Avant d'aborder les modalités de déroulement de nos travaux, je ferai quelques observations liminaires quant à l'objet même de notre mission d'information.
Après plusieurs actes de décentralisation, les compétences des collectivités territoriales ont fortement augmenté tout comme les attentes de nos concitoyens quant à la qualité des services et leur vigilance face à l'augmentation de la fiscalité locale.
Dans ce contexte, la pratique des activités sportives et le besoin d'équipements pour permettre ces activités n'ont cessé de croître, faisant peser une charge croissante sur le budget des collectivités territoriales.
Mais surtout, le développement du sport amateur s'est accompagné d'une montée en puissance du sport professionnel qui se caractérise par au moins trois phénomènes :
La multiplication des disciplines concernées par la professionnalisation (football, rugby, handball, volleyball, natation, hockey, ski, tennis...) et la féminisation de la professionnalisation. Le nombre de clubs et d'équipes professionnelles semble promis à une hausse irrésistible ;
La hausse des budgets des clubs professionnels du fait, en particulier, d'une inflation salariale. Avec, pour corollaire, un accroissement des difficultés financières qui peut donner lieu à des faillites de clubs ;
Le développement des compétitions nationales de 1ère ligue et internationales, notamment européennes, qui se traduit par une explosion des droits audiovisuels. Avec pour conséquence la multiplication des exigences concernant les enceintes sportives.
Face à l'émergence de cette nouvelle industrie du sport professionnel qui présente de nombreux points communs avec l'industrie du spectacle, se posent les questions de l'implication et du rôle des collectivités territoriales.
Non seulement elles sont de plus en plus sollicitées pour financer les équipements sportifs professionnels qui ne profitent pas toujours à leurs administrés, mais il leur arrive de plus en plus de devoir éponger les pertes suite à des « accidents sportifs » comme des rétrogradations.
Le Législateur n'est pas resté inactif face au développement du sport professionnel. Les possibilités de subvention ont ainsi été encadrées pour limiter le risque financier des collectivités territoriales.
Le statut des clubs a changé pour permettre le développement des financements privés. La loi a créé des ligues pour gérer le sport professionnel et les associations sportives sont aujourd'hui obligées de créer des sociétés commerciales au-delà d'un certain seuil.
Il n'en reste pas moins que l'implication des collectivités territoriales reste considérable et notamment celle de communes dans le financement du sport professionnel. En 2007, l'effort financier des communes en faveur des pratiques sportives s'élevait ainsi à 8,95 Mds€ sur un total de 13,45 Mds€ de dépenses publiques (dont 0,8 Md€ pour les départements et 0,5 Md€ pour les régions).
Certes, cet effort financier n'est pas sans effets positifs, qu'il s'agisse de notoriété, de soutien à l'activité économique locale et de renforcement du lien social, mais cela reste difficilement quantifiable.
En 2006, les subventions directes des collectivités aux clubs professionnels ont été évaluées à 160 millions €, soit 12,5 % de leur chiffre d'affaires estimé à 1,3 Md€. Mais parmi les autres dépenses figurent également la mise à disposition d'équipements sportifs, l'entretien, la mise aux normes et la construction de nouveaux équipements.
Aujourd'hui, nombreux sont les élus qui souhaitent réexaminer les conditions de leur soutien au sport professionnel, ceci dans un contexte de contrainte sur les finances publiques locales. Ce réexamen semble d'autant plus nécessaire que les besoins apparaissent particulièrement dynamiques et que se développent les inégalités entre quelques clubs très riches, financés par des investisseurs nationaux ou internationaux et jouant les compétitions internationales, et des clubs plus modestes qui doivent compter sur leurs propres forces et le soutien des acteurs locaux.
On assiste ainsi à une évolution majeure qui voit s'étioler progressivement une certaine éthique du sport fondée sur la performance, le mérite, l'incertitude du résultat, et se développer un « sport business » qui a besoin de pouvoir rentabiliser des investissements considérables à court ou moyen terme et qui n'hésite pas à fixer ses propres normes qu'il impose aux autres acteurs, y compris les collectivités territoriales qui doivent s'adapter (taille des terrains, contenance des tribunes, loges VIP...).
Dans ce cadre, une tendance se fait jour qui voit certains grands clubs se diversifier dans plusieurs disciplines et dans le sport professionnel féminin. Ces clubs développent des infrastructures de haut niveau en termes de terrains d'entrainement, de préparation physique et d'équipements permettant un suivi médical optimum.
Surtout, les stades deviennent un enjeu considérable puisqu'ils peuvent être rentabilisés et dégager des revenus complémentaires grâce à la multiplication des rencontres et à l'organisation d'événements extra sportifs (concerts, séminaires).
Or, les collectivités territoriales ont du mal à trouver leur place dans ce nouveau « modèle économique ». Rarement intéressées aux bénéfices, elles sont plus que de raison sollicitées pour financer les charges et les pertes.
Faut-il privatiser les stades comme cela se fait chez plusieurs de nos voisins européens ? Faut-il mieux encadrer certaines pratiques comme les PPP ? Faut-il limiter les garanties financières que les collectivités peuvent être amenées à apporter dans le cadre de montages financiers complexes ? C'est toute la place des collectivités territoriales dans ce nouveau secteur en expansion qui est posée.
Mais dans un paysage administratif local lui-même en recomposition, c'est aussi le rôle de chaque échelon qui mérite d'être réexaminé. Faut-il désigner un chef de file en matière de sport professionnel, par exemple au niveau métropolitain ? Faut-il reconnaître une dimension régionale à certains équipements sportifs et sortir du « patriotisme communal » qui entoure encore aujourd'hui la relation au club local ?
Je crois que nous avons devant nous un champ d'investigation assez large qu'il convient d'aborder sans a priori. C'est avant tout un état des lieux auquel nous devons procéder en nous appuyant sur les nombreuses réflexions qui ont déjà été conduites, que ce soit par la Cour des comptes qui a examiné ce sujet en 2009 ou même par notre commission des Finances qui vient d'apporter une contribution importante sur le thème des équipements sportifs.
Nous sommes tous attachés au développement du sport de haut niveau mais face aux incertitudes budgétaires qu'il occasionne et aux problèmes éthiques que pose ce phénomène (hausse du prix des places, diffusion des épreuves sur des chaînes payantes), nous devons nous interroger sur les conditions de la légitimité de l'intervention publique et sur les impératifs à défendre pour permettre aux citoyens de continuer à pouvoir accéder à un spectacle de qualité qui participe au lien social et à l'identité de nos territoires comme à leur développement.
J'ajoute que notre réflexion devrait s'inscrire dans la préparation du projet de loi de programmation sur le sport auquel travaille le Gouvernement et je forme le voeu que nous pourrons faire valoir le fruit de nos réflexions dans la discussion parlementaire pour enrichir ce texte.
J'en viens maintenant à l'organisation de nos travaux.
La période électorale qui s'annonce aura évidemment une incidence sur le rythme de nos réunions et l'échéance que nous pouvons nous fixer.
Nous pouvons, bien évidemment, nous donner pour objectif de rendre notre rapport avant les élections municipales, ce qui permettrait de faire écho aux préoccupations de nombreux élus locaux. Mais outre le fait que la publication de notre rapport n'interviendrait que tardivement en mars, j'attire votre attention sur le risque qu'il y aurait que nos travaux interagissent avec des débats politiques locaux, ce qui pourrait amener certains élus à hésiter à coopérer avec nous au motif que notre rapport pourrait interférer avec leur campagne.
Or, je crois pouvoir dire que notre démarche se veut la plus objective possible et fondée sur le seul souci de permettre aux collectivités territoriales de mieux répondre aux exigences des clubs et des organisations sportives. Voilà pourquoi nous pourrions décider de rendre notre rapport au printemps, après les élections, une mission d'information n'étant pas tenue par le délai de 6 mois imposé aux commissions d'enquête. Je proposerais à notre président de débattre sur ce point.
Si nous partons de l'idée de remettre notre rapport au printemps, une fois les échéances municipales passées et avant la « trêve estivale », il serait utile de prévoir au moins une demi-journée d'auditions chaque semaine (le mercredi après-midi ou le jeudi matin). Nous pourrions également organiser quelques tables rondes qui pourraient rassembler l'ensemble des acteurs concernés afin de confronter les points de vue.
Afin de nous rendre compte des réalités sur le terrain, il nous faudra prévoir des déplacements, probablement essentiellement en France compte tenu de notre sujet.
Dernier élément que je souhaitais aborder, la publicité de nos travaux. Les travaux des missions d'information sont, de droit, ouverts à la presse et je pense que nous pouvons nous en tenir à cette règle. Évidemment, cette transparence s'applique à nous- mêmes et nous disposons de la liberté de relater nos travaux, y compris par l'intermédiaire des réseaux sociaux.