Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, cette loi n'a jamais eu pour objet d'instituer un service minimum dans les transports, ce qui aurait rendu nécessaire la réquisition des salariés en cas de grève. Cette facilité de langage masque l'un des aspects principaux du texte : le développement du dialogue social dans les entreprises de transport public, dont les salariés étaient déjà soumis au respect d'un préavis de cinq jours avant de faire grève. Le législateur a choisi une autre approche afin d'assurer la continuité du service public en cas de perturbations prévisibles du trafic, qu'elles soient liées à une grève, à des travaux, des incidents techniques ou des conditions météorologiques difficiles connues 36 heures à l'avance.
La loi s'applique uniquement au transport terrestre de voyageurs : transport ferroviaire, transport urbain et transport interurbain, dont le transport scolaire. Alors que le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) est l'unique autorité organisatrice de transport (AOT) dans la région francilienne, cette compétence est éclatée ailleurs sur le territoire selon le mode de transport concerné.
Le dispositif retenu pour assurer la continuité du transport repose sur quatre piliers : la mise en place par accord dans les entreprises ou, à défaut, dans les branches, d'un mécanisme de prévention des conflits qui rend obligatoire la négociation pendant huit jours avant le dépôt d'un préavis de grève, sur le modèle de l'alarme sociale qui existe à la RATP depuis 1996 ; la définition de dessertes prioritaires et l'élaboration d'un plan de transport adapté (PTA) et d'un plan d'information des usagers (PIU) à mettre en oeuvre en cas de perturbation prévisible ; l'obligation, pour les salariés indispensables à l'exécution du PTA et mentionnés dans un accord ou plan de prévisibilité, de déclarer à leur employeur 48 heures à l'avance leur intention de faire grève ; l'amélioration des droits et de l'information des usagers.
Le secteur des transports publics auquel s'applique la loi est composé d'entités très diverses : aux deux grands établissements publics que sont la SNCF et la RATP s'ajoutent des PME dans le transport interurbain par autocar et des entreprises privées de taille internationale comme Transdev et Keolis qui exploitent, dans le cadre de délégations de service public, les réseaux urbains de province.
Les problématiques sont dès lors différentes. Si le dialogue social est institutionnalisé à la RATP et à la SNCF, malgré les soubresauts qui s'y produisent parfois, ce n'est pas le cas dans le transport interurbain ni même dans le transport urbain où les relations sociales sont encore trop souvent conflictuelles. Toutefois, les personnes que nous avons auditionnées s'accordent sur un point : les mouvements sociaux ne sont pas la principale cause des perturbations prévisibles du trafic enregistrées sur les réseaux de transport et se situent même en queue de la liste, loin derrière les incidents techniques et les travaux. Ainsi, plus de 95 % des 419 perturbations prévisibles constatées sur le Transilien en 2012 étaient dues à des travaux et seulement 3,3 % à des mouvements sociaux.
Cela ne signifie pas que les grèves n'ont aucun impact sur les usagers, ni qu'il ne faut rien faire pour diminuer la conflictualité dans le secteur. La relation quotidienne des Français avec leurs transports en commun, l'insatisfaction qu'ils ressentent parfois face au service offert, expliquent les réactions exacerbées en cas de grève. La nécessité d'un diagnostic objectif de la situation sociale dans le secteur des transports n'en est que plus forte.