Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays consomme trop et mal le médicament. C’est ce qui ressort du rapport qui vous a été remis le 16 septembre dernier, madame la ministre, par les professeurs Dominique Costagliola et Bernard Bégaud.
Ce constat n’est malheureusement pas nouveau. Depuis de nombreuses années et malgré quelques progrès, la France est l’un des pays développés ayant le plus fort taux de consommation de médicaments par habitant. Au hit-parade des médicaments consommés se trouvent, entre autres, antalgiques, antihypertenseurs, statines et anxiolytiques.
Ce pourrait être révélateur d’une meilleure prise en charge du patient, mais nombre d’indicateurs ne plaident pas forcément en faveur de cette hypothèse. D’ailleurs, le rapport Bégaud-Costagliola souligne aussi que notre pays est « celui dans lequel les prescriptions non conformes, qu’il s’agisse des recommandations d’autorisation de mise sur le marché, AMM, ou des données actualisées de la science semblent le plus fréquentes, si ce n’est banalisées ».
Je ne prendrai qu’un exemple. La consommation française de benzodiazépines est huit fois supérieure à celle de l’Allemagne et six fois supérieure à celle du Royaume-Uni et les durées de traitement se révèlent de deux à sept fois plus longues que celles qui sont recommandées dans les prescriptions normales !
Les prescriptions sans apparente justification ou même clairement contre-indiquées sont particulièrement prévalentes dans les populations fragiles – sujets âgés, nourrissons et jeunes enfants –, et ce en raison d’une absence d’information ou d’une information incomplète. Selon une étude récente conduite par l’hôpital européen Georges-Pompidou, certaines personnes de plus 80 ans consommeraient en moyenne dix médicaments différents par jour.
Un autre constat s’impose. Notre structure de prescription avantage les médicaments nouveaux, généralement les plus coûteux. Dans les pathologies qui nécessitent un antiagrégant plaquettaire, le Clopidogrel, dont le princeps bien connu est le Plavix, seize fois génériqué dans notre pays, pourrait dans un certain nombre de cas être remplacé par de l’aspirine, comme cela se pratique plus souvent en Allemagne ou en Italie.
L’impact sanitaire et économique de cette situation est de toute évidence considérable. Les auteurs du rapport évaluent à plus de 100 000 le nombre de malades hospitalisés pour une pathologie iatrogène, avec un coût estimé de plus de 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie en y incluant les prises en charge induites par cette pathologie. Dans un système aux ressources contraintes, vous en conviendrez, madame la ministre, ce n’est guère justifiable !
Pourquoi cette exception française ? Pour les professeurs Bégaud et Costagliola, les causes sont à rechercher dans « l’organisation de notre système de soins et de remboursement ainsi que [dans le] faible niveau de culture de santé publique qui caractérise notre pays ».