Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 23 septembre dernier, pour la première fois, une femme a été élue à la présidence du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, le SYNDEAC. Il s’agit de Madeleine Louarn, la directrice du théâtre de l’Entresort de Morlaix, ville chère à Marylise Lebranchu, et actuellement dans la tourmente, tout comme le département dans lequel elle est située.
Plus d’un demi-siècle après Jeanne Laurent, une autre finistérienne, va donc se poursuivre au féminin l’œuvre de décentralisation culturelle ! On ne peut que s’en féliciter ! Et pour que le bonheur soit plus complet, je rappelle que sur quatre présidents délégués au SYNDEAC, trois sont des femmes.
Une fois n’est pas coutume, dans le domaine de l’art et de la culture, véritable « bastion sexiste », comme l’indiquait un grand quotidien du soir, voilà quelques semaines. Car, contrairement à beaucoup d’idées reçues, la situation des femmes y est bien peu réjouissante : les inégalités sont frappantes !
À cet égard, je reprendrai vos propres mots, madame la ministre : « Le constat est sévère : dans les institutions culturelles, même si une prise de conscience commence à se faire jour et que les femmes artistes en particulier multiplient les interventions, la situation leur reste défavorable, qu’il s’agisse des nominations, de leur place dans les programmations artistiques, ou encore de l’accès aux moyens de production et de diffusion ».
Depuis quelques mois, la question de l’inégalité entre les hommes et les femmes en général – et je remercie Mme Najat Vallaud-Belkacem d’avoir présenté dernièrement un projet de loi sur ce sujet que le Sénat a adopté en première lecture – mais aussi dans le monde de la culture a fait l’objet d’une attention grandissante de la part des médias et de l’opinion publique.
Des collectifs donnent régulièrement l’alerte, qu’il s’agisse du Collectif H/F, présent dans une dizaine de régions – récemment en Bretagne –, ou du groupe La Barbe, qui multiplie les actions. Ce dernier a ainsi dévoilé le peu de place fait aux réalisatrices dans la sélection officielle du Festival de Cannes ou s’est encore invité, au mois de juin 2012, sur la scène du théâtre de l’Odéon lors de la présentation de la saison 2012-2013 pour dénoncer la programmation des quatorze spectacles à venir, quatorze textes écrits par des hommes, quatorze spectacles mis en scène par des hommes. Plutôt choquant, convenez-en !
La place des femmes dans l’art et la culture a été analysée de façon remarquable par la délégation aux droits des femmes dans le rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Ce document indique que, sept ans après – je dis bien « sept ans » ! – le premier rapport de Reine Prat sur le sujet, la discrimination envers les femmes est la même.
Je ne vais pas citer tous les chiffres que les orateurs précédents ont déjà donnés. Je souhaiterais néanmoins rappeler que 85 % des textes que nous entendons ont été écrits par des hommes, 78 % des spectacles que nous voyons sont mis en scène par des hommes, 57 % des spectacles sont chorégraphiés par des hommes, alors que les spectateurs sont majoritairement des spectatrices. Ces œuvres, comme nous l’a dit une directrice artistique d’un festival féminin itinérant, sont en réalité « amputées d’une vision de l’autre pôle de l’humanité ».
Poids des maux, choc des taux : telle est la situation navrante !
De plus, derrière les chiffres se cache un discours sous-entendu, souvent pointé du doigt par le Collectif H/F : les femmes seraient-elles dépourvues d’autorité, ou encore de talent ?
Pourquoi sont-elles alors si peu nombreuses à accéder à la direction des institutions culturelles ? Pourquoi n’occupent-elles que 18, 4 % des postes à responsabilité de l’administration culturelle ? Pourquoi cet effet de glaciation ? Pourquoi l’arrivée de femmes aux affaires jetterait-elle un grand trouble, pour reprendre les mots d’Ariane Mnouchkine dans un article du journal Le Monde du 19 juillet dernier ? « Elles ne sont pas prêtes. Elles ne sont jamais assez prêtes. On risque de nommer des incompétentes ». Telles sont les remarques qui peuvent être entendues et qui sont relevées par la fondatrice du théâtre du Soleil qui poursuit : « Oui. C’est vrai. C’est même ça, l’égalité. Depuis des siècles, d’innombrables fois, on a nommé à d’innombrables postes, d’innombrables hommes incompétents. »