dans le domaine de compétence de la commission des lois. Tel est le sens des 37 amendements que je vous soumets.