Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 21 octobre 2013 à 14h45
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Demande de réserve

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

La commission a souhaité également que le Parlement se donne les moyens de contrôler l’application de cette programmation. J’y suis bien entendu, comme tous mes collègues, très favorable ; je n’y reviens pas. Tous ces éléments ont pesé sur la détermination de mon vote.

Quatrièmement, le prix à payer pour dégager des marges de manœuvre en faveur de l’équipement est élevé.

Il s’agit d’abord de la réduction du format, qui touche aussi bien les équipements que les effectifs. Je rappelle que nous considérions déjà ce format « juste insuffisant ». On se demande quels qualificatifs nous emploierons dans notre prochain rapport ! Cette réduction du format est rude en termes tant d’effectifs, dans l’armée de terre en particulier, que d’équipements : je pense aux avions de chasse. N’oublions jamais que la quantité compte aussi, monsieur le ministre.

De plus, les commandes de pièces de rechange et, plus encore, de munitions revêtent autant d’importance que celles d’avions, de bateaux, d’hélicoptères, de moyens terrestres. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de bombes et de missiles, dont nous savons tous ici qu’ils sont longs à fabriquer : c’est un euphémisme ! De ce point de vue, le projet de LPM va trop loin dans la réduction des stocks de munitions. C’est pourquoi je proposerai, avec quelques collègues, un amendement visant à y remédier. Nous ne pouvons pas prendre la responsabilité d’envoyer des soldats au combat sans leur donner les moyens de combattre ! La satisfaction des besoins opérationnels de nos forces est essentielle !

Un autre vrai problème tient à l’étalement des programmes dans le temps et à la réduction des cibles. Nous le savons tous, cela se traduit mécaniquement par une explosion des coûts unitaires et une obsolescence native des derniers équipements livrés. Cela n’est pas satisfaisant. La seule voie, pour sortir de cette situation, est la coopération européenne. Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’attends avec impatience des avancées concrètes et pragmatiques du sommet des chefs d’État et de Gouvernement européens qui se tiendra en décembre. Le Sénat, au travers de notre rapport, a ouvert des pistes que je crois porteuses d’avenir.

Cinquièmement, le cadre budgétaire tracé n’est pas le bon. Si tout se passe bien, l’effort de défense de la nation descendra en dessous de 1, 5 % du PIB, pour atteindre 1, 3 % en 2018. À ce niveau-là, il nous faudra renoncer à des capacités, ce qui sera particulièrement douloureux.

Sixièmement, devant cette diminution programmée de l’effort de défense, il est facile de polémiquer ou de se rejeter mutuellement la faute, mais cela ne fera pas avancer les choses. C’est pourquoi nous devons au contraire essayer de trouver ensemble des solutions, parce que c’est ensemble que nous aurons demain à répondre des choix qui seront faits aujourd’hui.

C’est pour cette raison que je crois profondément que la réflexion sur les questions de défense doit transcender les clivages partisans et que nous devons nous efforcer de rester unis à vos côtés, monsieur le ministre. Vous héritez des choix, bons ou mauvais, de vos prédécesseurs ; de la même façon, vos successeurs hériteront de vos choix et de nos choix. Aussi, je vous propose dès aujourd’hui d’élaborer des solutions pour desserrer cet étau budgétaire, au moins le temps nécessaire afin de retrouver une meilleure fortune.

Précisément – ce sera ma septième et dernière observation –, nous avons cette possibilité.

Monsieur le président Carrère, vous avez appelé à de multiples reprises à un maintien de l’effort de défense à hauteur de 1, 5 % du PIB, et même à une remontée dès que possible à 2 % du PIB. Nous souscrivons tous sans réserve à cet objectif, mais je dis que cela est possible dès maintenant : il suffit de s’en donner les moyens, en cédant une vingtaine de milliards d’euros de participations publiques sur cinq ans. C’est ce que j’inviterai à faire, avec d’autres collègues, lors de la discussion des amendements. Nous pourrons ainsi, les uns et les autres, mettre nos actes en accord avec nos paroles. Cette proposition peut être mise en œuvre puisque nous savons que l’État dispose encore de plus de 75 milliards d’euros de participations dans des sociétés cotées, sans parler des sociétés de défense non cotées, telles que Nexter ou DCNS, qui valent ensemble plusieurs milliards d’euros.

Engager une telle démarche est nécessaire car les prérogatives de l’État, en matière de politique industrielle de défense, passent non plus par une participation au capital d’une entreprise, mais par la détention d’actions spécifiques : les fameuses golden shares. On sait que, de plus, la participation de l’État au capital entrave souvent tout rapprochement à l’échelon européen.

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est déjà engagé dans cette voie en vendant 2 milliards d’euros de participations, notamment en cédant 3 % du capital de Safran. Je propose qu’il continue, monsieur le ministre, et que le produit de ces cessions profite directement au budget de la mission Défense. Sinon, nous aurions les privatisations sans sauvegarde de la défense.

C’est en pensant aux hommes et aux femmes de la défense, à la préservation de nos capacités opérationnelles, à la sauvegarde de nos industries de défense et de leurs emplois, ainsi qu’au nécessaire soutien à notre recherche et technologie, que nous présenterons plusieurs amendements en ce sens.

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