La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire.
Vendredi dernier, le tribunal de commerce de Rennes a validé le plan de continuation de l’activité de la société Gad, actant du même coup la fermeture de l’abattoir de Lampaul-Guimiliau et la disparition de 889 emplois. Le lendemain, la presse locale évoquait la possible, sinon probable, suppression de 80 emplois par la société Jean Caby, toujours à Lampaul-Guimiliau.
En un très court laps de temps, près de 1 000 emplois seront ainsi supprimés dans cette commune de 2 000 habitants, ce qui plongera de très nombreuses familles et toute une population dans une profonde détresse. Après la suppression de 1 000 emplois chez Doux, puis de 400 autres chez Marine Harvest, l’hécatombe se poursuit dans l’agroalimentaire finistérien.
Monsieur le ministre, à l’issue de la réunion d’urgence qui s’est tenue hier à Matignon, les salariés de la société Gad ont reçu la confirmation que des mesures de soutien seraient prises sous la forme de contrats de sécurisation professionnelle. Ces salariés n’ont jamais ménagé leurs efforts pour faire vivre une entreprise dont ils étaient fiers, mais son actionnaire principal, la Centrale coopérative agricole bretonne, la CECAB, les laisse aujourd’hui brutalement au bord du chemin.
La nécessaire solidarité ne doit pas en rester là. Au-delà de l’accompagnement des salariés privés d’emploi par cette tragédie industrielle, il y va de l’avenir de tout un territoire. À cet égard, je m’associe à la demande d’un moratoire sur l’écotaxe formulée par le président du conseil régional de Bretagne. Si ce nouvel impôt est maintenu, il ne conduira qu’à affaiblir encore un peu plus l’économie d’une région excentrée, déjà pénalisée géographiquement. La sagesse et la raison commandent de réserver une suite favorable à cette demande.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
L’égalité des territoires ne doit pas être une vaine formule. Il est de la responsabilité de l’État de tout mettre en œuvre pour soutenir la Bretagne et sa pointe occidentale, pour accompagner ce territoire dans l’épreuve qu’il traverse.
Monsieur le ministre, je souhaite savoir si, en complément des mesures annoncées hier, vous prévoyez de mettre en place des contrats de site mobilisant l’État, les collectivités territoriales et les chambres consulaires dans les bassins d’emploi sévèrement touchés, comme le pays de Landivisiau, afin de contribuer à les adapter, à les revitaliser et à leur redonner enfin espoir en l’avenir.
Plus précisément, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler la forme de l’engagement de l’État auprès de la communauté de communes du pays de Landivisiau, qui vient de demander à la CECAB de lui céder la propriété du site de Lampaul-Guimiliau dans le but de favoriser l’arrivée d’un repreneur et la relance de l’outil ? §
Monsieur le sénateur, vous avez raison : la Bretagne, du moins certaines de ses filières et certains de ses territoires, traverse une période extrêmement difficile et douloureuse. C’est en particulier le cas des salariés de la société Gad, que la fermeture de l’abattoir de Lampaul-Guimiliau laisse aujourd'hui sur le carreau.
Il est de notre responsabilité de gouvernants d’apporter des réponses non seulement concrètes, mais aussi durables. C’est le sens du pacte d’avenir pour la Bretagne qu’a présenté hier le Premier ministre. Ce pacte sera mis en œuvre sans tarder et sera finalisé avant la fin de l’année, au terme d’une mobilisation que nous voulons très large, puisque nous souhaitons qu’elle réunisse l’ensemble des forces vives de la région.
Concrètement, que signifie répondre à l’urgence ? Cela veut dire accompagner les salariés licenciés des entreprises que vous avez citées ; je pense en particulier à ceux de la société Gad. Le contrat de sécurisation professionnelle comprend le maintien de près de 100 % du salaire net pendant un an pour tout salarié qui en fait la demande. Au cours de cette période sont aussi prévus un dispositif de formation, afin de préparer la reconversion, et une aide directe à la recherche d’emploi. Voilà une manière tangible de marquer la solidarité de l’État.
Cependant, il faut aller plus loin. Nous nous sommes d’ores et déjà employés, Stéphane Le Foll et moi-même, à mobiliser les entreprises du large bassin d’emploi dont fait partie Lampaul-Guimiliau. Nous travaillons en particulier avec les entreprises du secteur agroalimentaire pour examiner les possibilités d’accueil et de reclassement des salariés licenciés à Lampaul-Guimiliau. Voilà, là encore, comment s’organise aujourd'hui concrètement la solidarité.
Il faut également préparer l’avenir. Le Premier ministre a déjà annoncé une première mesure en ce sens : l’État favorisera, via l’établissement public foncier régional, la cession à la communauté de communes du site de la société Gad à Lampaul-Guimiliau. C’est ainsi que nous pourrons avancer.
M. Guillaume Garot, ministre délégué. Au-delà – et j’en terminerai sur ce point, monsieur le président –, préparer l’avenir implique d’activer les outils que sont la Banque publique d’investissement, la BPI, et le programme d’investissements d’avenir pour soutenir l’investissement, l’innovation et les exportations des entreprises agroalimentaires installées en Bretagne. Il y a un magnifique potentiel et nous croyons tous en l’avenir de ce grand secteur économique en Bretagne.
Applaudissements
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
L’élection du président Rohani semble ouvrir une nouvelle page des relations entre l’Iran et la communauté internationale : le discours à l’ONU, suivi d’entretiens au plus haut niveau, la fin du négationnisme et l’annulation de la journée antisioniste sont autant de signes encourageants qui témoignent de la volonté de l’Iran de revenir sur la scène internationale.
Les négociations sur le nucléaire qui se sont déroulées à Genève ces derniers jours semblent, elles aussi, en progrès, l’Iran ayant officiellement accepté les visites inopinées sur ses sites. Même s’il semble que rien n’ait encore été transcrit dans les textes, le dialogue semble donc plus constructif.
Rentrant d’Iran, je peux, sans naïveté et en toute lucidité, témoigner que les Iraniens attendent beaucoup de leur nouveau président, qui est soumis à des pressions importantes de la part de factions extrémistes. Au passage, je vous confirme le retour en force des entreprises américaines dans ce pays…
L’image de l’Iran s’est tellement dégradée, de son fait, que l’on comprend aisément la prudence et la méfiance de la communauté internationale. C’est d'ailleurs à dessein que j’ai utilisé le verbe « sembler » au lieu de procéder par affirmations : à l’évidence, la situation demeure délicate.
Monsieur le ministre, chacun connaît vos réserves à l’égard de l’Iran. J’aimerais cependant savoir quelle position le Gouvernement entend prendre face à la nouvelle donne que constitue l’ouverture amorcée par le président Rohani et qui est si importante pour la stabilité de toute la région. §
Madame la sénatrice, incontestablement, il y a un changement de ton depuis l’élection du président Rohani. Nous attendons que ce changement de ton se traduise par un changement de fond.
Des réunions intéressantes se sont tenues hier et avant-hier à Genève. Les problèmes relatifs au nucléaire ont été abordés. Tout a été discuté. Une nouvelle réunion aura lieu les 7 et 8 novembre prochain. Il est trop tôt pour tirer des conclusions, d’autant que le comportement de l’Iran ces dernières années – le Guide est resté le même – nous incite à ce que j’appellerais une ouverture prudente.
Je vous ai bien entendue, madame la sénatrice. Il ne faudrait pas que des initiatives individuelles contredisent ce qui est la position générale de la France. Chacun comprendra ce que je veux dire…
Nous suivons ce dossier avec beaucoup d’attention. La France est une puissance de paix, mais elle a une longue expérience et ne confond pas l’apparence avec la réalité. Croyez que, dans le dialogue qui s’est installé entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne, d'une part, et l’Iran, d'autre part, la France tiendra totalement son rôle. À cet égard, je rappelle que le Président de la République est le premier chef d’un grand État occidental à avoir rencontré le président Rohani. J’ai moi-même eu différents contacts avec mon homologue iranien.
Madame la sénatrice, je vous confirme que le gouvernement français défendra les intérêts de la France, de la communauté internationale et de la paix. §
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Je suis désolé de vous interroger aussi souvent, monsieur le ministre, mais, comme vous le savez, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées suit avec attention l’évolution de la présence de la France en Afrique. Elle a d'ailleurs constitué un groupe de travail sur ce thème, qui devrait prochainement publier le résultat de ses travaux, afin de contribuer à la préparation du sommet de l’Élysée au mois de décembre prochain.
Monsieur le ministre, vous revenez d’Afrique du Sud où vous avez accompagné le Président de la République. Pouvez-vous nous dresser le bilan de cette visite d’État dans un pays qui est un acteur majeur du continent africain ? L’un des objectifs de cette visite était le renouvellement de notre partenariat politique, qui porte notamment sur la gestion des crises en Afrique. Je pense évidemment au Mali, à Madagascar et, surtout, à la situation en Centrafrique.
Ma question est double : quel bilan dressez-vous de cette visite en Afrique du Sud et que pouvez-vous nous dire de la position de la France sur la situation en Centrafrique ? §
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Carrère, je réponds toujours avec beaucoup de plaisir et d’intérêt aux questions posées par les sénateurs, aux vôtres en particulier.
Exclamations amusées.
Je ne répondrai qu’à la première partie de votre question – j’espère que vous m’en excuserez –, car une question sur la Centrafrique me sera posée tout à l’heure.
Le Président de la République a effectué une visite d’État en Afrique du Sud que nous estimons très réussie.
L’Afrique du Sud est un pays extrêmement important non seulement en soi, puisqu’il compte plus de 50 millions d’habitants, mais aussi au regard de la position qu’il occupe au sein tant du continent africain que de la communauté mondiale. Il ne faut pas oublier que le S de l’acronyme BRICS correspond à South Africa.
Nous avons abordé tous les sujets.
Sur le plan politique, le partenariat stratégique, qui correspond tout à fait aux attentes de l’Afrique du Sud et aux nôtres, a été puissamment renouvelé et, à l’occasion de cette visite, le président Zuma a montré à l’égard de la France des attentions toutes particulières.
Sur le plan économique, le bilan de la visite est excellent. Notre grande entreprise Alsthom a ainsi signé le plus grand contrat qu’elle ait jamais conclu, ce qui créera des emplois tant en Afrique du Sud qu’en France. Celui-ci prévoit aussi un volet de formation professionnelle à laquelle les Sud-Africains sont, à juste titre, très attachés.
Sur le plan culturel, tout va bien. Les Saisons croisées, auxquelles nombre de sénateurs sont associés, remportent un franc succès.
Enfin, nous avons parlé de l’ensemble de l’Afrique. Le président Zuma a insisté sur un point que nous partageons totalement : au-delà des affinités francophones, anglophones ou lusophones, l’Afrique est une unité dans sa diversité. Et le président sud-africain a reconnu que la France y avait toute sa place. C’est ainsi que l’Afrique du Sud a apporté son soutien à notre action au Mali. Nous avons également évoqué la Centrafrique. Le président Zuma a accepté officiellement l’invitation du Président de la République au sommet de l’Élysée qui doit se tenir au début du mois de décembre prochain. À cette occasion, nous parlerons avec les Africains de la façon d’assurer leur sécurité.
Cette visite a donc été très positive ; elle fut en même temps émouvante, compte tenu du souvenir de l’Apartheid dont ce pays a su se libérer. Hommage a ainsi été rendu à Nelson Mandela. On peut dire que l’Afrique du Sud et la France sont des pays amis !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE – MM. Jean-Claude Lenoir et Robert del Picchia applaudissent également.
Elle porte sur le drame du naufrage de Lampedusa, survenu le 3 octobre dernier. Plus largement, puisque l’on ne découvre malheureusement pas ces tragédies, elle concerne la nécessaire prise de conscience qu’il nous appartient d’avoir, après qu’environ 400 personnes ont encore trouvé la mort en mer Méditerranée, augmentant ainsi le déplorable et affligeant bilan de près de 25 000 décès depuis vingt ans dans des conditions similaires.
Dans une tribune intitulée « Lampedusa : l’Europe assassine », les responsables des plus grandes organisations de défense des droits humains concluent : « Non, le drame de Lampedusa n’est pas le fruit de la fatalité. Il n’est dû ni aux passeurs voraces ni aux pêcheurs indifférents. Les morts de Lampedusa, comme ceux d’hier et de demain, sont les victimes d’une Europe enfermée jusqu’à l’aveuglement dans une logique sécuritaire, qui a renoncé aux valeurs qu’elle prétend défendre. »
En effet, comme ont su l’affirmer récemment les écologistes au Parlement européen, il est désormais nécessaire « d’activer la directive sur la protection temporaire, de secourir les migrants en mer, de développer les programmes de réinstallation [et] de délivrer des visas humanitaires ».
Il me semble, en effet, qu’« organiser la mobilité » et « développer les canaux légaux de circulation » sont les seuls moyens de protéger les migrants.
Notre groupe l’a d’ailleurs rappelé, hier, au Sénat, à l’occasion du débat préalable au prochain Conseil européen.
Par ailleurs, le moment n’est-il pas venu de relancer le processus de Barcelone, à l’origine du partenariat Euromed, et de lui donner un nouveau souffle en invitant à une vision commune à l’échelon européen dans la résolution des conflits régionaux de la rive sud ? Cette solution passe évidemment par la reprise des négociations israélo-palestiniennes. N’est-ce pas le sens du rapport du 28 avril 2010 de M. Peillon ?
En outre, au lieu de tenter péniblement de cautériser les plaies et de contenir l’hémorragie avec des garrots nommés Frontex ou Eurosur, attelons-nous à en soigner la cause via un processus de prévention passant par le développement et la solidarité internationale, et en poursuivant notre action au sein du Partenariat de Deauville pour soutenir les pays arabes en transition et l’Afrique subsaharienne. Ce sont les termes et le sens de la décision n° 2 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 qu’il nous appartient désormais de réaliser. §
Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante
Ah ! sur les travées de l'UMP. – Mme Esther Benbassa proteste
: le Président de la République s’étant engagé, la semaine dernière, à « proposer une politique à nos partenaires qui s’articulerait autour d’un triptyque prévention, solidarité, protection », quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre afin de tenir cet engagement ?
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Nathal ie Goulet applaudit également.
Madame la sénatrice, devant tous ces morts, je pense que sur toutes ces travées se ressent la même indignation que celle que vous venez d’exprimer.
La Méditerranée est devenue une espèce de cimetière à ciel ouvert et nous avons assisté à des scènes absolument épouvantables.
L’indignation est nécessaire, mais il faut maintenant passer à l’action. Vous y invitez non seulement le gouvernement français, mais aussi l’ensemble de l’Europe. Celle-ci s’articulera autour de deux axes, le développement et la protection.
Il faut déjà avoir à l’esprit que les migrants qui viennent en Europe ne le font pas par plaisir.
Ils sont poussés par la faim et la misère, parfois par des régimes politiques abjects, comme en Érythrée.
Quelles que soient les mesures que l’on peut prendre, une mère qui sait que, en restant là où elle vit, ses enfants n’auront aucun avenir, voudra toujours s’en aller.
Une politique de développement est absolument fondamentale, personne dans cette enceinte ne peut le contester. Certains pays l’ont d’ailleurs pratiquée avec efficacité ; je pense notamment aux accords passés entre le Maroc et l’Espagne, mais aussi à d’autres initiatives ayant impliqué la France hier ou encore aujourd’hui.
En même temps, il faut des actions de protection. Madame la sénatrice, je suis moins sévère que vous sur un certain nombre d’instances que vous avez citées, même si elles sont insuffisamment dotées. Nous avons besoin que Frontex puisse jouer pleinement son rôle, ce qui n’est pas le cas à cause des restrictions budgétaires contre lesquelles vous vous êtes d’ailleurs à juste titre élevée.
Nous avons aussi besoin qu’Eurosur fasse son travail, car nous devons agir beaucoup plus efficacement contre les filières de passage, qui sont indispensables aux migrants et qui pratiquent des tarifs effrayants. Véritablement, on rançonne la misère humaine !
Le Président de la République, en liaison avec le président du Conseil italien, a proposé de mettre ce sujet à l’ordre du jour du prochain Conseil européen qui se tiendra à la fin du mois d’octobre. Nous y travaillons avec nos collègues de l’Europe du Sud. Un certain nombre de mesures ont déjà été esquissées ; elles seront précisées au cours de cette prochaine réunion.
Croyez bien que nous sommes décidés à agir dans ce sens. Tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous considérons que l’indignation est absolument nécessaire, mais qu’elle ne remplace pas l’action politique, qui nous appartient à tous, pour que ce scandale puisse enfin cesser. §
J’en viens à ma question : 900 emplois sont supprimés à l’abattoir Gad dans le Finistère, 700 emplois le seront d’ici à la fin de l’année 2015 chez Natixis, 1 000 emplois sont menacés chez Alcatel.
Après PSA, Goodyear, Heuliez, Sanofi et Florange, c’est l’économie de notre pays, en particulier dans des régions comme la Bretagne, qui est visée en plein cœur.
Nous sommes bien loin de la « nouvelle France industrielle » que vous prônez, monsieur le ministre !
Il n’y a pas de fatalité devant une telle situation, mais le choix de l’austérité a été fait.
Cette austérité a un autre nom dans le domaine des finances publiques : réduction des services publics et des prestations sociales. C’est elle qui entraîne la baisse du pouvoir d’achat.
Cette austérité a un autre nom dans l’entreprise privée : réduction du coût du travail. En clair, il s’agit de préserver ou d’accroître les profits en licenciant et en bafouant le droit du travail.
Cette politique, monsieur le ministre, n’est pas conforme aux engagements de la campagne présidentielle. §
Cette politique est un non-sens pour l’intérêt général. Elle ne peut plus durer, car elle a assez duré.
La gauche, si elle veut rester la gauche, ne peut valider plus longtemps des choix qui doivent avouer leur nom : ce sont des choix libéraux soumis à l’ordre libéral européen.
Monsieur le ministre, il faut aujourd’hui avoir le courage de faire un constat lucide : ce sont la colère, le désarroi, le fatalisme qui montent dans le pays ! Un vent mauvais se lève, qui apporte populisme ou xénophobie. Ce sentiment monte, car les conditions de vie de notre peuple se dégradent de mois en mois.
Nous vous l’avons déjà dit l’année dernière : en ratifiant le traité budgétaire européen, en cassant le droit du travail avec l’ANI ou en multipliant les cadeaux inefficaces aux entreprises, comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, vous faites fausse route.
Le courage, monsieur le ministre, c’est de faire la politique pour laquelle vous avez été élu : mettre un coup d’arrêt aux licenciements en interdisant les licenciements boursiers et non en accompagnant les suppressions d’emplois, diriger de manière réelle et efficace l’argent de notre pays, qui compte le plus de millionnaires en Europe, vers l’emploi.
Madame la sénatrice, notre appareil productif a subi des pertes de compétitivité. Les coûts de production sont trop élevés, qu’il s’agisse de ceux de l’énergie, du travail ou du capital – on ne peut nier ce dernier problème.
Face à ces difficultés, quelle est la stratégie du Gouvernement ?
Tout d’abord, nous nous efforçons d’endiguer les pertes d’emplois. Partout sur nos territoires, nous essayons de conserver du mieux possible nos outils industriels, nos savoir-faire technologiques et humains.
Évidemment, il y a des échecs, mais il y a aussi des succès. Et c’est d’eux que je souhaite vous parler.
Hier, nous avons sauvé en Alsace une entreprise importante, Clestra, qui fabrique des cloisons amovibles. Celle-ci était en cessation de paiement, ce qui faisait peser une menace sur 400 salariés. Elle vient d’être reprise et la totalité des emplois ont été sauvés. Voilà un dossier où la mobilisation de toutes les forces a permis de sauver un outil industriel ! §
Avant-hier, Volvo Trucks – ce n’est pas rien ! –, qui fabrique des camions sur le territoire national, a annoncé avoir décidé, dans le cadre de sa restructuration européenne, de maintenir l’usine de Blainville-sur-Orne, en Normandie, qui était menacée. Nous avons remercié cette entreprise d’avoir fait le choix de la France, malheureusement au détriment d’autres territoires européens, préservant ainsi 400 salariés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous battons partout avec vous, les élus – et je vous en remercie –, et les commissaires au redressement productif. Il arrive toutefois que nous ne puissions pas faire face.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué les coûts de production, la compétitivité : nous avons décidé d’affronter cette réalité. Oui, nous sommes attaqués par une compétition déloyale, y compris à l’intérieur de l’Union européenne, ce qui donne lieu à des batailles politiques menées par le Gouvernement au sein des instances européennes.
Nous ne nous contentons pas de dire que les autres sont déloyaux ; nous prenons aussi notre part de responsabilité. C’est pourquoi nous avons décidé de créer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Il démarre le 1er janvier 2014, vous ne pouvez donc pas dire cela ! Nous l’évaluerons ensemble ; un certain nombre de débats utiles ont déjà eu lieu sur ce sujet.
Rendez-vous compte ! Le CICE représente pour les entreprises une réduction des coûts de production équivalant à 6 % de la masse salariale et il concerne toute l’économie ! Il s’agit d’un effort historique sans précédent pour aider les entreprises à retrouver de l’oxygène, réinvestir, se sortir de mauvaises passes.
Nous faisons aussi le choix, dans le cadre de la transition énergétique, de modérer le prix de l’énergie pour l’industrie.
Enfin, puisque vous parlez du coût du capital, sachez que la Banque publique d’investissement a été spécialement créée pour modérer le coût de l’accès au crédit…
… et à la participation dans le capital des entreprises.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Sur tous ces fronts, nous nous battons et nous sollicitons votre soutien !
Applaudissements
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La laïcité est chère aux membres du groupe du RDSE et à la famille politique des radicaux à laquelle j’appartiens. Pour nous, elle n’est certainement pas liberticide ; au contraire, elle est émancipatrice.
Aujourd’hui, la bataille judiciaire, j’ai envie de dire le « feuilleton judiciaire », autour de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes et du licenciement de l’une de ses employées en raison du non-respect du règlement intérieur a connu un nouvel épisode : la cour d’appel de Paris a renvoyé ce matin son jugement définitif au 27 novembre 2013. Sans entrer dans des polémiques, nous ne pouvons oublier cette crèche, l’excellence reconnue de son travail et son combat militant en faveur du principe républicain de la laïcité.
Cette affaire nous oblige tous à nous interroger, parlementaires, élus et membres du Gouvernement : dans notre République, il serait possible de créer une crèche confessionnelle, comme il en existe déjà, mais pas une crèche clairement laïque ?
Au-delà de ce cas bien particulier, la question qui se pose est une question politique d’intérêt général : faut-il, oui ou non, étendre la neutralité religieuse aux crèches collectives de type associatif, familial ou encore entrepreneurial, qui s’occupent des enfants de moins de trois ans ? Le 28 mars 2013, le Président de la République a répondu à cette question par l’affirmative lors d’une interview télévisée devant les Français.
Alors que les enfants sont protégés contre toute forme de prosélytisme à l’école, ils ne pourraient pas l’être dans les crèches collectives privées qui touchent des subventions publiques ?
Comme vous le savez, sur cette question précise de l’accueil collectif des petits enfants, les membres de mon groupe et moi-même préférons l’option législative : c’est à la loi de la République et aux parlementaires de trancher cette question ! La proposition de loi que nous avions déposée et qui a été adoptée par le Sénat le 17 janvier 2012 apporte une réponse et constitue une base de travail que la navette parlementaire pourrait améliorer.
Très récemment, l’Observatoire de la laïcité, dont je suis membre, a préconisé, quant à lui, le recours à une circulaire interministérielle plutôt qu’à la loi. Cette circulaire devrait donner « des outils permettant aux crèches […] d’édicter […] des règlements intérieurs limitant l’expression religieuse […] de leurs salariés ». Les membres de mon groupe et moi-même ne partageons pas cette position et, comme d’autres membres de l’Observatoire, je n’ai pas approuvé cet avis, car l’absence de cadre législatif laisserait une trop large place à l’interprétation.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Allez-vous renoncer à légiférer sur cette question ou bien, comme l’a annoncé le Président de la République, le Gouvernement va-t-il prochainement soumettre un projet de loi au Parlement pour mettre un terme définitif à cet imbroglio judiciaire et, surtout, permettre l’application pleine et entière du principe de laïcité ?
Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Madame la sénatrice, en installant l’Observatoire de la laïcité, le 8 avril 2013, le Président de la République lui a demandé d’éclairer le Gouvernement sur l’encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants, telles que la crèche Baby Loup que vous venez de citer.
Cette approche objective et transpartisane était indispensable. La laïcité est en effet l’un des fondements de notre pacte républicain, j’ai envie de dire qu’elle en est même le fondement. Elle est profondément ancrée dans l’histoire de notre pays, mais elle est trop souvent instrumentalisée dans le débat politique.
Il paraissait essentiel d’instaurer les conditions d’un dialogue apaisé et constructif sur ces questions lourdes et complexes. Le Gouvernement se réjouit donc du travail considérable accompli par l’Observatoire de la laïcité depuis le mois d’avril dernier et tient à remercier son président, M. Jean-Louis Bianco, ainsi que l’ensemble de ses membres de leur contribution à ce débat.
Au terme d’une analyse juridique, l’avis rendu par l’Observatoire précise que le droit actuel permet de répondre aux interrogations posées.
En ce qui concerne le service public, l’Observatoire de la laïcité rappelle que l’obligation de neutralité s’impose à tous les agents. Afin que ces règles soient respectées et mieux comprises, l’Observatoire recommande que les administrations publiques élaborent des chartes de la laïcité, sur le modèle de la charte de la laïcité à l’école, adoptée au mois de septembre dernier.
En ce qui concerne le secteur privé et, plus généralement, le monde du travail, puisque la question distinguait les deux situations, l’Observatoire suggère qu’une circulaire gouvernementale rappelle le cadre dans lequel un employeur peut restreindre l’expression religieuse et le port de certaines tenues vestimentaires. Ces restrictions pourraient faire l’objet de guides labellisés par l’Observatoire lui-même.
Il faut rappeler, car vous avez omis cette précision, madame la sénatrice, que, dans les situations du type de celle de la crèche Baby Loup, l’Observatoire de la laïcité recommande aux autorités publiques concernées de recourir plus largement à la délégation de service public, quand la crèche ne souhaite pas modifier son règlement intérieur.
Conformément à sa volonté initiale, confortée par cet avis de l’Observatoire de la laïcité, le Gouvernement va poursuivre sa réflexion dans un esprit d’apaisement et de responsabilité, dans le souci constant du respect des valeurs de la République.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Les négociations communautaires sur la politique agricole commune sont maintenant terminées et, contrairement à ce que le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, aviez toujours soutenu, les crédits accusent une forte baisse, 49 milliards d’euros dans le cadre financier pluriannuel, soit 1 milliard d’euros de moins par an pour la France.
Il s’agit maintenant de décider des règles de répartition nationales, concernant en particulier les 7, 5 milliards d’euros d’aides directes.
Il ne faut pas fragiliser notre agriculture. Il convient au contraire de rappeler que l’agriculture est d’abord une activité de production et que la compétitivité de l’agriculture est un objectif en soi.
Or, en choisissant de surdoter les 52 premiers hectares des exploitations, vous faites exactement l’inverse et vous déséquilibrez l’ensemble de l’agriculture française, face à nos principaux partenaires, dont l’Allemagne. Loin de moi l’idée d’opposer les uns aux autres, les différents types d’exploitation, les filières ou les producteurs. Il s’agit simplement de dire que la baisse des concours publics à l’agriculture – c’est un fait ! – nous oblige à repenser notre modèle d’intervention, afin de garantir la pérennité de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire en termes d’efficacité et de compétitivité.
Monsieur le ministre, nous craignons que vos choix ne finissent par faire perdre sa vocation économique au premier pilier de la PAC. La prime aux 52 premiers hectares en est l’illustration parfaite. Unique en Europe, puisqu’elle résulte d’une décision franco-française, elle ne répond pas aux attentes des producteurs de lait, notamment de l’ouest ; elle ne résoudra pas les difficultés de l’élevage ; enfin, pour les céréaliers notamment, elle provoquera des distorsions de concurrence évaluées à plus de 100 euros par hectare.
Monsieur le ministre, quelle est donc votre conception de l’agriculture française ? Quand allez-vous sortir de la logique de la subvention pour entrer dans celle de la production et de la compétitivité d’un secteur clef de notre économie ? §
Monsieur le sénateur, je note tout d’abord une contradiction dans votre propos : vous avez parlé tout d’abord d’aides et, ensuite, de subventions. Il faudrait savoir !
Que l’agriculture n’ait pas besoin d’aides ou de subventions, c’est un sujet dont on peut discuter…
Ensuite, et contrairement à ce que vous avez affirmé, la surmajoration des premiers hectares sera appliquée par d’autres pays européens. Vous avez cité l’Allemagne parmi les pays qui s’y refusaient : pas de chance, l’Allemagne va mettre en place des paiements redistributifs !
Enfin, quelle est ma vision de l’agriculture dans les années qui viennent ? Il s’agit d’un vrai débat entre nous.
Vous venez du département de la Manche où les producteurs de lait sont souvent organisés en groupements agricoles d’exploitation en commun, ou GAEC. Prenons l’exemple de ces GAEC qui sont soumis à des quotas de production tournant autour de 700 000 litres à 800 000 litres et regroupent en moyenne trois associés : si je ne surdote pas les premiers hectares en rapport avec le nombre d’agriculteurs et de chefs d’exploitation de ces GAEC, je prends le risque de voir, demain, l’agriculture se faire sans agriculteurs ! Mon projet est de faire l’agriculture avec des agriculteurs, des éleveurs et des paysans. C’est peut-être cela qui nous différencie !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Quant à la compétitivité de l’agriculture, réfléchissez deux fois avant d’en parler comme vous le faites. Celle-ci dépend de la compétitivité des hommes et des femmes qui y travaillent !
Comme Laurent Fabius, j’ai accompagné le Président de la République en Afrique du Sud. J’ai pu m’entretenir avec le directeur général de Danone-Sud Afrique, dont les compétences s’étendent au-delà de l’Afrique du Sud, et qui contrôle 45 % du marché du lait dans la région. J’ai fait le constat suivant, lorsque je l’ai interrogé sur ses approvisionnements : les fermes regroupent de 5 000 vaches à 10 000 vaches, mais le litre de lait est payé 42 centimes d’euro au producteur, c’est-à-dire, avec cette organisation de production, à un prix supérieur à celui de notre production en Europe !
Par conséquent, l’organisation de la production laitière et la productivité du travail des agriculteurs sont des éléments de la compétitivité, monsieur le sénateur. Surprimer les premiers hectares, c’est assurer à notre agriculture sa compétitivité, sa diversité et surtout l’avenir de ses agriculteurs, cultivateurs et éleveurs ! Contrairement à vous, avec cette surdotation, je n’oppose pas l’organisation de l’agriculture à sa compétitivité, car les deux sont parfaitement liées. Tel est le projet que je défends !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif et porte sur la situation de l’emploi industriel en France.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, notre pays connaît malheureusement, depuis des années, une désindustrialisation qui a lourdement pesé sur les grands équilibres sociaux et économiques. Depuis plus de dix ans, la compétitivité de l’industrie n’a cessé de faiblir.
Au cours des dix dernières années, notre pays aura perdu 740 000 emplois dans le secteur de l’industrie ; depuis 2009, 1 300 petites entreprises, qui faisaient notre tissu industriel, ont disparu. Les délocalisations provoquées par cette baisse de la compétitivité ont contribué à ce recul qui participe au déficit de l’État.
L’habillement et l’automobile sont très concernés par les délocalisations. Dans mon département, l’entreprise Virtuose, dont la liquidation judiciaire a été prononcée au mois d’avril dernier, illustre très bien ce phénomène et le drame de l’industrie française. Malgré un projet de reprise ambitieux et en dépit de la crédibilité du repreneur, la justice commerciale a ordonné la vente aux enchères des machines. Celle-ci a pu être reportée grâce à la mobilisation des salariés et des élus.
Comment accepter que notre outil industriel soit transféré dans des pays où le développement durable ou encore le droit social ne sont pas, ou très peu, respectés ? Ce phénomène amoindrit nos savoir-faire et notre capacité d’initiative.
L’exemple de Virtuose pose le problème de la rémunération des mandataires liquidateurs qui œuvrent à l’encontre de l’emploi et du dynamisme des territoires, condamnant progressivement la filière textile.
Le sort de l’entreprise Virtuose – avec elle, celui de l’industrie textile en France – est d’autant moins acceptable que l’on observe un regain d’intérêt pour le made in France, que vous défendez par ailleurs, monsieur le ministre. Ce regain d’intérêt est d’autant plus justifié que l’on observe, face à la nocivité constatée de certains produits low cost, une volonté de nombreuses marques de retourner vers des productions plus soucieuses de la santé des consommateurs : vers le made in France, par exemple !
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : face à cette désindustrialisation persistante, quelles sont les mesures d’urgence que le Gouvernement entend prendre pour soutenir l’activité industrielle ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Madame la sénatrice, vous avez cité l’exemple d’une entreprise textile, l’une des dernières à fabriquer dans notre pays des chemises pour la mode masculine ; ce dossier est suivi par le commissaire au redressement productif de l’Alsace, M. Muller.
Nous avons pu en effet observer cette particularité. Pour une fois qu’un repreneur s’intéressait à une entreprise en faillite, le tribunal de commerce, plutôt que de donner sa chance à ce repreneur, a décidé de disperser aux enchères les actifs de cette entreprise, après avoir sollicité l’assurance de garantie des salaires pour verser leur dû aux salariés licenciés !
Cette curiosité m’a amené à réagir auprès du procureur général, en lui demandant de ne pas seulement faire du droit, mais aussi de se préoccuper d’économie. Celui-ci a défendu sa position et nous avons ainsi mené un débat entre l’institution indépendante qu’est la justice et l’institution souveraine qu’est le Gouvernement.
Cela a provoqué, comme vous venez de le signaler, une certaine mobilisation sur le terrain, laquelle montre la nécessité de réformer la justice commerciale. Les honoraires des mandataires liquidateurs font l’objet d’une étude de réforme par la Chancellerie, projet conduit par Mme Christiane Taubira. §
Les commissaires au redressement productif sont maintenant présents dans les procédures des faillites et les procédures collectives. Cela ne signifie pas que nous sommes entendus ! §C’est dans ce cadre que notre représentant a imploré le parquet et le tribunal de bien vouloir donner sa chance au repreneur.
Je souhaite élargir le propos pour répondre à votre interrogation : que faire pour soutenir notre industrie ? Vous l’avez mesuré, cela commence par conserver le plus possible de ce que nous avons, cela continue par rapatrier ce que nous avons perdu, cela se termine par créer ce que nous n’avons pas.
Rapatrier ce que nous avons perdu s’inscrit dans l’action engagée en faveur des relocalisations. Je signale, à ce propos, l’émergence d’un mouvement, minoritaire, certes, mais néanmoins prometteur : il concerne un grand nombre d’entreprises, petites, moyennes ou grandes, qui refont leurs calculs après la vague de délocalisations et commencent à imaginer qu’elles peuvent produire en France.
D’ailleurs, la qualité est au rendez-vous, donnant ainsi satisfaction au consommateur. Vous avez raison de le signaler, madame la sénatrice, les consommateurs se mobilisent à leur tour et réclament maintenant le made in France. Une sorte d’alliance est finalement en train de se constituer entre producteurs et consommateurs pour reconstruire, avec nous tous, l’industrie française.
J’en viens au point le plus important : créer ce que nous n’avons pas. Le Président de la République a annoncé 34 plans industriels que nous avons élaborés à partir de projets des filières industrielles. Ainsi, nous avons un plan pour les textiles innovants, techniques et intelligents, qui conduira la filière textile à se rénover, à innover avec l’aide de l’investissement privé, de la Banque publique d’investissement et du grand emprunt.
Bref, c’est une mobilisation nationale de l’ensemble des forces productives autour de la nouvelle industrie, de la nouvelle France industrielle. §
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Madame la ministre, je souhaite que ma question – et, surtout, votre réponse – contribue à la visibilité des nouvelles politiques sociales menées en France depuis 2012. Elle revêt une acuité particulière dans un contexte européen et international qui a fait de ces politiques la véritable variable d’ajustement des budgets de crise, précarisant encore plus les populations.
À l’inverse de ce mouvement, qui assimile souvent la protection sociale à l’assistanat, ignore la solidarité et tend à mépriser celles et ceux qui y ont recours, le Gouvernement s’attache à pérenniser la couverture des régimes de base sans plus recourir aux déremboursements ni aux franchises. Il s’emploie à garantir un financement pérenne et juste des retraites qui ne confond pas invalidité et pénibilité. Plus largement, il cherche aussi à construire un avenir en élaborant une stratégie nationale de santé que déclinera le prochain projet de loi de santé publique.
Dans la même perspective sur le long terme, le Gouvernement s’engage pour l’adaptation de la société au vieillissement dans un projet de loi qui prendra en compte toutes les dimensions de la révolution de l’âge. Dans ce domaine, les attentes sont extrêmement fortes. Je pense, en particulier, aux aidants – familles ou amis – des personnes en perte d’autonomie, je pense aussi au poids du « reste à charge » en établissement.
Madame la ministre, vous avez déjà beaucoup œuvré pour une reconsidération des personnes âgées dans notre société. Je citerai, à titre d’exemples, le lancement de filières de la silver economy, source incontestée de croissance et d’emplois, et le projet MONALISA, dont l’objet est de créer des équipes citoyennes de mobilisation nationale pour lutter contre l’isolement social des âgés.
Madame la ministre, comment envisagez-vous la prise en compte de ces multiples problématiques dans les textes qui seront prochainement soumis à notre examen ?
Je sais d’expérience que, dès que l’on s’occupe concrètement de mise en œuvre sur le terrain, les effets d’annonce et les simplismes ne valent plus. Je sais aussi que les élus locaux, dont je suis, se retrouvent souvent d’accord à ce stade, particulièrement dans le domaine médico-social. Mes chers collègues de l’opposition, ceux avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger de manière constructive ne me contrediront pas.
Nous sommes donc une large majorité, madame la ministre, à vous écouter avec intérêt. §
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le sénateur, vous avez raison.
L’annonce faite par le Premier ministre, il y a quelques jours, du projet de loi Autonomie marque une véritable ambition sociale. C’est une bonne nouvelle pour 100 % des familles françaises !
Ainsi, moins de dix-huit mois après notre arrivée aux affaires, la loi si longtemps attendue, si souvent promise, a aujourd’hui un agenda, une structure et une ambition nettement posée.
Ce texte a d’abord un agenda, puisque la concertation officielle, en particulier avec les départements, s’ouvrira dès le mois de novembre prochain. Il sera examiné au cours de l’année 2014 par le Parlement et entrera en application le 1er janvier 2015.
Ce texte a ensuite une structure, puisqu’il couvrira, vous l’avez dit, monsieur le sénateur, tout le champ de l’avancée en âge et comportera deux volets.
Le premier volet porte sur la prévention et sera le moteur de ce texte, car il ne suffit pas de pallier les effets de l’allongement de la vie et du vieillissement. Le second volet, très important, concerne l’adaptation de notre société au défi de la longévité, notamment par le biais d’aménagements des logements. Nous proposerons ainsi des mesures pour faciliter l’accès aux aides techniques, en particulier à la domotique, qui constitueront, je le précise, un levier fort pour la silver economy que vous avez saluée. Des dispositions relatives à l’urbanisme et aux déplacements entreront dans le champ d’application de ce texte.
Ce texte porte, enfin, une ambition, l’accompagnement de la perte d’autonomie, et sera centré sur le domicile. En effet, s’il est un point sur lequel 100 % des Français s’accordent – peut-être est-ce le seul d’ailleurs ! –, c’est bien sur le fait de vouloir vieillir autonomes et à domicile.
Cela passe par une refondation de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, à domicile et par une amélioration des aides pour permettre aux âgés de demeurer à leur domicile.
Ces personnes ont bien souvent besoin de leurs aidants proches et familiaux.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Ceux-ci seront également concernés par ce projet de loi. Nous proposerons en particulier la création d’un droit au répit pour les préserver de l’épuisement.
Marques d’approbation
Comme le Président de la République l’a annoncé, ce texte prendra effet en deux temps. L’accueil des personnes âgées en établissement sera abordé à l’occasion d’un second temps législatif, lorsque le Parlement examinera la refondation du financement de la protection sociale.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Nous serons donc au rendez-vous pour relever le défi démographique et faire en sorte que les trente années de vie que le XXe siècle nous a données au sortir du monde du travail soient non pas simplement une vie à occuper, voire à supporter, mais une vie à accomplir !
Applaudissements
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Au printemps 2013, le régime du général François Bozizé, président de la République centrafricaine, s’est effondré sous les coups d’une rébellion dite « Séléka ».
Bangui, la capitale, a été pillée, ainsi que les principales villes de province. Les morts, les viols ont été nombreux.
La communauté internationale n’a guère réagi à cette situation, se limitant à offrir son soutien à un Premier ministre sans réelle autorité sur les forces de la Séléka.
Quant à la France, qui maintient des soldats à l’aéroport de Bangui, elle n’a pas voulu s’impliquer a priori dans ce conflit interne – on peut le comprendre – et elle s’est limitée à assurer la sécurité de ses ressortissants.
Peut-on pour autant se contenter de cette situation attentiste ? Je ne le crois pas. L’État centrafricain a implosé. Il ne contrôle plus son territoire vers lequel convergent des pillards venus du Tchad, du Soudan, en particulier du Darfour. Des heurts à caractère religieux se produisent dans un pays jusqu’à présent tolérant.
La disette menace, car, dans la brousse où la sécurité n’est plus assurée, les paysans n’osent plus ensemencer leurs champs.
Ne nous y trompons pas ! Si la communauté internationale continue à se désintéresser de ce drame, un territoire de 600 000 kilomètres carrés, peuplé de 4, 5 millions d’habitants, frontalier de pays fragiles – la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud –, peut devenir, à son tour, le sanctuaire de tous les trafics et de tous les fanatismes.
Je connais bien la République centrafricaine pour y avoir enseigné, jadis, en tant que coopérant. Si le peuple centrafricain a toujours beaucoup, voire trop attendu de la France, il est francophile et nous avons un devoir d’aide à son égard. Ce pays fut, je le rappelle, l’un des premiers à rallier la France libre.
Aujourd’hui, ce peuple nous demande de l’aider à rétablir son État, à retrouver la paix, à choisir librement, par des élections loyales, ses dirigeants et son destin.
Bien évidemment, cette mission ne peut pas être celle de la France seule. Il faut un mandat de l’ONU, il faut agir avec l’Union africaine, mais il y a urgence.
Monsieur le ministre, quel concours la France entend-elle apporter au retour de la paix en République centrafricaine ? §
Cher monsieur Legendre, il ne vous a certainement pas échappé que, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a centré l’essentiel du court propos qu’il a tenu devant l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement sur la République centrafricaine.
Il ne vous a pas échappé non plus que je me suis rendu dimanche dernier à Bangui, en tant que ministre des affaires étrangères du gouvernement français, accompagné de la commissaire européenne à la coopération internationale, l’aide humanitaire et la réaction aux crises, pour évoquer les sujets que vous avez mentionnés.
Les trois initiales de la République centrafricaine sont RCA. Le problème est que ce A signifie aujourd’hui « abandon ».
La République centrafricaine est un pays de 4, 8 millions d’habitants, dont 10 % sont déplacés, et qui connaît une mortalité infantile de plus de 10 %. Dans la capitale, Bangui, la sécurité est plus ou moins assurée grâce à la présence de troupes françaises, mais le reste du pays est ravagé par des bandes armées.
Alors que personne ne s’y intéressait, la France a décidé, parce que c’est sa mission, de sonner l’alarme sur la situation de ce territoire qui, comme son nom l’indique, se trouve au centre de l’Afrique.
Il est nécessaire, à cet égard, de mener une réflexion de bon sens : on ne peut pas prétendre porter attention à l’Afrique, continent d’avenir, sans porter attention et appui au centre de l’Afrique, c’est-à-dire à la République centrafricaine.
On peut schématiser ce sujet en distinguant trois grandes préoccupations.
La première préoccupation concerne la sécurité.
Dans les provinces, la situation est effrayante ; vous l’avez décrite en quelques mots, monsieur le sénateur. Pour la première fois dans l’histoire de la Centrafrique, des conflits d’ordre religieux ont éclaté entre les chrétiens, qui sont majoritaires, et les musulmans. J’ai rencontré, dimanche dernier, les chefs des trois principales religions, catholique, protestante et musulmane. Ils désapprouvent totalement ces conflits internes, qu’ils constatent, condamnent et déplorent.
Se greffe sur cette situation la coalition Séléka, qui a été dissoute par M. Michel Djotodia, chef de l’État de la transition, qui n’est pas reconnu par la communauté internationale. Les membres de cette coalition, qui ne touchent plus leur solde depuis quatre mois, à l’instar des fonctionnaires qui ne perçoivent pas leur salaire, pour une part, vont revenir à la vie civile, pour l’autre part, doivent être intégrés dans l’armée. Vous voyez les problèmes que cela peut poser...
Les quatre pays limitrophes de la République centrafricaine – le Tchad, le Congo, le Cameroun, le Gabon – ont envoyé des troupes qui comptent aujourd’hui 2 100 hommes, dont l’effectif s’élèvera à bientôt 3 500 soldats, réunies au sein de la Mission internationale de soutien en Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA. La France, dont le contingent sur place est de 410 hommes, envisage de renforcer celui-ci en cas de nécessité.
Vous n’avez pas eu le temps de rappeler, monsieur Legendre, que notre pays a obtenu du Conseil de sécurité des Nations unies une résolution, adoptée à l’unanimité, qui fait obligation au Secrétaire général des Nations unies de présenter un rapport dans un délai de trente jours. Une deuxième résolution, qui suivra, donnera mandat à la MISCA ainsi qu’à la France pour intervenir plus largement. Enfin, une troisième résolution sera prise au printemps prochain, en vue d’une éventuelle opération de maintien de la paix.
La sécurité, qui est notre objectif majeur, est donc assurée, à la fois, par les quatre pays agissant au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, la CEEAC, en liaison avec l’Union africaine, et par la France.
La deuxième préoccupation est humanitaire.
De ce point de vue, la situation, que je vous ai décrite, est abominable. L’Europe, la France, la communauté internationale et la conférence des donateurs doivent, par leur action, permettre des avancées.
La troisième préoccupation est d’ordre politique.
Des élections doivent avoir lieu, au plus tard au mois de février 2015. Or il n’y a plus d’état civil dans ce pays ! Par ailleurs, un référendum doit être organisé avant cette date en vue de l’adoption de la Constitution. Il faut donc que se mette en place un régime démocratique, alors même que les deux principaux responsables politiques, M. Djotodia et son Premier ministre, n’ont pas le droit de se présenter à ces élections et ne le feront pas, comme ils l’ont confirmé devant les représentants des Nations unies.
En bref, tout reste à faire.
Nous allons en discuter avec M. Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, et les responsables des quatre pays limitrophes de la République centrafricaine, que je tiens étroitement au courant.
La France fera son devoir.
Telle est notre position : sans nous substituer aux Africains – j’y insiste –, nous voulons attirer l’attention de la communauté internationale sur ce conflit qui peut se révéler gravissime, agir en mobilisant à la fois l’Europe, la communauté internationale et l’ensemble de l’Afrique, et apporter à nos amis africains le soutien qu’ils méritent.
Je vous le dis, monsieur le sénateur, comme je l’ai dit aux Centrafricains : la France ne laissera pas tomber la République centrafricaine. §
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.
Mes chers collègues, par lettre en date du 15 octobre 2013, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune, inscrit à l’ordre du jour du lundi 21 octobre 2013, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé, avant dix-sept heures, le vendredi 18 octobre.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Par lettre en date du 17 octobre 2013, le Gouvernement a demandé d’intervertir l’ordre d’examen des projets de loi inscrits à l’ordre du jour de la séance du lundi 21 octobre 2013.
En conséquence, l’ordre du jour du lundi 21 octobre 2013 s’établit comme suit :
Lundi 21 octobre 2013
À 11 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit
- Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune.
L’ordre du jour appelle le débat sur le marché du médicament et des produits de santé, à la demande du groupe du RDSE.
La parole est à M. Gilbert Barbier, au nom du groupe du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays consomme trop et mal le médicament. C’est ce qui ressort du rapport qui vous a été remis le 16 septembre dernier, madame la ministre, par les professeurs Dominique Costagliola et Bernard Bégaud.
Ce constat n’est malheureusement pas nouveau. Depuis de nombreuses années et malgré quelques progrès, la France est l’un des pays développés ayant le plus fort taux de consommation de médicaments par habitant. Au hit-parade des médicaments consommés se trouvent, entre autres, antalgiques, antihypertenseurs, statines et anxiolytiques.
Ce pourrait être révélateur d’une meilleure prise en charge du patient, mais nombre d’indicateurs ne plaident pas forcément en faveur de cette hypothèse. D’ailleurs, le rapport Bégaud-Costagliola souligne aussi que notre pays est « celui dans lequel les prescriptions non conformes, qu’il s’agisse des recommandations d’autorisation de mise sur le marché, AMM, ou des données actualisées de la science semblent le plus fréquentes, si ce n’est banalisées ».
Je ne prendrai qu’un exemple. La consommation française de benzodiazépines est huit fois supérieure à celle de l’Allemagne et six fois supérieure à celle du Royaume-Uni et les durées de traitement se révèlent de deux à sept fois plus longues que celles qui sont recommandées dans les prescriptions normales !
Les prescriptions sans apparente justification ou même clairement contre-indiquées sont particulièrement prévalentes dans les populations fragiles – sujets âgés, nourrissons et jeunes enfants –, et ce en raison d’une absence d’information ou d’une information incomplète. Selon une étude récente conduite par l’hôpital européen Georges-Pompidou, certaines personnes de plus 80 ans consommeraient en moyenne dix médicaments différents par jour.
Un autre constat s’impose. Notre structure de prescription avantage les médicaments nouveaux, généralement les plus coûteux. Dans les pathologies qui nécessitent un antiagrégant plaquettaire, le Clopidogrel, dont le princeps bien connu est le Plavix, seize fois génériqué dans notre pays, pourrait dans un certain nombre de cas être remplacé par de l’aspirine, comme cela se pratique plus souvent en Allemagne ou en Italie.
L’impact sanitaire et économique de cette situation est de toute évidence considérable. Les auteurs du rapport évaluent à plus de 100 000 le nombre de malades hospitalisés pour une pathologie iatrogène, avec un coût estimé de plus de 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie en y incluant les prises en charge induites par cette pathologie. Dans un système aux ressources contraintes, vous en conviendrez, madame la ministre, ce n’est guère justifiable !
Pourquoi cette exception française ? Pour les professeurs Bégaud et Costagliola, les causes sont à rechercher dans « l’organisation de notre système de soins et de remboursement ainsi que [dans le] faible niveau de culture de santé publique qui caractérise notre pays ».
Le verdict est sévère. À vrai dire, il rejoint toute une littérature foisonnante sur le sujet depuis de nombreuses années, que ce soit le rapport de la mission d’information du Sénat sur le médicament que j’ai conduite en 2006, celui de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur le Mediator ou encore celui de la Cour des comptes sur la sécurité sociale en 2011.
Madame la ministre, vous me répondrez que les choses évoluent. C’est sans doute vrai. Après le scandale du Mediator, nous avons adopté au mois de décembre 2011 la loi Bertrand qui renforce le contrôle du médicament et des produits de santé et instaure la transparence. Vous poursuivez d’ailleurs cette démarche en prenant les nombreux décrets prévus par cette loi.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les améliorations apportées par cette loi sont-elles suffisantes ? Nous souhaitons, avec ce débat, faire un point sur un sujet, qui devient de plus en plus sensible aux yeux de l’opinion publique. L’affaire du Mediator et celles qui ont suivi – prothèses poly-implant, ou PIP, prothèses de hanches, anticoagulants oraux, etc. – ont gravement altéré la confiance de nos concitoyens dans le système de gestion et d’évaluation du médicament dans notre pays. Beaucoup de patients se demandent aujourd’hui à qui faire confiance. Cette attitude peut aussi, à l’inverse, être une source grave de complications par l’arrêt intempestif des traitements indispensables.
La médiatisation très large de faits établis ou supposés, soit par Internet, soit par des publications péremptoires par quelques porteurs d’opinion non dénués d’arrière-pensées, laisse le patient inquiet, dubitatif sur les risques encourus. Le vieil adage, primum non nocere, retrouve une nouvelle jeunesse, en laissant de côté l’immense progrès qu’a connu la pharmacopée au cours du siècle dernier.
Aujourd’hui, il semble de bon ton et très porteur de critiquer tour à tour les industriels du médicament qui ne viseraient que le profit financier, les agences sanitaires incompétentes, les médecins ignorants ou corrompus, le patient lui-même trop avide de consommation. Pis, certains remettent en cause, quelquefois d’une manière sournoise, des pratiques dont les bienfaits ont été largement démontrés.
Ainsi, à travers le monde, nous avons toujours un lobby anti-vaccinations extrêmement puissant. Vous connaissez la dernière hypothèse de ses tenants, contre laquelle je m’insurge peut-être plus que d’autres, étant élu de Dole, la ville natale de Pasteur, cet homme non médecin qui a pris, le 4 juillet 1885, la décision de traiter en urgence Joseph Meister. N’est-il pas curieux, voire malsain, d’entendre avancer l’hypothèse, 130 ans après, que le chien qui a mordu Joseph n’était peut-être pas porteur de la rage ? Il s’agit d’un exemple, mais il en existe bien d’autres.
En marge du médicament mais cela relève aussi du domaine de la santé publique, tout ce qui touche le mieux-être – cosmétologie, chirurgie esthétique, produits diététiques – est devenu un enjeu formidable au regard des marchés que cela représente, laissant le charlatanisme prendre le plus souvent le pas sur la sécurité du client.
Je n’oublie pas non plus les thérapies déviationnistes asservissant l’individu, comme l’a souligné le rapport de Jacques Mézard sur les dérives sectaires.
Face à tout cela, il faut d’abord être sans pitié, sans excuse pour les fraudeurs, les usurpateurs, les « sans éthique », qui portent, par ailleurs, un préjudice considérable à tous les acteurs de la filière de soins. La justice doit les sanctionner rapidement.
Face à tout cela, il faut ensuite que les autorités sanitaires fassent preuve de réactivité. Elles doivent lever rapidement le doute. Par exemple, au sujet des vaccins, elles doivent confirmer le rôle nocif ou non des sels d’alumine.
Or force est d’admettre que cette réactivité fait souvent défaut. Nos autorités tardent à énoncer le bon usage, à démentir ou à interdire si nécessaire. Pendant ce temps, les esprits sont formatés aux dires des plus bruyants. J’en veux pour preuve un certain nombre de dossiers récents qui ne manquent pas d’interpeller le public et les praticiens.
Je prendrai pour premier exemple le traitement du diabète de type 2. Le journal Prescrire énonce au mois de septembre 2012 : « Pas de place pour les gliptines ». C’est clair, péremptoire : fermez le ban.
Quatre mois après, en janvier 2013, la Haute Autorité de santé, la HAS, et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, publient les recommandations de bonnes pratiques pour cette pathologie. Au fil de ses vingt-cinq pages, ce document ne répertorie pas moins de cinquante et une recommandations pour conduire le traitement. Pourtant, pas un mot n’est dit sur l’éventuelle dangerosité des fameuses gliptines. Le médecin reste perplexe, se rappelant simplement qu’il y a quelques années, en 2008, un médicament fort répandu, l’Acomplia, devait être retiré du marché en raison des accidents observés. Au surplus, ce document émanant de nos agences ne comporte aucune donnée sur le coût du traitement. Je rappelle que cette pathologie concerne au bas mot 2, 5 millions de patients dans notre pays et que l’incidence financière n’est évidemment pas négligeable.
Un autre exemple, encore plus récent, concerne les patients en fibrillation auriculaire sous traitement anticoagulant.
La HAS nous dit, en juillet 2013, que « la prescription des anticoagulants oraux non AVK ne doit pas être privilégiée par rapport à celle des AVK ». Cependant, la commission de la transparence a rendu en février un avis favorable pour le remboursement à 65 % de ce médicament, tout en concluant à l’absence d’amélioration du service rendu – classe V.
Le 20 septembre, Le Nouvel Observateur santé titrait « Alerte sur le Pradaxa », relayé bientôt par toutes les radios et toute la presse écrite. Disons-le, ce n’est pas le seul médicament dans le collimateur : dans un communiqué particulièrement alarmiste, le syndicat des jeunes biologistes médicaux pointait du doigt tous les anticoagulants oraux, n’hésitant pas à les qualifier de « bombe à retardement » et à évoquer le risque d’un prochain scandale de même ampleur que celui du Mediator. Depuis, des plaintes en justice ont été déposées. Que doivent penser les milliers de patients sous traitement par ACO ?
Si l’on peut considérer que le volet bénéfices-risques doit être prioritaire, on peut aussi avoir un regard sur les dépenses de l’assurance maladie, avec là aussi un exemple d’actualité malheureusement parlant. Il s’agit du traitement de la DMLA humide, pour laquelle seule la molécule ranibizumab – le Lucentis – est autorisée pour un coût mensuel de 895, 57 euros, alors que de nombreux pays, les États-Unis en particulier, et certains services hautement qualifiés en France observent les mêmes résultats en utilisant le bevacizumab – l’Avastin – pour un coût vingt fois moindre de 45 euros mensuel. À raison de 300 000 patients traités, c’est 600 millions d’euros d’économies possibles ! Il serait peut-être utile de se pencher sur le bien-fondé de l’interdiction de l’Avastin.
Je pourrais aussi évoquer la polémique qui fait rage sur les statines. Après son Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, que je ne cautionne nullement, le professeur Even a publié le 18 février dernier La vérité sur le cholestérol. Quelques jours plus tard, dix sociétés savantes ou organismes divers contredisaient les théories avancées, notamment le collège national de cardiologie, le collège des cardiologues des hôpitaux ou encore la société française de cardiologie. Ces associations, que l’on aurait pu croire respectables, ont vite été « habillées pour l’hiver » par le professeur Even, qui pointe le « désintérêt de la plupart des cardiologues français occupés ailleurs, convaincus d’avance au berceau de leurs pères et grands-pères des risques du cholestérol et dont les convictions reposent sur un consensus ancien et mou diffusé comme une berceuse par l’industrie pharmaceutique en tribunes et congrès que les firmes organisent et financent devant des auditoires qu’elle transporte par charters entiers, loge et finance également ».
Mettons-nous un instant à la place de ces milliers de patients qui prennent chaque jour leur comprimé de statine ; il y a de quoi être perdu ! Et pendant ce temps, les autorités sanitaires restent on ne peut plus discrètes sur ce dilemme.
Passons sur le problème des pilules de troisième et quatrième génération, pour dire un mot sur un sujet qui concerne aussi la santé de nos concitoyens, les coupe-faim.
Même si je note avec satisfaction le refus d’autorisation par la Commission européenne, le 1er octobre dernier, de l’association topiramate plus phentermine – le Qsiva –, comment ne pas intervenir devant les torrents de publicité sur le net du Phen375 ? Si elle peut effectivement faire perdre du poids, cette amphétamine n’en conduit pas moins à de graves troubles du comportement, comme toutes les amphétamines d’ailleurs.
Ne vous méprenez pas, en citant ces exemples, je ne mets pas en cause la qualité du travail des directions et des personnels des autorités sanitaires, qui ont accompli des efforts importants et positifs, notamment en matière de transparence des décisions. Je m’interroge plutôt sur la multiplicité, l’absence de cohérence et le chevauchement des objectifs de ces autorités, qui s’appuient sur de nombreuses directions, commissions et groupes de travail dont la nature profondément différente peut être source de cloisonnements et parfois de rivalités.
La loi de 2011 a créé une nouvelle agence, l’ANSM, chargée de la sécurité des produits de santé pour succéder à l’AFSSAPS. Il ne s’agit pas là d’un simple changement de nom, car cette structure s’est vu confier de nouvelles missions pour mieux surveiller et mieux informer. Reste que, personnellement, je regrette que nous n’ayons pas été plus loin, en remettant radicalement en cause l’architecture de l’ensemble des organismes intervenant sur le médicament. Permettez-moi de les passer rapidement en revue.
Il y a d’abord l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, établissement public placé sous la tutelle de votre ministère, madame Touraine, et chargé de garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, depuis les essais initiaux jusqu’à la surveillance après autorisation de mise sur le marché. Quand ce n’est pas l’European Medicines Agency, l’EMEA, c’est elle qui délivre les autorisations de mise sur le marché des médicaments en se fondant sur le rapport bénéfices-risques ainsi que sur les autorisations temporaires d’utilisation, ou ATU. C’est aussi sur elle que repose toute la pharmacovigilance, organisée comme une longue chaîne, du niveau régional au niveau national.
Il y a ensuite la Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante qui évalue les médicaments en vue de leur remboursement par l’assurance maladie – notamment au vu de leur service médical rendu, ou SMR, qui prend en compte la gravité de la pathologie, l’efficacité et les effets indésirables du médicament – et qui détermine la place du médicament dans la stratégie thérapeutique ainsi que l’amélioration du service médical rendu qu’il est susceptible d’apporter par rapport aux traitements déjà disponibles. C’est là le rôle de la commission de la transparence et de son pendant pour les dispositifs médicaux. Elle est aussi chargée du bon usage du médicament et, depuis 2008, de l’évaluation médico-économique des stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficientes.
Il y a en outre le Comité économique des produits de santé, instance interministérielle placée sous l’autorité conjointe du ministre de la santé et du ministre de l’économie, qui négocie le prix du médicament avec les industriels. Si le CEPS tient compte du classement de la HAS, il tient compte aussi des données économiques et des « orientations » que les ministères lui suggèrent, qui tendent souvent à privilégier les laboratoires français et les laboratoires étrangers installés et fabriquant en France, et donc créateurs d’emplois. La lettre récente adressée au président du CEPS est assez claire à ce sujet et ajoute aux missions du comité un objectif de maîtrise des dépenses de santé – il faut lire cette lettre dans le détail pour s’apercevoir qu’elle est pleine de sous-entendus.
Il y a enfin l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, qui décide du taux de remboursement à appliquer au médicament en se fondant sur l’estimation du service médical rendu de la HAS, mais pas obligatoirement, étant entendu que c’est vous, madame la ministre, qui décidez in fine.
Je ne voudrais pas stigmatiser ce système, comme le fit Jean-Paul Escande en 1998, en déplorant « la place prise par des statisticiens, des technocrates et des industriels, qui, même lorsqu’ils sont docteurs en médecine, ne s’assoient jamais au chevet d’un malade et décident, cependant, de l’avenir de la médecine et de la santé publique ». Néanmoins, je considère que sa complexité entraîne une dilution des responsabilités et favorise une réaction tardive et peu lisible aux alertes et aux interpellations, qui peuvent alors faire leur chemin, pilotées, encouragées et exploitées par certains.
Le rapport sur la réorganisation des vigilances sanitaires, que l’ancien directeur général de la santé, Jean-Yves Grall, vous a remis le 11 septembre dernier, critique lui aussi un système de surveillance sanitaire « construit par strates successives », « sans cohérence globale », « [inadapté] à la déclaration des citoyens et des professionnels de santé ». Pour ma part, je persiste à croire, comme je l’ai soutenu dès 2006, que le regroupement sous une seule autorité de tout le parcours des médicaments et des produits de santé aurait été gage d’une meilleure efficacité sur le plan sanitaire et d’une meilleure gestion des finances publiques.
La HAS devrait être recentrée sur la mission stratégique globale pour laquelle elle a été conçue et qui vise à élaborer, inspirer, susciter et conduire, ou au moins guider et réguler, l’exercice pratique de la médecine, l’organisation des soins et les actions collectives de santé publique et de prévention, sans s’occuper de l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité des médicaments et dispositifs médicaux. Dès lors, les commissions dites de transparence et des dispositifs médicaux doivent quitter la HAS et rejoindre l’Agence nationale de sécurité du médicament, en charge de l’évaluation et de la surveillance du médicament. Quoi qu’il en soit, je ne nie pas les bonnes intentions et les avancées.
Le 25 septembre, la HAS a présenté son projet stratégique pour 2013-2016. Nous avons là l’inévitable feuille de route, ce paradigme, ce modèle à la mode dans beaucoup de ministères. Qui n’a pas son road book aujourd’hui ?
Sourires.
S’agissant de l’ANSM, l’élargissement de ses missions devrait lui permettre d’avoir des moyens supplémentaires pour y répondre.
L’encadrement des prescriptions « hors AMM » constitue une autre avancée importante de la loi de 2011. Il faut évidemment bien distinguer l’usage légitime du « hors AMM », l’ATU faisant l’objet d’une recommandation de la nouvelle agence et d’un suivi des malades, de son usage illégitime, dont l’affaire du Mediator a montré la dangerosité. Cet usage doit être limité et sanctionné si besoin est.
La question de la valeur ajoutée thérapeutique dans l’évaluation du médicament a été plusieurs fois abordée lors de la discussion de la loi du 29 décembre 2011. Un médicament ne doit pas seulement être « un peu mieux que rien » ; il doit procurer un réel bénéfice au patient. Il y a là un combat à mener au niveau européen, pour convaincre nos partenaires de la nécessité de prendre en compte le bénéfice d’un médicament par rapport à des médicaments comparables.
Enfin, la dernière exigence est évidemment une information immédiatement disponible et accessible pour les professionnels de santé et des messages clairs à destination de la population, qui, du fait du laisser-faire et des erreurs passées, a perdu ses repères sur la nature et la place réelle du médicament en matière de santé.
Sur tous ces points, je vous remercie, madame la ministre, de nous éclairer.
Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas médecin et je n’exerce aucune profession paramédicale, mais nous sommes tous des malades en puissance. Voilà pourquoi la politique du médicament est un sujet extrêmement important.
« Les antibiotiques, c’est pas automatique ! » Ce slogan, qui a fait florès, part d’un constat : les Français n’ont l’impression de se soigner qu’à partir du moment où ils consomment des médicaments. Les excès de l’automédication, une vulgarisation – via les journaux ou des livres qui font recette : guide des médicaments, sites internet, etc. – qui rassure nos compatriotes, des médecins qui prescrivent trop, voilà des maux bien français !
Permettez-moi de citer quelques chiffres.
Les médicaments, remboursés ou non, représentent près de 40 milliards d’euros de dépenses chaque année, soit un cinquième des dépenses totales de santé et 81 % du budget des hôpitaux publics.
Notre pays dépense près de deux fois plus en matière de médicaments que les autres pays occidentaux.
Chaque année, le déficit de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, est de 10 milliards à 15 milliards d’euros, soit un peu plus du tiers des 38 milliards d’euros de dépenses en médicaments.
Sur environ 100 000 tonnes de médicaments achetés chaque année, un quart finirait à la poubelle, d’où l’idée, qui n’est pas nouvelle, d’une délivrance à l’unité, sur laquelle nous reviendrons certainement tout à l’heure.
Mes chers collègues, puisque nous sommes entre nous, je vais un peu dévier du strict sujet du médicament pour vous parler de la prévention, domaine auquel va ma préférence.
Si, par bonheur, nous abordons cette année la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale – ce qui désormais n’est jamais gagné dans cette maison –, je vous ferai des propositions sur un sujet qui m’est cher, à savoir les maladies liées à l’obésité.
« On creuse sa tombe avec sa fourchette », « l'alimentation est notre première médecine », voilà de vieux slogans aux résultats garantis… Cependant, nous avons beaucoup progressé dans la reconnaissance du lien entre santé et alimentation.
Il y a quelques années, nous avons eu ici, sur l’initiative de notre collègue Gérard Dériot, un débat sur l'obésité infantile. Il faut dire que la situation connue aux États-Unis arrive chez nous avec, comme toujours, un petit décalage.
Qualifiée par l'Organisation mondiale de la santé de pandémie de notre siècle, l'obésité touche un milliard d'êtres humains dans le monde et un Français sur dix. Or de nombreuses études aux États-Unis montrent que l'obésité a un coût : 147 milliards de dollars en 2008, contre 78, 5 milliards de dollars en 1998. Ces sommes sont absolument astronomiques !
En France, des études ont également été publiées. Toutefois, les chiffres sont un peu anciens. Il serait donc intéressant, madame le ministre, de bénéficier d’une nouvelle étude sur le coût de l’obésité et des maladies qui y sont liées.
D’après un rapport de 2008, le coût annuel de prise en charge de l’obésité par l’assurance maladie est estimé entre 3 % et 7 % de l’ONDAM, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie. En outre, ce rapport souligne la corrélation entre l'augmentation de la prévalence de l'obésité et l'augmentation du nombre de personnes bénéficiant du régime des affections de longue durée. Les chiffres sont frappants ! L’ensemble des facteurs de risques et complications cardio-vasculaires liés à l’obésité sont ainsi évalués : 15, 9 % des personnes ayant un poids normal sont exposées au risque de cholestérol, contre 21, 5 % pour les personnes obèses. Pour le diabète, les chiffres varient de 5, 8 % à 13, 5 %. Pour l’hypertension, c’est encore plus flagrant : on passe de 17, 6 % à 28, 8 %.
Un exemple, sans doute parmi tant d’autres, illustre bien le propos : 50 % des praticiens qui prescrivent des traitements contre le cholestérol n’ont pas préalablement conseillé à leurs patients de suivre un régime ou de faire du sport. Il est beaucoup plus facile de continuer de manger gras et de prendre quelques comprimés contre le cholestérol que de faire un petit effort alimentaire et un peu de sport…
Développer la prévention était l’ambition de la dernière loi de santé publique du 9 août 2004. J’aimerais vraiment savoir, madame le ministre, si la prévention aura toute la place qui lui est due dans la nouvelle loi annoncée pour 2014.
Songeons à toute la politique du marché du médicament, de sa commercialisation et de sa distribution dont les dysfonctionnements ont été stigmatisés dans l’affaire du Mediator. Pour avoir été vice-présidente avec notre collègue Barbier de la mission commune d’information sur le sujet, je peux vous dire que l’affaire du Mediator n’est que la répétition de l’affaire du Vioxx que nous avions connue dans cette maison – même si je n’y étais pas encore élue – en 2006. Le regretté président de la mission d’information sur le Mediator rappelait ainsi que toutes les propositions nécessaires avaient déjà été énoncées en 2006. Toutefois, cela n’avait pas empêché l’affaire du Mediator puisque aucune de ces propositions n’était passée dans notre droit positif.
Les principales mesures proposées par notre mission d’information ont été reprises dans la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ce texte représente un progrès indéniable en matière de gouvernance, de pharmacovigilance, d’autorisation de mise sur le marché. En particulier, il a amélioré le traitement des problèmes de fond liés aux conflits d’intérêts. N’oublions pas qu’il y a, d’un côté, l'industrie pharmaceutique, qui représente des intérêts financiers et économiques considérables, et, de l'autre, l’intérêt général avec le bien commun le plus précieux, la santé des personnes. C'est pourquoi la loi entendait établir l’étanchéité la plus absolue possible entre intérêts marchands et protection de la santé des personnes.
À l’époque, j’avais souligné que le dispositif devait être complété. Le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, dit « projet de loi Sauvé », était de ce point de vue très important. Ce texte prévoyait la création d'une autorité de la déontologie de la vie publique, en remplacement de la commission de déontologie de la loi Sapin de 1993, qui aurait eu pour fonction de centraliser les déclarations publiques d'intérêts. Ce texte n’a toujours pas vu le jour.
Obstinée et ne renonçant pas, j’avais présenté dans le cadre du projet la loi sur la transparence de la vie publique – malheureusement, le Sénat ne les a pas adoptés, malgré mes efforts et ceux de certains de mes collègues – une série d’amendements visant à ce que les élus puissent, dans les déclarations d’intérêts, procéder à une sorte de reconstitution de carrière. Il est important de savoir ce que les gens ont fait avant d’être élus, notamment en lien avec les laboratoires pharmaceutiques. La transparence doit être la plus complète possible !
Vous en conviendrez, madame le ministre, le dispositif du projet de loi Sauvé est intéressant. Dans le projet de loi de santé publique qui doit prochainement intervenir, pensez-vous reprendre certaines dispositions, notamment celles concernant les conflits d’intérêts ? Nous ne sommes pas allés au bout du problème.
Par ailleurs, des actions ont été entreprises pour limiter le prix du médicament : baisse réglementaire des prix, développement des génériques. Là aussi, le travail qui a été fait est important. Ces actions ont conduit à une baisse de 0, 8 % de remboursement de médicaments en 2012 par rapport à 2011, ce qui n’est pas rien.
Vous avez parlé, madame le ministre, de l’expérimentation du conditionnement et de la vente des médicaments à l’unité. C’est un système qui fonctionne aux États-Unis ou en Suède, même s’il est vrai qu’il s’agit de contextes totalement différents. Il nous faut poursuivre le travail entrepris avec les laboratoires afin d’éviter le gaspillage des médicaments dont le poids pèse évidemment sur la collectivité par le biais du budget de la sécurité sociale.
Je le répète, j’espère sincèrement que nous pourrons examiner cette année la seconde partie du PLFSS. Nous sommes un certain nombre de parlementaires à avoir été passablement frustrés, l’année dernière, de ne pas avoir pu travailler sur ce texte, ni d’ailleurs sur la deuxième partie du projet de loi de finances.
Pour conclure, j’évoquerai un dernier point. J’ignore quel sujet aborderont les prochains intervenants, mais, comme je l’ai déjà indiqué, n’étant pas médecin, j’essaie d’identifier les sujets sur lesquels le législateur peut intervenir dans le domaine de la politique du médicament.
Venant d’un département touché par l’amiante et ayant été vice-présidente de la mission d’information sur le Mediator et de celle sur la chirurgie esthétique, j’estime qu’il est urgent de réexaminer la possibilité d’établir des actions de groupe dans le secteur de la santé. En effet, les victimes d’accidents, de scandales liés aux médicaments ou de dysfonctionnements n’ont pas les moyens de rivaliser avec les laboratoires. Compte tenu de la charge des procédures et du fonctionnement général du rouleau compresseur que constitue notre système judiciaire, ils ne font pas le poids. Si nous ne mettons pas en place cette class action, cette action de groupe en matière de santé, nous manquerons une occasion de faire notre devoir de parlementaire et d’aider les plus fragiles, à savoir les victimes. À cet égard, je rappelle qu’une proposition de loi avait été déposée par nos collègues du RDSE sous le n° 484. Il serait grand temps de l’inscrire à l’ordre du jour.
Madame le ministre, la politique de la santé regarde tout le monde, y compris les modestes membres de la commission des affaires étrangères dont je fais partie. J’espère que nous pourrons soutenir l’action que vous menez, qui me semble frappée au coin du bon sens, dans un secteur particulièrement important pour nos concitoyens, qui est celui de la santé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le groupe du RDSE d'avoir pris l'initiative de ce débat. Après les discussions que nous avons eues à la suite de la mission d'information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, après le rapport rendu par notre collègue Yves Daudigny sur les médicaments génériques, il me semble très intéressant que cette thématique puisse trouver un nouvel écho dans notre assemblée.
Le choix des mots est très important, et je crois que nous pouvons véritablement parler d’un « marché » du médicament, un marché juteux qui explique la concurrence que se mènent entre eux les laboratoires pharmaceutiques, certes pour permettre à nos concitoyens de se soigner, mais aussi, parfois, il faut bien le reconnaître, pour pousser à une certaine surconsommation. C'est d'ailleurs ce que vient tout récemment de dénoncer le docteur Véronique Vasseur, médecin-chef à l'hôpital Saint-Antoine. Elle propose notamment de déconditionner les médicaments en expliquant que cinq milliards de médicaments sont jetés chaque année, dont quatre ont été remboursés par la sécurité sociale.
Comme l’a dit notre collègue Gilbert Barbier, un rapport vient de vous être remis, madame la ministre, par les professeurs Costagliola et Bégaud, pharmacologues et épidémiologistes, sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament. Les pistes qu’ils proposent sont intéressantes et montrent la nécessité de mieux encadrer les pratiques en amont, plutôt que de rechercher, par la suite, des économies à faire, en développant les déremboursements par exemple. En effet, ces derniers ont des effets extrêmement négatifs sur nos concitoyens en les éloignant considérablement des soins.
Quelques chiffres nous permettent de bien mesurer l’intérêt économique de ce marché pour les actionnaires des grandes firmes pharmaceutiques.
En 2012, le marché mondial du médicament était évalué à environ 856 milliards de dollars de chiffre d’affaires, contre moins de 200 milliards de dollars en 1990. La France était, en 2012, le deuxième marché européen derrière l’Allemagne.
Sanofi, leader français, réalise des milliards de bénéfices tout en sacrifiant des milliers d’emplois. Comment pouvons-nous tolérer plus longtemps ce type de pratiques, qui sacrifie l’humain sur l’autel du profit de quelques-uns ? C’est une vue à très court terme, tant pour les salariés concernés que pour la situation de l’emploi industriel en France et celle de la recherche. Vous le savez, madame la ministre, notre groupe est totalement disponible pour qu’ensemble, à gauche, nous votions une loi interdisant les licenciements dits boursiers.
Les critères de rentabilité financière étant déterminants pour les actionnaires, cet objectif conduit également à des dérives majeures en termes d'information thérapeutique. Les scandales sanitaires sont liés avant tout à cette recherche obsessionnelle de la rentabilité financière. Aussi sommes-nous partisans d'une plus grande transparence, notamment concernant la fixation des prix des médicaments.
Parallèlement, il est urgent d'affirmer le besoin d'une production nationale publique, de travailler sur le financement d'une autre politique du médicament et de mettre en place une véritable démocratie sanitaire dont nous sommes encore loin.
La financiarisation doit laisser la place au développement de la recherche, à la production et à la distribution de médicaments et vaccins. Pourquoi est-on toujours aussi timoré quant au développement de la recherche théorique et clinique ? Pourquoi est-il si difficile de dégager des moyens humains et financiers dans un domaine aussi vital pour l'avenir de l'humanité ? D'un côté, on a des milliards d'euros pour une poignée d'individus et, de l'autre, des crédits en peau de chagrin pour des chercheurs qui voient leurs travaux minorés et, par conséquent, les progrès de la connaissance ralentis ou entravés.
Ces affirmations ne sont pas dues à un dogmatisme étroit mais à une analyse approfondie du système dans lequel nous vivons et nourrie d'expériences de terrain. Pour une part, c’est le sens de notre proposition de création d'un pôle public du médicament qui reconnaît sa finalité de service public et le détache de la sphère financière ; un service public de la recherche et du médicament, afin de faire de celui-ci, à terme, un bien commun universel ! Recherche, production, distribution du médicament doivent répondre aux besoins de santé publique nationaux et mondiaux. La puissance publique doit reprendre l'initiative et le contrôle face à cet enjeu stratégique.
J’en viens plus spécifiquement à la question que je souhaitais vous poser, madame la ministre. Je ne doute pas, mes chers collègues, que vous vous souvenez, tout comme moi, du long parcours législatif du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire de médicament et des produits de santé, examiné à l’automne 2011. Nous avions alors été nombreuses et nombreux à adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 17, notamment défendu par ma collègue Isabelle Pasquet, pour rétablir le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments.
En effet, à l’occasion de la transposition par la France de la directive 85/374/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le gouvernement de l’époque avait décidé de transposer en droit interne une disposition de cette directive dont la transposition était optionnelle, c’est-à-dire laissée à la libre appréciation des gouvernements. C’est ainsi qu’a été transposée en droit français l’exonération de responsabilité sans faute pour risque de développement. Si l’exploitant démontre qu’il était, compte tenu des données acquises de la science, dans l’impossibilité de déceler le défaut du médicament, ou même ses effets néfastes, aucune responsabilité ne peut lui être imputée. La victime aura beau établir l’existence d’un dommage, ainsi que celle d’un lien de causalité entre ce dommage et le médicament, l’exploitant ne verra jamais sa responsabilité engagée. La victime ne sera donc pas indemnisée.
Très logiquement, les exploitants s’abritent derrière cette disposition. Pourtant, la France n’était pas obligée de transposer cette partie de la directive. Ce qui a été fait peut donc être défait aujourd'hui, car les conséquences de cette transposition sont importantes pour les victimes, particulièrement quand les dommages sont survenus entre 1998 et 2001. En effet, l’arrêt rendu en 2007 par la Cour de cassation précise qu’un laboratoire ne peut faire valoir le risque de développement qu’à compter de 1998, année où la France a ratifié la directive.
Or l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne peut intervenir dans le processus d’indemnisation que pour les préjudices survenus à partir de 2001. Il résulte de cette situation que les victimes des années 1998 à 2001 sont contraintes, pour obtenir réparation, de faire la démonstration que le fabricant a commis une faute qu’il ne pouvait ignorer et que l’exploitant a sciemment commercialisé un médicament qu’il savait nocif. Cette condition étant quasiment impossible à remplir, voilà pourquoi le Sénat avait adopté l’amendement sur la responsabilité sans faute. C’est lors de la deuxième lecture que l’Assemblée nationale, alors majoritairement à droite, a supprimé cette disposition.
Les nombreux scandales sanitaires avérés tels que le Distilbène, le Mediator, les pilules de troisième et de quatrième génération, ou ceux qui pourraient émerger – je pense au DT-Polio avec la présence de sels d’aluminium comme adjuvants –, ne peuvent que nous inciter à renforcer la responsabilité du fabricant ou du distributeur-importateur du médicament et, parallèlement, à renforcer les droits des patients.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : quelles actions comptez-vous engager pour que soit inscrit dans notre loi le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments ? Comme je l’ai souligné, la gauche était favorable à cette mesure en 2011. Pour ma part, j’ai le sentiment qu’elle provoquerait une réflexion utile à l’échelon non seulement national, mais également communautaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier le groupe du RDSE d’avoir proposé un débat en séance publique sur le thème des médicaments et des produits de santé. Un tel débat est particulièrement opportun, d’une part, parce que nous aurons dans quelques semaines à examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d’autre part, parce que le marché du médicament connaît des évolutions que j’espère structurelles.
Je commencerai par citer quelques chiffres. La consommation totale de médicaments – 34, 3 milliards d’euros, soit 19 % de l’ensemble statistique appelé « consommation de soins et de biens médicaux » – représente 525 euros par habitant et par an.
Surtout, pour la première fois depuis cinquante ans, la valeur des ventes en pharmacies de médicaments remboursables a reculé en France en 2012. Ce recul historique résulte de plusieurs facteurs convergents : nouvelles diminutions de prix, élargissement du répertoire des génériques, généralisation du dispositif « tiers payant contre génériques », moindre progression des volumes.
Pour autant, la France part d’une situation ancienne où tant le volume de médicaments consommés que leur prix sont relativement élevés par rapport aux autres pays. La dépense française de produits pharmaceutiques, calculée en parité de pouvoir d’achat pour améliorer la qualité des comparaisons, se situe désormais au sixième rang mondial, derrière les États-Unis ou le Canada, au même niveau que le Japon, l’Allemagne ou la Belgique, mais à un niveau encore sensiblement supérieur à la moyenne de l’OCDE et au résultat de plusieurs pays du nord de l’Europe.
Au-delà des seuls médicaments, les dépenses de santé liées à ce que la comptabilité nationale appelle les « autres biens médicaux » représentaient 12, 8 milliards d’euros en 2012. Ce poste de dépenses est très dynamique ; il progresse en moyenne de 5 % par an depuis 2010, soit nettement plus que les autres dépenses de santé.
Je concentrerai mon propos sur les médicaments, mais nous devons, madame la ministre, rester attentifs à l’évolution des dépenses liées aux dispositifs médicaux, que ce soit en optique, mais aussi pour les petits matériels ou les pansements, qui représentent aujourd’hui des dépenses dynamiques et élevées.
Bien des choses ont été dites et écrites sur le médicament ; j’ai moi-même récemment déposé, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, un rapport relatif aux médicaments génériques – je vous remercie de l’avoir mentionné, madame Cohen.
Les Français consomment beaucoup de médicaments, toutes les études vont dans ce sens, même si cette assertion globale mériterait d’être affinée par âge ou par classe thérapeutique. Je citerai un exemple : les personnes âgées de soixante-quinze ans ou plus consomment, en moyenne, sept molécules médicamenteuses différentes de manière régulière, ce qui représente un poste de dépenses de 940 euros par an. Qui n’a pas été effaré, un jour, de constater que ses parents ou grands-parents devaient prendre une dizaine de médicaments par jour, la plupart servant à contrecarrer les effets secondaires des premiers ? Nous avons donc d’abord un problème de comportement de la part non seulement des prescripteurs, mais aussi des patients.
Les médicaments sont indispensables, vitaux même dans certaines situations, mais ce ne sont pas des produits anodins : ils présentent, par définition, des bénéfices et des risques. Nous devons donc, au nom de la santé publique, avant même d’envisager les conséquences en termes financiers, améliorer leur « bon usage ». C’est pourquoi j’ai proposé que les pouvoirs publics lancent de grandes campagnes de communication pour modifier les comportements. Une consultation médicale ne débouche pas nécessairement sur une ordonnance, comme cela a déjà été souligné : voilà le message simple que nous devons diffuser largement ! C’est certes un investissement, mais nous pouvons en espérer de grands progrès. Les campagnes que l’assurance maladie avait réalisées sur les antibiotiques ont eu un effet réel sur la consommation, mais on constate que, depuis leur arrêt, les statistiques ne sont plus aussi satisfaisantes.
En même temps que la sensibilisation des patients, nous devons aussi agir à la source, dès la prescription. L’assurance maladie a introduit dans la convention médicale quelques éléments pour améliorer les prescriptions, mais ils restent timides et ne peuvent avoir d’effets que sur le moyen terme.
Il s’agit non seulement de moins prescrire, je l’ai dit à l’instant, mais aussi de mieux prescrire. En France, les médecins ont tendance à prescrire des médicaments princeps et ont une nette appétence pour la nouveauté. Plusieurs éléments expliquent ce phénomène culturel : la faiblesse de la place du médicament dans les études médicales et, surtout, les stratégies menées par les laboratoires, notamment la visite médicale, qui oriente clairement la prescription vers des médicaments nouveaux et onéreux. De ce fait, les médicaments génériques, qui sont, il faut le répéter et insister, « des médicaments comme les autres » pour reprendre le titre du rapport récent de la MECSS, sont encore trop peu développés en France. Leur part a certes nettement progressé, mais elle ne représente que 26 % du volume des médicaments remboursables et 14 % de leur valeur.
Même si les comparaisons internationales doivent être analysées avec circonspection en raison des champs d’étude parfois différents, elles montrent toutes que nous avons une marge de progression importante par rapport à la plupart des pays occidentaux.
Les statines constituent un cas d’école pour analyser le marché français du médicament ; je le sais d’autant mieux que j’en consomme ! Alors que les différentes études de la Caisse nationale d’assurance maladie ou de la Haute Autorité de santé démontrent qu’il n’existe aucune différence significative entre l’ensemble des molécules, la seule qui ne soit pas génériquée représente 30 % du marché français, contre 4 % au Royaume-Uni et même 0, 5 % en Allemagne. Les patients français sont-ils si différents de leurs homologues allemands ou anglais ? Les résultats thérapeutiques sont-ils meilleurs en France ? Je ne le crois pas. Toujours est-il que le coût moyen journalier des traitements par statine est deux fois plus élevé en France que dans les autres pays, sans qu’une valeur ajoutée particulière soit mesurable dans les statistiques sanitaires.
Nous touchons là du doigt ce que j’ai appelé dans mon rapport pour la MECSS un « péché originel »... À défaut de vouloir imposer aux médecins de prescrire directement en dénomination commune internationale, ou DCI, la France a choisi de favoriser le développement des génériques par substitution au moment de la délivrance par le pharmacien. Cette politique a certes fonctionné, mais elle ne peut, au fond, que miner la confiance des patients dans ces médicaments.
Comment comprendre que le pharmacien remplace le produit que le médecin a explicitement prescrit ? C’est certainement la raison pour laquelle la France est l’un des rares pays où apparaissent régulièrement des polémiques ou des faux débats sur les génériques.
On l’a vu, la structure des prescriptions reste orientée en France vers les molécules les plus onéreuses et est défavorable aux médicaments génériques, si bien que le coût moyen des traitements est nettement plus élevé pour les classes thérapeutiques les plus importantes. Hormis la procédure de substitution, l’une des raisons de ce phénomène réside dans les prescriptions hospitalières. On constate en effet que les laboratoires pharmaceutiques fournissent à l’hôpital des médicaments à prix très bas, ce qui leur permet plus largement d’orienter la consommation en ville. Ce procédé bénéfique pour les finances de l’hôpital ne l’est pas pour les dépenses d’assurance maladie en ville ; nous devons réfléchir à cette contradiction.
Avant de conclure, je souhaite évoquer deux points de nature différente.
Vous le savez, madame la ministre, la nouvelle convention conclue entre l’assurance maladie et les pharmacies d’officine en 2012 prévoit une réorientation des modalités de rémunération des pharmaciens pour s’éloigner du système pernicieux actuel, presque entièrement lié au volume de boîtes vendues. Or les négociations pour mettre en place les nouveaux honoraires de dispensation n’avancent guère. Qu’entend faire le Gouvernement pour accélérer cette nécessaire évolution ?
Autre sujet très important : le contrôle des matières premières des médicaments. Le récent rapport de l’IGAS a souligné les graves défauts du système actuel de contrôle, dans le contexte d’une fragmentation et d’une mondialisation accrues de la production.
En accroissant le niveau de qualité requis, nous rendrions service aux patients européens et à l’industrie française. Quelles actions le Gouvernement entend-il mener, notamment au niveau européen, pour renforcer drastiquement les inspections et contrôles à l’étranger du processus de fabrication des médicaments et, surtout, des matières premières qui les composent ? Ne pourrions-nous, par exemple, mutualiser les équipes de contrôles avec l’ensemble des pays européens et occidentaux pour multiplier les inspections dans les grands pays producteurs que sont l’Inde et la Chine ?
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite rappeler en conclusion que la maîtrise des dépenses d’assurance maladie repose depuis plusieurs années sur des économies substantielles qui ont pesé sur le médicament : le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit encore 1 milliard d’euros en 2014. Cette politique pouvait se justifier au regard des prix français, qui étaient globalement élevés, mais, comme je l’ai déjà indiqué l’an passé lors de l’examen du PLFSS, cette politique va rapidement atteindre ses limites si elle n’est pas relayée par des actions structurelles permettant de modifier, en amont, les prescriptions et les comportements.
Campagnes de communication, prescription obligatoire en dénomination commune internationale, amélioration des prescriptions hospitalières, modalités de rémunération des médecins et des pharmaciens : voilà quelques pistes, madame la ministre, pour avancer vers de telles réponses structurelles !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue du RDSE, Gilbert Barbier, a largement exposé nos interrogations sur le parcours du médicament depuis les essais cliniques jusqu’à sa surveillance au chevet du malade. Pour ma part, j’évoquerai principalement trois sujets : les médicaments génériques, la vente de médicaments sur internet ainsi que le détournement et le trafic de certains médicaments.
En juin dernier, la présence de comprimés d’un somnifère dans la boîte d’un médicament diurétique, le Furosémide 40 mg, a eu des conséquences tragiques. Si les enquêtes ont conclu à une erreur de conditionnement, fort heureusement rarissime, cet accident a néanmoins relancé une campagne de dénigrement envers les médicaments génériques. Je rappelle qu’en avril dernier un médecin publiait un ouvrage intitulé Médicaments génériques : la grande arnaque. Régulièrement, l’efficacité et la qualité de ces médicaments sont mises en cause, installant dans l’opinion un sentiment de suspicion. La France serait le seul pays à connaître de telles polémiques.
Après avoir connu une forte croissance, le marché du médicament générique s’essouffle dans notre pays puisque, sur cent boîtes de médicaments distribuées en France, seules vingt-cinq sont des génériques, contre plus de 60 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
Les pouvoirs publics, après avoir tenté sans succès de mobiliser les médecins au développement du médicament générique, se sont essentiellement appuyés sur les pharmaciens d’officine, auxquels a été octroyé dès 1999 le droit de substitution, accompagné d’un fort intéressement financier à l’exercer. Ils se sont engagés conventionnellement à respecter des taux de substitution de plus en plus élevés.
Le renforcement, à la fin de juillet 2012, du dispositif « tiers payant contre génériques » a donné – c’est par exemple le cas dans mon département de la Haute-Garonne – des résultats encourageants. Après avoir progressé de 8, 7 points entre juillet 2012 et mars 2013, le taux de délivrance des génériques est actuellement en baisse ; il était de 77 % en juillet dernier. La caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne a lancé une nouvelle campagne de communication, intitulée « J’aime le médicament générique », qui met l’accent sur son coût, en moyenne 30 % moins élevé.
Mais l’argument du moindre coût des génériques, accréditant l’idée d’un médicament « low cost », n’est probablement pas le meilleur moyen de rassurer les patients, d’autant que l’une des polémiques porte sur les matières premières qui entrent dans la composition des médicaments.
Selon le rapport de l’IGAS de 2012, entre 60 % et 80 % des matières premières seraient fabriquées dans des pays hors Europe, principalement en Asie, et les trop rares inspections de sites de production mettent en évidence de graves dysfonctionnements. Entre médicament d’origine et générique, on ne peut plus se contenter de dire « c’est la même chose... ou presque ».
Il faut donc un maximum de transparence et d’information pour que la population soit bien consciente que le générique n’est pas un médicament au rabais. Pouvez-vous nous confirmer que la traçabilité, la fabrication et la distribution jusqu’aux officines pharmaceutiques s’opèrent dans les mêmes conditions que pour les molécules princeps ? Les contrôles de qualité, de sûreté sont-ils assurés de la même manière ?
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est la vente des médicaments sur internet.
Depuis le 12 juillet 2013, les pharmacies françaises peuvent, après autorisation, commercialiser sur internet 4 000 médicaments sans ordonnance. Je sais que vous avez fait le maximum pour encadrer ce mode particulier de distribution, pour éviter qu’il ne soit la porte ouverte à la contrefaçon et pour préserver un conseil pharmaceutique. Il semble néanmoins que sa mise en œuvre soit difficile, pour ne pas dire confuse, entre les sites pirates qui se multiplient et ceux, agréés, qui ne sont pas toujours conformes aux règles.
En quelques semaines, l’Ordre des pharmaciens a repéré près d’une centaine de sites illégaux. Sur ces sites, on ne trouve pas de Doliprane ou d’Efferalgan, autorisés à la vente en ligne mais peu lucratifs, mais plutôt des gélules contre les dysfonctionnements érectiles ou pour maigrir. Ces produits peuvent être contrefaits ou tout simplement interdits en France, car jugés dangereux.
Ce qui est nouveau, c’est le mode opératoire, qui consiste à utiliser l’adresse en déshérence d’une pharmacie réelle et physique. Le ministère doit faire preuve de la plus grande vigilance pour garantir la meilleure sécurité possible aux patients.
Dans ces conditions, la contraception d’urgence est-elle sur la liste des médicaments qui peuvent être vendus sur internet dans la mesure où elle n’est pas soumise à prescription ? Le risque est évidemment de recevoir le produit hors délais, et surtout il me paraît indispensable de bénéficier d’un conseil médical du pharmacien.
Le troisième sujet que j’aborderai est celui, très préoccupant, du détournement et du trafic de certains médicaments. Je pense particulièrement à la Buprénorphine à haut dosage, la BHD, prescrite sur ordonnance médicale sécurisée dans le cadre de traitement substitutif des pharmaco-dépendances majeures aux opiacés, dans le cadre d’une thérapeutique globale de prise en charge médicale, sociale et psychologique. L’impact positif de ce médicament est reconnu dans la lutte contre la dépendance aux opiacés, la diminution des overdoses à l’héroïne et la réduction des risques liés à la consommation de stupéfiants. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, si la grande majorité des patients utilisent le Subutex ou BHD dans un but thérapeutique, certains d’entre eux détournent ces médicaments pour les consommer dans un cadre non thérapeutique.
Par ailleurs, d’autres détournements ont été constatés, qui donnent lieu à des reventes hors du circuit pharmaceutique et suscitent un trafic aux niveaux tant national qu’international. C’est pourquoi, en 2004, l’assurance maladie a mis en place un plan de contrôle et de suivi des traitements de substitution aux opiacés qui consiste à cibler et à suivre individuellement les personnes qui se font délivrer l’équivalent de plus de 32 milligrammes de BHD par jour. Mais force est de constater que ce médicament demeure accessible sur le marché noir, à un faible coût, et qu’il est très utilisé par les usagers actifs d’héroïne.
Dès lors, madame la ministre, des mesures sont-elles envisagées pour mettre en place un plan d’action visant à favoriser un bon usage du médicament et à lutter plus efficacement contre toute dérive ou pratique ayant pour but de détourner, trafiquer ou « mésuser » les traitements ? J’ajoute que le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies rappelle que la méthadone seule ou en association serait en cause dans 38 % des surdoses en 2011, contre 22 % en 2009, en France. Dans ce cadre, pourquoi envisager la primo-prescription de méthadone en médecine de ville ?
Enfin, j’évoquerai une dernière question qui touche à l’actualité : la cigarette électronique.
Alors qu’une majorité de députés européens vient de refuser de la considérer comme un médicament, quelle est votre position ? Envisagez-vous au moins un statut pharmaceutique pour les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, ce qui permettrait une classification unique, et donc une réglementation comparable, pour l’ensemble des produits délivrant de la nicotine pour réduction ou arrêt du tabagisme ?
Madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous ne manquerez pas de nous apporter.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je remercie à mon tour le groupe du RDSE d’avoir permis ce débat sur un sujet très important en matière de santé publique.
Savez-vous qu'aux États-Unis et en Europe les résultats de plus de la moitié des essais cliniques ne sont jamais publiés ?
Dans une étude de 2005, une équipe lyonnaise a analysé 976 projets de recherche dont les protocoles avaient été approuvés en France en 1994 par les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale. Le protocole était le plus souvent – dans 68 % des cas – un projet de recherche évaluant un médicament.
Au total, selon les investigateurs, six à huit ans après leur approbation par un comité de protection des personnes, 62 % des recherches achevées n'avaient fait l'objet d'aucune publication. Sur ces 62 % de recherches non publiées, il est préoccupant de constater, avec un recul de six à huit ans, qu'une étude avait eu 4, 6 fois plus de chances d'être publiée lorsque ses résultats venaient confirmer son hypothèse principale. Il existe donc bien une publication sélective des seuls résultats favorables aux médicaments, qui biaise les analyses scientifiques et les décisions des autorités sanitaires, au détriment de la santé des personnes et de la pérennité des systèmes de protection sociale.
Au nom du secret commercial, les firmes s'arrogent trop souvent le droit de ne pas publier certains résultats. Et les autorités publiques et sanitaires, dans la situation actuelle, ne les contraignent pas à rendre publiquement accessibles ces données obtenues lors des essais cliniques ! Les firmes pharmaceutiques peuvent ainsi sélectionner les éléments qu'elles veulent voir publier. Il a même été démontré que certaines firmes pharmaceutiques multipliaient à l'inverse la publication d'études favorables. On connaît d’ailleurs ces études, écrites par des auteurs fantômes, qui font partie de plans de publication mûrement réfléchis, essentiels à la promotion commerciale des nouveaux médicaments.
Dans le modèle d'affaires actuel, les firmes pharmaceutiques ne consacrent donc pas la majeure partie de leurs ressources au développement et à la production des médicaments mais à une véritable gestion de la recherche grâce à trois types de stratégie cumulés : la multiplication de la publication d'études favorables à un médicament, la rétention d'informations pouvant nuire aux ventes et parfois l'intimidation, voire la neutralisation de chercheurs indépendants.
Si l'évaluation des médicaments avant leur mise sur le marché fait l'objet de critiques de plus en plus nombreuses, c'est également parce que des biais faussent souvent les méthodes d'évaluation. Les praticiens sont par exemple nombreux à constater que les traitements sont souvent moins efficaces et moins bien tolérés chez leurs patients que dans certaines publications d'essais cliniques. Cela est notamment lié au fait que les essais cliniques ont été réalisés dans des conditions qui ne reflètent guère la réalité, avec des patients sélectionnés en nombre limité et non représentatifs des patients réels, pour différentes raisons.
On constate aussi, de plus en plus régulièrement, une absence de comparaison avec les autres options thérapeutiques. Trop d'autorisations de mises sur le marché résultent ainsi des seuls essais cliniques réalisés en comparaison avec des placébos et non avec les traitements de référence. Ces essais sont contraires à l'éthique quand un traitement de référence existe, et ils ne permettent pas aux soignants et aux patients de faire un choix éclairé parmi les options disponibles.
Enfin, l'accès du public aux données cliniques n'est toujours pas garanti. Or la réalisation d'analyses contradictoires indépendantes du promoteur de l'essai dépend de la mise à disposition des données cliniques obtenues lors des essais sous une forme suffisamment détaillée. Trop souvent pourtant, les firmes pharmaceutiques et les agences s'opposent à l'accès des chercheurs et du public à ces données sous divers prétextes : les données seraient « commercialement confidentielles », il faudrait protéger les données personnelles des participants ou se prémunir des risques de « mauvaise interprétation », etc.
Au total, je suis convaincue qu'une recherche plus indépendante et davantage libérée des contraintes commerciales est nécessaire afin de faire progresser la médecine.
Un nouveau règlement européen sur les essais cliniques a justement été proposé par la Commission européenne en juillet 2012 et devrait être voté par le Parlement européen en séance plénière aux alentours de mars 2014.
Alors que la Commission européenne proposait d’affaiblir la protection des personnes en visant avant tout à « renforcer l’attractivité de l’Union européenne en matière de recherche clinique », les eurodéputés de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire ont adopté un rapport contenant plus de 290 amendements, dont plusieurs vont dans le sens d’un renforcement des exigences de transparence en matière de résultats des essais cliniques.
Si les améliorations apportées par cette commission du Parlement européen sont maintenues lors du vote en séance plénière, le nouveau règlement pourrait constituer un progrès en termes d’accès aux résultats des essais cliniques et contribuerait à la transformation du modèle actuel de recherche et de développement des firmes pharmaceutiques, qui est à bout de souffle, en un nouveau modèle permettant de mieux répondre aux besoins réels de santé publique. Comme le montre le débat, c’est bien ce que nous attendons tous !
À l’heure où le mot « transparence » est souvent employé, force est de constater que les agences de santé, les firmes pharmaceutiques ainsi que leurs relais ne la pratiquent guère. C’est donc dès maintenant et par-delà les frontières des États membres et de nos groupes politiques respectifs que nous devons œuvrer à introduire plus de transparence.
Madame la ministre, j’espère que la France défendra plus de transparence en matière de résultats des essais cliniques, notamment ceux qui sont conduits en France ou par des firmes présentes sur le territoire national.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Alain Milon, qui souhaitait intervenir cet après-midi dans ce débat, dont je salue à mon tour la qualité. Une partie de mon discours reflétera donc sa position.
La réglementation du marché des médicaments constitue un enjeu crucial pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Les Français sont en effet de gros consommateurs de médicaments et, comme l’a rappelé notre collègue Daudigny, ils dépensent en moyenne tous les ans environ 500 euros en produits de santé.
Le secteur pharmaceutique français revêt également une grande importance sur le plan économique : les entreprises du médicament emploient directement 100 000 personnes et représentent 4, 8 % du marché mondial du médicament. Plutôt que de pointer du doigt ce secteur d’excellence tant dans le domaine économique que scientifique, mieux vaudrait associer tous les professionnels de santé aux enjeux de la sécurité sanitaire, mais sans concession.
En 2011, le drame du Mediator a illustré les carences de notre système de contrôle des produits de santé, ce qui nous a conduits à renforcer notre arsenal législatif. À cet égard, la loi du 29 décembre 2011, dite « loi Bertrand », a introduit des changements majeurs pour améliorer la surveillance des médicaments sur le marché et elle a permis à la France de rattraper une partie de son retard en la matière. Le texte s’articule autour de trois exigences : lutter contre les conflits d’intérêts entre les acteurs de santé, améliorer le paysage institutionnel du système de sécurité du médicament et consolider les mécanismes de contrôle.
La quasi-totalité des décrets d’application ont été pris par le Gouvernement. Il nous est donc possible de mesurer les effets de cette loi.
La publication officielle des déclarations d’intérêts pour toutes les personnes dirigeantes liées au secteur de la santé est une avancée que nous saluons. La mise en place de ce Sunshine Act à la française a permis de clarifier les liens entre l’industrie et les professionnels de santé en rendant publics les conventions et les avantages accordés par les entreprises pharmaceutiques. Ces mesures vont dans le bon sens : la transparence sanitaire et l’indépendance de l’expertise médicale sont devenues des réalités.
Par ailleurs, la création de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne doit pas se réduire à un énième changement de nom. Le rattachement de l’agence au budget général de l’État ne saurait pas davantage impliquer une baisse de ses moyens financiers. Surtout, il est impératif que l’ANSM collabore étroitement avec l’Agence européenne du médicament et les agences régionales de santé. N’oublions pas que le scandale du Mediator aurait pu être évité si la coopération entre les différentes agences avait été plus développée.
La loi a également voulu consolider le système de pharmacovigilance et le suivi des médicaments après leur autorisation de mise sur le marché. En particulier, les AMM font désormais l’objet d’une réévaluation tous les cinq ans par l’ANSM pour apprécier la sécurité et l’efficacité du médicament.
L’agence aura la possibilité de modifier, suspendre ou retirer l’autorisation de mise sur le marché de tout produit de santé jugé nocif. Elle pourra également interdire la prescription et la délivrance de tout médicament à risque ou qui n’aurait pas fait la preuve de son efficacité.
Selon les données du ministère de la santé, depuis 2011, l’autorisation de mise sur le marché a été reconsidérée pour cinquante-huit médicaments, notamment le Diane 35 et le tétrazépam. Comment pourrait-on, madame la ministre, améliorer l’information du Parlement, en particulier par l’intermédiaire de ses commissions des affaires sociales, sur les programmes de réévaluation décidés par l’ANSM ?
L’encadrement des produits de santé hors AMM constitue l’un des axes majeurs de la loi de 2011. Je rappelle que le Mediator avait été prescrit à 78 % hors AMM en 2008. Il convient donc d’être extrêmement vigilant pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. Certes, les médicaments hors AMM peuvent être vitaux pour des maladies graves ou rares, mais il faut renforcer la procédure de délivrance des autorisations temporaires d’utilisation.
À terme, le régime de sécurisation des médicaments hors AMM devra être aligné sur celui des autres médicaments. En particulier, les médicaments prescrits hors AMM doivent être réévalués régulièrement. Or la loi de 2011 reste encore trop floue sur cette question ; il serait peut-être nécessaire de la préciser à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Nous souhaitons connaître la position du Gouvernement sur le sujet.
Enfin, madame la ministre, notre débat sur la sécurité sanitaire ne peut ignorer la question de la surconsommation de médicaments. Outre son inutilité, cette surconsommation pèse sur le budget de la sécurité sociale, puisque le remboursement des médicaments est le premier poste de dépenses de l’assurance maladie.
La France est l’un des pays où les prescriptions et l’usage irrationnels de produits de santé sont les plus forts. Il ne suffit pas d’encourager l’utilisation de génériques pour lutter contre cette dérive, il convient aussi et surtout de sensibiliser les Français à l’usage modéré de ces produits.
Par ailleurs, je souhaite appeler une nouvelle fois votre attention sur les garanties qui accompagnent le remplacement d’un médicament prescrit par le médecin par un autre dit « générique ». C’est là un aspect complexe de la problématique des génériques, qui doivent devenir des médicaments comme les autres.
Ce remplacement est effectué par le pharmacien, qui, placé sous le contrôle administratif de l’assurance maladie, doit chercher à diminuer les dépenses d’achat de médicaments. Ce praticien s’expose à des sanctions dans le cas où son « efficacité » en matière de substitution ne serait pas jugée suffisante. À l’inverse, le pharmacien « vertueux » se voit récompensé par des primes versées par l’assurance maladie.
Les logiques économiques propres au marché du médicament sont encore compliquées par des systèmes de marges, quelquefois particulièrement avantageux pour les génériques, et qui s’apparentent à ceux, fort complexes, en vigueur dans la grande distribution. À ce titre, il serait souhaitable qu’une plus grande transparence règne dans le « business » du médicament, si je puis utiliser cette expression américaine.
Tout en approuvant, sur le principe, cette recherche d’économies par le recours aux génériques, je m’étonne de l’ampleur de la responsabilité laissée au pharmacien, qui peut, sans concertation, modifier la prescription émise par le médecin. Cette pratique soulève des questions d’ordre éthique et modifie très profondément les relations de confiance entre le patient, le médecin et le pharmacien. En effet, comment voulez-vous faire de la pédagogie sur le bon usage des médicaments lorsque le patient ne sait plus qui du médecin ou du pharmacien prescrit son traitement ?
En outre – j’insiste tout particulièrement sur ce point –, la comparaison entre la fiche descriptive d’un médicament princeps et celle de son générique ne garantit pas toujours que les deux préparations soient parfaitement similaires. On parle de bioéquivalence entre les deux, sans que cette notion soit toutefois parfaitement définie sur les plans scientifique et juridique. Cette incertitude n’a rien de rassurant pour le patient qui, ayant connu de bons résultats avec un médicament prescrit par son médecin, se voit imposer un générique qui n’est pas garanti être en tous points semblable au médicament qui lui a été bénéfique.
De nombreux exemples illustrent l’existence d’un décalage sérieux entre la fiche descriptive d’un médicament et celle de son générique. La similitude chimique entre les deux préparations n’est pas complètement assurée et aucune garantie n’est apportée quant à leur égale efficacité. Néanmoins, les autorisations de mise sur le marché des génériques sont plus faciles à obtenir que celles des médicaments initiaux.
Je précise que les différences entre le médicament princeps et son générique peuvent porter sur la nature de la substance active et sur celle des excipients, les problèmes les plus graves concernant bien sûr les principes actifs. Il serait donc important de multiplier les expertises visant à encadrer et à garantir la sécurité des autorisations de mise sur le marché des génériques, qui, je vous le rappelle, pour certains médicaments, s’élèvent à quelques dizaines. On peut s’interroger sur la nécessité de disposer de quelques dizaines de copies pour un seul médicament. Cela ne semble guère très sérieux !
Je le répète, je ne m’oppose nullement à la recherche d’économies par le recours aux génériques, mais il faut s’entourer de solides garanties afin que ceux-ci deviennent véritablement des médicaments comme les autres en lesquels on puisse avoir entière confiance. Par conséquent, madame la ministre, vous serait-il possible de nous préciser comment garantir l’égalité d’action entre les médicaments et leurs génériques ? C’est la meilleure façon d’assurer la pérennité d’une politique d’économies que nous approuvons tous.
Enfin, j’en viens à la question de la vente en ligne de médicaments que vous avez autorisée par l’ordonnance du 19 décembre 2012 transposant une directive européenne.
Cette ordonnance nous semble envoyer un mauvais signal. Les ventes sur internet nécessitent en effet un encadrement strict. Nous aimerions donc connaître les mesures prises en ce sens par le Gouvernement.
Les dispositifs créés par la loi de 2011 doivent être mis en place le plus tôt possible. Nous nous félicitons de la création de la base informatique de données sur les médicaments rattachée au site du ministère de la santé. Cette base contribuera sans doute à un meilleur usage des produits de santé par les Français. Reste qu’il conviendra de mieux encadrer les logiciels d’aide à la prescription destinés aux médecins. De tels logiciels ne sauraient se substituer aux professionnels de santé : ils ne peuvent être qu’un support complémentaire pour les usagers.
Pour conclure, j’évoquerai les projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs qui se sont traduits par une imprévisibilité de l’environnement de l’industrie pharmaceutique. Ils sont probablement devenus aujourd’hui l’un des éléments qui pénalisent le plus l’attractivité de la France dans ce domaine. Une fois encore, le Gouvernement fait le choix des hausses de taxes plutôt que celui de réformes structurelles. Mais nous reviendrons sur ce point dans quelques jours à l’occasion des discussions budgétaires.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à mon tour à remercier M. Barbier d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui nous permet d’aborder l’ensemble des questions relatives aux médicaments. Il est vrai que, dans notre pays, ces questions nous préoccupent beaucoup, peut-être même davantage qu’ailleurs – j’aurai l’occasion d’y revenir.
Ce débat m’offre l’occasion de dresser un bilan de l’action que je mène en matière de produits de santé, particulièrement de médicaments.
La question centrale est celle de la confiance. Vous l’avez quasiment tous souligné, cette confiance a été ébranlée au cours des dernières années par des crises sanitaires. À ce propos, je ferai remarquer que l’on a eu tendance à mettre toutes ces crises sur le même plan, alors qu’elles renvoyaient, en réalité, à des situations extrêmement différentes. Je ne passerai pas en revue toutes les crises que vous avez, les uns et les autres, évoquées, mais je tiens à dire que l’affaire du Mediator ne peut pas servir de grille de lecture lorsque l’on évoque les enjeux de sécurité en matière de médicaments.
Ces crises ont donc mis à mal la confiance de nos concitoyens à l’égard tant des médicaments qu’ils consomment que du système de régulation de nos produits de santé.
Ma responsabilité, celle des pouvoirs publics, est de garantir la sécurité, la juste prescription, la transparence, l’information et l’accès aux produits innovants.
Sans chercher à être exhaustive, je voudrais mettre l’accent sur cinq piliers de la politique que je conduis.
Le premier est relatif au renforcement de la sécurité de nos concitoyens, et donc de leur protection.
Madame Goulet, vous avez évoqué la question de la prévention. Il est exact que l’enjeu de la sécurité des médicaments renvoie également à la mise en place d’une politique de prévention et de sécurisation de nos produits.
Cette politique de prévention trouvera toute sa place dans la loi de santé que je présenterai l’année prochaine. Elle est l’un des axes centraux de la stratégie nationale de santé que j’ai annoncée le 23 septembre dernier et qui repose précisément sur la prévention, la réorganisation de notre système de soins de premier recours et le développement des droits des patients.
La prévention est le premier élément de cette politique que je souhaite mettre en avant. Incontestablement, pour renforcer la sécurité de nos concitoyens, il faut donc aller plus loin que ce qu’a permis la loi de décembre 2011. Vous avez d’ailleurs été un certain nombre à le souligner, notamment MM. Barbier et Leroy, et je veux insister sur ce point.
Les ruptures d’approvisionnement sont devenues un enjeu majeur : l’an dernier, nous avons affronté plus de 170 ruptures de stock de médicaments dits « indispensables ». Cette fréquence anormale est particulièrement préoccupante lorsque ces ruptures concernent des traitements nécessaires aux patients.
Sans attendre, j’ai pris des décisions au niveau national pour sécuriser l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. J’ai ainsi fixé par décret les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs. J’ai également mis en place des centres d’appel d’urgence pour informer les Français sur les situations qu’ils pourraient rencontrer. Enfin, j’ai instauré un comité de pilotage multidisciplinaire, qui me fera des propositions pour lutter plus efficacement encore contre les ruptures de stock.
À l’évidence, nous avons besoin de prendre des mesures législatives pour – j’espère que vous me passerez cette expression quelque peu triviale ! – « aller un cran au-dessus » en matière de sécurisation de l’approvisionnement. J’ai évidemment souhaité porter ce dossier au niveau européen, car ces difficultés ne se limitent pas à l’Hexagone.
Nous mettons en place des dispositifs d’alerte européens. Nous avons, par exemple, récemment rencontré, et nous rencontrons encore de manière limitée, des difficultés d’approvisionnement de plusieurs dosages de Lévothyrox. Grâce au mécanisme que nous avons mis en place au niveau européen, nous avons pu nous rapprocher de l’Italie pour pallier certaines carences.
Plus largement, nous devons assurer la qualité de nos médicaments. M. Daudigny a parfaitement raison de pointer l’enjeu que constituent la traçabilité des matières premières et la mise en place de contrôles renforcés. Certains ont avancé les pourcentages de 60 % et 70 %, mais je veux rappeler que ce sont 80 % des matières premières des médicaments qui viennent de pays tiers extérieurs à l’Union européenne. Cette situation nécessite un contrôle renforcé, qui ne peut se faire que de façon coordonnée au niveau international, aucun pays n’ayant les moyens de contrôler l’ensemble des sites producteurs. C’est ce que nous avons mis en place avec nos partenaires. Je souligne que la France est le seul État membre à avoir dédié une équipe d’inspecteurs au contrôle des matières premières.
Pour garantir la sécurité, j’ai également souhaité encadrer la vente de médicaments sur internet, en complément du droit européen.
L’achat en ligne est de plus en plus prisé par les patients, même si la vente reste limitée à certains médicaments. Il est donc primordial de réguler et contrôler ces achats. On ne peut pas admettre que circulent aussi facilement des médicaments contrefaits ou falsifiés, lesquels se retrouvent ensuite dans les armoires à pharmacie – trop remplies ! – de nos concitoyens. Je tiens à dire à Mme Laborde et à M. Leroy que j’ai fait le choix de mettre en place des garde-fous en m’appuyant sur le réseau de nos officines pour assurer la sûreté de ce nouveau mode de dispensation.
Je rappellerai très succinctement les règles que j’ai souhaité ajouter à celles posées par la directive européenne. Seuls les médicaments ne nécessitant pas une ordonnance peuvent être vendus sur internet ; ils ne peuvent, et ne doivent, être achetés que sur des sites labellisés par le ministère. Pour être labellisés, ces sites doivent être adossés à une pharmacie physique. La liste de ces sites est disponible sur le site du ministère ainsi que sur celui de l’ordre des pharmaciens. Enfin, des contrôles sont régulièrement menés : lorsque des sites manifestement malveillants ou frauduleux sont repérés, des actions en justice sont engagées, ce qui s’est déjà produit.
Madame Laborde, vous m’avez interrogée sur les moyens d’aller plus loin dans la sécurisation de ces circuits. Nous devrons ratifier la convention internationale Médicrime, qui nous permettra de lutter plus efficacement contre les produits contrefaits. Cela se fera le plus rapidement possible en 2014, car l’enjeu est important.
Enfin, il est devenu essentiel de renforcer nos mécanismes de vigilances.
Être vigilants, cela signifie qu’il nous faut vérifier que les médicaments consommés présentent toutes les conditions de sécurité et que ceux-ci sont utilisés à bon escient. C’est le sens de la mission de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui analyse le rapport entre les bénéfices et les risques tout au long de la vie du produit.
Depuis plus d’un an, l’ANSM effectue des réévaluations périodiques, notamment pour les produits anciens. Cette démarche vise à apprécier l’intérêt de conserver ou non un produit sur le marché ou de revoir éventuellement ses conditions de mise sur le marché. C’est dans ce contexte que l’ANSM a retiré l’antiacnéique Diane 35. Elle a ainsi réévalué 110 médicaments en deux ans et il y a eu, par exemple, 11 suspensions de commercialisation.
Toutefois, ce système ne nous permet pas d’anticiper et de gérer de manière optimale les situations à risque. C’est la raison pour laquelle je veux rénover plus en profondeur notre système de vigilances. J’ai ainsi confié à Jean-Yves Grall la mission de me proposer un plan de réorganisation de toutes les vigilances avec un objectif : mettre en place un système plus simple et plus réactif.
Un système plus simple signifie qu’il doit être plus immédiatement compréhensible, lisible non seulement par nos concitoyens – c'est tout de même important ! –, mais également par les professionnels de santé. C'est une exigence, car, pour dire les choses très clairement, si les professionnels de santé n’arrivent pas à s’y retrouver entre les différentes agences, je ne vois pas comment nos concitoyens, qui n’ont pas les mêmes outils que les professionnels, pourraient le faire !
Dès l’an prochain, nous engagerons cette réorganisation. Elle s’appuiera sur le rapport de Jean-Yves Grall et sur celui des professeurs Bernard Bégaud et Dominique Costagliola. Elle permettra de rendre plus efficace la surveillance relative à l’utilisation réelle des produits de santé. Lorsqu’une autorisation de mise sur le marché est accordée à un médicament, elle est assortie de conditions de prescription. Si ce produit est prescrit de manière massive en dehors de l’usage indiqué dans l’AMM, nous devons disposer de moyens simples, souples et réactifs de le détecter.
Les professionnels soulignent régulièrement le fait qu’il peut être utile et intéressant de prescrire un médicament hors AMM. Il ne s’agit évidemment pas de condamner ou d’empêcher cette possibilité, mais elle doit rester limitée. En effet, il faut adapter à un traitement particulier, à un malade particulier, la pharmacopée dont on dispose. Dès lors qu’un médicament est massivement prescrit hors autorisation de mise sur le marché - c’est ce qui s’est passé, par exemple, pour l’antiacnéique Diane 35 –, cela signifie, à l’évidence, qu’il y a un dysfonctionnement. Il faut alors se poser des questions, ce qui implique que l’agence doit pouvoir s’en saisir, soit pour revoir l’autorisation de mise sur le marché qu’elle a accordée, soit pour rappeler les prescripteurs à leur rôle et aux règles qui ont été fixées.
Je vais permettre l’accès sécurisé aux bases de données, ce qui doit permettre de renforcer encore la surveillance des produits.
Évidemment, les dispositifs médicaux seront également concernés par la rénovation de notre système de vigilances. Il est devenu urgent de renforcer l’évaluation clinique des dispositifs médicaux les plus à risque, avant leur mise sur le marché. Vous le savez, et je vous le confirme, je défends cette position avec force au niveau européen. J’insiste sur le fait que cette position ne va pas de soi, car certains États membres défendent plutôt l’idée d’une mise sur le marché rapide pour pouvoir répondre aux attentes des patients.
Pour ma part, sans nier la nécessité d’être réactif, il me paraît absolument nécessaire de garantir la sécurité des produits, notamment des dispositifs médicaux implantables - tous les dispositifs ne doivent évidemment pas être tous mis sur le même plan.
Conformément aux préconisations du professeur Vicaut, j’instaurerai la traçabilité des dispositifs médicaux.
Enfin, il s’agira de réorganiser le paysage institutionnel de notre système de vigilances, car nous avons besoin d’être plus lisibles, plus clairs et plus réactifs. Dans les missions menées par les agences sanitaires, les doublons sont trop nombreux et certains sujets ne sont pas couverts. La future loi de santé de 2014 permettra de mettre en œuvre cette réorganisation des agences.
Le deuxième pilier de la politique que j’ai engagée est celui du bon usage des produits et de leur juste prescription au meilleur coût.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux à aborder le sujet. Vous avez quasiment tous constaté que les Français consomment encore trop de médicaments. Les prescriptions sont également trop souvent ciblées sur les produits les plus onéreux ; Yves Daudigny a eu parfaitement raison de le souligner. C’est l’une des caractéristiques du système français : les professionnels de santé ont tendance à prescrire systématiquement le dernier médicament mis sur le marché, même si des médicaments plus anciens et moins onéreux seraient tout à fait adaptés au cas du patient qu’ils traitent. En fait, ils ont tendance à utiliser l’amélioration que représente le nouveau médicament pour les cas les plus banals et les plus classiques, ce qui, bien évidemment, représente un coût très significatif pour notre système de santé.
Par conséquent, nous devons encourager une meilleure information des professionnels, des patients et l’amélioration des pratiques. La règle doit être claire : au moment de la prescription, il faut prendre en compte non seulement le rapport bénéfices-risques des médicaments, mais aussi leur coût. De ce point de vue, je regrette la frilosité qui existe dans notre pays.
Cela m’amène au débat sur les génériques. Je rappelle que ce débat a d’abord été un débat économique, mais, j’y insiste, il ne s’agit pas de médicaments low cost ! Au reste, il s’agit d’un débat franco-français, qui n’existe pas dans les autres pays développés, européens notamment.
Monsieur Leroy, les règles concernant les médicaments génériques sont internationales. En effet, tout ce qui concerne le contrôle, le processus de fabrication, la définition des produits qui peuvent ou non être génériqués est défini au niveau international.
Dans notre pays, les génériques continuent d’inspirer une certaine inquiétude, même si c’est aujourd'hui moins vrai qu’il y a quelques années. Certes, les pharmaciens jouent un rôle important dans la substitution, mais cela ne signifie pas que leur rôle se confond avec celui du médecin. J’en veux pour preuve que, lorsqu’il ne dispose pas ou plus du produit prescrit ou s’il a un doute sur la substitution, le pharmacien appelle le médecin pour avoir son avis ou lui demander conseil. Nous avons tous été témoins de telles situations.
Par ailleurs, je rappelle que le médecin peut inscrire « non substituable » sur l’ordonnance.
Comme cela a été indiqué par l’un d’entre vous, nous n’avons pas l’habitude, dans notre pays, de prescrire en DCI : nous prescrivons à partir de la marque du médicament. Souvent, les professionnels eux-mêmes connaissent le médicament sous son nom de marque et non sous le nom de la molécule, ce qui explique leur tendance à prescrire le princeps plutôt qu’un générique. A contrario, le fait de ne pas apporter la mention « non substituable » sur l’ordonnance signifie que, pour eux, la substitution est possible. Les pharmaciens, qui, eux, raisonnent en termes de DCI, procèdent alors à cette substitution de façon tout à fait encadrée.
Je veux vraiment insister sur ce point, et je vous confirme, madame Laborde, que nous avons là un combat de conviction à mener. Prescrire un générique, ce n’est pas prescrire un médicament moins bien parce que moins cher ; c’est prescrire une molécule vendue sous un autre nom que celui de la marque d’origine, le brevet étant tombé du fait de l’ancienneté de l’innovation. Au fond, la marque vient protéger une innovation ; ce que la collectivité, et la sécurité sociale en particulier, doit rémunérer, c’est cette avancée, et non la vente massive d’un médicament ancien sous son nom de marque initiale.
Nous devons défendre ce point de vue. C’est dans cette perspective que je défendrai, dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, une utilisation sécurisée des médicaments biosimilaires. Nous devons encadrer l’offre de ce type de produits, qui continue de se développer.
Vous l’aurez compris, je considère que le rôle des pharmaciens en matière de prescription des génériques doit être reconnu. Monsieur Daudigny, une négociation conventionnelle doit s’engager sur l’évolution des honoraires de ces professionnels. Cette négociation est en train de se mettre en place et devrait aboutir, dans un délai que j’espère aussi proche que possible.
Le troisième pilier de la politique que je mène a trait à la nécessité de garantir l’accès à une information indépendante.
Il est nécessaire que les pouvoirs publics fournissent aux professionnels et aux Français une information fiable, gratuite et indépendante sur les médicaments. C’est dans cet esprit qu’a été lancée la base de données publique sur les médicaments, que vous pouvez consulter en vous connectant à www.medicaments.gouv.fr. Une quinzaine de jours après sa mise en ligne, cette base rencontre un très grand succès : près de 200 000 connexions ont d'ores et déjà été enregistrées, ce qui marque un intérêt réel pour l’information en matière de médicament. Il s’agit là de la première pierre du futur service public d’information en santé dont je souhaite la mise en place.
En outre, dès l’année prochaine, les patients pourront connaître le service médical rendu de leur médicament, qui sera désormais inscrit sur la boîte. Mes services travaillent actuellement sur le décret qui permettra la mise en œuvre de cette mesure.
Madame Archimbaud, l’accès de tous à l’information, c’est aussi l’accès à une information sur les essais cliniques menés sur notre territoire et même en Europe. Cette information existe, mais elle n’est pas facile d’accès. Comme vous, je considère que nous devons œuvrer pour plus de transparence en la matière. À Bruxelles, la France défend cette transparence et la réorientation ou l’évolution des politiques dans le sens de la mise à disposition de l’information nécessaire.
Pour ce qui est des médicaments, les informations sont disponibles sur les sites de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et de l’Agence européenne du médicament. Cela étant, je partage l’avis que nous devons donner à ces informations une visibilité plus importante, en particulier pour le grand public, qui ne va pas forcément consulter le site de telles institutions.
Enfin, je veux confirmer à Mme Goulet ma volonté de permettre aux patients d’être mieux protégés à travers la mise en place d’une action de groupe en matière de santé. Cette action de groupe trouvera sa place dans le projet de loi relatif à la santé que je présenterai l’année prochaine.
Le quatrième axe de la politique que je conduis concerne la transparence des décisions médicales, des expertises et des choix de sécurité sanitaire. Cette transparence est la condition de la confiance de nos concitoyens.
Comme cela a été rappelé, chaque responsable public a désormais l’obligation de publier une déclaration d’intérêts. Les experts doivent également appliquer la charte de l’expertise sanitaire, qui permet de veiller aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et d’indépendance. Tel est aussi le sens du décret « Sunshine Act », qui, sur mon initiative, va plus loin que ce qui avait été initialement prévu. En effet, tous les avantages consentis par des industriels à des professionnels de santé doivent désormais être publiés sur un site public, qui centralisera l’ensemble des informations. Ce site ouvrira en avril 2014, mais la collecte et le rassemblement des informations commencera dans quelques semaines. Telle sera la deuxième pierre du service public d’information en santé.
Enfin, dernier point que je ne peux pas ne pas évoquer, même si peu d’entre vous en ont fait un axe important de leur intervention : une politique du médicament, c’est bien évidemment aussi une politique de soutien à l’innovation.
L’industrie de la santé constitue un pan entier de notre économie, c’est l’une de ses forces et l’un de ses atouts. Nous devons nous en souvenir, la défendre et la valoriser. Au reste, l’égalité face à la santé, l’égalité d’accès à des soins de qualité passent aussi par le fait de pouvoir accéder à une innovation qui soit bien développée.
Par conséquent, nous devons concentrer les efforts publics sur la valorisation de l’innovation ; telle est ma volonté, et telle est celle du Gouvernement. Contrairement à ce que j’ai parfois entendu, défendre l’innovation n’est donc pas contradictoire avec la volonté de mieux réguler et de mieux encadrer la prescription ou la consommation de médicaments.
En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de vos interventions et de l’intérêt que vous accordez à une politique du médicament qui garantisse la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Nous en avons terminé avec le débat sur le marché du médicament et des produits de santé.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public (textes de la commission n° 75 et 73, rapports n° 74 et 72).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa version initiale, le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public contenait des dispositions fondamentales pour l’avenir de l’audiovisuel public.
D’abord, il prévoyait la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, afin de mettre fin à la nomination par le Président de la République, qui prévalait depuis 2009.
Ensuite et surtout, il prévoyait une désignation totalement inédite des membres du CSA, avec une approbation par les commissions parlementaires, aux trois cinquièmes de leurs membres, exprimant une volonté du plus large rassemblement politique. À cet égard, si l’indépendance est un terme parfois galvaudé, elle sera bien une réalité s’agissant du nouveau CSA qui se mettra peu à peu en place.
Enfin, le projet de loi initial faisait respecter un principe fort de notre droit conventionnel : celui de la séparation des autorités de poursuite et de sanction, avec la mise en place d’un rapporteur indépendant au sein du Conseil.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir su trouver la voie d’une réforme à la fois ambitieuse et lisible pour le citoyen : ce mode de nomination est appelé à perdurer très longtemps.
L’Assemblée nationale, prenant acte de cette réforme du CSA, décidait quant à elle de lui confier de nouveaux pouvoirs, tout en lui attribuant parallèlement de nouveaux devoirs, en termes d’études à réaliser ou encore de comptes à rendre. En volume, le texte passait de dix à vingt articles. Une surprise se nichait dans ces évolutions, avec l’ouverture d’une possibilité, pour le CSA, d’autoriser le passage de la télévision numérique terrestre – la TNT – payante à la TNT gratuite sans appel à candidature.
Le Sénat s’est saisi pleinement de ce texte, lequel est sorti de notre hémicycle avec trente-huit articles.
Il a d’abord souhaité apporter sa part dans l’approfondissement de l’indépendance de l’audiovisuel public, en prévoyant que la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, par le Président de la République serait soumise pour avis aux commissions de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat et en accordant aux chaînes de télévision la possibilité de détenir des parts de coproduction. Cette mesure, attendue de longue date, notamment pour France Télévisions, devrait encourager les chaînes à développer des programmes de fiction plus ambitieux, qui seront fondamentaux dans la télévision de demain.
Si l’on a beaucoup parlé de l’indépendance organique des chaînes de télévision, cette mesure contribue à leur indépendance financière, et c’est à une large majorité que le Sénat, sur notre initiative, a considéré cette dernière comme étant elle aussi un impératif. À cet égard, la détention de droits par France Télévisions sur les programmes qu’elle finance participe pleinement à son indépendance financière. Cela a également été permis par des mesures facilitant la circulation des œuvres.
Dans le prolongement des avancées faites à l’Assemblée nationale, le Sénat précisait le champ des pouvoirs du CSA en élargissant sa compétence de règlement des différends aux services de médias audiovisuels à la demande, en créant un pouvoir de conciliation en matière de circulation des œuvres afin d’accompagner l’ouverture des parts de coproduction, en encadrant le passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite ou encore en limitant le champ des études d’impact obligatoires.
Dans un esprit d’équilibre et de compromis, le texte du Sénat prévoyait aussi, avec la mise en place d’une procédure de tuilage, les modalités d'une transition satisfaisante entre les présidents de l’audiovisuel public.
Enfin, il renforçait l’application de la parité dans les conseils d’administration des chaînes de l’audiovisuel public et favorisait la présence de représentants de consommateurs au sein de ces conseils d’administration, via la désignation des personnalités qualifiées par le CSA.
Toutes ces améliorations, parfois techniques, mais souvent de fond – leur énumération suffit à montrer leur importance –, sont à porter au crédit de l’ensemble des groupes du Sénat puisque tous ont vu un ou plusieurs de leurs amendements adoptés.
Je remercie ainsi la commission de la culture – nos collaborateurs ont travaillé comme des acharnés – et sa présidente de tout le soutien qu’elle m’a apporté dans mon travail de rapporteur. Je remercie également mes collègues d'avoir travaillé de manière constructive sur ce texte qui est, selon moi, fondateur pour l’audiovisuel public.
Au final, le Sénat adoptait il y a deux semaines, avec le soutien de l’ensemble des groupes de la majorité, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public. Je vous avoue avoir été extrêmement satisfait du résultat, à tel point que je n’ai proposé, pour l'essentiel, que quelques améliorations techniques en commission mixte paritaire, notamment une ouverture en faveur des producteurs sur le pouvoir de conciliation en matière de circulation des œuvres.
Néanmoins, j’avais annoncé en séance publique que je travaillerai à l'amélioration du passage de la TNT payante à la TNT gratuite ; un amendement a ainsi permis de renforcer la sécurisation de l'encadrement de cette procédure, que nous avons voulue au Sénat. Nous souhaitions également que le Gouvernement conserve clairement la mission de préempter les fréquences hertziennes pour l’audiovisuel public. Nous avons donc proposé de supprimer l'article 6 quater A.
Force est de constater qu’à ces deux exceptions près, sur notre proposition, le texte issu de la CMP est identique à celui du Sénat. Les deux tiers des vingt-huit articles restant en discussion ont en effet été adoptés par la commission mixte paritaire dans le texte du Sénat et, pour les dix articles modifiés par la CMP, les principales modifications sont rédactionnelles.
Les deux principaux changements que nous avons évoqués sont, quant à eux, très positifs : l’un permettra au CSA de favoriser, ou non, le changement de modèle économique des chaînes de la TNT payante dans un cadre renforcé et juridiquement sécurisé ; l’autre revient sur les pouvoirs qui auraient été confiés au CSA en matière de délivrance de fréquences à l'audiovisuel extérieur.
Voilà un texte qui a démontré qu’un Sénat uni autour des valeurs de protection des libertés publiques et de promotion de l’audiovisuel était à la fois utile et puissant. Voilà aussi un texte dont la gauche pourra, longtemps encore, demeurer fière !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement heureuse et satisfaite du travail que nous avons accompli ensemble. Je tenais à vous remercier très chaleureusement de la qualité de vos apports, qui ont permis d’enrichir considérablement le projet de loi.
Il s’agit d’un texte majeur, d'un texte important, non par le nombre de ses articles – même si celui-ci a augmenté –, mais par une dimension symbolique extrêmement forte, puisqu’il aura renforcé de manière inédite l’indépendance de l’audiovisuel public et sa continuité.
Les travaux parlementaires ont permis de moderniser l’organisation et les compétences de la régulation audiovisuelle dans ce pays, qui repose sur le CSA. Je tiens à saluer, sur ce point, votre concours précieux.
Si je devais retenir quatre mots clés pour la nouvelle régulation audiovisuelle que nous avons mise en place, il s'agirait de ceux-ci : indépendance, impartialité, lucidité et modernité.
Indépendance, car cette nouvelle régulation avait d'abord pour objet de parvenir à un mode de nomination des présidents des entreprises de l’audiovisuel public qui soit conforme aux exigences d'une société démocratique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel procédera désormais à ces nominations. Il s'agit d'une avancée majeure au regard des dysfonctionnements et des soupçons qui étaient apparus depuis la réforme de 2009.
L’indépendance accrue conférée au CSA parachève ce mouvement. Nous avons en effet accompli un autre progrès, qui constitue une première en France : la majorité et l’opposition parlementaires seront associées, dans une relation de responsabilité, à la nomination des futurs membres du CSA, qui s'effectuera à la majorité des trois cinquièmes des membres des commissions chargées de la culture des deux assemblées. Cette grande réforme suscitera évidemment une profonde évolution, aussi bien des mentalités que du fonctionnement même du CSA, tout en lui conférant une très forte légitimité. Aussi, en complète cohérence avec l'objectif d'un renforcement de l’indépendance du secteur audiovisuel fixé par le projet de loi, le statut du CSA a été modifié : il devient une autorité publique indépendante.
Impartialité, car la nomination des membres du CSA s'appuiera désormais sur des critères de qualification afin d’assurer la nomination de personnalités à la compétence et à l'expérience indiscutable. Vos travaux ont d’ailleurs enrichi le projet de loi en ce sens.
En outre, les règles relatives aux incompatibilités auxquelles seront soumis les membres du Conseil ont été améliorées. Les modalités de communication du collège sur ses propres décisions seront clarifiées. Le CSA rendra compte, dans son rapport annuel, des études ayant fondé ses décisions d’attribution de fréquences afin que soient mieux compris le sens des décisions du régulateur et les arguments sur lesquels elles se fondent. Enfin, les nominations au CSA respecteront la parité.
Lucidité, car, compte tenu des enjeux économiques auxquels est confronté le secteur audiovisuel, des dispositions consacrent une plus large place à la prise en compte des équilibres économiques de l’audiovisuel par le CSA. Ces avancées, attendues, permettront de moderniser le fonctionnement du CSA en le rendant plus ouvert aux enjeux économiques.
Afin de garantir à la fois le développement des acteurs en place et la viabilité économique des nouveaux acteurs autorisés, toute décision d’autorisation de nouveaux services nationaux susceptibles d’affecter de manière importante le marché en cause sera désormais précédée d’une étude d’impact. Cette amélioration était, elle aussi, extrêmement attendue. Elle sera importante pour le paysage audiovisuel français.
Par ailleurs, le maintien de la publicité en journée sur les chaînes de France Télévisions donne une visibilité nécessaire non seulement à l’entreprise, mais aussi aux autres acteurs de l’audiovisuel. Elle permettra de ne pas accroître la contrainte budgétaire après 2016 dans une période où doivent être réalisés, vous le savez, des efforts considérables en vue du redressement des comptes de la société et des finances publiques.
Modernité, enfin, car la régulation a été adaptée à l’ère numérique. D’autres dispositions issues des travaux parlementaires ont permis une modernisation concernant les sujets arrivés à maturité.
Désormais, le CSA pourra réserver un appel d’offres concernant une fréquence disponible à des chaînes qui souhaitent passer en haute définition, sans pour autant que celles-ci changent de profil éditorial. Cette évolution, attendue des téléspectateurs, est importante.
Le CSA enregistrera en outre les déclarations des distributeurs et des éditeurs concernant les SMAD, les services de médias audiovisuels à la demande – c'est-à-dire la télévision de rattrapage –, et il pourra régler les différends quant à la distribution de ces services.
Le CSA voit également son rôle accru dans l’organisation dynamique du marché de la télévision numérique terrestre. Il pourra autoriser les changements de modèle économique des chaînes, notamment le passage du payant au gratuit.
Votre assemblée a souhaité que cette nouvelle compétence du CSA soit encadrée. Je m'en félicite et, comme vous, je souhaite que l’agrément délivré par le CSA, pour le passage du payant au gratuit, ne mette en péril ni le pluralisme ni, évidemment, les équilibres publicitaires du secteur. Cet encadrement est un apport du Sénat, et je constate que la commission mixte paritaire en a confirmé toute l’importance.
Enfin, à l’issue du riche débat qui s'est déroulé à la Haute Assemblée, un amendement a entraîné une évolution dans les relations entre producteurs et diffuseurs, permettant à ces derniers de prendre des parts de coproduction dans les œuvres à des conditions préservant tant l’indépendance des producteurs que la circulation des œuvres.
Nous sommes tous conscients que certains débats techniques ou de régulation doivent encore se poursuivre et nécessiteront donc un second temps législatif. Le Gouvernement sait qu’il peut compter sur l’engagement du Sénat pour œuvrer à ce que notre paysage audiovisuel soit un espace d’indépendance, de création et de développement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Il n’est pas sans ironie de constater que, mardi dernier, jour de notre délibération en commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l’audiovisuel public, le comité central d’entreprise de France Télévisions annonçait un plan de départs volontaires portant sur 361 postes. L’ensemble des élus et des représentants syndicaux ont demandé le retrait de ce plan, et, je veux le dire, ils ont notre entier soutien.
France Télévisions s’est déjà vu retirer des centaines de postes, sans compter la diminution des emplois non permanents et le non-remplacement des départs à la retraite des années précédentes. On s’attaque désormais au cœur de métier de l’entreprise, puisque ce sont 90 emplois de journalistes qui seront supprimés ou encore toute l’antenne de l’Agence internationale d’images de télévision dédiée à l’actualité africaine qui a été jugée non prioritaire.
Cette « coïncidence » de calendrier invite chacun d’entre nous à une mise en perspective des mesures portées par ce projet de loi.
Pour notre part, cela conforte ce que nous avions déjà dit en première lecture. En ne procédant pas à la remise à plat du secteur audiovisuel, où des déséquilibres profonds ont été créés entre secteur public et secteur privé, et en n’intervenant pas en profondeur sur les logiques de concurrence, cette loi n’apportera pas les garanties d’indépendance suffisantes souhaitées au service public, à savoir celles qui le libéreraient d’un même mouvement des logiques d’influence non seulement politiques, mais aussi financières.
Ainsi, comme nous l'avons dit, cette loi pèche d’abord par ses absences, dans la mesure où elle n’ouvre pas de perspectives d’évolutions significatives pour les entreprises de l’audiovisuel public et manque de l'ambition nécessaire.
Nous ne nions pas les avancées de ce projet de loi, comme, par exemple, le maintien confirmé de la publicité en journée. Nous l’avions réclamé, car, sans autre perspective de financement, cette mesure était indispensable pour ne pas aggraver le sous-financement du service public.
Ce projet de loi revient également sur le fait du prince que constituait la désignation des P-DG des entreprises publiques de l’audiovisuel par le Président de la République en transférant ce pouvoir à un CSA rénové et plus indépendant. Cela va dans le sens de la garantie institutionnelle de l’indépendance des médias publics.
Toutefois, nous sommes encore loin de l’appropriation citoyenne et de la démocratisation nécessaire. Seul un représentant des usagers siégera en plus au conseil d’administration.
Les symboles de l’indépendance sont donc affichés, aussi importants soient-ils, mais les garanties d’une indépendance réelle et les moyens humains et financiers nécessaires pour qu’elle s’exerce pleinement ne sont toujours pas là. France Télévisions restera dans une situation financière fragile, et cela tant que la réforme de 2009 ne sera pas fondamentalement transformée.
En imposant la participation de l’audiovisuel public à l’effort de redressement des finances publiques, le Gouvernement n’améliore pas cette situation. Le COM, on le sait, impose à France Télévisions une diminution des dotations de l’État à hauteur de 42 millions d’euros d’ici à 2015.
Nous restons donc inquiets pour l’avenir de l’audiovisuel public. Si nous approuvons les améliorations contenues dans le projet de loi, l’imperfection du texte tient moins, selon nous, à ce qu’il énonce qu’à ce qu’il tait. On nous dit que la grande réforme est à venir. Pour l’heure, les propositions d’enrichissements que nous avions formulées en ce sens par des amendements en séance publique n’ont pas été acceptées.
Seule exception, dans la lignée des recommandations du rapport Plancade, nous avons obtenu l’introduction d’un article ouvrant la porte à une évolution des rapports entre les chaînes de télévision et les producteurs privés, notamment pour rendre au service public la maîtrise des droits sur les productions qu’il finance. L’article n’est pas exactement celui que nous avions proposé, mais il confirme que le débat est désormais ouvert sur ce point.
Je rappelle que l’enjeu est de taille. France Télévisions a une obligation d’investissements importante : 470 millions d’euros par an dans la production audiovisuelle et cinématographique, et 95 % dans la production indépendante. Ces investissements n’offrent, pour le moment, aucune contrepartie en termes de droits pour le service public.
Permettre à France Télévisions de passer des accords de coproduction et de détenir des droits sur ces œuvres reste une perspective nouvelle de financement utile pour l’avenir du service public.
Nous avions également proposé de rétablir le taux de la taxe sur les chiffres d’affaires publicitaires au niveau prévu par la loi de 2009, soit 3 %. Nous regrettons que le projet de loi pérennise le taux réduit, en principe temporaire, de 0, 5 %.
Nous avions également souhaité relancer le débat sur les nouveaux modes de diffusion de la télévision et leur contribution au financement de l’audiovisuel public en proposant la taxation des revenus publicitaires par voie électronique. L’exploitation des contenus audiovisuels par les grands groupes de l’économie numérique leur assure, en effet, des revenus publicitaires considérables. Il faudra s’attaquer à ce sujet, qui est toujours devant nous.
Enfin, nous ne pouvons pas parler d’indépendance sans aborder la question de la concentration dans le secteur médiatique. Il faudrait renforcer et repenser les dispositifs anti-concentration. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens, conformes aux dispositions défendues il y a quelques années par le groupe socialiste du Sénat, mais nous l’avons fait, pour le moment, sans succès.
À nos yeux, je le répète, les progrès de ce projet de loi sont faibles. Nous en tenons compte, mais la réforme nous paraît trop timide. Elle fait l’économie de mesures nécessaires pour que l’indépendance soit garantie dans la durée.
L’avenir et l’indépendance de l’audiovisuel public exigeront une nouvelle loi. Ne perdons pas plus de temps pour la déposer : il y va de l’avenir de l’audiovisuel public.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, je regrette une nouvelle fois, au nom de mon groupe, l’engagement de la procédure accélérée sur ces projets de loi relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public. Notre rapporteur lui-même a laissé entendre qu’il avait renoncé à présenter certains amendements contenant des innovations importantes au motif que l’Assemblée nationale n’aurait pu se prononcer sereinement.
Toutefois, venons-en au fond du sujet. D’aucuns questionnent la capacité de ces textes à garantir effectivement, et de manière irréfutable, l’indépendance de l’audiovisuel public. Je crois qu’il serait injuste de faire un procès d’intention au Gouvernement sur ce point, car l’indépendance ne saurait être décrétée a priori et aucune loi ne peut prétendre garantir l’indépendance réelle de quelque organisme que ce soit.
En revanche, la loi peut et doit bien évidemment renforcer les garanties d’indépendance de l’audiovisuel public, et c’est ce que permettent ces deux textes. En effet, le mode de nomination des présidents des télévisions et radios publiques mis en place par la précédente majorité était particulièrement dommageable. Il était indispensable de revenir à un mode de nomination hors de tout soupçon. Je me réjouis donc que ces textes permettent de rétablir la nomination de ces dirigeants par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
En outre, le CSA sera rénové, modernisé, conforté dans ses missions, qui seront également complétées et adaptées pour tenir compte de l’évolution des enjeux ; je pense notamment au numérique. Ces dispositions mériteront d’être complétées dans le projet de loi relatif à l’audiovisuel que vous nous avez annoncé pour 2014, madame la ministre, et qui devra notamment répondre à la question de l’adaptation de la régulation à Internet.
Enfin, concernant la procédure innovante et plus démocratique de désignation de six des sept membres de ce « nouveau » CSA, puisque la nomination devra être approuvée par les trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, nous ne pouvons que nous en féliciter.
J’en profite pour rappeler que nous demandons depuis plusieurs années qu’un tel système soit retenu pour l’ensemble des nominations sur lesquelles le Parlement se prononce, y compris celles qui sont faites par le Président de la République. Nous appelons donc à une réforme constitutionnelle en ce sens.
Les dispositions relatives au CSA et à la nomination des présidents de l’audiovisuel public que je viens de mentionner ont été largement soutenues à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et adoptées conformes ou avec très peu de modifications. Elles n’ont donc posé aucune difficulté pour la commission mixte paritaire.
Qu’en est-il des autres dispositions ? Je me réjouis tout d’abord que la commission mixte paritaire ait très largement retenu les apports adoptés par le Sénat, notamment l’article 6 decies A, dont l’importance a été trop peu soulignée, issu d’un amendement soutenu par notre collègue Jean-Pierre Plancade et, plus largement, par les membres du RDSE. Cet article vise à permettre aux chaînes de télévision de détenir des parts de coproduction sur les œuvres dont elles financent une part substantielle.
Il s’agit d’une mesure importante pour l’audiovisuel, qui permettra une juste prise en compte des risques financiers que prennent les chaînes et contribuera ainsi à renforcer l’indépendance financière de l’audiovisuel public ; cette dernière, je le souligne au passage, madame la ministre, est encore loin d’être acquise. Les membres du RDSE attendent des avancées concrètes à ce sujet : il faudra poursuivre le travail entamé.
Pour terminer, il me semble que les conclusions de la commission mixte paritaire confirment le caractère inopportun du choix de la procédure accélérée que je dénonçais au début de mon intervention. Certes, les membres de la CMP sont parvenus à un accord, mais ils ont tout de même adopté dans plusieurs cas une nouvelle rédaction, qui ne sera donc débattue ni par l’Assemblée nationale ni par le Sénat.
Ainsi, l’encadrement, voté par le Sénat, de la possibilité pour une chaîne de la TNT de passer du payant au gratuit ou inversement sans avoir à faire un nouvel appel à candidatures a été revu en CMP. Je ne doute pas que la rédaction retenue a pour objet de sécuriser davantage le dispositif, mais il s’agit tout de même d’une modification substantielle, qui aurait peut-être mérité d’être débattue en séance.
Une autre modification non négligeable adoptée en CMP est la suppression de la mention « avec l’accord des parties » pour l’exercice par le CSA de son nouveau pouvoir de conciliation entre chaînes et producteurs.
Conscients des réelles avancées que ces textes contiennent, qu’il s’agisse du mode de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, de la modernisation du CSA ou de l’adaptation du secteur audiovisuel aux mutations dont il est l’objet, les membres du groupe RDSE, comme en première lecture, approuveront très majoritairement les conclusions de cette commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour étudier le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue avant-hier soir avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Le texte qui en résulte est très proche de celui que nous avions adopté au Sénat. Il entérine l’essentiel des apports de notre assemblée à cette loi, preuve, s’il en était besoin, de la justesse des amendements que nous avions approuvés.
C’est d’autant plus une gageure que, présenté en procédure accélérée, ce texte ne faisait pas l’objet d’une seconde lecture et qu’il nous fallait donc convaincre nos collègues députés de valider des aménagements importants sans qu’ils puissent être discutés par eux en séance publique.
Je dois souligner ici la très grande solidarité des sénateurs lors de cette CMP et témoigner aussi de l’esprit très constructif de nos collègues de l’opposition lors de cette discussion.
Plusieurs des amendements importants proposés par le groupe écologiste puis adoptés par la Haute Assemblée ont ainsi pu être validés. C’est pour nous une source de grande satisfaction. Il n’y aura donc évidemment pas de suspens quant à notre vote positif sur ce texte.
Néanmoins, avant de parler de ces avancées, je voudrais revenir rapidement sur le sens général de cette loi et dire en quoi elle ouvre le champ à une véritable indépendance de notre audiovisuel public et, en particulier, de l’autorité en charge de sa régulation et de la nomination, sous le contrôle renforcé du Parlement, des présidents des sociétés nationales de programmes.
Oui, le fait que le Président de la République ne nomme plus qu’un seul membre du CSA au lieu de trois précédemment, même s’il s’agit du président de cette autorité, marque le signe d’une « déshyperprésidentialisation » du fonctionnement de nos institutions, que nous saluons en tant qu’écologistes.
La nouvelle composition du CSA et le mode de désignation de ses membres lui permettront inexorablement de prendre sa pleine indépendance à l’égard du pouvoir politique.
En effet, cette réforme, si on l’associe à l’adoption du quinquennat présidentiel en 2000, fera que, quel que soit le Président de la République élu en 2017, qu’il soit de gauche, de droite ou d’ailleurs, et quand bien même il disposerait d’une large majorité à l’Assemblée nationale, il deviendra arithmétiquement impossible de bousculer la composition du CSA, même au travers du renouvellement de trois de ses membres, qui n’interviendra qu’en janvier 2019. C’est, de fait, une très bonne nouvelle pour la démocratie et pour l’indépendance de notre audiovisuel public.
Il faut aussi souligner que ce renforcement de l’indépendance ira de pair avec une exigence accrue de transparence et de bonne gestion de la part des groupes de l’audiovisuel public, notamment à l’égard des contrats passés avec les sociétés de production extérieures et au travers du contrôle approfondi des comptes internes – deux propositions également portées par le groupe écologiste du Sénat.
Ces nouvelles obligations en matière de contrôle s’accompagneront également de la mise en place d’un audit par le CSA des résultats et des comptes des groupes au bout des quatre premières années de mandat de chacun de leurs dirigeants.
L’instauration d’une procédure de « tuilage » lors du renouvellement des équipes dirigeantes, sur le modèle de la BBC, s’inscrit dans cette même perspective. Elle garantira une plus grande continuité et un meilleur fonctionnement des groupes de l’audiovisuel public, en permettant que les passages de relais se fassent dans de bonnes conditions et en évitant certaines mauvaises pratiques jusque-là liées aux atmosphères de fin de règne qui se déroulaient en fin de mandat.
Enfin, il faut bien le dire, il n’y a pas d’indépendance sans sources de financements pérennes. Cela passe naturellement par le développement des ressources budgétaires, comme la revalorisation de la contribution pour l’audiovisuel public, mais aussi par le développement de ressources propres dont le champ est ouvert par l’amendement Plancade, au travers de l’idée d’un partage des droits audiovisuels récompensant les investissements réalisés par les chaînes en matière de programmes.
Le projet de loi a par ailleurs été enrichi par d’autres propositions du groupe écologiste. Ainsi, les usagers seront désormais représentés au sein des conseils d’administration des groupes de l’audiovisuel public par le biais des associations agréées de défense des consommateurs.
On peut cependant regretter le rejet de l’instauration d’une lettre de mission, édictée par le ministère, qui aurait fixé les attentes de l’État actionnaire. Cette feuille de route pluriannuelle aurait permis de définir un cadre pérenne sur des questions aussi sensibles que les publics visés, la vocation généraliste des offres de programme, le périmètre des sociétés en termes de canaux ou de stations, ainsi que les grandes orientations pour l’organisation de cette offre, ce que l’on appelle la mutualisation des moyens des chaînes.
Cette volonté de clarification des objectifs visés apparaît d’autant plus importante aujourd'hui au regard des dérives financières révélées cette semaine par Le Canard enchaîné et de la dégradation profonde du climat social qui semble s’installer aujourd’hui à France Télévisions.
Le cahier des charges actuel, qui sert de cadre à l’élaboration des projets des candidats à la présidence des sociétés nationales de programme, très développé en termes d’objectifs de production et de diffusion des œuvres, demeure en revanche plus qu’elliptique quant à l’organisation de ces sociétés et les objectifs qu’elles auront à atteindre en termes de satisfaction des attentes et des besoins du public.
Disons-le, l’indépendance signifie non pas l’irresponsabilité, mais, au contraire, une responsabilité accrue des acteurs qui, au nom du bien commun, bénéficient de cette indépendance. Cette logique devra naturellement être confirmée, approfondie et précisée lors de la discussion de la future loi portant sur l’ensemble de l’audiovisuel.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de notre débat, la commission mixte paritaire s’étant réunie il y a deux jours.
Ayant participé à cette réunion, j’ai pu constater à quel point l’examen du texte aurait nécessité une discussion plus approfondie, et non écourtée par le couperet de la procédure accélérée.
Un très long débat s’est en effet ouvert en commission, car nous devions trouver une écriture commune non seulement sur les dispositions votées à l’Assemblée nationale et que nous avions modifiées, mais également sur d’autres sujets que les députés n’avaient pas pu traiter.
Je ne comprends pas pourquoi ce texte n’a fait l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre. Les députés ont été privés de débat sur plusieurs points importants pour l’économie de l’audiovisuel public, et nous-mêmes n’avons pu procéder à toutes les auditions nécessaires.
Les articles 2 bis et 6 octies A et B ont introduit de nouvelles contraintes pour les éditeurs et distributeurs de SMAD, sans attendre les résultats d’une consultation en cours sur la régulation des nouveaux services. Or ces dispositions ne sont pas sans conséquence lorsque l’on connaît le contexte de forte concurrence internationale.
Je citerai également les articles concernant la production audiovisuelle. De nouvelles contraintes ont été introduites contre notre avis, les sociétés de production étant notamment soumises à une obligation de certification de leurs comptes.
Le sujet de la coproduction a été introduit, alors même que les principaux intéressés n’ont pas été auditionnés, comme je le disais à l’instant, et les conclusions d’une mission menée par M. Laurent Vallet sont attendues pour la fin du mois de novembre prochain.
Si nous sommes favorables sur le fond à un retour sur investissement pour les chaînes du service public – nous l’avons dit à l’occasion de l’examen du rapport de notre collègue Jean-Pierre Plancarde –, il nous semble bien prématuré de voter ces dispositions par la voie d’un amendement lors de la lecture au Sénat.
Le Gouvernement semble depuis quelque temps victime d’une fièvre de l’urgence ! Une grande loi d’ensemble sur l’audiovisuel était annoncée pour l’année 2014 : il eût été plus sage, nous semble-t-il, d’attendre son examen. Notre groupe est donc défavorable à la méthode employée, mais il s’oppose également à l’adoption de ce texte pour des raisons de fond.
La mesure la plus médiatisée est évidemment la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public : la nouvelle majorité a fermement condamné le dispositif mis en place en 2009.
Le secteur de l’audiovisuel public étant considéré comme faisant partie des activités importantes pour la Nation au sens de l’article 13 de la Constitution, notre majorité s’était en effet, à l’époque, prononcée en faveur d’une nomination par le Président de la République.
Le Conseil constitutionnel a lui-même reconnu que la nature particulière de ces fonctions justifiait ce mode de désignation. J’ajoute que, pour éviter les abus et conformément à l’article 13, le choix opéré par le chef de l’État était soumis à l’avis conforme du CSA, avec un droit de véto du Parlement.
Certes, malgré la nature de service public reconnue à l’audiovisuel public, il est possible d’estimer que les présidents de ce dernier ne doivent pas voir peser sur eux le soupçon d’une allégeance au pouvoir en place en raison de leur mode de désignation. Je partage d’ailleurs ce sentiment.
Cependant, ce n’est pas ce projet de loi qui garantira une indépendance effective de ces fonctions.
La révolution annoncée est simplement un retour à la législation antérieure, avec la nomination des présidents des sociétés nationales de programmes par le CSA. Je rappelle que ce type de nomination a été mis en place en 1982, pour ce qui était alors la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.
La majorité, pour faire valoir l’amélioration du dispositif, insiste sur celle du mode de désignation des membres du CSA. Cependant, le président de cet organisme reste, lui, nommé par le Président de la République. C’est pour nous un étrange paradoxe !
La majorité estime que le président du CSA n’influera pas sur le vote des membres de cette instance. Cependant, il me semble au contraire que son avis sera décisif pour orienter le choix de ses collègues. Il aurait peut-être été plus simple de laisser le CSA élire lui-même, en son sein, son président.
De plus, les désignations étant faites par le CSA, le contrôle parlementaire disparaît purement et simplement, alors qu’il existait dans le dispositif de 2009.
Enfin, je ferai un parallèle avec nos débats en CMP sur l’article 6 A relatif à la nomination du président de l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, qui, je le rappelle, appartient au Président de la République. Le sujet a donné lieu à une discussion assez soutenue au sein de la CMP. L’avis porté sur ce type de nomination était loin d’être unanime. La preuve en est que le contrôle des commissions compétentes du Parlement n’a pu être voté qu’avec l’apport des voix du groupe UMP, ce qui montre les divergences sur ce sujet au sein de la majorité.
En conclusion, notre groupe est très réservé sur la réforme de la gouvernance à laquelle procède le présent projet de loi. Il s’agit, à mon avis, d’une simple apparence de changement, quand bien même le Gouvernement communique sur « une avancée démocratique majeure ».
Je pense que l’indépendance des présidents de l’audiovisuel public restera encore pour longtemps conditionnée d’abord par leur détermination à défendre celle-ci.
Je tiens à souligner, car je ne serai pas totalement négatif, que la lecture au Sénat et la CMP ont permis de réaliser des avancées sur d’autres sujets. Je signalerai notamment l’encadrement de la procédure de passage des chaînes de la TNT gratuite à la TNT payante, qui paraît nécessaire pour préserver les équilibres en place – nous avons sur ce point soutenu les propositions de M. le rapporteur –, ou encore la procédure de tuilage, proposée par nos collègues écologistes, permettant aux nouveaux présidents des sociétés de se familiariser avec le fonctionnement de celles-ci.
Je regrette en revanche que le sujet de la radio numérique ait été introduit à la hâte dans le projet de loi et que cet élargissement du champ d’application du texte n’ait, à l’inverse, pas permis d’aborder le sujet de la réception de France 24 sur notre territoire, un sujet cher, à juste titre, à notre collègue Louis Duvernois. Mais le texte prévu pour l’année 2014 apportera sans doute l’occasion de reposer ces questions.
Avant cette échéance, notre groupe sera particulièrement vigilant lors de l’examen du projet de loi de finances. À mon avis, c’est le financement de l’audiovisuel public qui déterminera toujours son niveau d’indépendance, et c’est donc là que nous attendons des actes. Mes chers collègues, vous le comprenez : le groupe UMP ne votera pas ce texte.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
Chapitre IER
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
(Texte du Sénat)
L’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel comprend sept membres nommés par décret du Président de la République.
« Trois membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel ou des communications électroniques, après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. » ;
2° Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« À l’exception de son président, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est renouvelé par tiers tous les deux ans.
« Les membres du conseil ne peuvent être nommés au-delà de l’âge de soixante-cinq ans. » ;
3° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre ».
(Texte du Sénat)
L’article 5 de la même loi est ainsi modifié :
1° A
Suppression maintenue
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions du code de la propriété intellectuelle, les membres du conseil ne peuvent, directement ou indirectement, exercer des fonctions, recevoir d’honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonction, détenir d’intérêt ou avoir un contrat de travail dans une entreprise de l’audiovisuel, du cinéma, de l’édition, de la presse, de la publicité ou des communications électroniques. Si, au moment de sa nomination, un membre du conseil détient des intérêts ou dispose d’un contrat de travail ou de prestation de services dans une telle entreprise, il dispose d’un délai de trois mois pour se mettre en conformité avec la loi. » ;
2° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « ou au cinquième alinéa » ;
b) Les mots : « majorité des deux tiers » sont remplacés par le mot : « majorité » ;
2° bis Après le mot : « questions », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « en cours d’examen. Les membres et anciens membres du conseil sont tenus de respecter le secret des délibérations. » ;
3° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase, les mots : « des deux tiers » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Il cesse également, partiellement ou totalement, dans les mêmes conditions, en cas de manquement aux obligations résultant du cinquième alinéa. »
(Texte du Sénat)
Le premier alinéa de l’article 17-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Les mots : « ou de télévision » sont remplacés par les mots : «, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande » ;
2° (Suppression maintenue)
3° Après les mots : « l’offre de programmes », sont insérés les mots : « et de services ».
(Texte de la commission mixte paritaire)
Avant le dernier alinéa de l’article 3-1 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent. »
(Texte du Sénat)
À la première phrase du III de l’article 44 de la même loi, le mot : « métropolitain » est supprimé.
(Texte du Sénat)
Le 3° de l’article 47-1 de la même loi est complété par les mots : «, dont une représente les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national conformément à l’article L. 411-1 du code de la consommation ».
(Texte du Sénat)
Le 3° de l’article 47-2 de la même loi est complété par les mots : «, dont une représente les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national conformément à l’article L. 411-1 du code de la consommation ».
(Texte du Sénat)
Le 3° de l’article 47-3 de la même loi est complété par les mots : « et une représentant l’Assemblée des Français de l’étranger ».
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – L’article 47-4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-4. – Les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent. Ces nominations font l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience.
« Les candidatures sont présentées au Conseil supérieur de l’audiovisuel et évaluées par ce dernier sur la base d’un projet stratégique.
« Les nominations des présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France interviennent trois à quatre mois avant la prise de fonction effective.
« Quatre ans après le début du mandat des présidents mentionnés au premier alinéa, le Conseil supérieur de l’audiovisuel rend un avis motivé sur les résultats de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, au regard du projet stratégique des sociétés nationales de programme. Cet avis est transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« Dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents mentionnés au premier alinéa transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes compétentes de ces mêmes assemblées un rapport d’orientation. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles des assemblées parlementaires peuvent procéder à l’audition des présidents mentionnés au même premier alinéa sur la base de ce rapport. »
II. – À partir de la promulgation de la présente loi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre fin au mandat en cours des présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, en application de l’article 47-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la présente loi.
III. – Les articles 47-1, 47-2, 47-3 et 50 de la même loi sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les nominations effectuées en application des 2° et 3°, l’écart entre le nombre de membres de chaque sexe n’est pas supérieur à un. »
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’avant-dernier alinéa de l’article 50 de la même loi est complété par les mots : «, après avis des commissions permanentes chargées des affaires culturelles conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ».
(Texte du Sénat)
Après la trente-troisième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de l’Institut national de l’audiovisuel
Commission compétente en matière d’activités culturelles
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « loi, », sont insérés les mots : « de l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique délivrées en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 30-6, » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce rapport comporte une présentation des mesures prises en application des articles 39 à 41-4 visant à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme. Il comporte notamment un état détaillé présentant la situation des entreprises audiovisuelles concernées à l’égard des limites fixées par ces mêmes articles.
« Le rapport mentionné au premier alinéa fait le point sur le développement et les moyens de financement des services de télévision à vocation locale. Il établit également un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelle nationales des États membres de l’Union européenne. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le mois suivant sa publication, le rapport mentionné au premier alinéa est présenté chaque année par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel en audition publique devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire. Chaque commission peut adopter un avis sur l’application de la loi, qui est adressé au Conseil supérieur de l’audiovisuel et rendu public. Cet avis peut comporter des suggestions au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la bonne application de la loi ou l’évaluation de ses effets. »
(Supprimé)
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – L’article 21 de la même loi est ainsi modifié :
1°
Suppression maintenue
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle comprend quatre députés, dont un au moins appartient à l’opposition parlementaire, et quatre sénateurs, dont un au moins appartient à l’opposition parlementaire, désignés dans leur assemblée respective par les deux commissions permanentes chargées des affaires culturelles et des affaires économiques, à parité parmi leurs membres. Elle peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur les mesures nécessaires à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et leur mise en œuvre.
« À cette fin, elle peut auditionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Elle est consultée préalablement par le Premier ministre sur tous les projets de réaffectation des fréquences affectées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, et de modernisation de la diffusion audiovisuelle. Elle rend son avis dans un délai de trois mois. » ;
3° Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.
II. –
Suppression maintenue
III. – Le troisième alinéa de l’article L. 42-2 du code des postes et télécommunications est supprimé.
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’article 28 de la même loi est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute modification de convention d’un service national de télévision autorisé en application de l’article 30-1 ou d’un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3 susceptible de modifier de façon importante le marché en cause est précédée d’une étude d’impact, rendue publique.
« S’il l’estime utile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut effectuer une telle étude pour les autres services autorisés. »
(Texte du Sénat)
Au dernier alinéa du I de l’article 28-1 de la même loi, les mots : « visés aux 1° et 5° » sont remplacés par les mots : « visés aux 1° à 5° ».
(Texte du Sénat)
L’article 29-1 de la même loi est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Dans la mesure de leur viabilité économique et financière, notamment au regard de la ressource publicitaire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel favorise les services ne faisant pas appel à une rémunération de la part des usagers et contribuant à renforcer la diversité des opérateurs ainsi que le pluralisme de l’information. »
(Texte du Sénat)
À la première phrase du cinquième alinéa du III de l’article 30-1 de la même loi, les mots : « il favorise la reprise des services » sont remplacés par les mots : « il autorise en priorité les services qui sont reçus dans la même zone géographique ».
(Texte du Sénat)
L’article 33-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du II, les mots : « et de télévision » sont remplacés par les mots : «, de télévision et de médias audiovisuels à la demande » ;
2° À la première phrase du premier alinéa du III, les mots : « les services de médias audiovisuels à la demande et, » sont supprimés.
(Texte du Sénat)
Au premier alinéa du I de l’article 34 de la même loi, les mots : « ou de télévision » sont remplacés par les mots : «, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande ».
(Texte du Sénat)
La même loi est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 42-1, après le mot : « manquement, », sont insérés les mots : « et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure, » ;
2° À la première phrase de l’article 48-2, après le mot : « adressées », sont insérés les mots : « et à la condition que ces sanctions reposent sur des faits distincts ou couvrent une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure ».
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’article 42-3 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu’elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l’audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l’autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte. » ;
2° Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice de l’application du premier alinéa, tout éditeur de services détenteur d’une autorisation délivrée en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 96 doit obtenir un agrément du Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire de l’autorisation. Cet agrément fait l’objet d’une décision motivée.
« Lorsque la modification du contrôle porte sur un service national de télévision autorisé en application de l’article 30-1 ou un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3 et que cette modification est susceptible de modifier de façon importante le marché en cause, l’agrément est précédé d’une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires.
« S’il l’estime utile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut effectuer une telle étude pour les autres services autorisés. »
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – L’article 53 de la même loi est ainsi modifié :
1° A La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa du I est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d’objectifs et de moyens ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de six semaines. Si le Parlement n’est pas en session, ce délai court à compter de l’ouverture de la session ordinaire ou extraordinaire suivante. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel formule un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de quatre semaines. » ;
1° B Avant le dernier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les rapports mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent II rendent compte des mesures de contrôle que ces sociétés mettent en œuvre dans le cadre de leurs relations avec les entreprises de production. » ;
1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, les rapports sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sont transmis pour avis au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cet avis est rendu public. Les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée parlementaire peuvent procéder à l’audition du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la base de cet avis. » ;
2° Le premier alinéa du VI est ainsi modifié :
a) Les deuxième et troisième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s’applique pas aux campagnes d’intérêt général. » ;
b) La dernière phrase est supprimée.
II . – Le 1 du IV de l’article 302 bis KG du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. La taxe est calculée en appliquant un taux de 0, 5 % à la fraction du montant des versements annuels, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent à chaque service de télévision, qui excède 11 millions d’euros. »
(Texte du Sénat)
L’article 71-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est complété par les mots : «, sauf s’il a financé une part substantielle de l’œuvre » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les décrets mentionnés au premier alinéa précisent le niveau de la part substantielle mentionnée au deuxième alinéa ainsi que l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par l’éditeur de services lorsqu’il détient des parts de producteurs.
« Ils peuvent également prendre en compte la durée de détention des droits de diffusion par l’éditeur de services ainsi que la nature et l’étendue de la responsabilité de l’éditeur de services dans la production de l’œuvre. »
Chapitre II
Dispositions diverses, transitoires et finales
(Texte de la commission mixte paritaire)
L'article 53-1 de la même loi est ainsi rétabli :
« Art. 53-1. - Dans le cadre de leurs activités de production et de programmation, la société France Télévisions, la société Radio France et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ne peuvent conclure de contrats qu'avec les sociétés dont les comptes sociaux et les comptes consolidés ont été déposés au greffe du tribunal en vertu des articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce et certifiés, dès lors que leur chiffre d'affaires excède 5 millions d'euros par an. »
(Texte du Sénat)
À compter du 1er janvier 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel succède en tant qu’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale dans les droits et obligations de l’État au titre des activités du conseil en tant qu’autorité administrative indépendante. Ces dispositions s’appliquent également aux contrats de travail.
L’ensemble des biens mobiliers de l’État attachés aux services relevant du Conseil supérieur de l’audiovisuel sont transférés de plein droit et en pleine propriété au Conseil supérieur de l’audiovisuel en tant qu’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale.
L’ensemble des opérations liées à ces transferts de droits et obligations ou pouvant intervenir en application de la présente loi sont effectuées à titre gratuit et ne donnent lieu, directement ou indirectement, à aucune perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.
(Texte du Sénat)
Dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, les nominations mentionnées au troisième alinéa de l’article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée peuvent intervenir entre deux et quatre mois avant la fin du mandat en cours.
(Texte du Sénat)
Au deuxième alinéa de l’article 82 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les références : «, deuxième et troisième alinéas » sont supprimées.
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à l’issue du processus d’examen de ce projet de loi qui redonne au secteur de l’audiovisuel public indépendance et légitimité.
Le CSA est rénové grâce à un nouveau statut lui garantissant une réelle autonomie, un nouveau mode de nomination de ses membres et de nouveaux pouvoirs.
Le Parlement se voit conforté dans son rôle de garant de l’indépendance des médias, puisqu’il sera à l’origine des désignations de six des sept membres du CSA, désignations qui nécessiteront un consensus entre la majorité et l’opposition.
Les sociétés de diffusion publiques seront dotées de plus d’indépendance, puisque leurs présidents seront à nouveau nommés par le CSA, dont l’indépendance sera renforcée. Elles obtiennent également, par ce texte, la garantie d’une ressource pérenne, partielle certes, puisque la publicité en journée se trouve maintenue sans date butoir, par le présent texte.
Outre ces dispositions d’importance primordiale, la navette a permis aux parlementaires des deux chambres d’améliorer le texte et d’introduire des précisions sur les conditions d’exercice des nouveaux pouvoirs du CSA et les obligations des diffuseurs.
Je me félicite que plusieurs amendements des sénateurs socialistes soient finalement intégrés dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui. La parité entre hommes et femmes sera ainsi requise dans les nominations effectuées par le CSA dans les conseils d’administration des sociétés publiques de l’audiovisuel.
La commission du dividende numérique, qui n’avait plus de raison d’être, du fait de la nouvelle commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle, est supprimée.
Le critère de modification du marché en cause par une modification de convention a été retenu en tant qu’élément déclenchant l’étude d’impact devant être menée par le CSA.
Enfin, le délai pour le rendu des avis du Parlement sur l’exécution des COM a été porté de quatre à six semaines, ce qui permettra de bénéficier préalablement de l’éclairage du CSA.
Outre ces quelques modifications dues au groupe socialiste, je salue particulièrement le travail de M. le rapporteur, qui a permis de mieux encadrer certaines dispositions, notamment celles qui ont été introduites par l’Assemblée nationale et qui auraient pu avoir des conséquences néfastes pour certains acteurs du paysage audiovisuel.
Ainsi, le cadrage très précis de la disposition permettant au CSA de « donner son agrément à une modification des modalités de financement » d’un service conventionné, hors renouvellement de la procédure d’autorisation et hors appel à candidatures, est de nature à préserver les intérêts de l’ensemble des acteurs du PAF, tout en permettant au CSA d’utiliser ce nouveau pouvoir à bon escient.
Notre rapporteur a également très utilement complété le dispositif du présent projet de loi, en octroyant au CSA les pouvoirs supplémentaires qui s’imposaient au regard des nouveaux enjeux économiques ou technologiques : il y va ainsi de son droit de regard sur les différends concernant les services de médias à la demande, qui devront être désormais déclarés auprès de cette autorité, ou de sa mission de conciliation lors des conflits ayant trait à la circulation des œuvres.
Madame la ministre, je suis heureux de voter ce soir ce texte, principalement parce qu’il revient sur le fait du prince, celui de faire nommer les responsables de nos chaînes nationales par le Président de la République, et ce au mépris de l’un de nos plus anciens principes constitutionnels, celui de l’indépendance des médias et de leur liberté.
Je suis encore heureux de pouvoir voter en faveur de votre texte, qui rend des moyens plus stables au service public de l’audiovisuel, en rétablissant définitivement la publicité au cours de la journée sur les chaînes publiques. Il ne s’agit certes que d’un premier pas, et il conviendra sans doute d’aller plus loin pour trouver d’autres sources de financement pérenne pour le secteur.
Ce texte nous permet de fermer une très fâcheuse parenthèse pour le secteur public de l’audiovisuel qui, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009, n’a cessé de se paupériser, de se dégrader et d’être l’objet de nombreux soupçons de partialité. §
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
Le projet de loi est adopté.
Je reprends la parole au nom de l’ensemble de mes collègues pour déplorer de nouveau le recours à la procédure d’urgence. Madame la ministre, vous entendrez les mêmes propos chaque fois qu’un texte ne bénéficiera pas d’une navette complète !
Néanmoins, cela n’a pas empêché les deux chambres de travailler en très bonne intelligence : nous avons bien traité les apports qui nous sont arrivés de façon inattendue de l’Assemblée nationale et, de la même manière, les députés ont su respecter les apports que nous avions formulés. Il s’agit d’un élément positif, que nous devons à l’intelligence de notre rapporteur, David Assouline, auquel le qualificatif « acharné », qu’il a employé tout à l'heure, va également très bien au teint.
Sourires.
Chacun a été impressionné par le nombre d’auditions qu’il a menées et la façon dont elles se sont succédé, selon un rythme digne du stakhanovisme !
Nouveaux sourires.
Il nous a surtout impressionnés par son intelligence, parvenant à encadrer le passage d’une chaine payante à une chaine gratuite et à éviter que cela ne se fasse pas d’un simple claquement de doigts. Il a su poser des conditions respectueuses pour chacun et faire aboutir la suggestion du groupe RDSE d’un intelligent partage des droits, en proposant de veiller à la bonne circulation des œuvres, un souci que nous partageons tous.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
(Texte du Sénat)
Après la trente-troisième ligne du tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 précitée, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Institut national de l’audiovisuel
Président
Sur l’article du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?...
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 22 :
Nombre de votants346Nombre de suffrages exprimés312Pour l’adoption175Contre 137Le Sénat a adopté.
M. André Gattolin applaudit.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je souhaite remercier très chaleureusement M. le rapporteur, qui a accompli un travail remarquable, Mme la présidente de la commission de la culture, l’ensemble des sénateurs, les différents services du Sénat, les services de la direction générale des médias et des industries culturelles, enfin les membres de mon cabinet. Tous ont bien travaillé !
Sourires.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.