Intervention de André Gattolin

Réunion du 17 octobre 2013 à 15h00
Indépendance de l'audiovisuel public — Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Plusieurs des amendements importants proposés par le groupe écologiste puis adoptés par la Haute Assemblée ont ainsi pu être validés. C’est pour nous une source de grande satisfaction. Il n’y aura donc évidemment pas de suspens quant à notre vote positif sur ce texte.

Néanmoins, avant de parler de ces avancées, je voudrais revenir rapidement sur le sens général de cette loi et dire en quoi elle ouvre le champ à une véritable indépendance de notre audiovisuel public et, en particulier, de l’autorité en charge de sa régulation et de la nomination, sous le contrôle renforcé du Parlement, des présidents des sociétés nationales de programmes.

Oui, le fait que le Président de la République ne nomme plus qu’un seul membre du CSA au lieu de trois précédemment, même s’il s’agit du président de cette autorité, marque le signe d’une « déshyperprésidentialisation » du fonctionnement de nos institutions, que nous saluons en tant qu’écologistes.

La nouvelle composition du CSA et le mode de désignation de ses membres lui permettront inexorablement de prendre sa pleine indépendance à l’égard du pouvoir politique.

En effet, cette réforme, si on l’associe à l’adoption du quinquennat présidentiel en 2000, fera que, quel que soit le Président de la République élu en 2017, qu’il soit de gauche, de droite ou d’ailleurs, et quand bien même il disposerait d’une large majorité à l’Assemblée nationale, il deviendra arithmétiquement impossible de bousculer la composition du CSA, même au travers du renouvellement de trois de ses membres, qui n’interviendra qu’en janvier 2019. C’est, de fait, une très bonne nouvelle pour la démocratie et pour l’indépendance de notre audiovisuel public.

Il faut aussi souligner que ce renforcement de l’indépendance ira de pair avec une exigence accrue de transparence et de bonne gestion de la part des groupes de l’audiovisuel public, notamment à l’égard des contrats passés avec les sociétés de production extérieures et au travers du contrôle approfondi des comptes internes – deux propositions également portées par le groupe écologiste du Sénat.

Ces nouvelles obligations en matière de contrôle s’accompagneront également de la mise en place d’un audit par le CSA des résultats et des comptes des groupes au bout des quatre premières années de mandat de chacun de leurs dirigeants.

L’instauration d’une procédure de « tuilage » lors du renouvellement des équipes dirigeantes, sur le modèle de la BBC, s’inscrit dans cette même perspective. Elle garantira une plus grande continuité et un meilleur fonctionnement des groupes de l’audiovisuel public, en permettant que les passages de relais se fassent dans de bonnes conditions et en évitant certaines mauvaises pratiques jusque-là liées aux atmosphères de fin de règne qui se déroulaient en fin de mandat.

Enfin, il faut bien le dire, il n’y a pas d’indépendance sans sources de financements pérennes. Cela passe naturellement par le développement des ressources budgétaires, comme la revalorisation de la contribution pour l’audiovisuel public, mais aussi par le développement de ressources propres dont le champ est ouvert par l’amendement Plancade, au travers de l’idée d’un partage des droits audiovisuels récompensant les investissements réalisés par les chaînes en matière de programmes.

Le projet de loi a par ailleurs été enrichi par d’autres propositions du groupe écologiste. Ainsi, les usagers seront désormais représentés au sein des conseils d’administration des groupes de l’audiovisuel public par le biais des associations agréées de défense des consommateurs.

On peut cependant regretter le rejet de l’instauration d’une lettre de mission, édictée par le ministère, qui aurait fixé les attentes de l’État actionnaire. Cette feuille de route pluriannuelle aurait permis de définir un cadre pérenne sur des questions aussi sensibles que les publics visés, la vocation généraliste des offres de programme, le périmètre des sociétés en termes de canaux ou de stations, ainsi que les grandes orientations pour l’organisation de cette offre, ce que l’on appelle la mutualisation des moyens des chaînes.

Cette volonté de clarification des objectifs visés apparaît d’autant plus importante aujourd'hui au regard des dérives financières révélées cette semaine par Le Canard enchaîné et de la dégradation profonde du climat social qui semble s’installer aujourd’hui à France Télévisions.

Le cahier des charges actuel, qui sert de cadre à l’élaboration des projets des candidats à la présidence des sociétés nationales de programme, très développé en termes d’objectifs de production et de diffusion des œuvres, demeure en revanche plus qu’elliptique quant à l’organisation de ces sociétés et les objectifs qu’elles auront à atteindre en termes de satisfaction des attentes et des besoins du public.

Disons-le, l’indépendance signifie non pas l’irresponsabilité, mais, au contraire, une responsabilité accrue des acteurs qui, au nom du bien commun, bénéficient de cette indépendance. Cette logique devra naturellement être confirmée, approfondie et précisée lors de la discussion de la future loi portant sur l’ensemble de l’audiovisuel.

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