Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue du RDSE, Gilbert Barbier, a largement exposé nos interrogations sur le parcours du médicament depuis les essais cliniques jusqu’à sa surveillance au chevet du malade. Pour ma part, j’évoquerai principalement trois sujets : les médicaments génériques, la vente de médicaments sur internet ainsi que le détournement et le trafic de certains médicaments.
En juin dernier, la présence de comprimés d’un somnifère dans la boîte d’un médicament diurétique, le Furosémide 40 mg, a eu des conséquences tragiques. Si les enquêtes ont conclu à une erreur de conditionnement, fort heureusement rarissime, cet accident a néanmoins relancé une campagne de dénigrement envers les médicaments génériques. Je rappelle qu’en avril dernier un médecin publiait un ouvrage intitulé Médicaments génériques : la grande arnaque. Régulièrement, l’efficacité et la qualité de ces médicaments sont mises en cause, installant dans l’opinion un sentiment de suspicion. La France serait le seul pays à connaître de telles polémiques.
Après avoir connu une forte croissance, le marché du médicament générique s’essouffle dans notre pays puisque, sur cent boîtes de médicaments distribuées en France, seules vingt-cinq sont des génériques, contre plus de 60 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
Les pouvoirs publics, après avoir tenté sans succès de mobiliser les médecins au développement du médicament générique, se sont essentiellement appuyés sur les pharmaciens d’officine, auxquels a été octroyé dès 1999 le droit de substitution, accompagné d’un fort intéressement financier à l’exercer. Ils se sont engagés conventionnellement à respecter des taux de substitution de plus en plus élevés.
Le renforcement, à la fin de juillet 2012, du dispositif « tiers payant contre génériques » a donné – c’est par exemple le cas dans mon département de la Haute-Garonne – des résultats encourageants. Après avoir progressé de 8, 7 points entre juillet 2012 et mars 2013, le taux de délivrance des génériques est actuellement en baisse ; il était de 77 % en juillet dernier. La caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne a lancé une nouvelle campagne de communication, intitulée « J’aime le médicament générique », qui met l’accent sur son coût, en moyenne 30 % moins élevé.
Mais l’argument du moindre coût des génériques, accréditant l’idée d’un médicament « low cost », n’est probablement pas le meilleur moyen de rassurer les patients, d’autant que l’une des polémiques porte sur les matières premières qui entrent dans la composition des médicaments.
Selon le rapport de l’IGAS de 2012, entre 60 % et 80 % des matières premières seraient fabriquées dans des pays hors Europe, principalement en Asie, et les trop rares inspections de sites de production mettent en évidence de graves dysfonctionnements. Entre médicament d’origine et générique, on ne peut plus se contenter de dire « c’est la même chose... ou presque ».
Il faut donc un maximum de transparence et d’information pour que la population soit bien consciente que le générique n’est pas un médicament au rabais. Pouvez-vous nous confirmer que la traçabilité, la fabrication et la distribution jusqu’aux officines pharmaceutiques s’opèrent dans les mêmes conditions que pour les molécules princeps ? Les contrôles de qualité, de sûreté sont-ils assurés de la même manière ?
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est la vente des médicaments sur internet.
Depuis le 12 juillet 2013, les pharmacies françaises peuvent, après autorisation, commercialiser sur internet 4 000 médicaments sans ordonnance. Je sais que vous avez fait le maximum pour encadrer ce mode particulier de distribution, pour éviter qu’il ne soit la porte ouverte à la contrefaçon et pour préserver un conseil pharmaceutique. Il semble néanmoins que sa mise en œuvre soit difficile, pour ne pas dire confuse, entre les sites pirates qui se multiplient et ceux, agréés, qui ne sont pas toujours conformes aux règles.
En quelques semaines, l’Ordre des pharmaciens a repéré près d’une centaine de sites illégaux. Sur ces sites, on ne trouve pas de Doliprane ou d’Efferalgan, autorisés à la vente en ligne mais peu lucratifs, mais plutôt des gélules contre les dysfonctionnements érectiles ou pour maigrir. Ces produits peuvent être contrefaits ou tout simplement interdits en France, car jugés dangereux.
Ce qui est nouveau, c’est le mode opératoire, qui consiste à utiliser l’adresse en déshérence d’une pharmacie réelle et physique. Le ministère doit faire preuve de la plus grande vigilance pour garantir la meilleure sécurité possible aux patients.
Dans ces conditions, la contraception d’urgence est-elle sur la liste des médicaments qui peuvent être vendus sur internet dans la mesure où elle n’est pas soumise à prescription ? Le risque est évidemment de recevoir le produit hors délais, et surtout il me paraît indispensable de bénéficier d’un conseil médical du pharmacien.
Le troisième sujet que j’aborderai est celui, très préoccupant, du détournement et du trafic de certains médicaments. Je pense particulièrement à la Buprénorphine à haut dosage, la BHD, prescrite sur ordonnance médicale sécurisée dans le cadre de traitement substitutif des pharmaco-dépendances majeures aux opiacés, dans le cadre d’une thérapeutique globale de prise en charge médicale, sociale et psychologique. L’impact positif de ce médicament est reconnu dans la lutte contre la dépendance aux opiacés, la diminution des overdoses à l’héroïne et la réduction des risques liés à la consommation de stupéfiants. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, si la grande majorité des patients utilisent le Subutex ou BHD dans un but thérapeutique, certains d’entre eux détournent ces médicaments pour les consommer dans un cadre non thérapeutique.
Par ailleurs, d’autres détournements ont été constatés, qui donnent lieu à des reventes hors du circuit pharmaceutique et suscitent un trafic aux niveaux tant national qu’international. C’est pourquoi, en 2004, l’assurance maladie a mis en place un plan de contrôle et de suivi des traitements de substitution aux opiacés qui consiste à cibler et à suivre individuellement les personnes qui se font délivrer l’équivalent de plus de 32 milligrammes de BHD par jour. Mais force est de constater que ce médicament demeure accessible sur le marché noir, à un faible coût, et qu’il est très utilisé par les usagers actifs d’héroïne.
Dès lors, madame la ministre, des mesures sont-elles envisagées pour mettre en place un plan d’action visant à favoriser un bon usage du médicament et à lutter plus efficacement contre toute dérive ou pratique ayant pour but de détourner, trafiquer ou « mésuser » les traitements ? J’ajoute que le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies rappelle que la méthadone seule ou en association serait en cause dans 38 % des surdoses en 2011, contre 22 % en 2009, en France. Dans ce cadre, pourquoi envisager la primo-prescription de méthadone en médecine de ville ?
Enfin, j’évoquerai une dernière question qui touche à l’actualité : la cigarette électronique.
Alors qu’une majorité de députés européens vient de refuser de la considérer comme un médicament, quelle est votre position ? Envisagez-vous au moins un statut pharmaceutique pour les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, ce qui permettrait une classification unique, et donc une réglementation comparable, pour l’ensemble des produits délivrant de la nicotine pour réduction ou arrêt du tabagisme ?
Madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous ne manquerez pas de nous apporter.