Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 17 octobre 2013 à 21h30
Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie – diverses dispositions relatives aux outre-mer — Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Madame la rapporteur, vous avez éveillé en moi des envies d’être, un jour peut-être, ministre de l’outre-mer, tant vous nous avez dit avec passion l’intérêt des textes que vous avez portés !

Victorin Lurel, ministre des outre-mer, est en ce moment en déplacement officiel à la Réunion. Ce déplacement était prévu de longue date, et il me prie de l’excuser auprès de vous pour cette absence. M. Lurel aurait beaucoup apprécié être dans cet hémicycle ce soir pour vous entendre et débattre de ce sujet.

Par ailleurs, madame la rapporteur, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à Dick Ukeiwé et je salue sa mémoire à mon tour.

Je me permettrai donc d’intervenir au nom de Victorin Lurel sur le texte que vous nous avez présenté. Je vous ai écoutée avec grand intérêt, madame la rapporteur, et j’ai beaucoup appris de votre intervention. Monsieur le président de la commission des lois, j’ai bien entendu votre observation sur la procédure accélérée, et je ne manquerai pas d’en faire état.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 9 octobre dernier sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, complété par le projet de loi ordinaire portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Chacun de ces deux projets a été adopté à l’unanimité des voix au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire s’est réunie cette semaine et n’a procédé qu’à la rectification de quelques dispositions en marge. Je tiens ici, au nom du Gouvernement et de Victorin Lurel, à saluer la qualité du travail réalisé au Parlement, car les deux textes ont indiscutablement été enrichis.

Cette nouvelle réforme répond incontestablement à une nécessité.

En effet, depuis sa publication, la loi organique du 19 mars 1999 a déjà été modifiée à neuf reprises, sans que l’on revienne jamais cependant sur son architecture d’ensemble. Des améliorations, des précisions liées tout simplement à l’évolution du droit métropolitain ou à la mise en œuvre de nouveaux transferts de compétences ont très rapidement rendu nécessaire cette dixième réforme.

Pour élaborer ces deux projets de loi qui ont été soumis à la consultation du Congrès, le Gouvernement a, dans un premier temps, tiré les conséquences de trois constats.

Premier constat : il était nécessaire d’actualiser certains concepts du statut.

Le droit budgétaire et comptable des collectivités territoriales s’est modernisé durant la dernière décennie, sous l’influence, notamment, des nouvelles normes comptables.

La Nouvelle-Calédonie a souhaité la mise à jour et la « fiabilisation » de ses règles de gestion budgétaire et financière par l’extension des règles de droit commun, en matière de contrôle budgétaire, mais aussi, pour permettre à la Nouvelle-Calédonie et à ses établissements publics de déroger à l’obligation de dépôt des fonds libres auprès de l’État, ou encore, pour recourir à un nouvel outil, les sociétés publiques locales.

Le deuxième constat est à l’origine du projet de réforme présenté par le Gouvernement : il devenait nécessaire de préciser la portée de certaines dispositions du statut.

Que ce soit à l’occasion de nouveaux transferts de compétences ou lors de la mise en œuvre quotidienne de compétences déjà transférées, parfois depuis plusieurs années, la loi organique n’offre pas toujours aux institutions calédoniennes les moyens juridiques adéquats pour exercer pleinement leurs attributions.

Deux objectifs ont donc été privilégiés lors de l’élaboration de cette réforme : d’une part, combler certaines lacunes de la loi statutaire en clarifiant le pouvoir de police des présidents d’assemblées de province sur le domaine routier ; d’autre part, renforcer la sécurité juridique, en écartant les risques de conflits entre les provinces, l’État et la Nouvelle-Calédonie à propos de compétences dont le périmètre nécessite d’être précisé – d’où l’ajout des terres rares à la liste des minerais qui relèvent de la compétence réglementaire de la Nouvelle-Calédonie.

Troisième et dernier constat : il était indispensable de rétablir des mesures spécifiques à la Nouvelle-Calédonie qui avaient été votées dans le cadre de la loi organique du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, et par conséquent censurées, car elles constituaient des cavaliers législatifs. C’est pourquoi le texte que je vous présente, mesdames, messieurs les sénateurs, est davantage orienté vers la Nouvelle-Calédonie.

La première de ces mesures confiait au président du gouvernement calédonien des pouvoirs de police administrative spéciale, qui lui permettront d’exercer pleinement les compétences transférées, que ce soit donc en matière de sécurité civile, de sécurité maritime ou aérienne, en disposant notamment d’un pouvoir de réquisition des moyens du secteur privé.

La deuxième mesure censurée complétait la loi statutaire afin de supprimer l’incompatibilité entre le mandat de membre du sénat coutumier et celui de membre du conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie.

Deux autres dispositions censurées modernisaient les modalités de passation des marchés publics des provinces.

Au-delà des trois constats que je viens de rappeler et qui ont guidé le Gouvernement lors de l’élaboration des deux projets de lois, l’insertion de mesures nouvelles était vivement souhaitée par l’ensemble des élus de la Nouvelle-Calédonie.

Des propositions ont ainsi été formulées dans deux domaines. Le premier répondait, de la part des élus calédoniens, à un besoin de renforcement de la transparence et des mécanismes de contrôle, indissociables de l’exercice de compétences, dont beaucoup peuvent avoir des incidences tant financières que sociales.

L’article 1er du projet de loi organique consacre la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines qui relèvent de sa compétence, dotées des mêmes prérogatives que les autorités administratives indépendantes nationales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez apporté deux ajouts qui renforcent les garanties d’indépendance de la structure.

D'une part, il est expressément prévu dans le projet de loi organique que l’indépendance des membres des AAI doit être garantie : cette prescription s’adresse autant à la loi métropolitaine qu’à la loi du pays, qui fait l’objet d’un examen au Conseil d’État avant son adoption définitive. Le projet de loi organique prévoit également une audition publique des candidats pressentis et un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

D’autre part, le texte rappelle désormais la compétence de l’État en matière de libertés publiques, de procédures administratives, contentieuses et pénales, pour encadrer l’action de l’AAI. À cet effet, l’article 1er bis du projet de loi ordinaire habilite le Gouvernement à étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions applicables à l’Autorité de la concurrence nationale en matière de pouvoir d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions.

Le second domaine qui a suscité de nombreuses demandes d’amendements à la loi statutaire est évidemment celui du fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie.

Les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie sont aujourd’hui étendus et variés, ce qui nécessite une réactivité, une forte adaptabilité et une actualisation permanente des institutions. Qu’il s’agisse des règles d’organisation ou du fonctionnement des institutions, certaines mesures, souvent techniques, ont été proposées par les élus pour améliorer la gouvernance locale.

Le fonctionnement quotidien des instances de gouvernance calédoniennes a ainsi conduit au développement de pratiques directement tirées de l’interprétation du statut, mais qui n’avaient pas de base légale. C’est désormais le cas du règlement intérieur du gouvernement, du droit à l’information des membres des assemblées de province ou de la publication des actes des institutions par voie électronique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous disais que les débats parlementaires avaient incontestablement permis d’enrichir les textes. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’apport est indéniable, principalement dans trois domaines.

Tout d'abord, plusieurs amendements relatifs aux juridictions financières ont été déposés, qui visent à étendre le champ des contrôles de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie et à compléter les procédures applicables, par exemple en donnant son plein effet à la règle fondamentale de séparation des ordonnateurs et des comptables.

Ensuite, concernant l’indemnisation devant les juridictions pénales des victimes du droit coutumier – vous en avez longuement parlé, madame la rapporteur –, le texte adopté en commission mixte paritaire prévoit que le tribunal pénal pourra désormais statuer sur les intérêts civils, sauf lorsque les parties s’y opposent. Une « passerelle » avec la juridiction civile composée d’assesseurs coutumiers est alors prévue. Elle devrait satisfaire l’attente légitime des associations locales de défense des droits des victimes, dont on m’a glissé au creux de l’oreille qu’elles étaient bien souvent des femmes.

Enfin, un amendement présenté par le Gouvernement a été adopté. Il vise à modérer le prix des services bancaires en Nouvelle-Calédonie. Dans l’esprit du mécanisme que Victorin Lurel avait fait voter au sein de la loi relative à la régulation économique outre-mer en matière de contrôle des prix des produits de consommation courante, cet amendement tend à instituer une négociation annuelle sur les tarifs bancaires. En cas d’échec de cette dernière, le haut-commissaire fixera chaque année les tarifs par arrêté.

Il n’est pas d’usage – vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le président de la commission des lois – que le Gouvernement amende un texte sur lequel la commission mixte paritaire s’est accordée. Cependant, parce qu’il nous a fallu modifier les textes au fur et à mesure que les informations nous parvenaient, le Gouvernement vous soumet aujourd’hui deux amendements.

Le premier est, si l’on peut dire, une demande pressante de la commission mixte paritaire. Une disposition du projet de loi ordinaire procédait à la ratification partielle d’un décret approuvant un projet de délibération de la collectivité de Saint-Barthélemy relatif aux dispositions et sanctions pénales du code de l’environnement de cette collectivité. Or, entre-temps, cette délibération avait été abrogée par une autre. La reprise intégrale de la nouvelle délibération dans le projet de loi paraissant difficilement envisageable, il a été suggéré au Gouvernement de demander au Parlement de l’habiliter à prendre par ordonnance les mesures nécessaires. Cet amendement vise à modifier l’article 1er bis.

Le second amendement tend à supprimer dans notre droit une redondance qui ne s’est révélée que postérieurement à l’examen du projet de loi ordinaire. En faisant encore référence à une disposition abrogée par l’article 15 du projet de loi ordinaire, l’article L. 142-3 du code de la route était devenu inopérant. Cet article ayant le même objet que l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, le Gouvernement vous propose de procéder à son abrogation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques jours, le 11 octobre, s’est tenu le onzième comité des signataires de l’accord de Nouméa, sous la présidence du Premier ministre. Les deux textes adoptés par la commission mixte paritaire y ont été présentés. Je veux vous dire que l’ensemble des partenaires calédoniens de l’État a exprimé sa satisfaction devant le travail accompli par le Parlement. Soyez-en remerciés. Au nom du Gouvernement, et en particulier de Victorin Lurel, je tiens à vous exprimer directement la même satisfaction.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion