Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa version initiale, le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public contenait des dispositions fondamentales pour l’avenir de l’audiovisuel public.
D’abord, il prévoyait la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, afin de mettre fin à la nomination par le Président de la République, qui prévalait depuis 2009.
Ensuite et surtout, il prévoyait une désignation totalement inédite des membres du CSA, avec une approbation par les commissions parlementaires, aux trois cinquièmes de leurs membres, exprimant une volonté du plus large rassemblement politique. À cet égard, si l’indépendance est un terme parfois galvaudé, elle sera bien une réalité s’agissant du nouveau CSA qui se mettra peu à peu en place.
Enfin, le projet de loi initial faisait respecter un principe fort de notre droit conventionnel : celui de la séparation des autorités de poursuite et de sanction, avec la mise en place d’un rapporteur indépendant au sein du Conseil.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir su trouver la voie d’une réforme à la fois ambitieuse et lisible pour le citoyen : ce mode de nomination est appelé à perdurer très longtemps.
L’Assemblée nationale, prenant acte de cette réforme du CSA, décidait quant à elle de lui confier de nouveaux pouvoirs, tout en lui attribuant parallèlement de nouveaux devoirs, en termes d’études à réaliser ou encore de comptes à rendre. En volume, le texte passait de dix à vingt articles. Une surprise se nichait dans ces évolutions, avec l’ouverture d’une possibilité, pour le CSA, d’autoriser le passage de la télévision numérique terrestre – la TNT – payante à la TNT gratuite sans appel à candidature.
Le Sénat s’est saisi pleinement de ce texte, lequel est sorti de notre hémicycle avec trente-huit articles.
Il a d’abord souhaité apporter sa part dans l’approfondissement de l’indépendance de l’audiovisuel public, en prévoyant que la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, par le Président de la République serait soumise pour avis aux commissions de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat et en accordant aux chaînes de télévision la possibilité de détenir des parts de coproduction. Cette mesure, attendue de longue date, notamment pour France Télévisions, devrait encourager les chaînes à développer des programmes de fiction plus ambitieux, qui seront fondamentaux dans la télévision de demain.
Si l’on a beaucoup parlé de l’indépendance organique des chaînes de télévision, cette mesure contribue à leur indépendance financière, et c’est à une large majorité que le Sénat, sur notre initiative, a considéré cette dernière comme étant elle aussi un impératif. À cet égard, la détention de droits par France Télévisions sur les programmes qu’elle finance participe pleinement à son indépendance financière. Cela a également été permis par des mesures facilitant la circulation des œuvres.
Dans le prolongement des avancées faites à l’Assemblée nationale, le Sénat précisait le champ des pouvoirs du CSA en élargissant sa compétence de règlement des différends aux services de médias audiovisuels à la demande, en créant un pouvoir de conciliation en matière de circulation des œuvres afin d’accompagner l’ouverture des parts de coproduction, en encadrant le passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite ou encore en limitant le champ des études d’impact obligatoires.
Dans un esprit d’équilibre et de compromis, le texte du Sénat prévoyait aussi, avec la mise en place d’une procédure de tuilage, les modalités d'une transition satisfaisante entre les présidents de l’audiovisuel public.
Enfin, il renforçait l’application de la parité dans les conseils d’administration des chaînes de l’audiovisuel public et favorisait la présence de représentants de consommateurs au sein de ces conseils d’administration, via la désignation des personnalités qualifiées par le CSA.
Toutes ces améliorations, parfois techniques, mais souvent de fond – leur énumération suffit à montrer leur importance –, sont à porter au crédit de l’ensemble des groupes du Sénat puisque tous ont vu un ou plusieurs de leurs amendements adoptés.
Je remercie ainsi la commission de la culture – nos collaborateurs ont travaillé comme des acharnés – et sa présidente de tout le soutien qu’elle m’a apporté dans mon travail de rapporteur. Je remercie également mes collègues d'avoir travaillé de manière constructive sur ce texte qui est, selon moi, fondateur pour l’audiovisuel public.
Au final, le Sénat adoptait il y a deux semaines, avec le soutien de l’ensemble des groupes de la majorité, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public. Je vous avoue avoir été extrêmement satisfait du résultat, à tel point que je n’ai proposé, pour l'essentiel, que quelques améliorations techniques en commission mixte paritaire, notamment une ouverture en faveur des producteurs sur le pouvoir de conciliation en matière de circulation des œuvres.
Néanmoins, j’avais annoncé en séance publique que je travaillerai à l'amélioration du passage de la TNT payante à la TNT gratuite ; un amendement a ainsi permis de renforcer la sécurisation de l'encadrement de cette procédure, que nous avons voulue au Sénat. Nous souhaitions également que le Gouvernement conserve clairement la mission de préempter les fréquences hertziennes pour l’audiovisuel public. Nous avons donc proposé de supprimer l'article 6 quater A.
Force est de constater qu’à ces deux exceptions près, sur notre proposition, le texte issu de la CMP est identique à celui du Sénat. Les deux tiers des vingt-huit articles restant en discussion ont en effet été adoptés par la commission mixte paritaire dans le texte du Sénat et, pour les dix articles modifiés par la CMP, les principales modifications sont rédactionnelles.
Les deux principaux changements que nous avons évoqués sont, quant à eux, très positifs : l’un permettra au CSA de favoriser, ou non, le changement de modèle économique des chaînes de la TNT payante dans un cadre renforcé et juridiquement sécurisé ; l’autre revient sur les pouvoirs qui auraient été confiés au CSA en matière de délivrance de fréquences à l'audiovisuel extérieur.
Voilà un texte qui a démontré qu’un Sénat uni autour des valeurs de protection des libertés publiques et de promotion de l’audiovisuel était à la fois utile et puissant. Voilà aussi un texte dont la gauche pourra, longtemps encore, demeurer fière !