Les articles 2 bis et 6 octies A et B ont introduit de nouvelles contraintes pour les éditeurs et distributeurs de SMAD, sans attendre les résultats d’une consultation en cours sur la régulation des nouveaux services. Or ces dispositions ne sont pas sans conséquence lorsque l’on connaît le contexte de forte concurrence internationale.
Je citerai également les articles concernant la production audiovisuelle. De nouvelles contraintes ont été introduites contre notre avis, les sociétés de production étant notamment soumises à une obligation de certification de leurs comptes.
Le sujet de la coproduction a été introduit, alors même que les principaux intéressés n’ont pas été auditionnés, comme je le disais à l’instant, et les conclusions d’une mission menée par M. Laurent Vallet sont attendues pour la fin du mois de novembre prochain.
Si nous sommes favorables sur le fond à un retour sur investissement pour les chaînes du service public – nous l’avons dit à l’occasion de l’examen du rapport de notre collègue Jean-Pierre Plancarde –, il nous semble bien prématuré de voter ces dispositions par la voie d’un amendement lors de la lecture au Sénat.
Le Gouvernement semble depuis quelque temps victime d’une fièvre de l’urgence ! Une grande loi d’ensemble sur l’audiovisuel était annoncée pour l’année 2014 : il eût été plus sage, nous semble-t-il, d’attendre son examen. Notre groupe est donc défavorable à la méthode employée, mais il s’oppose également à l’adoption de ce texte pour des raisons de fond.
La mesure la plus médiatisée est évidemment la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public : la nouvelle majorité a fermement condamné le dispositif mis en place en 2009.
Le secteur de l’audiovisuel public étant considéré comme faisant partie des activités importantes pour la Nation au sens de l’article 13 de la Constitution, notre majorité s’était en effet, à l’époque, prononcée en faveur d’une nomination par le Président de la République.
Le Conseil constitutionnel a lui-même reconnu que la nature particulière de ces fonctions justifiait ce mode de désignation. J’ajoute que, pour éviter les abus et conformément à l’article 13, le choix opéré par le chef de l’État était soumis à l’avis conforme du CSA, avec un droit de véto du Parlement.
Certes, malgré la nature de service public reconnue à l’audiovisuel public, il est possible d’estimer que les présidents de ce dernier ne doivent pas voir peser sur eux le soupçon d’une allégeance au pouvoir en place en raison de leur mode de désignation. Je partage d’ailleurs ce sentiment.
Cependant, ce n’est pas ce projet de loi qui garantira une indépendance effective de ces fonctions.
La révolution annoncée est simplement un retour à la législation antérieure, avec la nomination des présidents des sociétés nationales de programmes par le CSA. Je rappelle que ce type de nomination a été mis en place en 1982, pour ce qui était alors la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.
La majorité, pour faire valoir l’amélioration du dispositif, insiste sur celle du mode de désignation des membres du CSA. Cependant, le président de cet organisme reste, lui, nommé par le Président de la République. C’est pour nous un étrange paradoxe !
La majorité estime que le président du CSA n’influera pas sur le vote des membres de cette instance. Cependant, il me semble au contraire que son avis sera décisif pour orienter le choix de ses collègues. Il aurait peut-être été plus simple de laisser le CSA élire lui-même, en son sein, son président.
De plus, les désignations étant faites par le CSA, le contrôle parlementaire disparaît purement et simplement, alors qu’il existait dans le dispositif de 2009.
Enfin, je ferai un parallèle avec nos débats en CMP sur l’article 6 A relatif à la nomination du président de l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, qui, je le rappelle, appartient au Président de la République. Le sujet a donné lieu à une discussion assez soutenue au sein de la CMP. L’avis porté sur ce type de nomination était loin d’être unanime. La preuve en est que le contrôle des commissions compétentes du Parlement n’a pu être voté qu’avec l’apport des voix du groupe UMP, ce qui montre les divergences sur ce sujet au sein de la majorité.
En conclusion, notre groupe est très réservé sur la réforme de la gouvernance à laquelle procède le présent projet de loi. Il s’agit, à mon avis, d’une simple apparence de changement, quand bien même le Gouvernement communique sur « une avancée démocratique majeure ».
Je pense que l’indépendance des présidents de l’audiovisuel public restera encore pour longtemps conditionnée d’abord par leur détermination à défendre celle-ci.
Je tiens à souligner, car je ne serai pas totalement négatif, que la lecture au Sénat et la CMP ont permis de réaliser des avancées sur d’autres sujets. Je signalerai notamment l’encadrement de la procédure de passage des chaînes de la TNT gratuite à la TNT payante, qui paraît nécessaire pour préserver les équilibres en place – nous avons sur ce point soutenu les propositions de M. le rapporteur –, ou encore la procédure de tuilage, proposée par nos collègues écologistes, permettant aux nouveaux présidents des sociétés de se familiariser avec le fonctionnement de celles-ci.
Je regrette en revanche que le sujet de la radio numérique ait été introduit à la hâte dans le projet de loi et que cet élargissement du champ d’application du texte n’ait, à l’inverse, pas permis d’aborder le sujet de la réception de France 24 sur notre territoire, un sujet cher, à juste titre, à notre collègue Louis Duvernois. Mais le texte prévu pour l’année 2014 apportera sans doute l’occasion de reposer ces questions.
Avant cette échéance, notre groupe sera particulièrement vigilant lors de l’examen du projet de loi de finances. À mon avis, c’est le financement de l’audiovisuel public qui déterminera toujours son niveau d’indépendance, et c’est donc là que nous attendons des actes. Mes chers collègues, vous le comprenez : le groupe UMP ne votera pas ce texte.