Séance en hémicycle du 21 octobre 2013 à 14h45

Résumé de la séance

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  • militaire
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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.

Photo de Jean-Claude Carle

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 que nous examinons ce jour repose sur un diagnostic établi par le Livre blanc, dont nous avons pris connaissance. Ni naïfs ni angéliques, nous savons que la démocratie a besoin de sûreté et de sécurité, ainsi que de défendre les libertés fondamentales.

Sur le plan de la méthode, le groupe écologiste regrette de ne pas avoir été associé en amont à la réflexion sur le Livre blanc, alors que plusieurs de ses membres ont succédé à Dominique Voynet au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Par ailleurs, deux de nos collègues, Leila Aïchi et Kalliopi Ango Ela, ont suivi ou suivent avec intérêt les formations dispensées par l’IHEDN, l’Institut des hautes études de défense nationale, notamment les sessions « Politique de défense » et « Armement et économie de défense ».

Alors que nous avons pu dialoguer, lors de ces formations riches et passionnantes, sur tous les sujets sans aucun tabou, nous n’avons en revanche pas été associés ici à ce débat citoyen ; nous le regrettons vivement, même si trois de nos collègues ont participé à la rédaction du Livre blanc.

Nous souhaitons donc être associés, à l’avenir, à cette réflexion stratégique, les questions de défense et de sécurité concernant l’ensemble de la représentation nationale et le pays tout entier. Selon nous, il ne saurait y avoir des initiés et des non-initiés, d’autant que nous consentons un effort pour « monter en compétence » sur ce sujet. Trois des douze sénatrices et sénateurs que compte notre groupe, soit un quart de son effectif, sont désormais habilités « secret défense ». Je ne sais pas si tous les groupes peuvent en dire autant.

Trois points de ce projet de loi de programmation ont retenu notre attention.

Nous souhaitons, au préalable, rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui œuvrent collectivement pour notre sécurité, parfois au péril de leur vie. Nos propos ne constituent en aucun cas une remise en cause de leur action, que nous savons tournée vers la paix et la défense de nos intérêts.

Pour autant, même si la transparence budgétaire a fait de très gros progrès dans notre démocratie – nous n’en sommes plus à l’époque ou Pierre Messmer, Premier ministre, taisait des données budgétaires pour protéger la sécurité de l’arsenal nucléaire –, nous regrettons de ne pas disposer d’une heure de séance publique pour discuter devant des travées garnies, avec calme et sang-froid, arguments contre arguments, de notre stratégie, notamment au regard de la dissuasion nucléaire.

Le monde de 2013 n’est plus celui des années cinquante. Le mur de Berlin est tombé. Toute la géopolitique a changé, et nous nous cramponnons à un dispositif ancien qui, certes, fait la part belle aux technologies et au génie créatif de nos grandes écoles, mais ne correspond pas à la vision de la défense des écologistes.

Vous nous parlerez peut-être, à propos de la dissuasion nucléaire, d’« assurance-vie », mais une assurance-vie ne protège pas des aléas de la vie ; c’est au contraire la somme que l’on verse aux survivants d’un assuré en cas de réalisation d’un risque ! Ce vocable est donc, selon nous, inapproprié et trompeur en l’occurrence.

Si le projet de loi que nous examinons identifie bien de nouvelles menaces, par exemple en matière de cyber-sécurité, nous doutons vraiment que la dissuasion, telle qu’elle est maintenue, soit la bonne solution. Selon nous, il faut clairement remettre en question les dimensions sous-marine et aéroportée de nos forces de dissuasion nucléaire et remettre à plat le très important budget « sanctuarisé » qui leur est dédié.

Encore une fois, nous ne méconnaissons pas les talents d'une telle filière et les enjeux qui lui sont liés. La réduction de ces armements a aussi un coût colossal que nous mesurons à sa juste valeur. Cependant, nous contestons la philosophie qui sous-tend cet arsenal et la perpétuelle modernisation de celui-ci, poursuivie sans débat en séance plénière. Nous regrettons vivement que cette discussion soit limitée à une seule commission et ne soit pas partagée entre tous.

Par ailleurs, un ancien ministre, socialiste, polytechnicien, ose désormais écrire qu’il faut « arrêter la bombe » ; il nous semble que cette analyse mérite d'être débattue. J’invite toutes les sénatrices et tous les sénateurs à lire son remarquable ouvrage, dont nous aimerions pouvoir débattre collectivement. Vous me répondrez peut-être que cette vision est une douce utopie, mais je ne crois pas que M. Quilès soit un utopiste !

Enfin, vous savez comme moi que, historiquement, tous les militaires n’étaient pas acquis, au départ, à cette arme nucléaire qui est placée entre les mains du seul Président de la République et échappe, en tout cas dans l’esprit des textes, aux militaires.

Le deuxième sujet que nous voulions évoquer avec vous est celui de la féminisation de l'armée. Il n’est pas seulement symbolique, et il n’est pas anecdotique. Vous avez, monsieur le ministre, inauguré une fort belle exposition photographique itinérante de vingt-trois portraits de femmes. L’armée française s'est vite féminisée : 38 % du personnel civil et 15 % du personnel militaire est féminin. Vous avez raison de vouloir balayer le stéréotype d’une armée complètement masculine.

Pour autant, il existe, au sein de l’armée comme dans l’ensemble du monde professionnel, un « plafond de verre », et un certain nombre de femmes demandent à pouvoir poursuivre leur évolution professionnelle. Pourriez-vous nous indiquer quelles mesures vous comptez prendre à ce sujet ?

Nous voudrions enfin, à la faveur de ce débat budgétaire, vous alerter, monsieur le ministre, sur l’existence d’une barrière symbolique qu’il ne coûterait rien de lever, sur ce qui nous a été signalé comme étant peut-être le dernier bastion interdit d’accès aux femmes, à savoir les sous-marins nucléaires. Pourquoi est-il interdit aux femmes d’embarquer sur les sous-marins nucléaires ? On nous a objecté que c’était pour éviter d’exposer les femmes enceintes à des dangers, mais on peut aujourd’hui savoir, quand on embarque sur un sous-marin, si on est enceinte ou pas ! Cette exclusion des femmes nous semble donc relever du sexisme. Si embarquer sur un sous-marin est dangereux pour les femmes, ça l’est aussi pour les hommes !

J’en viens à mon dernier point.

Monsieur le ministre, vous connaissez l’attachement du groupe écologiste à la question de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Nous prenons note des progrès accomplis, réels mais trop modestes : on ne parle désormais plus d’essais « propres », mais d’essais « sécurisés » ; des incidents ont été reconnus ; la loi « Morin » a été votée le 5 janvier 2010 et l’accès à un certain nombre de données a été amélioré.

Nous saluons ces avancées. Pour autant, la mission menée dans le cadre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois a montré que le dispositif de cette loi ne fonctionne pas. Alors que tous les décrets ont été pris, que les structures existent et que l’argent est en théorie inscrit au budget, la loi est inappliquée, car elle est inapplicable, nous le savons tous ! Cela plonge dans la consternation les familles des victimes décédées et les victimes encore en vie.

Certains disent qu’il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore. Notre génie national a fabriqué une loi parfaite dans la lettre mais inapplicable et inappliquée, qui heurte un certain nombre de nos concitoyens ayant encore un lien de cœur ou de famille avec l'armée. Nous devons les entendre.

La colère gronde, monsieur le ministre. Onze personnes seulement ont été indemnisées, alors que certains imaginaient qu’il y aurait une centaine de bénéficiaires, d’autres jusqu’à 2 000 ou 5 000, pour 150 000 personnes ayant vécu dans les zones dites « à risques ». La loi, la parole publique, l’action parlementaire sont bafouées, et le contentieux repart : tout cela pose question.

Le rapport d’information que j’ai rédigé de façon consensuelle avec M. Lenoir, sénateur UMP, recense sept causes différentes à la non-application de la loi. Si nous ne parvenons pas rapidement à solder de façon positive ce douloureux dossier, la confiance de certains de nos concitoyens à l’égard de l'armée, de la justice et, peut-être, de la représentation nationale se trouvera selon nous gravement altérée.

Après la mission Matteoli, l’indemnisation des victimes des spoliations antisémites de la Seconde Guerre mondiale a pu intervenir, depuis 1995, dans des conditions dignes – sauf peut-être pour les œuvres d'art, dossier qui reste en cours de traitement –, ayant fait pleinement consensus dans l’opinion publique.

Dans le même esprit, il est temps de régler la question de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, d’autant que le service militaire n’existe plus et que les jeunes générations, malgré la Journée défense et citoyenneté, ont une vision parfois très lointaine des enjeux de défense et de sécurité.

Alors que nous avons voté la loi Morin, nous ne pouvons pas, collectivement, à la fois refuser tout débat public contradictoire sur la dissuasion nucléaire et dire aux vétérans et aux victimes des essais : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Il est bien d’élargir les zones définies par la loi, mais il faut aller plus loin, notamment en matière de levée du secret défense.

Il faut une action forte. Soyez, monsieur le ministre, celui qui entrera dans l'histoire en donnant une solution politique à ce problème de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, qu’ils soient civils ou militaires.

C’est en ce sens que nous avions déposé trois amendements.

Le premier avait pour objet de permettre un réel examen au cas par cas des dossiers des victimes. Nous déplorons, en effet, que les demandes et les situations souvent difficiles des victimes soient analysées à la seule lumière d’un modèle statistique, analyse qui conclut presque toujours à un risque négligeable. Ce premier amendement, le plus fort, a été déclaré irrecevable par la commission des finances, en application de l’article 40 de notre Constitution.

En modifiant les règles relatives à la présomption de causalité applicables en matière d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, cet amendement permettait pourtant de faire levier et de progresser vers une véritable reconnaissance et indemnisation des victimes, sans ouvrir la boîte de Pandore.

Dans une démocratie, il faut des pouvoirs régaliens forts et légitimes, acceptés des citoyens et des citoyennes. Nous avons un désaccord sur la dissuasion nucléaire : nous réclamons un débat public sur ce sujet.

Par ailleurs, nous soutenons, monsieur le ministre, vos efforts budgétaires, mais nous regrettons la poursuite de la modernisation de l'arsenal nucléaire, de surcroît sans débat. En outre, nous souhaitons et attendons un geste fort de votre part pour les victimes des essais.

Si nous voulons que les enjeux de sécurité soient compris et partagés par tous et toutes, il faut que nous soyons en phase avec les attentes de la société. Si l’on mettait autant d’intelligence collective à concevoir et à mettre en œuvre la transition énergétique que l’on en a consacré à élaborer la dissuasion nucléaire, nous serions rassurés !

Enfin, en ce qui concerne la politique menée en matière de ressources humaines, il est paradoxal que l'armée fasse tant d’efforts, par rapport aux autres ministères notamment, en termes de suppressions d’emplois, mais que tous les ans le plafond des dépenses de personnel explose à cause des emplois de grade élevé. Nous attendons des efforts également sur ce point.

Nous ne reviendrons pas, monsieur le ministre, sur les ratés du logiciel « fou » Louvois : vous les avez dénoncés comme nous et nous espérons qu’il pourra être remédié à cette situation.

Monsieur le ministre, la technicité et le génie créateur ne sont rien sans la confiance. Il est, selon nous, hautement important que ce projet de loi, au-delà des chiffres qu’il aligne, favorise le retour de la confiance. Ainsi, nous souhaitons un débat serein sur le nucléaire. Il est possible dans les établissements scolaires, à l’université et dans tous les lieux de la société : pourquoi ne le serait-il pas à la Haute Assemblée ?

Les impératifs de sécurité exigent peut-être la mise en place de fichiers, de dispositifs tels que ceux dont a parlé M. Sueur ce matin. Néanmoins, nous souhaitons qu’il ne soit pas porté atteinte de façon exagérée aux libertés individuelles avec le « mégafichier » qui a été évoqué.

Pour conclure, la sécurité collective est un bien commun qui ne peut être l’otage d’intérêts économiques ou sectoriels. Monsieur le ministre, sachez que la green defense et l’écologie peuvent être aussi une chance pour l’armée.

Mme Michelle Demessine applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, l’élaboration de la loi de programmation militaire constitue un exercice difficile, particulièrement dans un contexte financier tendu. Je voudrais d’abord souligner l'opiniâtreté toute bretonne du ministre, qui a obtenu des arbitrages moins défavorables que ceux que Bercy prônait.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

M. Dominique de Legge. Cela étant, je salue, dans le même temps, sa performance en termes de communication, qui laisserait croire que puisque c’est « moins pire que si c’était pire »

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Tout d’abord, le texte table sur 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, soit presque le double de la somme arrêtée par la précédente loi de programmation militaire : 1, 5 milliard d’euros correspondent au programme des investissements d’avenir, qui semble assuré, 3, 7 milliards d’euros proviendraient de la vente et de l'exploitation de fréquences – ressource aléatoire dont l'échéancier est incertain, M. Carrère a insisté ce matin sur ce point – et enfin 600 millions d'euros résulteraient de ventes immobilières. Ce dernier produit me semble largement surestimé, parce qu’en contradiction avec la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dite « loi Duflot I », selon laquelle les communes qui achètent des biens de l’État, notamment des terrains militaires, pourraient bénéficier d’une décote. Tout cela me semble peu cohérent.

Ensuite, une incertitude pèse sur le niveau des dépenses. C’est vrai pour les frais de personnels : on nous annonce, après la dérive de 474 millions d’euros constatée en 2012, une insuffisance de financement de 98 millions d’euros en 2013. Ces dépassements ont été financés par redéploiement de crédits d'équipement, en contradiction avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Ce redéploiement est préjudiciable à la réalisation des programmes d'équipement. Au-delà de ce poste de dépenses, voici que, depuis plusieurs années, nous devons gérer une masse de reports d’une année sur l'autre de près de 3 milliards d’euros, représentant 10 % du budget annuel. Doit-on considérer que le budget de la défense est en situation de cavalerie perpétuelle, et donc structurellement insincère ?

Ce constat n’est pas nouveau, je vous le concède, et M. Carrère l’a exprimé ce matin de façon très claire. M. Cazeneuve, qui n’était pas encore ministre du budget, s’en inquiétait déjà le 8 juin 2009 lors de l'examen par l’Assemblée nationale de la dernière loi de programmation militaire, alors que, défendant une motion d'irrecevabilité fondée sur une surestimation des recettes et une sous-estimation des dépenses, il concluait à une insincérité du texte. Je crains que, sur ce plan, le changement ne soit pas au rendez-vous !

Enfin, la baisse des effectifs annoncée repose aux deux tiers sur les personnels affectés aux missions de soutien logistique. Ne devra-t-on pas alors recourir davantage à la sous-traitance ? Si un certain degré d’externalisation des fonctions de soutien peut se concevoir en temps de paix, il n’en va pas de même lors d’opérations militaires ! L'emploi de personnels civils et le recours à des services privés me paraissent dans ce cas beaucoup plus difficiles. En effet, je vois mal les cuisiniers de tel grand groupe de restauration ou les ingénieurs de telle grande société d’armement être mobilisés dans le cadre d’opérations extérieures. La crédibilité d'une armée repose sur son indépendance et son autonomie : si, historiquement, nos forces armées, dans toutes leurs fonctions et dans toutes leurs compétences, sont soumises à un statut particulier fondé notamment sur l’obéissance et la disponibilité, c’est précisément pour cette raison.

Au final, les apparences sont maintenues. Les objectifs du Livre blanc sont ambitieux, le discours est volontariste, mais leur traduction budgétaire peu réaliste. La commission de la défense, consciente des aléas pesant sur ce projet de loi de programmation militaire, a déposé des amendements visant à abonder le budget des armées si les recettes devaient ne pas être au rendez-vous et les dépenses être supérieures aux prévisions : c’est l’aveu même que l’on ne peut guère accorder de crédibilité à cette programmation. En outre, si ces amendements expriment la volonté politique de préserver notre indépendance nationale, les mesures qu’ils prévoient ne sont pas pour autant financées. Les prévisions de croissance n’autorisent pas à penser qu’il y ait de ce côté beaucoup de marges de manœuvre pour abonder à l’avenir, s’il en était besoin, le budget de la défense.

Le gouvernement précédent avait certes réduit fortement les effectifs de nos armées. C’était un choix assumé, que vous aviez contesté à l’époque, notamment en termes de suppression d’unités, mais cet effort s’inscrivait dans une politique générale de réduction des coûts demandée à l’ensemble des ministères. Aujourd’hui, vous faites le choix, dans le même temps, de supprimer 23 500 postes supplémentaires dans les armées et d’en créer 60 000 dans l’éducation nationale. Je persiste à penser que la défense méritait des efforts mieux partagés.

En juin 2012, alors que vous preniez vos fonctions, je vous avais interrogé au conseil régional de Bretagne, que vous présidiez encore, sur le maintien des effectifs militaires. Vous m’aviez répondu en ces termes : « Je n’ai pas l’intention de bouger de la ligne de respect de la programmation militaire qui prévoit la suppression de 54 923 emplois, et c’est la ligne que je tiens et pas une autre. Donc ne revenez pas avec cette vieille lune : on renfloue l’éducation en postes au détriment de la défense. » Je vous laisse, mes chers collègues, apprécier le décalage entre ces propos tenus voilà seize mois – pas de suppressions de postes supplémentaires – et les actes d’aujourd’hui !

Mais au fond, l’essentiel n’est sans doute pas là. Vous cherchez, monsieur le ministre – et vous êtes dans votre rôle –, à nous démontrer que, à défaut d’être bonne, cette programmation est un moindre mal et que l’essentiel est préservé. Cependant, vous le savez mieux que quiconque, dans cette affaire, ce n’est pas tant nous, les parlementaires, qu’il faut convaincre, que nos partenaires ou la communauté internationale. La France a perdu de son influence au G20, mais il lui reste une crédibilité en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Je crains que les experts et les observateurs n’aient une lecture du texte moins optimiste que la vôtre, monsieur le ministre, et qu’ils ne constatent que nos programmes prennent du retard, qu’ils sont revus à la baisse et que nos capacités d’intervention et de projection s’affaiblissent. Ils savent qu’avec un effort de défense qui passera sous la barre de 1, 5 % du PIB, l’avenir de notre armée n’est plus assuré. À l’image de ces prévisions budgétaires, notre parole risque d’être peu crédible. L’épisode syrien, de ce point de vue, est révélateur, et l’épisode centrafricain semble marquer une confirmation. §

C’est pourquoi, monsieur le ministre, à regret, une grande majorité des membres de l’UMP ne votera pas ce projet de loi de programmation militaire, constatant son insincérité. La volonté affichée d’indépendance de la France ne peut souffrir tant d’aléas ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de le constater, la contrainte budgétaire constitue la colonne vertébrale du présent projet de loi de programmation militaire.

Dans ce contexte, la préservation d’une enveloppe de 31, 5 milliards d’euros pour la défense pour les trois prochaines années devrait permettre d’éviter le pire, à savoir le déclassement de notre outil de défense, conformément aux appels lancés depuis plusieurs mois par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Ce projet de loi de programmation militaire n’apaise pas, pour autant, l’ensemble de nos inquiétudes. Je souhaite revenir sur certaines d’entre elles.

Tout d’abord, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur l’équilibre budgétaire de ce texte. Est-il réellement tenable sur la période de programmation ? Ce serait d’ailleurs une première dans l’histoire des lois de programmation militaire…

Les chiffres sont connus de tous. Les ressources programmées sur la période 2014-2019 s’élèveront pour la mission Défense à 190 milliards d’euros courants, dont 183, 9 milliards d’euros de crédits budgétaires et 6, 1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles. Or ces ressources exceptionnelles, issues de la cession de bandes hertziennes et de biens immobiliers, seront-elles au rendez-vous ?

Au regard des difficultés rencontrées par la politique immobilière de l’État, est-il prudent de faire reposer l’équilibre de ce projet de loi de programmation militaire sur près de 6 milliards d’euros de recettes immobilières, d’autant que l’introduction d’un dispositif dérogatoire permettant la cession accélérée des immeubles du ministère ne pourra que partiellement faciliter ce bouclage budgétaire ?

La réduction des effectifs est une autre clé arithmétique du projet de loi de programmation militaire. Selon ce dernier, les réductions nettes d’effectifs s’élèveront entre 2014 et 2019 à plus de 33 000 postes équivalents temps plein. Les postes de soutien seront les premiers affectés par ces réductions, mais nous savons que les forces opérationnelles seront également touchées.

Cela m’amène à la question centrale du format de nos troupes. La France pourra-t-elle maintenir, avec ces réductions significatives d’effectifs, sa capacité de projection et de rayonnement ?

Nul doute que la capacité de projection de nos armées demeure un formidable outil d’influence au service de notre diplomatie, comme en témoigne l’opération Serval. Cette capacité ne restera cependant pertinente que si elle est dotée de moyens suffisants. Selon le Livre blanc, la France doit être en mesure de déployer entre 15 000 et 20 000 hommes en opérations extérieures afin de protéger ses ressortissants, de défendre ses intérêts et d’honorer ses engagements internationaux.

Monsieur le ministre, les militaires de haut rang que nous avons entendus en commission nous ont assuré que, dans quelques années, la France serait toujours en mesure d’intervenir comme elle l’a fait au Mali. Mais pourra-t-elle faire davantage, le cas échéant, dans un contexte international des plus incertains ?

Avec un contingent réduit, pourrons-nous encore assumer toutes nos responsabilités ? Le malaise est particulièrement présent au sein de l’armée de terre, qui a déjà subi de plein fouet les réformes précédentes, assorties de réductions d’effectifs massives. Les récentes interventions extérieures ont pourtant prouvé que les troupes terrestres restaient une composante indispensable de notre dispositif opérationnel.

Quid également de l’avenir de nos forces pré-positionnées, notamment sur le continent africain ? Nous travaillons actuellement, au sein de la commission des affaires étrangères, sur la présence de la France en Afrique aujourd'hui et nous n’évacuons évidemment pas cet aspect des choses. L’utilité de ces forces a clairement été validée lors de l’opération au Mali, avec le dispositif Sabre. Compte tenu des menaces qui persistent dans la zone sahélo-saharienne, la Corne de l’Afrique ou le golfe de Guinée et qui affectent directement la sécurité européenne, elles sont bien des points d’appui essentiels, qu’il convient de conforter tout en les adaptant aux nouveaux théâtres d’opérations.

Plus généralement, cette réduction du format de nos armées appelle une relance concrète de la défense européenne, notamment au travers d’une mutualisation de nos moyens. C’est dans cet esprit que je présenterai tout à l’heure un amendement relatif à la brigade franco-allemande, la BFA. Si elle reste un symbole fort de la réconciliation franco-allemande, la BFA dispose de réelles capacités de combat, qu’il faudrait mobiliser via une doctrine d’emploi renouvelée. Je sais qu’il s’agit là aussi d’une question difficile, mais la période de choix que nous vivons peut être l’occasion de redéfinir pour de bon, avec nos partenaires allemands, les missions et la capacité opérationnelle de la BFA, y compris sur les théâtres extérieurs, plutôt que de la condamner à disparaître silencieusement.

Autre point important, la pérennité et la compétitivité de notre industrie de défense seront-elles assurées au travers de ce projet de loi de programmation ?

L’industrie de défense n’est pas une industrie comme les autres. Elle est garante de notre indépendance stratégique et constitue le pilier essentiel de notre politique de défense. Elle est également porteuse d’emplois et contribue au dynamisme de notre économie.

Si le projet de loi de programmation militaire maintient les grands programmes d’équipement des forces armées – FREMM, Barracuda, Scorpion, etc. –, la baisse du volume des commandes et la réduction du rythme de livraison vont nécessairement impliquer la prolongation de la durée de vie des équipements existants. Le glissement des programmes aura des conséquences sur les industriels et les sous-traitants, alors que les PME de la filière défense emploient près de 20 000 personnes.

Afin d’élargir les débouchés, le développement des contrats d’exportation doit devenir un objectif majeur, aussi bien pour les grands groupes que pour les nombreuses PME innovantes du secteur. Sur ce point, nous ne doutons pas, monsieur le ministre, de votre implication et de votre disponibilité pour accompagner les industriels du secteur, tout en leur apportant le soutien politique indispensable.

Permettez-moi, à ce stade, de revenir brièvement sur la dimension stratégique. De quelle manière appréhendons-nous, avec ce projet de loi, l’horizon stratégique immédiat et à venir ? Trois aspects retiennent mon attention.

Tout d’abord, la dissuasion nucléaire est réaffirmée comme protection ultime de notre pays contre des agressions visant nos intérêts vitaux. Au-delà des critiques dont elle peut faire l’objet, force est de constater que la dissuasion nucléaire, maintenue à un niveau de stricte suffisance, constitue un outil d’influence majeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

M. Jean-Marie Bockel. Je sais que ce point fait débat, y compris dans la majorité, en particulier à la suite de la position prise par un ancien ministre de la défense. Au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat, nous sommes en tout cas nombreux à penser que la crédibilité de la dissuasion nucléaire repose sur le maintien des deux composantes de celle-ci.

M. Gérard Larcher approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Ensuite, le développement d’une capacité de connaissance et d’anticipation est érigé en priorité, ce que j’approuve. Les récentes opérations extérieures ont en effet démontré notre manque de moyens en matière de renseignement. Le chapitre II du projet de loi confère au renseignement de nouveaux moyens juridiques, tout en renforçant le contrôle du Parlement. Ce point fait débat ; essayons d’aboutir à la meilleure solution possible.

Enfin, je tiens à saluer les dispositions du projet de loi de programmation militaire en matière de cyberdéfense. Le texte prévoit ainsi un renforcement des moyens d’action de l’État au travers de l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. Au sein de la commission, Jacques Berthou et moi-même avons réalisé un travail de fond sur la dimension européenne de cette problématique. Il a contribué, me semble-t-il, à nourrir la réflexion en amont du Livre blanc.

En cas d’attaque informatique grave « portant atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la survie de la nation », l’ANSSI pourra surveiller et éventuellement neutraliser l’attaquant. Voilà une avancée utile en matière de capacité offensive dissuasive.

Le projet de loi vise également à renforcer les obligations des opérateurs d’importance vitale en matière de protection de leurs systèmes d’information, y compris l’obligation de déclaration d’incident, conformément aux recommandations que nous avons émises dans le rapport d’information. Je n’insisterai pas davantage sur ces aspects assez techniques, mais ô combien importants à un moment où la cybersécurité devient un sujet majeur, comme l’actualité de ce jour le prouve encore.

Pour conclure, ce projet de loi de programmation militaire donne-t-il à la France les moyens nécessaires pour tenir son rang de puissance en Europe et sur la scène internationale ?

Jamais, dans l’histoire récente, la notion de puissance n’avait connu de bouleversements aussi rapides et profonds. Alors que les pays « émergents » deviennent des acteurs incontournables, l’irruption des technologies de l’information et de la communication continue d’éroder le monopole des États, bouleversant les rapports de force. La notion de puissance recouvre désormais un mélange subtil de capacités militaires, d’outils diplomatiques et de soft power affirmé…

Au sein de cette nouvelle géopolitique, la France a indéniablement des atouts à faire valoir. C’est bien le parti pris qui sous-tend le refus du déclassement manifesté par ce projet de loi de programmation militaire, malgré les contraintes de l’exercice. Même si certaines inquiétudes demeurent, je tiens à saluer vos efforts et votre détermination, monsieur le ministre, qui permettent aujourd’hui à notre défense de se maintenir à un niveau crédible et acceptable.

Les collègues qui ont participé à l’assemblée parlementaire de l’OTAN, voilà quelques jours, ont pu mesurer, notamment à l’occasion de l’intervention du général de Saint-Quentin, combien la voix de la France est écoutée, grâce à cette capacité de défense.

Je tiens également à saluer les travaux de notre commission, ainsi que l’implication de son président, qui ont contribué à l’amélioration du texte dans un climat de dialogue et d’exigence.

La majorité du groupe UDI-UC votera ce projet de loi de programmation militaire ; certains de ses membres voteront contre ou s’abstiendront. Nous n’en serons pas moins des partenaires vigilants au cours de l’exécution de la loi de programmation, dans l’intérêt de notre pays, que nous avons tous à cœur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce nouveau projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a pour objet la mise en œuvre des grandes orientations de notre politique de défense définies par le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Lors du débat que nous avions eu ici même sur ce document, notre groupe avait exprimé des désaccords sur certaines conceptions stratégiques.

Nous estimions, essentiellement, que ces grandes orientations ne correspondaient pas à une conception de la défense nationale propre à la fois à protéger les intérêts de notre pays et de son peuple, à appuyer une politique étrangère et d’influence de la France qui permette d’avancer vers un monde plus juste et plus solidaire et à faire progresser de manière multilatérale la paix et le désarmement. Nous avions également relevé qu’il n’y avait pas de différence assez nettement affirmée avec la politique menée par le précédent Président de la République.

À cet égard, sans évoquer maintenant la dissuasion nucléaire – j’y viendrai ultérieurement –, je prendrai deux exemples : la décision de réintégrer pleinement le commandement militaire de l’OTAN et la réorientation stratégique majeure qu’a constitué la création d’une base militaire interarmées à Abou Dhabi.

Le Livre blanc et les choix du Président de la République marquent une continuité dans l’approche de ces deux questions, que les forces de gauche avaient pourtant critiquée ensemble.

Concernant la réintégration des structures de commandement de l’OTAN, les justifications données à l’époque ne sont pourtant toujours pas convaincantes. Il s’agissait alors de renforcer l’influence de la France au sein de l’Alliance atlantique, qui, paraît-il, n’était pas à la hauteur de notre contribution humaine et financière. Or le poids de notre pays dépend, aujourd’hui comme hier, beaucoup plus de sa volonté politique, de ses capacités et de son savoir-faire militaires que de son statut au sein du commandement militaire intégré. Nicolas Sarkozy voulait aussi rassurer nos partenaires européens, en affirmant que nous n’entendions pas concurrencer l’OTAN, et, dans le même temps, leur faire partager l’idée qu’il était nécessaire de faire progresser l’Europe de la défense.

Or le statut spécifique de la France nous permettait d’afficher une réelle autonomie de décision par rapport aux États-Unis et de prouver notre volonté d’élaborer en Europe une politique commune de sécurité et de défense. Rien n’a changé sur ces points, et nous le regrettons.

Depuis, aucune avancée décisive de la politique européenne de sécurité et de défense n’est intervenue sur des questions structurantes comme la création d’un état-major permanent de conduite et de planification des opérations ou celle d’une agence européenne de l’armement dotée d’une réelle autorité.

Le projet de loi de programmation militaire entérine cette réorientation stratégique majeure, avec la caution du Livre blanc.

Il en va de même pour l’autre réorientation stratégique d’importance qu’a constitué l’accord de défense passé en mai 2009 avec les Émirats arabes unis. Cet accord révélait ainsi une dispersion de nos capacités et un redéploiement de certaines d’entre elles pour nous aligner, une nouvelle fois, sur la politique des États-Unis en insérant nos forces au sein de leur dispositif dans cette région.

Sur ces questions éminemment stratégiques, qui conditionnent notre politique de défense, le Président de la République est resté dans la continuité de son prédécesseur.

Nos désaccords persistent, monsieur le ministre, et vous ne serez donc pas étonné que cela ait quelques répercussions sur l’appréciation globale que nous portons sur votre projet de loi de programmation.

Cependant, je voudrais tout d’abord souligner que votre grand mérite et celui de ce projet de loi est de tenter, avec un certain succès, de résoudre une difficile équation : préserver l’essentiel, c’est-à-dire maintenir notre niveau stratégique et notre statut international, en étant capables de tout faire – la dissuasion nucléaire, la protection du territoire et la projection de forces –, avec un budget fortement contraint.

En effet, vous avez réussi, avec le renfort notable des commissions de la défense des deux assemblées, à obtenir des arbitrages permettant la stabilisation du budget de votre ministère à son niveau de 2013 jusqu’en 2016, soit 31, 4 milliards d’euros par an. Il y a pourtant un bémol, car cela signifie qu’il reculera en volume sous l’effet de l’inflation. Puis il s’accroîtra légèrement à partir de 2017 pour culminer à 32, 51 milliards d’euros en 2019.

Pour une bonne part, l’équilibre budgétaire devrait être assuré par 6, 2 milliards d’euros de recettes/ressources exceptionnelles, constituées par des cessions immobilières – l’expérience montre que ce type de recettes est par nature aléatoire –, la mise aux enchères de bandes de fréquences, des projets d’investissements d’avenir et peut-être – mais je souhaiterais que vous m’assuriez du contraire, monsieur le ministre – des nouvelles cessions de participations de l’État dans certaines entreprises.

Il s’agit selon nous d’une ligne rouge à ne pas franchir. De telles cessions constitueraient, à nos yeux, de nouveaux abandons de la maîtrise publique dans un secteur aussi déterminant pour l’indépendance et la souveraineté nationales.

Par ailleurs, si les crédits consacrés à l’investissement et à l’équipement des forces s’élèveront à un peu plus de 17 milliards d’euros par an de 2014 à 2019, il faut relever que cet effort s’opère aussi pour partie au détriment du budget de fonctionnement des armées.

En outre, si le renouvellement des matériels – qui relève des crédits d’équipement – bénéficie du maintien d’un volume de crédits significatifs sur toute la période, votre programmation réduit fortement le rythme de livraison des matériels sur les deux années à venir.

Cela aura des conséquences négatives, sur lesquelles je reviendrai, et aboutira à ce que, en matière d’équipements, notre défense perde la moitié de sa capacité d’action conventionnelle sur la période couverte par les deux dernières lois de programmation.

En revanche, il faut se féliciter que des financements importants soient prévus pour relancer l’entraînement des forces, après une nette diminution depuis plusieurs années.

Votre projet de loi de programmation est volontariste, mais il repose sur un fragile équilibre.

Le travail mené par notre commission, sous la vigoureuse impulsion du président Carrère

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

À cet effet, nous introduirons dans le texte deux clauses de sauvegarde financière visant l’une à « sécuriser » le texte en matière de ressources exceptionnelles, en prévoyant une compensation intégrale en cas de non-réalisation, l’autre à instaurer un financement interministériel automatique des opérations extérieures au-delà de l’enveloppe annuelle de 450 millions d’euros.

Par ailleurs, nous renforcerons le suivi parlementaire de l’exécution budgétaire en rendant possible un contrôle « sur pièces et sur place » pour les députés et les sénateurs appartenant aux commissions de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Néanmoins, malgré ces garde-fous, je m’interroge sur la cohérence entre les moyens prévus dans votre projet de loi et les ambitions stratégiques élevées affichées dans le Livre blanc. Comment tout cela pourra-t-il réellement fonctionner avec un budget dont la stabilité repose en grande partie sur trois choix que je trouve contestables ?

En premier lieu, cette stabilité est notamment assurée au prix de la poursuite d’une diminution drastique des effectifs.

D’ici à 2009, près de 34 000 suppressions de poste interviendront, dont 10 000 avaient été programmées par le gouvernement précédent. De ce point de vue, quelle est la différence avec la politique suivie par ce dernier ?

Au total, entre 2008 et 2019, les armées auront perdu 82 000 emplois, soit un quart de leurs effectifs. Je sais que ce sont, pour l’essentiel, les fonctions de soutien et administrative qui sont affectées, et que vous avez tenté de limiter les coupes pour les forces opérationnelles, qui seront malgré tout amputées d’environ 8 000 hommes. Néanmoins, j’en conviens objectivement, les moyens en hommes et en crédits affectés aux services de renseignement et à la cyberdéfense ont été très sensiblement augmentés.

Je vous ferai tout de même le reproche, monsieur le ministre, de prolonger dans ce domaine la trajectoire dessinée par vos prédécesseurs, fondée sur le dogme de la révision générale des politiques publiques.

Comme cela a été souligné par le rapporteur pour avis de la commission des finances, cette pratique de déflation des effectifs pour faire des économies n’est pourtant même pas toujours probante d’un point de vue comptable : alors que 45 000 postes ont été supprimés, la masse salariale des personnels militaires a augmenté de 5, 5 % entre 2008 et 2012.

Les quelque 40 millions d’euros prévus dans votre programmation budgétaire pour financer des mesures d’accompagnement et d’incitation semblent très insuffisants.

Le mécontentement, l’inquiétude, l’amertume des militaires et de leurs familles sont profonds. Ils ont le sentiment de ne pas être suffisamment reconnus pour les difficiles missions qu’ils remplissent, et estiment que l’armée est la seule institution à se réformer autant, tout en contribuant plus que d’autres à l’effort de redressement des comptes publics.

Ces sentiments diffus ne peuvent plus être traités comme ils l’ont été auparavant, sauf à risquer une grave crise au sein de nos armées ; je sais que vous en êtes conscient, monsieur le ministre. Tout en respectant la spécificité militaire, il est urgent de prendre des dispositions novatrices pour repenser le dialogue et la concertation au sein de l’institution. Celle-ci aurait d'ailleurs tout à y gagner

La conjugaison de tous ces éléments ne peut être sans conséquences néfastes sur la cohérence et les capacités de notre outil de défense conventionnel, qui risque d’être affaibli. La disparition d’unités, de bases ou d’établissements a malheureusement toujours de graves incidences sur nos territoires et leurs populations, même si vous nous assurez tenir compte des expériences passées et vouloir agir avec plus de discernement, en favorisant le dialogue. Je connais bien cette situation dans mon département, déjà sinistré par les fermetures d’entreprises, où la fermeture de la base aérienne de Cambrai a été vécue très douloureusement.

Je voudrais, en deuxième lieu, évoquer les effets de votre programmation budgétaire sur les prises de commandes auprès de nos industries d’armement.

Fort judicieusement, vous vous êtes refusé, monsieur le ministre, à interrompre les programmes conduits en coopération européenne, mais la réduction du rythme des livraisons de matériels aura des répercussions négatives sur l’engagement des industriels à produire aux coûts négociés par la Direction générale de l’armement au moment des lancements de programmes. C’est sûrement un effet pervers des économies que vous recherchez.

En effet, devenant moins rentable pour les industriels, chaque équipement livré risque, au total, de coûter plus cher que prévu. Cela peut concerner le Rafale, les avions ravitailleurs ou le nouvel avion gros porteur A 400M, mais aussi les frégates multimissions ou le véhicule de combat d’infanterie.

Cela risque aussi d’affecter notre cohérence capacitaire en ne comblant pas les « trous » existants, par exemple en matière de transport stratégique, d’avions de ravitaillement, de renseignement par drones ou d’armes de destruction des défenses anti-aériennes.

L’allongement des délais de livraison des matériels aura également des répercussions sur l’emploi et le savoir-faire de nos industries de défense.

En termes d’emploi, les industriels, sans doute de façon alarmiste, j’en conviens, et pour justifier le maintien de leurs marges, prévoient la perte de 10 000 emplois directs et d’autant d’emplois induits.

Moins d’équipements pour plus cher, ce sera l’un des paradoxes de cette programmation budgétaire, à moins, monsieur le ministre, que vous ne réussissiez, comme cela a été le cas dernièrement, à remporter quelques marchés à l’exportation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

J’en termine, monsieur le président.

En troisième et dernier lieu, je souligne que nous avons de fortes interrogations sur la nécessité de « sanctuariser » les moyens accordés à la dissuasion nucléaire. En effet, nous doutons de sa pertinence et de son efficacité dans les conflits d’aujourd’hui ou pour faire face aux nouveaux types de menaces.

Dans le Livre blanc, de nombreuses questions ont été soumises à un examen critique, excepté celle de la dissuasion nucléaire. Elle est encore présentée, dans le rapport annexé, comme la clef de voûte de notre sécurité, alors que sa doctrine d’emploi ne définit toujours pas exactement ce que sont nos intérêts vitaux et que le nucléaire ne joue plus un rôle aussi déterminant pour notre sécurité qu’à l’époque de la guerre froide.

Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, le Livre blanc reconduit, sans les justifier, notre posture et notre arsenal nucléaires, ce qui aboutit à un déséquilibre de notre outil de défense au détriment des forces conventionnelles, pourtant plus adaptées aux conflits actuels.

Que les choses soient bien claires : si nous souhaitons une politique de paix et de désarmement, nous n’entendons aucunement diminuer la capacité de notre pays et de son peuple à défendre leurs intérêts légitimes et leurs valeurs républicaines. Mais, dans les conditions et le contexte d’aujourd’hui, nous estimons indispensable d’ouvrir un débat public contradictoire sur un sujet d’une telle importance, qui ne semble d’ailleurs plus faire consensus dans le pays comme auparavant.

Pour notre part, nous pensons qu’il faudrait ramener notre arsenal nucléaire à son niveau de « stricte suffisance », ce qui implique de ne pas le développer en le sophistiquant toujours plus et de respecter ainsi les engagements internationaux que nous avons pris en signant le traité sur la non-prolifération nucléaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai exposé les raisons pour lesquelles le groupe communiste républicain et citoyen contestait certains choix effectués au travers du projet de loi de programmation militaire. Mais, dans le même temps, nous sommes conscients que ce texte, dont l’équilibre est, je le redis, fragile, tend, dans une période compliquée, à sauvegarder notre outil de défense et, surtout, notre autonomie.

Il y va de l’indépendance et de la souveraineté de notre pays, donc de l’essentiel. C'est pourquoi, malgré nos critiques de fond sur l’orientation stratégique retenue, notre groupe s’abstiendra sur le projet de loi de programmation militaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre, je veux d’abord saluer, en mon nom propre et au nom du groupe RDSE, l’effort tenace, courageux et, en définitive, couronné de succès qui a été le vôtre pour obtenir du Président de la République un arbitrage financier couvrant les six années de la loi de programmation militaire, à hauteur de 190 milliards d’euros de ressources totales en valeur 2013 – et non pas en valeur courante, rassurez-nous ! –, dont 183, 86 milliards d’euros de crédits budgétaires.

Ce chiffre, qui correspond à 1, 5 % du PIB, est sans doute la limite basse extrême de l’effort de défense nécessaire au maintien d’un outil de défense performant, au-dessus, et même très au-dessus, des esquisses dessinées par le ministère de 1’économie et des finances avant l’arbitrage présidentiel.

Sans doute le ministère de la défense doit-il contribuer à l’effort de rigueur auquel s’astreint l’État en vertu des engagements européens qu’il a souscrits, mais la question se pose de savoir si ceux-ci sont, à terme, compatibles avec le maintien du rang stratégique et militaire de la France.

Nos armées viennent d’apporter encore une fois, au Mali, la démonstration éclatante de leurs capacités. Elles font l’admiration de tous, et particulièrement de ceux qui ont pu rencontrer sur place nos soldats.

La loi de programmation militaire, par un véritable tour de force, de rigueur et d’imagination, permet d’apporter à cette question du maintien du rang stratégique de la France une réponse positive, pour autant que de nouvelles secousses économiques ou géostratégiques ne viennent pas bouleverser notre environnement.

Elle nous achemine vers un modèle d’armées qui, à l’horizon 2025, devrait permettre à celles-ci de remplir leurs missions, avec des équipements performants, un niveau de préparation opérationnel suffisant et une condition militaire maintenue à un niveau satisfaisant. Cela sera possible malgré l’effort exceptionnel de réduction de format – 88 000 postes supprimés au total –, engagé depuis 2009 déjà par la précédente loi de programmation militaire.

En 2019, les crédits de la mission Défense permettront de rémunérer 235 940 équivalents temps plein, dont 220 000 militaires. Le format est réduit au minimum, mais il est vrai que cette évolution est compensée par des équipements de haute technologie.

Comme l’a déclaré, devant la commission des affaires étrangères et de la défense, l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, « la loi de programmation militaire permet ainsi de conjuguer engagement opérationnel et préparation de l’avenir ».

J’évoquerai d’abord, monsieur le ministre, l’environnement géostratégique.

Le pivotement opéré par les États-Unis vers la zone Asie-Pacifique et la réduction certaine de leur budget militaire, exceptionnellement élevé il est vrai, obligent les Européens à faire un effort de défense plus important. Pour les y encourager, pourquoi la France ne proposerait-elle pas à Bruxelles de déduire des déficits budgétaires autorisés les crédits alloués à la défense ?

Mme Josette Durrieu et M. Robert del Picchia applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Cette proposition ne mettrait pas en jeu la crédibilité de la France à l’égard des marchés financiers !

La montée des arsenaux, en Asie du Sud et de l’Est comme au Moyen-Orient, aura d’inévitables répercussions diplomatiques et, peut-être, militaires. Avec l’allongement de la portée des missiles stratégiques, l’Europe ne peut spéculer sur l’éloignement des théâtres d’opérations éventuels pour se mettre à l’abri de chantages de toute nature ou de fortes secousses en matière de flux commerciaux et énergétiques, par exemple.

Au Moyen-Orient, l’élection du président Rohani, en Iran, et surtout la proposition de ce pays de signer le protocole additionnel de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, c’est-à-dire d’accepter des inspections intrusives sur son territoire, constituent des signes incontestablement positifs, que la France ne doit pas ignorer ou minorer.

L’objectif de non-prolifération nucléaire doit être réaffirmé sans ambiguïté s’agissant de l’Iran, qui a signé le TNP, le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Les moyens doivent être pris de s’assurer qu’en effet l’Iran ne cherche pas à se doter d’armes nucléaires au-delà d’un droit à l’enrichissement d’uranium à des fins pacifiques qui lui revient comme à tous les États signataires du TNP. Néanmoins, l’objectif doit être de parvenir à un règlement négocié.

La France, République laïque, n’a pas à prendre parti dans un conflit religieux propre à l’islam, entre sunnites et chiites notamment. Ses accords de défense visent à garantir la stabilité politique de la région. Nous affirmons notre souhait de développer des relations avec l’Arabie saoudite, mais cela ne doit pas nous conduire à méconnaître l’importance de l’Iran dans la région et les potentialités que ce pays offrira le jour où pourront être levées les sanctions qui le frappent. Sur ce dossier, comme dans l’affaire syrienne, la politique de la France doit être au service de la paix. C’est cela qui fortifiera le mieux le lien entre l’armée et la nation, auquel je vous sais, monsieur le ministre, profondément attaché.

J’approuve, ainsi que le groupe RDSE au nom duquel je m’exprime, le recentrage stratégique opéré sur l’Afrique par le rapport annexé à la loi de programmation militaire. C’est là que sont nos responsabilités, plus encore que nos intérêts, c’est là que vivent un grand nombre de nos ressortissants et c’est là que se joue l’avenir de la francophonie. Avec le président Carrère et mes collègues Gérard Larcher, Jean-Marie Bockel et Jeanny Lorgeoux, je soutiendrai tout à l’heure un amendement, approuvé par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, tendant au maintien des forces pré-positionnées, en accord avec les États concernés, dans la bande sahélienne et sur les façades est et ouest de l’Afrique, afin de consolider les architectures sous-régionales de sécurité de l’Union africaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

La France n’est pas le gendarme de l’Afrique. Elle est à son service, au service de son développement, inséparable de sa sécurité, mais elle ne peut non plus se laisser entraîner dans des conflits sans fin. Ainsi, s’agissant du Mali, il ne faut pas se voiler la face : sans une refondation du pacte national malien recueillant l’assentiment des populations, au Nord comme au Sud, les groupes djihadistes armés pourraient reprendre le dessus. L’expérience accumulée sur tous les continents montre que l’on ne peut éradiquer le terrorisme qu’avec l’appui des populations. La France n’est donc pas au Mali pour l’éternité. Les États africains doivent le savoir : ils sont les responsables au premier chef de leur sécurité.

Les conflits sahéliens font apparaître les interconnections entre plusieurs régions : Afrique de l’Ouest, Maghreb, Machrek, Golfe, Pakistan, Afghanistan, voire Caucase et Asie centrale. Le cours heurté des révolutions arabes suscite de légitimes inquiétudes. Puis-je vous rappeler, monsieur le ministre, la recommandation adoptée à l’unanimité par la commission des affaires étrangères et formulée dans le rapport d’une délégation sénatoriale coprésidée par M. Gérard Larcher et moi-même, intitulé « Sahel : pour une approche globale » ? Elle appelle à prendre garde à la montée de l’islamisme radical et au continuum que peuvent présenter l’islamisme politique, le salafisme et le djihadisme, avec toutes les dérives auxquelles nous devons être capables de faire face.

Le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire prône un engagement dynamique de la France dans l’OTAN, certes pour y exprimer sa vision, sans que l’on en sache beaucoup plus à ce sujet, sinon la réaffirmation du rôle de l’Europe et d’une hypothétique « défense européenne crédible et autonome ». La mention faite d’une « combinaison appropriée de capacités nucléaires conventionnelles et de défense antimissiles » est, je l’espère, une concession de langage, car nous n’avons pas les moyens d’une défense antimissiles de territoire, aléatoire et dont le principe est contradictoire avec celui de la dissuasion. Le rapport d’ailleurs n’en fait pas mention.

Ce qui est important, monsieur le ministre, c’est le maintien de notre autonomie stratégique, au bénéfice de la liberté d’action de la France.

Je réaffirme ici, à cette occasion, l’importance de la dissuasion pour ceux qui croient à la pérennité de la France et à son rôle d’équilibre dans la construction d’une Europe réellement européenne. Nous sommes certes les alliés des États-Unis, mais nous ne devons pas nous trouver dans une position de vassalité qui serait humiliante et, en fin de compte, démobilisatrice pour l’esprit de défense, inséparable de l’esprit national.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le Président de la République a confirmé le maintien des deux composantes de la dissuasion nucléaire, dont il faut sans cesse rappeler la complémentarité. La véritable question est celle de la volonté de maintenir dans la durée un effort constant, mais modeste au total, de 11 % à 12 % du budget de la défense, afin notamment que la simulation permette de garantir la fiabilité de nos armes dans le temps et que soient financés les travaux d’élaboration du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération, le SNLE 3G. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des assurances quant à la date de ces travaux et à leur financement sur ressources budgétaires. Il est important que le politique combatte les arguments de ceux qui voudraient mettre la dissuasion à la casse, tout simplement parce qu’ils n’ont pas compris ou se sont toujours refusés à comprendre qu’elle est le seul moyen, pour la France, de ne pas se laisser entraîner dans des conflits où ses intérêts fondamentaux ne seraient pas engagés, bref qu’elle est le seul moyen de garantir dans la longue durée la paix à notre pays et à l’Europe.

J’en viens maintenant, monsieur le ministre, à notre capacité d’intervention sur des théâtres extérieurs.

Notre capacité de projection est maintenue, mais les grands programmes d’équipements sont étalés ; le renouvellement des matériels se fera attendre. Un principe de différenciation a été introduit, à juste titre s’il ne crée pas, en définitive, une armée à plusieurs vitesses : il faut que les missions puissent être remplies. Là est l’essentiel.

J’ai été surpris, en relisant le rapport annexé, de constater que n’étaient pas mentionnés le rôle des Nations unies et celui du Conseil de sécurité de l’ONU. C'est pourtant là un atout majeur de la France. Nous devrions être d’autant plus attachés à le crédibiliser qu’il semble avoir permis de régler heureusement la question de l’arsenal chimique syrien. Négocier est une tâche difficile ; encore faut-il ne pas prendre d’emblée des positions qui rendent la négociation impossible.

Dans le même ordre d’idées, était-il vraiment opportun de cautionner le refus de l’Arabie saoudite de siéger au Conseil de sécurité comme membre non permanent ? Est-ce le rôle de la France de contribuer à décrédibiliser, si peu que ce soit, l’importance et le rôle du Conseil de sécurité ?

Si j’exprime à haute voix cette inquiétude, monsieur le ministre, c’est parce que le Parlement, en France, n’est appelé qu’à donner un avis a posteriori sur la décision d’engager nos armées sur des théâtres d’opérations extérieurs. Je ne le conteste pas, mais le Gouvernement doit savoir qu’une intervention effectuée en dehors du cadre de la légalité internationale pourrait rompre le si précieux consensus sur la défense.

Pour me faire mieux comprendre, j’évoquerai l’exemple de notre intervention en Libye, dont la résolution 1973 ne prévoyait nullement qu’elle avait pour objectif un changement de régime. On en mesure aujourd'hui les conséquences sur le terrain.

Je dis tout cela, monsieur le ministre, parce que je connais votre humanisme et que je sais que vous êtes un homme raisonnable, soucieux de n’utiliser la force que pour des objectifs accessibles et reconnus comme légitimes par la communauté internationale.

Je voudrais dire un mot de la question des hommes, qui le méritent bien ! Je sais qu’elle vous tient profondément à cœur. L’effort de réduction des effectifs est important : 23 800 postes seront supprimés, s’ajoutant à la déflation résiduelle de la loi de programmation précédente.

La réduction prévue, qui s’opérera selon un cadencement d’environ 7 500 postes par an, est ambitieuse. Il ne faudra pas lésiner sur les mesures d’incitation des personnels au départ, de reconversion et de reclassement dans les fonctions publiques. À défaut, les enveloppes prévues pour la masse salariale se révéleront insuffisantes, l’hypothèse d’un glissement vieillesse-technicité quasiment nul étant particulièrement volontariste. Il y va du moral des armées, qui doivent s’adapter à des réformes de structure constantes et maîtriser des dépenses courantes de fonctionnement strictement contenues par la LPM.

L’armée doit ressentir l’attention affectueuse que lui porte le peuple français à travers la représentation nationale, dont la vigilance sur cette question cruciale ne peut se relâcher.

Ces considérations m’amènent naturellement à souligner les tensions qui risquent de marquer l’application de la loi de programmation. Nous avons évoqué les risques de la faiblesse, s’agissant de nombreux États africains – c’est le tour aujourd’hui de la République centrafricaine. D’autres opérations extérieures pourraient déséquilibrer plus encore la structure financière qui sous-tend le projet de loi de programmation militaire. D’autres incertitudes grèvent son dispositif, touchant à la conjoncture économique, aux rentrées fiscales, à la concrétisation de l’achat des Rafale, au retard éventuel de la réalisation des ressources exceptionnelles prévues. C’est pour parer à toutes ces éventualités que certains amendements ont été déposés par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Carrère, et par M. Krattinger, au nom de la commission des finances, visant à sécuriser les ressources de la future LPM. Je soutiendrai bien sûr ces amendements.

Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur les conséquences de l’étalement de nos programmes d’équipements pour les industries de défense. Il faudra les soutenir à l’exportation, favoriser les coopérations industrielles et les co-entreprises, notamment avec les pays émergents, qui pèsent dès aujourd’hui plus dans le PNB mondial que les pays anciennement industrialisés. Il faudra être audacieux et faire en sorte que l’État reste présent dans le capital de nos principales entreprises de défense. Vendre les bijoux de famille ne vaut qu’une fois. Toute ouverture de capital doit aller de pair avec un plan de développement stratégique, conforme en dernier ressort aux intérêts de sécurité de la France. Je demande qu’aucune décision ne soit prise, concernant l’avenir des participations publiques au capital des entreprises du secteur de la défense, sans un débat préalable au Parlement.

Monsieur le ministre, si la trajectoire de redressement des finances publiques ne permettait pas le respect des enveloppes prévues, il ne faudrait pas accepter le déclassement stratégique de la France. Une France forte est nécessaire à l’Europe. Sacrifier notre outil de défense sur l’autel d’une fiction idéologique serait commettre un péché contre l’esprit. Le Président de la République, en rendant ses arbitrages, ne s’y est pas trompé. La France est et doit rester une grande puissance politique, et donc militaire. C’est le sens même de la construction européenne qui est en jeu.

Je conclurai par une observation sur l’aspect normatif du projet de LPM. Le rapport annexé a confirmé le concept de « sécurité nationale », sur lequel j’avais émis en 2009 quelques réserves, estimant que la défense et le maintien de la sécurité intérieure constituent des objets distincts, relèvent de politiques qui ne doivent pas être confondues. C’est pourquoi je souhaite, au moment où l’on évoque l’espionnage à grande échelle de la France par la National Security Agency, que l’extension des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, prévue à l’article 5 du projet de loi, permette effectivement de garantir que l’accès des services de renseignement aux fichiers de police, aux banques de données des compagnies aériennes et au recueil contrôlé des données de géolocalisation, ainsi que les dispositions qui seront prises au titre de la cyberdéfense, ne viendront pas porter atteinte à la nécessaire confidentialité des données personnelles et n’entraîneront pas une régression des libertés individuelles.

Des préoccupations légitimes peuvent quelquefois entrer en contradiction. Il appartiendra à la délégation parlementaire au renseignement, sous l’autorité des assemblées et de leurs commissions compétentes, de faire en sorte que les précautions nécessaires soient prises pour que, en dernier ressort, la liberté des citoyens prévale.

Sous réserve de ces quelques observations, dont certaines me sont d’ailleurs personnelles, j’apporte mon soutien, et plus généralement celui du groupe RDSE, au projet de loi de programmation militaire que vous nous présentez, monsieur le ministre. Les voix des sénateurs du RDSE ne manqueront pas pour soutenir l’ambition, certes rigoureuse, mais noble, qui structure l’effort de 190 milliards d’euros dont nos armées ont besoin pour poursuivre leur modernisation. Nos armées ont besoin d’un cap, le projet de loi de programmation le leur fournit.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons, avec l’examen de ce texte, un cycle commencé avec les premières réunions de la commission chargée de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, voilà un peu plus d’un an. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, qui s’était préparée à ce travail, a pris sa part dans ce débat.

Ce fut, au regard des différents contextes, un exercice de lucidité.

D’abord, le contexte stratégique est toujours plus complexe : les menaces multiformes foisonnent et risquent de mettre à mal les diagnostics les mieux établis, au moment où les États-Unis annoncent et entament un mouvement de « pivot », ou plus exactement de « réajustement », vers l’Asie et la Chine, où ce que l’on a nommé les révolutions arabes paraissent s’inscrire dans un temps long et où notre voisinage proche, au Sud, devient de plus en plus sensible.

Ensuite, le contexte économique est difficile, en raison de la crise financière qui ébranle les fondamentaux de notre modèle de société.

Enfin, le contexte stratégique voit nos armées très sollicitées simultanément sur de multiples terrains – en Côte d’Ivoire, en Libye, en Afghanistan, au Mali, dans l’océan Indien, en République centrafricaine –, alors même qu’elles vivent sous contrainte budgétaire des réformes successives : la professionnalisation, la réduction des effectifs prévue par le précédent Livre blanc, la révision générale des politiques publiques, la mise en place des bases de défense.

Ayant été votée au début de la crise, la dernière loi de programmation militaire, ambitieuse pour nos armes, ne pouvait plus être respectée. Comme pour toutes les lois de programmation militaire précédentes, la dérive entamée a impliqué une actualisation, qui était d’ailleurs prévue.

Le nouveau Livre blanc a défini des contrats opérationnels réalistes, le format de nos armées pour y satisfaire et les niveaux de matériels nécessaires pour les équiper.

Je veux témoigner, monsieur le ministre, que la réflexion collective conduite sous l’autorité du Président de la République, chef des armées, l’a été en ayant sans cesse à l’esprit les acteurs de la communauté de la défense nationale : personnels militaires et civils du ministère, personnels des industries de l’armement, qu’ils soient dans les grands groupes ou dans les PME. C’est à cette aune qu’ont été opérés les choix et prises les décisions.

Que faut-il penser de ce projet de loi ? Je vous livrerai quelques réflexions, parfois sous forme d’interrogations.

Premièrement, s’agit-il d’une bonne loi de programmation militaire ? Je répondrai par l’affirmative, non seulement par solidarité avec le Gouvernement, mais aussi parce qu’il y a de bonnes raisons de le croire.

D’abord, sa trajectoire financière traduit le maximum de l’effort qui était possible dans le contexte budgétaire actuel. La remise en ordre des comptes publics est une priorité absolue et une condition essentielle de l’exercice de la souveraineté nationale. Le ministère de la défense y prend donc sa part, et l’arbitrage du Président de la République, conformément d’ailleurs à ses engagements, maintient les moyens essentiels à notre défense. Cet effort permet de préserver l’indépendance de la France et son autonomie de décision, ainsi que de conserver les deux composantes de la dissuasion nucléaire et d’engager leur modernisation, gage de leur crédibilité. Il permet en outre d’assurer la protection du territoire en métropole et outre-mer et de donner les moyens à nos forces armées d’intervenir sur des théâtres extérieurs, comme ce fut le cas ces dernières années. Ce n’est pas rien !

Ensuite, cet effort financier préserve la cohérence capacitaire du nouveau modèle d’armée. Dans la continuité de la précédente LPM, ce projet de loi prévoit la poursuite de l’ensemble des programmes majeurs d’équipements, sans en interrompre aucun, même si certains seront étalés dans le temps, ce qui n’est, convenons-en, jamais satisfaisant.

Enfin, il faut le dire, ce projet de loi donne la priorité aux équipements, choix d’autant plus remarquable que, dans une enveloppe stagnante, les crédits qui leur sont consacrés passeront de 16 milliards à 18 milliards d’euros en 2019, pour s’établir à plus de 17 milliards d’euros en moyenne. De plus, quelques carences capacitaires seront très progressivement comblées. Je pense, naturellement, au transport, aux drones et au ravitaillement en vol. Si l’on ajoute que les crédits de recherche et technologie seront sensiblement augmentés – la commission vous demande, monsieur le ministre, de les attribuer judicieusement –, on peut dire que les industries d’armement ne sont pas si mal traitées. Ce n’était pas gagné d’avance, et vous n’avez pas ménagé votre peine, monsieur le ministre, pour obtenir ce résultat. Mes chers collègues, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, à savoir que c’est là le texte dont on rêvait !

Deuxièmement, tout l’art de la programmation militaire réside dans son exécution. Cette loi-là, si elle est adoptée, sera-t-elle fidèlement exécutée ?

Aucune des lois de programme ou de programmation précédentes n’a jamais été totalement exécutée. Celle de 2008 n’a d’ailleurs pas été la plus mauvaise, il faut le dire, de ce point de vue !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Le Gouvernement veut faire preuve de responsabilité ; il a voulu une loi sincère, parce que réaliste. Il propose une loi de vérité. Il a fixé des recettes exceptionnelles à un niveau élevé, en a détaillé les sources. Nous aussi voulons cette vérité, nous voulons que cette loi soit exécutée à l’euro près et nous nous en donnons les moyens, au Sénat, par le biais de toute une série d’amendements adoptés par notre commission, visant d’abord à garantir les recettes exceptionnelles – le président Carrère a déjà largement évoqué ce point –, ensuite à permettre le contrôle, sur pièces et sur place s’il le faut, de la bonne exécution de cette loi de programmation. En tant que corapporteur, avec mes collègues Jacques Gautier et Xavier Pintat, du programme 146, je puis vous assurer que quelques dispositions nouvelles seront fort utiles pour exercer correctement notre pouvoir de contrôle parlementaire, tout particulièrement sur l’exécution de cette loi de programmation militaire.

Je veux enfin, avant de conclure, vous faire part de mon insatisfaction de n’avoir pu faire inscrire dans le Livre blanc la stratégie d’acquisition de matériels de l’État. En effet, les membres de la commission estiment que nous ne devons pas nous résigner à acheter toujours plus cher : il y a là le risque d’une facilité intellectuelle n’incitant pas à la recherche d’économies. Nous avons des propositions à vous soumettre à ce sujet, monsieur le ministre, sur lequel nous avons déjà beaucoup travaillé. Je ne citerai qu’un seul exemple à cet égard, celui du drone tactique de l’armée de terre : il y a moyen de faire mieux.

J’espère, mes chers collègues, vous avoir convaincus : dans les circonstances du moment, ce projet de loi de programmation militaire est le meilleur que l’on pouvait proposer. Quand on voit les budgets de défense des grands États voisins, cela est encore plus manifeste. Le climat constructif qui préside à nos travaux en commission atteste que nous avons tous conscience des enjeux liés à notre défense nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Nous sommes dans un de ces moments républicains où l’on débat de la place et du rôle de la France dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de le constater, crise et programmation ne font pas bon ménage et l’instabilité financière fait courir le risque de mettre à mal la cohérence de notre outil de défense, malgré les garanties posées par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous l’impulsion de son président, Jean-Louis Carrère.

Je me bornerai à formuler une série de remarques, qui porteront sur la partie « nucléaire » et la partie « commandement et maîtrise de l’information », domaines auxquels je m’intéresse plus particulièrement.

Tout d’abord, monsieur le ministre, l’honnêteté commande de dire que ce projet de loi de programmation est sans doute le moins mauvais possible dans le cadre budgétaire donné. Le mérite vous en revient en grande partie.

Aucun grand programme d’armements n’a été abandonné. Les réductions ont été réparties sur l’ensemble des programmes.

Certes, l’aviation de chasse a été particulièrement affectée ; je le déplore, mais l’on peut espérer – c’est un pari raisonnable – que les succès à l’exportation du Rafale permettront de passer ce moment difficile. Sinon, nous devrons rapidement nous revoir pour redessiner la trajectoire financière du présent projet de loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Quoi qu’il en soit, cette façon de faire permet de ne renoncer à aucune grande capacité ; je pense en particulier à la patrouille maritime, qui a été sauvegardée. Mais elle a aussi, monsieur le ministre, ses inconvénients : aucun grand programme d’armements n’a été lancé, et ceux qui l’ont été encourent le risque de devenir sous-critiques, c’est-à-dire trop chers, parce que trop étalés dans le temps avec des cibles trop réduites.

On risque d’aboutir ainsi à une armée « bonzaï », à une armée « échantillonnaire », avec un peu de tout, mais rien en quantité. Or, n’oublions pas que, en matière militaire, la quantité compte aussi…

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Il faudra également veiller attentivement à la cohérence capacitaire. Maintenir les cibles pour faire tourner les chaînes de production industrielle, c’est bien ; satisfaire les besoins opérationnels, c’est mieux. À quoi serviraient nos avions et nos frégates sans missiles et sans munitions en quantité suffisante ? Je crois, je suis même certain que, cette fois-ci, nous sommes allés trop loin et qu’il faudra donc revoir cela.

Ma deuxième série d’observations portera sur la dissuasion nucléaire.

Je me réjouis que le projet de loi de programmation prévoie le maintien des deux composantes. Un débat a eu lieu sur ce point et le Sénat y a pris sa part, puisque nous avons publié l’an dernier un rapport d’information plaidant non seulement pour le maintien des deux composantes, mais aussi pour leur modernisation. Nous avons été entendus : c’est bien.

Toutefois, ne nous berçons pas d’illusions. La trajectoire financière qui sous-tend la programmation prévoit que, si tout se passe bien – c’est-à-dire si la LPM est exécutée à l’euro près –, notre effort de défense représentera 1, 3 % du PIB dans cinq ans. Cela veut dire que, à cette échéance, nous n’aurons plus les moyens de tout faire et qu’il faudra choisir, c’est-à-dire renoncer à une capacité majeure.

On peut donc dire que, sur ce volet, nous « passons à l’orange »… Mais le prochain feu sera rouge et nous risquons fort de devoir nous arrêter. D'où ma question, monsieur le ministre : serez-vous capable de tenir vos engagements et de leur donner une traduction dans les six prochains budgets de la défense ?

Ma troisième série d’observations aura trait aux systèmes de force en matière de commandement et de maîtrise de l’information.

Tout d’abord, je me réjouis de l’arrivée prochaine des drones Reaper dans les forces. Le Sénat, en particulier Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même, avait pris une position en pointe sur le sujet, différente de celle du gouvernement de l’époque. Nous l’avions fait parce que nous pensions que c’était un équipement indispensable pour nos armées, le seul disponible dans des délais et à un coût raisonnables. C’est la mission du Sénat que de prendre ses décisions en toute indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Le Sénat n’est pas la chambre qui dit toujours « non », ni toujours « oui ». Là encore, nous avons été écoutés.

Concernant la position du Sénat, j’effectuerai toutefois un rappel : de grâce, ne perdons pas notre temps ni notre argent à essayer de « franciser » un drone qui fonctionne, pour le rendre inopérant ! Consacrons plutôt notre temps et notre argent à la construction, avec nos amis européens, d’un drone de troisième génération et proposons une feuille de route réaliste et financée pour le sommet des chefs d’État et de Gouvernement européens de décembre prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

M. Xavier Pintat. En ce qui concerne les drones tactiques, nous sommes plusieurs, au Sénat, à dire que nous n’accepterons pas que l’État en acquière un, quel qu’il soit, sans appel d’offres. Ce serait contraire aux intérêts financiers de l’État. Monsieur le ministre, j’espère que vous saurez nous écouter. L’histoire de la Haute Assemblée tend à prouver que nous avons souvent le tort d’avoir raison trop tôt…

M. Daniel Reiner sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

L’acquisition d’un drone tactique sans appel d'offres irait à l’encontre de la satisfaction des besoins opérationnels de nos armées. Ne réitérons pas les erreurs commises par le passé : tirons-en plutôt les enseignements qui s'imposent…

J’en arrive à ma quatrième série d’observations, qui concernera l’espace militaire.

La programmation prévoit de poursuivre les programmes déjà engagés : Musis, Syracuse, etc. C’est bien, mais demeure une grande absente dans ce projet de LPM : l’alerte spatiale. Cela pourrait nous coûter très cher !

Je le dis avec gravité : il faut être cohérent. On ne peut pas, à longueur de Livre blanc et de LPM, parler de « souveraineté nationale », d’« indépendance stratégique », insister sur l’importance de l’« autonomie d’appréciation », puis y renoncer pour quelques centaines de millions d’euros, faute de commander les équipements propres à atteindre ces objectifs.

Il importe vraiment que les Européens se réveillent et se mobilisent sur cette question cruciale. Il est inadmissible, inconcevable que l’Europe, et la France en particulier, soient incapables d’apprécier la situation par elles-mêmes et doivent s’en remettre à des images livrées par d’autres pour évaluer la gravité de la menace en Syrie, au Liban, en Irak ou en Iran.

Cela me conduit à ma dernière série d’observations.

Comme je l'ai dit, ce projet de loi de programmation est le moins mauvais possible dans le cadre budgétaire donné. Cependant, ce cadre budgétaire n’est peut-être pas le bon. Certes, il faut faire des choix, et c'est sur ses choix que, le moment venu, le Gouvernement sera jugé. Toutefois, il ne me semble pas que l’intérêt de notre pays soit de continuer à réduire inéluctablement l’effort de défense – effort qui descendra vraisemblablement en dessous de 1, 3 % du PIB à l’horizon 2018 – et de continuer à faire des dépenses excessives que personne ne demandait. Je pense, en particulier, à la garantie universelle des loyers, aux contrats d'avenir – qui sont toujours d'avenir… –, au recrutement d'enseignants supplémentaires : ce sont des milliards d'euros qui manqueront cruellement à la défense de notre pays. Ou alors, soyons cohérents : si nous sommes incapables de nous donner les moyens de nos ambitions, réduisons nos ambitions à la hauteur de nos moyens.

Pour conclure, monsieur le ministre, nous attendons de ce débat des avancées concrètes sur la sincérité de la programmation de ce texte, très attendu par nos armées.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est l’une des grandes nations militaires du monde. Pour les experts du Pentagone, l’autre grande puissance militaire européenne, le Royaume-Uni, n’aurait pas été capable, seule, de projeter ses troupes sur les théâtres d’opérations de la Libye et du Mali comme l’a fait notre pays. Nous en sommes fiers, et à juste titre. Malgré les contraintes budgétaires, le Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire qui en est issu sont l’expression de cette satisfaction.

Notre monde a changé depuis 1945, et surtout depuis 1989. Aujourd’hui, les risques et les menaces ne sont plus étatiques ou continentales. Nous n’affrontons plus l’Allemagne. Nous ne combattons plus le pacte de Varsovie. Dans le prolongement de l’action de vos proches prédécesseurs, monsieur le ministre, votre projet de LPM est la constatation que la construction européenne a contribué à pacifier notre continent et qu’il est inutile, en Europe, de préparer manœuvres et exercices dans l’hypothèse d’une invasion d’un pays voisin, comme la Suisse l’a pourtant fait…

Malgré cela, monsieur le ministre, l’Européen convaincu que je suis regrette que le projet de LPM laisse la défense européenne dans un angle mort.

Le xxie siècle voit l’émergence de grands ensembles continentaux et le retour à un réarmement généralisé des grands pays émergents, notamment dans la zone Asie-Pacifique, où l’Europe est présente par le biais des territoires français. Ce mouvement recoupe le désengagement relatif des États-Unis, encore puissance globale, de la scène européenne et moyen-orientale.

C’est à l’échelle de notre continent que doit se mesurer une défense adaptée au xxie siècle.

Le présent projet de loi de programmation militaire, qui manifeste cette absence d'ambition européenne, illustre les difficultés structurelles que nous rencontrons, en France, pour nous projeter dans ce grand projet fédéraliste. En effet, face à un monde qui change plus rapidement que nous, la France et ce projet de LPM restent prisonniers d’une logique westphalienne de la défense qui n’est pas à la mesure du monde qui se dessine sous nos yeux.

Dans un récent rapport d’information que j’ai commis avec quelques collègues de la commission des affaires étrangères, nous avons déclaré la mort clinique de la défense européenne pour en appeler à une véritable Europe de la défense. Les difficultés rencontrées sont historiques. Depuis 1954 et l’échec de la Communauté européenne de défense, la CED, il est apparu que la seule solution de défense européenne viable était celle définie dans le cadre de l’OTAN.

Ni l’Union de l’Europe occidentale ni la PESD – la politique européenne de sécurité et de défense – définie par le traité de Maastricht ne sont parvenues à donner à notre continent l’impulsion nécessaire à la construction d’une grande défense fédérale à l’échelle d’un monde globalisé.

Les inégalités militaires, la divergence des doctrines stratégiques et des intérêts nationaux entre États membres ont fortement réduit l’ambition défensive de l’Europe. Les forces européennes de défense sont soit des forces de police périphériques, soit des forces supplétives engagées dans des opérations pour le maintien de la paix.

Au-delà des missions de Petersberg en matière humanitaire ou de lutte contre le terrorisme ou la piraterie, nous n’avons pas de doctrine claire d’emploi des forces actuelles de la politique européenne de sécurité et de défense commune instaurée par le traité de Lisbonne.

Or, l’article 24 du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne stipule que les États membres s’engagent dans « la définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune ».

À l’instar du rapport d’information de notre commission, du texte préparatoire de la Commission européenne du 27 juillet 2013 ou de la communication de Mme Ashton en date du 15 octobre dernier, je refuse de croire que la mutualisation des moyens suffise à concevoir une défense européenne.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de gestes forts. Les sénateurs du groupe UDI-UC entendent que la France soit le fer de lance d’une impulsion politique, et non pas seulement économique et financière. Nous souhaitons que la France soutienne cette ambition à l’occasion du Conseil européen de décembre, qui, je le rappelle, sera presque intégralement dédié à la question de l’Europe de la défense.

C’est à la France, première puissance militaire d’Europe, de porter l'ambition politique de l’Europe de la défense. C’est à la France d’être le catalyseur et l’aiguillon de cette ambition. C'est à la France d'entraîner les peuples européens à prendre conscience d'eux-mêmes.

Quelle feuille de route comptez-vous dresser pour redéfinir les fondements d’une politique européenne de la défense ? Quels moyens entendez-vous mobiliser, et en fonction de quelle vision ? J’espère que le débat qui s’ouvre, que la discussion budgétaire qui suivra et le débat qui précédera le Conseil européen de décembre vous permettront, monsieur le ministre, de répondre à nos inquiétudes, car nous savons que ce sujet vous tient à cœur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 tend à mettre en œuvre les orientations de la politique de défense française pour les six prochaines années.

Très attaché au maintien de nos capacités de défense, je me félicite, monsieur le ministre, que notre Gouvernement ait favorisé cet effort significatif : entre 2014 et 2019, ce sont 190 milliards d’euros courants, soit 179, 2 milliards d’euros constants, qui seront alloués à la défense.

Conformément aux orientations fixées par le Président de la République, l’effort consacré par la nation à sa défense sera maintenu. En ces périodes de restrictions budgétaires, marquées par une situation financière difficile et un environnement stratégique incertain, il me semble que la clarté du choix opéré par l’exécutif mérite d’être saluée.

Cette voie nous permettra, à court et moyen terme, d’assurer à notre pays de tenir son rang sur la scène internationale, tout en garantissant la protection de sa population et la nécessaire modernisation de nos équipements.

Les dispositions du projet de loi de programmation militaire comportent deux volets : un volet programmatique, qui détermine les objectifs de la politique de défense –programmation financière, prévisions d’équipement et format futur de nos armées –, et un volet normatif.

Je m’intéresserai spécifiquement au volet normatif, qui traite du cadre juridique du renseignement, mais également de la cyberdéfense. Depuis de nombreux mois, je travaille avec notre collègue Jean-Marie Bockel sur les questions de cyberdéfense et je souhaite, une nouvelle fois, revenir sur la justesse des dispositions contenues aussi bien dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que dans ce projet de loi.

Le développement continuel des nouvelles technologies de l’information et des communications a révolutionné le monde numérique. Aujourd’hui, ces technologies sont indispensables à la croissance de nos sociétés et occupent une place irremplaçable. Cela constitue un atout, mais également un danger, qu’il convient de considérer à sa juste mesure.

En effet, force est de constater que le développement continu des différents systèmes d’information et de communications n’a pas tenu compte de l’impérieuse nécessité de les protéger efficacement. Chaque jour, des millions d’attaques perturbent le fonctionnement des systèmes informatiques. Les États, les industriels, les acteurs de la recherche, les bureaux d’études et toutes les infrastructures du pays – voies ferrées, lignes électriques à très haute tension, pour ne citer que ces exemples – sont concernés.

Mais que dire du secteur de la défense ? Je ne passerai pas sous silence les attaques contre les systèmes d’information et de communications, les systèmes d’armes et l’informatique embarquée, ainsi que les plateformes de combat de notre système de défense. De telles attaques pourraient avoir des conséquences dramatiques pour notre pays, en mettant en cause notre sécurité nationale et notre souveraineté.

La lutte contre les cyberattaques est érigée en priorité nationale dans le Livre blanc et dans le présent projet de loi, comme en témoigne l’augmentation des moyens qui seront mis à la disposition de toute la chaîne de commandement interarmées et ministérielle, des groupes d’intervention rapide et du Centre d’analyse de lutte informatique défensive, le CALID, eux-mêmes en lien suivi avec l’ANSSI, instance proche de toutes les structures qui gèrent des activités de cyberdéfense et dont les effectifs seront accrus.

Pour parfaire ces dispositifs, notre système juridique évoluera et imposera des obligations d’information et des règles de bons usages aux opérateurs stratégiques.

J’ai la certitude, monsieur le ministre, que cette organisation, avec ses différentes entités, sera mieux à même de relever le défi de la cyberdéfense.

Évolution des formations, recours à des spécialistes en cyberdéfense, mais également appel, dans le cadre de la réserve citoyenne, à des réservistes spécialisés dans ce domaine seront des facteurs déterminants pour mener cette lutte qui doit se développer au plus vite.

En rappelant à nouveau tous les dangers liés aux cyber-attaques et en soulignant que beaucoup d’acteurs économiques n’ont pas encore pris conscience de l’importance des moyens qu’ils doivent mettre en œuvre pour se sécuriser sur ce plan, je formule le vœu, monsieur le ministre, que nous utilisions tous les moyens pour mieux informer, mieux sensibiliser les entreprises qui n’ont pas encore pris des dispositions, parfois élémentaires, pour se protéger, en dispensant nos préconisations au plus près des acteurs économiques.

J’ai l’intime conviction que, en renforçant les moyens consacrés à la lutte contre les cyberattaques, le Gouvernement combattra avec efficacité ce fléau mondial. C’est pour nous une raison supplémentaire, monsieur le ministre, de voter votre projet de loi de programmation militaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Depuis des semaines, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a beaucoup travaillé, avec votre aide, monsieur le ministre, et celle de nombreuses personnalités extérieures, sur le contenu de ce projet de loi de programmation militaire. Je bornerai mon intervention à sept observations.

Premièrement, le projet de loi de programmation militaire qui nous est soumis est le moins mauvais possible dans le contexte budgétaire donné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je vous en donne volontiers acte, monsieur le ministre, il maintient les forces de dissuasion nucléaire et préserve la cohérence, stratégique mais aussi capacitaire, de notre format d’armée.

Deuxièmement, comme dans la précédente loi de programmation, la priorité est, dans l’intention au moins, donnée aux équipements. Il s’agit de constituer une armée moins nombreuse, plus réactive parce que mieux équipée, mais aussi mieux valorisée. C’est une priorité que les armées connaissent bien et, n’en déplaise aux uns et aux autres, c’est la même qu’en 2008 : dont acte également.

Troisièmement, tout cela ne vaut que sous réserve que la programmation soit exécutée à l’euro près, ce qui, je le rappelle, n’a jamais été le cas dans le passé.

Divers amendements émanant de sénateurs de notre commission ou d’autres tendent à garantir la bonne exécution budgétaire de la LPM, qu’il s’agisse du niveau des ressources exceptionnelles ou du maintien des crédits budgétaires en cas de non-exportation du Rafale, de dépassement de l’enveloppe destinée aux OPEX ou de reports de charges au titre de l’année 2013. Le président Carrère, toujours en pointe, en a longuement parlé ce matin. Je souscris pleinement à ces propositions, mais ne nous leurrons pas : chaque année, c’est la loi de finances, et elle seule, qui est le juge de paix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

La commission a souhaité également que le Parlement se donne les moyens de contrôler l’application de cette programmation. J’y suis bien entendu, comme tous mes collègues, très favorable ; je n’y reviens pas. Tous ces éléments ont pesé sur la détermination de mon vote.

Quatrièmement, le prix à payer pour dégager des marges de manœuvre en faveur de l’équipement est élevé.

Il s’agit d’abord de la réduction du format, qui touche aussi bien les équipements que les effectifs. Je rappelle que nous considérions déjà ce format « juste insuffisant ». On se demande quels qualificatifs nous emploierons dans notre prochain rapport ! Cette réduction du format est rude en termes tant d’effectifs, dans l’armée de terre en particulier, que d’équipements : je pense aux avions de chasse. N’oublions jamais que la quantité compte aussi, monsieur le ministre.

De plus, les commandes de pièces de rechange et, plus encore, de munitions revêtent autant d’importance que celles d’avions, de bateaux, d’hélicoptères, de moyens terrestres. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de bombes et de missiles, dont nous savons tous ici qu’ils sont longs à fabriquer : c’est un euphémisme ! De ce point de vue, le projet de LPM va trop loin dans la réduction des stocks de munitions. C’est pourquoi je proposerai, avec quelques collègues, un amendement visant à y remédier. Nous ne pouvons pas prendre la responsabilité d’envoyer des soldats au combat sans leur donner les moyens de combattre ! La satisfaction des besoins opérationnels de nos forces est essentielle !

Un autre vrai problème tient à l’étalement des programmes dans le temps et à la réduction des cibles. Nous le savons tous, cela se traduit mécaniquement par une explosion des coûts unitaires et une obsolescence native des derniers équipements livrés. Cela n’est pas satisfaisant. La seule voie, pour sortir de cette situation, est la coopération européenne. Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’attends avec impatience des avancées concrètes et pragmatiques du sommet des chefs d’État et de Gouvernement européens qui se tiendra en décembre. Le Sénat, au travers de notre rapport, a ouvert des pistes que je crois porteuses d’avenir.

Cinquièmement, le cadre budgétaire tracé n’est pas le bon. Si tout se passe bien, l’effort de défense de la nation descendra en dessous de 1, 5 % du PIB, pour atteindre 1, 3 % en 2018. À ce niveau-là, il nous faudra renoncer à des capacités, ce qui sera particulièrement douloureux.

Sixièmement, devant cette diminution programmée de l’effort de défense, il est facile de polémiquer ou de se rejeter mutuellement la faute, mais cela ne fera pas avancer les choses. C’est pourquoi nous devons au contraire essayer de trouver ensemble des solutions, parce que c’est ensemble que nous aurons demain à répondre des choix qui seront faits aujourd’hui.

C’est pour cette raison que je crois profondément que la réflexion sur les questions de défense doit transcender les clivages partisans et que nous devons nous efforcer de rester unis à vos côtés, monsieur le ministre. Vous héritez des choix, bons ou mauvais, de vos prédécesseurs ; de la même façon, vos successeurs hériteront de vos choix et de nos choix. Aussi, je vous propose dès aujourd’hui d’élaborer des solutions pour desserrer cet étau budgétaire, au moins le temps nécessaire afin de retrouver une meilleure fortune.

Précisément – ce sera ma septième et dernière observation –, nous avons cette possibilité.

Monsieur le président Carrère, vous avez appelé à de multiples reprises à un maintien de l’effort de défense à hauteur de 1, 5 % du PIB, et même à une remontée dès que possible à 2 % du PIB. Nous souscrivons tous sans réserve à cet objectif, mais je dis que cela est possible dès maintenant : il suffit de s’en donner les moyens, en cédant une vingtaine de milliards d’euros de participations publiques sur cinq ans. C’est ce que j’inviterai à faire, avec d’autres collègues, lors de la discussion des amendements. Nous pourrons ainsi, les uns et les autres, mettre nos actes en accord avec nos paroles. Cette proposition peut être mise en œuvre puisque nous savons que l’État dispose encore de plus de 75 milliards d’euros de participations dans des sociétés cotées, sans parler des sociétés de défense non cotées, telles que Nexter ou DCNS, qui valent ensemble plusieurs milliards d’euros.

Engager une telle démarche est nécessaire car les prérogatives de l’État, en matière de politique industrielle de défense, passent non plus par une participation au capital d’une entreprise, mais par la détention d’actions spécifiques : les fameuses golden shares. On sait que, de plus, la participation de l’État au capital entrave souvent tout rapprochement à l’échelon européen.

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est déjà engagé dans cette voie en vendant 2 milliards d’euros de participations, notamment en cédant 3 % du capital de Safran. Je propose qu’il continue, monsieur le ministre, et que le produit de ces cessions profite directement au budget de la mission Défense. Sinon, nous aurions les privatisations sans sauvegarde de la défense.

C’est en pensant aux hommes et aux femmes de la défense, à la préservation de nos capacités opérationnelles, à la sauvegarde de nos industries de défense et de leurs emplois, ainsi qu’au nécessaire soutien à notre recherche et technologie, que nous présenterons plusieurs amendements en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le confesse, j’aurais aimé que le projet de loi de programmation militaire, au-delà de la nécessaire régulation budgétaire, consacre à l’Afrique une part plus importante.

L’Afrique offre en effet une profondeur stratégique et géopolitique incontestable. Elle reste l’espace où la France agit sur le monde, et pour le monde. Après la doctrine du « ni-ni » – ni ingérence ni indifférence – des années quatre-vingt-dix, qui a engagé la multilatéralisation, la régionalisation et l’africanisation des dispositifs de sécurité, ainsi que la renégociation de l’implantation des bases militaires et des accords de défense, l’on semblait s’acheminer vers un abandon des interventions – il y en avait eu trente et une en trente ans ! – et un éloignement inexorable du théâtre africain, à tous égards.

Mais les faits géopolitiques sont têtus : les guerres au Tchad et en République centrafricaine naguère, en Lybie et en Côte d’Ivoire hier, et présentement au Mali, démontrent sans conteste l’absence de capacité d’intervention européenne ou africaine rapide en cas d’extrême urgence. On peut, on doit le regretter, mais c’est un fait, et ce n’est pas en sautant comme un cabri et en chevrotant « Françafrique, Françafrique » que l’on jugulera le danger mortel du dénuement extrême, du trafic crapuleux et du terrorisme fanatique.

Il faut donc, à la faveur de cette nouvelle séquence de l’histoire pour la paix et la sécurité en Afrique, s’interroger sur le sens et l’organisation de notre présence militaire sur ce continent. Disons-le franchement : le maintien d’une présence pré-positionnée au sol est indispensable au regard de l’intensité des menaces d’AQMI et de Boko Haram et de la faiblesse actuelle des armées africaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Naturellement, cette coopération militaire doit se fonder sur un bloc de principes immarcescibles.

Premièrement, toute intervention bilatérale doit se limiter à la sécurité de nos compatriotes ou répondre à la demande officielle d’un État africain, d’une organisation régionale ou internationale. C’est ce qui est advenu avec succès au Mali, où, sous votre égide, monsieur le ministre, nos armées ont impeccablement rempli leur mission.

Deuxièmement, notre pré-positionnement doit être permanent et évolutif pour être efficace.

Troisièmement, la multilatéralisation avec l’Europe et l’ONU doit être enrichie.

Quatrièmement, il faut appuyer les forces africaines de sécurité sur la base d’une architecture régionale et en liaison avec l’Organisation de l’unité africaine.

En attendant, notre dispositif doit évoluer vers des implantations légères et réactives, à la manière d’un collier de perles, d’ouest en est, à la lisière du Sahel jusqu’au centre du Niger et au golfe de Guinée, là où le djihad bat son plein, sur fond de misère. Cet assouplissement du dispositif doit aussi intégrer les OPEX, dont l’empreinte, du conjoncturel au structurel, modifie le canevas originel de notre maillage.

Enfin, donner un sens africain à notre présence et à notre coopération militaires implique un soutien à l’architecture de paix africaine. Car l’horizon ultime est que l’Afrique, continent d’avenir, puisse résoudre ses propres crises et devenir un jour un espace pacifié de coprospérité et de codéveloppement avec l’Europe ! Certes, nous en sommes loin, et les convulsions tragiques de l’État agonisant de Centrafrique nous le rappellent chaque jour.

Cependant, si nous abandonnons résolument l’ingérence ancienne manière – la politique du béret rouge – ou nouvelle manière, avec son lot de conditionnalités excessives et de toutes natures, nous ne renonçons ni à nos valeurs démocratiques, ni à notre expertise jusqu’alors inégalée en Afrique, ni à nos intérêts économiques. Poursuivons les efforts de clarification de notre doctrine africaine – qui pourrait d'ailleurs faire l’objet d’un Livre blanc à intervalle régulier –, de cohérence de notre action, qu’elle soit civile, diplomatique ou militaire, sur le terrain, ainsi que de loyauté dans nos partenariats, équilibrés ou rééquilibrés. Cela assurera le rang de la France, dans la sérénité historique retrouvée.

Parce qu’il vaut mieux agir que vaticiner, notre commission, sous l’impulsion du président Carrère, contribuera très prochainement à ce débat, en formulant soixante-dix propositions concrètes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. Gérard Larcher . Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi relatif à la programmation militaire appartient à ces moments forts qui participent à l’histoire de notre armée, et donc à l’histoire de notre pays, et à celle de notre présence dans le monde. Je dois dire que, sur ce point, je partage les propos de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, à l’exception de sa conclusion de vote.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La loi de programmation militaire est un moment à part dans le déroulement du quinquennat. C’est un moment où le dogme et la stratégie pour la sécurité et la défense de notre pays, qui sont une prérogative du pouvoir exécutif, et plus particulièrement du Président de la République, doivent trouver leur expression dans notre droit commun. Il faut bien comprendre qu’une loi de programmation militaire constitue l’un des trois piliers de la politique de défense. Mais ce pilier « législatif », sur lequel reposera l’avenir de notre défense, ne peut suffire à lui seul. Une loi de programmation militaire est indissociable d’un Livre blanc et irréalisable sans l’adoption de budgets annuels de la défense qui soient cohérents et à la hauteur des orientations et décisions affichées, puis arrêtées par la loi.

Cependant, en dépit des enjeux humains, économiques et industriels d’une loi de programmation militaire, son succès n’est en fait vérifiable et quantifiable qu’à la fin de la période qu’elle recouvre. Si nous faisons de mauvais choix aujourd’hui, c’est au fond irrémédiable. De ce fait, nous avons ce jour, me semble-t-il, les uns et les autres, une responsabilité particulière.

En tant qu’exercice législatif, le projet de loi de programmation militaire a été le fruit d’une préparation de longue haleine, à laquelle le président de la commission nous a largement associés. À cet égard, je voudrais saluer nos collègues sur toutes les travées, en particulier ceux de mon groupe avec qui j’ai eu de nombreux échanges : Jacques Gautier, Xavier Pintat, André Dulait, André Trillard, Marcel-Pierre Cléach, auxquels j’associe Jean-Marie Bockel. Ce fut un travail collectif ! Je tiens également à saluer votre implication, monsieur le ministre, non seulement dans la préparation de ce texte, mais aussi, je dois le dire publiquement, au cours de l’opération Serval ainsi que lors de la mission que nous avons conduite, Jean-Pierre Chevènement et moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Moi qui continue à croire au rôle du Sénat, je souhaite que cette plus-value de la Haute Assemblée permette d’améliorer le projet de loi et que le Gouvernement y soit attentif jusqu’à la fin du processus législatif dans les deux chambres.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je concentrerai mon propos sur quelques points.

Tout d’abord, le projet de loi de programmation militaire réaffirme le maintien des deux composantes de notre dissuasion nucléaire. C’était capital ! La dissuasion nucléaire, dans son intégralité, est la clé de voute de notre indépendance. Notre rapport sur l’avenir des forces nucléaires françaises semble donc avoir été lu. Je vous le dis très gentiment, madame Bouchoux, le débat a eu lieu et a été tranché !

Ensuite, je veux m’attarder sur un autre point qui est pour moi primordial.

La défense, c’est toute une communauté : une communauté d’hommes et de femmes qui servent ou ont servi la France, une communauté aussi de groupes industriels, d’entreprises, petites et moyennes ; l’avenir de près de 165 000 emplois directs et autant d’emplois indirects, de centaines de PME dépend de commandes de programmes. Le respect de l’agenda de ces commandes est donc essentiel.

La survie de ce secteur dépend également de l’exportation, si indispensable à notre économie. Cependant, pour exporter des matériels, encore faut-il qu’ils aient été développés et acquis pour nos propres forces ; c’est une évidence ! Chaque euro dédié à l’équipement de nos armées constitue en fait un gage à la fois d’accroissement de nos exportations et de dynamique pour la recherche et toute notre industrie, au-delà même de la seule industrie militaire. Il importe donc de résister à la tentation persistante – réflexe classique en temps de difficultés financières et économiques – qui imposerait que la défense soit une variable d’ajustement et que les crédits d’équipements soient « ajustés », dira-t-on pudiquement. Sur ce point, il me paraît qu’il ne faut pas transiger.

Le maintien de notre effort de défense à 1, 5 % du PIB est la limite plancher, j’y insiste, en dessous de laquelle il y aura des décrochages capacitaires, technologiques et stratégiques. C’est aussi une garantie minimale contre le décrochage à l’export.

La « clause de retour à meilleure fortune » introduite par notre commission est importante, mais elle ne doit pas faire oublier, si la croissance et les recettes demeuraient modestes, que la défense ne peut alors être une nouvelle « variable ». Il faudra examiner les propositions de nos commissaires en matière notamment de cession de capital, sujet développé précédemment par Jacques Gautier.

Je ne reviendrai pas sur les trajectoires budgétaires. Celles-ci reposent sur des déflations d’effectifs de statut militaire, j’insiste sur ce point, très – trop – sensibles, notamment pour l’armée de terre – c’est ce qui m’inquiète –, ainsi que sur des recettes exceptionnelles, que nous espérons tous non aléatoires.

À propos des effectifs et de leur évolution entre militaires, civils et sous-traitants, les propos tenus au début de l’après-midi par notre collègue Dominique de Legge me paraissent très importants. Il a défini, autour de quelques principes incontournables, l’indépendance et l’autonomie, les situations, notamment en OPEX, où nous avons besoin de militaires.

Le budget des OPEX est déjà largement sous-doté, à 450 millions d’euros par an. C’est trop peu face à la nouvelle géopolitique maritime, alors que nous devons lutter efficacement, notamment avec nos partenaires européens, contre la piraterie et ces flibustiers modernes ; c’est trop peu pour nos hommes qui sont envoyés très souvent en opérations extérieures.

Pour 2013, les surcoûts des OPEX s’élèveraient à 610 millions d’euros. L’opération Serval au Mali et le dispositif Sabre seraient évaluées à 647 millions d’euros. Le coût des OPEX de cette année peut donc être estimé à 1, 257 milliard d’euros. Il faut savoir que c’est seulement depuis 2003 que les dotations pour les OPEX sont inscrites en loi de finances, « le reste à payer » relevant d’un financement interministériel. Mais comment allons-nous absorber un tel dépassement ? Le président Carrère comme la commission se sont exprimés sur ce point, et nous ne pouvons nous contenter des réponses de Bercy sur ce sujet majeur, monsieur le ministre.

Les législateurs que nous sommes ne sont ni prestidigitateurs ni schizophrènes. Nous ne pouvons pas ignorer la réalité des finances publiques. Elle nous sera d'ailleurs rappelée à chaque vote du budget de la défense, et c’est là le premier danger pour la loi de programmation militaire. Nous devrons donc être intraitables.

Je voudrais intervenir sur un autre point, celui du renseignement.

Le projet de loi prévoit un accroissement des pouvoirs des parlementaires. Dans un premier réflexe, ici, au Sénat, comme dans toute assemblée parlementaire, nous pourrions nous en satisfaire. La révision constitutionnelle de 2008, je le rappelle, allait d'ailleurs en ce sens. Qui se plaint aujourd’hui du vote sur l’autorisation de prolongation des OPEX ? Mais gardons-nous de tout mélange des genres. Nous devons laisser travailler les services dans la sérénité. Je le dis au président Sueur, avec l’expérience qui est la mienne comme membre de la commission consultative du secret de la défense nationale, je ne partage pas les analyses qu’il a développées ce matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Les modifications de l’ordonnance de 1958 doivent être faites d’une « main tremblante ». Il y va de l’équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, dans la conception de la Ve République qui est la mienne !

Au moment d’achever mon propos, je voudrais rappeler à mon tour que, face à la multiplication des menaces, des risques de conflits sur de nombreux continents – je n’oublie pas l’Afrique, cher Jeanny Lorgeoux, sur laquelle nous avons travaillé ensemble –, la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, doit tenir sa place. C’est pourquoi les moyens affectés à la défense sont une priorité nationale et non pas une priorité sectorielle. Cela ne sera pas possible si cette loi de programmation militaire n’est pas exécutée à l’euro près. Ainsi, prévoir 1, 3 % du PIB en 2019 est inacceptable, car nous décrocherions définitivement de notre place en Europe et dans le monde.

Enfin, la France se doit de créer les meilleures conditions afin que ses soldats puissent exercer leurs missions en sécurité. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le ministre, ce matin, mais cette responsabilité incombe aussi aux élus que nous sommes.

Mes chers collègues, il n’est point de défense sans hommes et femmes, et c’est à eux que nous pensons. Sachons les honorer en dehors des cérémonies du souvenir de leur sacrifice en leur donnant les moyens d’assurer leurs engagements avec efficacité, c'est-à-dire en prévoyant des effectifs militaires suffisants, des matériels adaptés et des moyens d’entraînement et de maintenance. Il faut que nos soldats sentent que le pays tout entier les soutient et que, au fond, c’est la nation qu’ils représentent en la servant. Les valeurs de nos armées sont celles de la République ; les hommes et les femmes de la défense les concrétisent chaque jour de façon remarquable, au service de notre pays.

Au sein de l’État, la défense est le corps social qui s’est le plus réformé et resserré durant ces trente dernières années. Aucun corps social n’a autant été sollicité que le corps militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Les militaires l’ont accepté au prix de lourds sacrifices personnels et collectifs. Nous devons leur en savoir gré, mais nous devons aussi empêcher toute rupture de nos capacités militaires.

Souvenons-nous que si nos militaires ne sont pas, et c’est heureux, défendus par des organisations professionnelles ou syndicales, c’est parce qu’il nous incombe à nous, élus de la nation, d’être à leur écoute, à celle de leurs chefs, et de leur garantir, dans une confiance qui doit être réciproque, les moyens d’assurer les missions régaliennes que la France leur confie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous l’œil avisé de mon complice André Dulait, il n’est pas inutile de rappeler que l’entraînement fonde la valeur opérationnelle des forces armées, comme nous le savons tous.

Depuis plusieurs années, nous nous alarmons de l’effritement continu et préoccupant des crédits dévolus à la préparation opérationnelle et des conditions d’entraînement des militaires. Le fossé semble d’ailleurs se creuser de plus en plus entre les unités projetées en OPEX et les autres.

Dans un contexte de rareté budgétaire et d’engagements nombreux, la mobilisation d’un maximum de ressources en faveur des interventions extérieures – Afghanistan, Libye, Mali, ... – a été privilégiée, ce qui a logiquement provoqué la diminution des moyens disponibles pour les missions d’entraînement sur le territoire national. Par le passé, nous avons ainsi vu fondre comme neige au soleil les jours d’entraînement de l’armée de terre : en dépit de l’objectif de 150 jours d’entraînement par an fixé dans la loi de programmation militaire de 2009, seules 83 journées de préparation opérationnelle ont été effectivement réalisées en 2013.

La priorité donnée aux opérations s’est également ressentie pour les matériels et équipements utilisés pour l’entraînement, dont la disponibilité opérationnelle s’est trouvée particulièrement contrainte, et ce d’autant plus que les dotations budgétaires consacrées à l’« entretien programmé des matériels » se sont progressivement éloignées des trajectoires de la programmation.

On se trouve aujourd’hui face un effet de ciseaux : le vieillissement du parc d’équipements et son caractère hétérogène rendent la maintenance plus difficile et plus coûteuse, tandis que l’arrivée de nouveaux matériels renchérit également le coût d’entretien, insuffisamment couvert par les dotations budgétaires. Au total, le coût du maintien en condition opérationnelle, ou MCO, augmente aux deux extrémités du spectre.

Puiser dans le stock de pièces de rechange a permis – un temps seulement – de pallier la rareté des ressources et a fini par affecter directement la disponibilité des matériels dont les véritables « points noirs » sont bien connus : transport stratégique et tactique de l’armée de l’air, patrouille maritime de la marine, AMX 10 de l’armée de terre, ... La prévision de disponibilité est tombée à seulement 40 % pour les véhicules de l’avant blindé – VAB –, à 50 % pour les frégates et à 60% pour les avions de combat de l’armée de l’air.

L’inversion de cette tendance est une priorité forte du projet de loi de programmation qui nous est soumis. Les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4, 3 % par an en valeur pour s’établir à un niveau moyen de 3, 4 milliards d’euros courants sur la période.

Les facteurs d’inertie expliquent, malgré les efforts significatifs consentis, qu’il faille agir en deux temps : d’abord, inverser la tendance à la dégradation par le biais d’une restauration de la disponibilité des matériels et d’une réorganisation du soutien ; ensuite, restaurer les indicateurs d’activité. Les années 2014 et 2015 seront consacrées à la reconstitution des stocks et à la stabilisation de l’activité au niveau, déjà trop « juste », de 2013. Ce n’est qu’à compter de 2016 qu’est prévu le redressement des indicateurs d’entraînement.

Afin d’assurer le maintien en condition opérationnelle, un grand programme de révision de la chaîne logistique, ou supply chain, a été lancé pour tout rationaliser, qu’il s’agisse du nombre de pièces de rechange ou des lieux de stockage et d’entreposage. Il devrait voir le jour en 2015, pour une mise en œuvre en 2016.

Lorsqu’il s’agit de domaines en difficulté tels que l’entraînement et le MCO, c’est dans le moyen terme que les efforts paient. Je crois qu’il nous faut être lucide : les améliorations ne se feront pas d’un coup de baguette magique, mais avec de la ténacité, dans la durée. Nous soutenons bien sûr l’effort résolu du Gouvernement en la matière, et je voterai, avec le groupe socialiste, le projet de loi relatif à la programmation militaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Je voudrais avant toute chose saluer la qualité des interventions, qualité que j’avais déjà pu constater lors des différentes réunions de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées auxquelles j’ai participé en vue de la préparation de ce texte.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Larcher, pour dire que tout projet de loi de programmation militaire constitue non seulement un moment particulier de la vie parlementaire, mais aussi un moment fort pour la République : la France indique comment elle conçoit sa politique de défense pour les six ans à venir, quels moyens elle compte y affecter et quelles sont ses priorités. Ce moment s’inscrit – je crois que ce sentiment est largement partagé dans cet hémicycle – dans la continuité républicaine et fait moins l’objet de polémiques que de compréhension. Comme vous l’avez relevé, il s’agit d’une priorité nationale et non pas d’une priorité sectorielle.

M. Gérard Larcher opine.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier de vos encouragements. Certains ont dit que cette loi de programmation était la moins mauvaise possible. Oui ! D’autres ont parlé de quadrature du cercle. Également oui ! Le projet de loi de programmation est effectivement un texte d’équilibre. Or, par définition, un équilibre, c’est fragile. Cet équilibre ne sera donc maintenu que s’il est garanti à l’euro près. C’est ce à quoi je dois m’employer, avec le soutien des commissions compétentes, en particulier de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Je suis conscient du fait que l’espèce de tour de force auquel nous avons pu aboutir n’aura de sens que si les engagements financiers sont intégralement respectés, comme l’a bien précisé M. Reiner. Mais derrière le risque qui existe, c’est vrai, se trouve une volonté. Vous avez bien voulu souligner la mienne, qui demeurera constante tant que j’exercerai cette responsabilité – peut-être pas jusqu’en 2019.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Vous avez bien voulu souligner également que le projet de loi de programmation est cohérent : nous avons réussi à maintenir la plus grande partie de nos capacités et l’ensemble des grands programmes initialement prévus. Nous avons voulu non seulement assurer nos missions fondamentales, mais aussi les compléter et les enrichir par des décisions nouvelles. Je pense en particulier au renseignement, à la nécessité d’acquérir des capacités en drones, aux avions ravitailleurs, au maintien de l’effort en matière de recherche et d’innovation, qui avait tendance à diminuer. Comme je l’ai indiqué ce matin, il était aussi nécessaire de dégager des marges de manœuvre pour la préparation opérationnelle – M Roger vient d’en parler –, dont le niveau s’était progressivement réduit, alors qu’il s’agit de la variable d’ajustement la plus perverse qui soit.

Toutes ces mesures, il a fallu les prendre dans un cadre contraint. Je me suis donc appliqué avec une précision et une vigilance extrêmes à ce que ce texte conserve sa sincérité, en sachant qu’il fallait veiller en permanence à maintenir cet équilibre. À cet égard, j’ai pris un engagement, et j’essaierai de m’y tenir dans la durée.

Pour ce faire, nous pourrons nous appuyer sur l’arbitrage du Président de la République en faveur d’une trajectoire financière qui prévoit une remontée en volume à partir de 2016 pour atteindre un montant de 190 milliards d’euros. Oui, monsieur Chevènement, il s’agit bien d’euros en valeur 2013 ! Nous devons garantir ce chiffre sans aucun renoncement. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra les propositions de votre commission de faire passer du rapport annexé au texte de loi lui-même la garantie des ressources exceptionnelles.

J’ai entendu beaucoup d’interrogations et de doutes sur ces ressources exceptionnelles. Moi, j’ai confiance. À partir du moment où le montant global de 190 milliards d’euros a été arbitré au plus haut niveau de l’État, que la trajectoire financière a été fixée, que le montant annuel des ressources exceptionnelles a été indiqué et que, dès 2014, la mobilisation du type de ressources exceptionnelles est assurée, il n’y a pas d’inquiétudes majeures à avoir pour l’avenir, même s’il appartiendra à chacun, à commencer par moi-même, de faire preuve d’une grande vigilance pour que la loi de programmation soit respectée.

Monsieur de Legge, sachez que nous avons intégré le dispositif Duflot dans le calcul des 600 millions d’euros de ressources immobilières. Nous avons fait preuve de la plus grande transparence !

Il y va de même de la mobilisation des ressources liées aux fréquences hertziennes. S’il peut y avoir des interrogations sur le calendrier, il n’y en a aucune sur la destination ou le montant de ces ressources.

C’est vrai aussi, monsieur Gautier, des cessions d’actifs ayant déjà contribué au programme d’investissements d’avenir pour le budget 2014. Il ne s’agit pas uniquement de cessions d’actifs liées aux industries de défense ; d’autres provenances sont envisageables. Ces cessions sont inscrites dans l’ensemble de la panoplie des ressources potentielles et si d’aventure – je réponds là aux interrogations formulées par Mme Demessine et M. Chevènement – certaines de ces cessions d’actifs concernant directement la défense devaient être envisagées, cela ne pourrait se faire en catimini.

Je voudrais revenir sur les surcoûts des OPEX, évoqués en particulier par M. Larcher. Nous pensons pouvoir ramener au plus vite les crédits des OPEX à 450 millions d’euros, ce qui serait plutôt une bonne chose pour le budget de la défense. En effet, au-delà de ce seuil, un partage interministériel s’opérera, comme antérieurement. Il ne faut donc pas fixer un niveau de financement trop important, sinon nous risquons d’amputer d’autres lignes budgétaires. Chacun comprendra donc l’intérêt de ce dispositif pour le budget de la défense, mais je tenais à préciser ce point pour éviter toute interprétation négative.

MM. Bockel, Lorgeoux et Chevènement m’ont interrogé sur l’articulation entre forces pré-positionnées et forces en OPEX. Nous sommes en train de redéfinir ce dispositif, singulièrement en Afrique.

Nous le faisons d’abord pour atteindre un objectif stratégique et opérationnel : concentrer nos moyens sur deux zones d’intérêt prioritaire, qui sont également les plus sensibles, à savoir le golfe et, surtout, le Sahel, qui a été évoqué à plusieurs reprises au cours de la discussion générale.

Nous le faisons ensuite pour atteindre un objectif politique : adapter les modalités de notre présence en Afrique au besoin de sécurité du continent et à la nécessité, aussi bien politique que militaire, d’être à la fois souple et réactif dans notre capacité d’intervention.

Nous réfléchissons donc aux évolutions de notre dispositif : concentration sur les menaces prioritaires, en particulier au Sahel ; flexibilité et réactivité ; appui aux Africains et soutien aux dispositifs que l’Union africaine elle-même pourrait initier, dans le cadre de la nécessaire défense des Africains par les Africains, même s’il est souvent fait appel à notre appui. Je pense en particulier à ce qui risque de se produire en République centrafricaine. Le Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique, qui aura lieu à l’Élysée au début du mois de décembre, devrait permettre une avancée dans l’appréciation des risques et dans l’évaluation de la manière dont la France peut contribuer à les juguler, si d’aventure ils se font trop violents, comme cela a pu se passer récemment au Mali, et comme on peut imaginer que cela se produise en République centrafricaine.

Il y a là une vraie évolution ! La distinction entre les forces pré-positionnées et les OPEX de longue durée commençait à devenir assez floue. L’examen de cet aménagement est donc en cours. Je serai appelé à vous faire des propositions en la matière dès que le Président de la République aura rendu son arbitrage sur ces questions, suffisamment lourdes pour le requérir.

J’en viens désormais à la question de la dissuasion nucléaire.

À ceux qui y sont favorables, comme à ceux qui ne le sont pas, je voudrais dire que le débat a eu lieu, y compris ici, au Sénat, lors de la préparation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, et qu’il a été tranché.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Pour le Gouvernement, comme pour le Président de la République, la dissuasion nucléaire est un élément central de notre stratégie pour faire face aux risques d’aujourd’hui et de demain. Certes, la menace qui pèse sur nos intérêts vitaux est différente de celle qui s’exerçait pendant la guerre froide, mais, on le voit bien, certaines puissances peuvent être tentées de nous empêcher d’agir, d’autres peuvent vouloir exercer un chantage contre la France, contre les démocraties, contre l’Europe. Nous devons donc conserver la dissuasion pour préserver l’essentiel : la protection ultime du pays et notre liberté de décision et d’action. C’est pourquoi il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de sanctuariser les crédits nécessaires au renouvellement des deux composantes et les crédits nécessaires à la simulation, puisque l’année 2014 verra la mise en service du laser Mégajoule. Tout cela est indispensable pour garantir notre sécurité !

Cela vaut aussi pour une autre nécessité : préparer la prochaine génération, celle des années 2030. Je réponds, ce faisant, à l’interrogation exprimée par Jean-Pierre Chevènement et Jean-Marie Bockel. La loi de programmation militaire prévoit les crédits nécessaires pour les programmes d’études amont, les travaux de recherche pour la troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et la modernisation de l’ASMP-A, c’est-à-dire la composante aéroportée de la dissuasion.

Je fais le lien, de manière un peu acrobatique, avec les observations faites avec raison par Mme Bouchoux sur la place des femmes dans l’armée, en particulier – c’était l’objet d’une partie de son intervention – dans les sous-marins nucléaires. Dans les bâtiments de nouvelle génération, cette lacune sera comblée. Dès la première génération de sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, la présence de femmes sera prévue.

Je suis extrêmement attaché à la place des femmes dans l’armée – j’ai d’ailleurs désigné une femme haut fonctionnaire à l’égalité des droits au sein du ministère de la défense –, et je ne manque pas d’être vigilant sur cette question. Pour ma part, je ne crains pas le plafond de verre : la volonté de l’ensemble des responsables de la défense et des chefs d’état-major est réelle de voir progresser les responsabilités des femmes dans l’armée et que leur itinéraire de carrière puisse aller jusqu’à leur terme. En outre, j’ai nommé deux femmes officiers généraux en seize mois. Ce n’est pas beaucoup, mais un vivier est en phase de constitution, qui devrait permettre d’aboutir à des solutions favorables.

J’en viens, madame la sénatrice, aux critiques sur le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, dispositif issu de la loi Morin. J’ai lu le rapport du Sénat, auquel vous avez largement contribué, et qui ouvre des perspectives intéressantes. Sachez que je me prononcerai tout à l’heure en faveur de la transformation du CIVEN en autorité administrative indépendante, comme vous le proposerez dans un amendement. C’est une orientation nouvelle, un signal que je veux lancer.

Une difficulté se pose néanmoins : l’application de la loi Morin a donné lieu à une confusion entre reconnaissance et indemnisation. Vous soulignez vous-même cette contradiction.

Mme Corinne Bouchoux acquiesce.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Il y a sans doute des progrès à faire en la matière. J’ai essayé d’y contribuer lors de la dernière réunion de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires. Je suis ouvert à d’autres évolutions, sous réserve que l’indemnisation reste liée à un préjudice réel.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Un préjudice réel ne peut être constaté que par des scientifiques et des commissions indépendantes et compétentes. En faisant sortir l’indemnisation de ce cadre, on autoriserait toutes sortes d’aventures, que vous ne souhaitez sans doute pas voir prospérer dans notre pays.

Je vous rejoins, monsieur Pintat, sur un certain nombre de points. J’ai moi aussi parfois entendu parler d’armée « bonsaï ». Mais enfin, une armée qui compte 240 000 personnels militaires, 6 sous-marins d’attaque, 17 frégates de premier rang, 225 avions de chasse, c’est un bonsaï géant !

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Ce type l’expression, que vous avez reprise, même si j’ai bien compris que telle n’était pas votre appréciation, verse dans la caricature, et c’est dommageable. Ça l’est d’autant plus que ces propos émanent de personnes qui revendiquent une histoire personnelle dans l’armée. Cela étant, j’entends bien que la qualité ne suffit pas et qu’il faut également la quantité…

Une question a été posée sur l’aviation de chasse, et plus particulièrement sur Dassault. Le projet de loi de programmation prévoit la commande de 26 Rafale. Il prévoit également le développement d’un nouveau standard pour le Rafale, le F3R, pour un montant supérieur à 1 milliard d’euros, qui contribuera à l’activité de l’industriel. S’y ajoutent, je l’ai dit ce matin, les études sur l’UCAS, la génération des drones de combat futurs, à horizon de 2030. Enfin, je viens de décider la rénovation des avions Atlantique 2, qui sera faite en lien avec Thales.

Par ailleurs, la situation semble aujourd’hui plus favorable à l’exportation d’appareils dans deux ou trois pays, dont la maturité de la décision semble proche. Je suis relativement optimiste. Je ne fixe pas de date, mais le mouvement va dans le bon sens.

Toujours au sujet de l’aviation de chasse, je tiens également à dire que le présent projet de loi de programmation tend à permettre la rénovation des Mirage 2000D. Il y aura bien, un jour, une cinquième tranche de commandes de Rafale, même si elle ne figure pas dans le projet de loi de programmation. Il y a une vie après le Mirage 2000D !

En ce qui concerne le drone, j’ai suivi les recommandations du Sénat. Cela n’empêche pas qu’il y ait urgence à ce que les Européens se mettent d’accord pour la construction de drones de nouvelle génération, à l’horizon de 2022 ou 2024. Nous souhaitons vraiment, et les industriels français aussi, être en mesure de produire un drone de nouvelle génération à l’échelle européenne. Je souhaite, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Conseil européen de décembre fasse une ouverture à ceux qui voudront bien y contribuer. C’est un point essentiel !

J’ai également noté l’observation relative à l’alerte spatiale. C’est un sujet qui mériterait une discussion assez approfondie en commission de la défense. Je suggère que son président en prenne l’initiative. Le temps me manque aujourd’hui pour aborder à fond cette question, mais elle me paraît très opportune.

Plusieurs orateurs ont parlé de l’Europe et de l’OTAN, notamment Mme Demessine et M. Chevènement. En la matière, nous avons appliqué le rapport Védrine, qui recommandait de prendre toute notre place dans l’OTAN, sans complexe, et donc peser davantage sur les orientations prises, tout en adoptant une approche pragmatique en Europe.

Aujourd’hui, d’après ce que je vis, je considère que nous y parvenons. Une réforme de l’Alliance – de son fonctionnement comme de ses agences – est en cours. Nous avons une plus grande place dans la structure de commandement. Nous avons maintenu en permanence notre autonomie stratégique, de décision, de renseignement et d’exécution. Les différents conflits qui ont été évoqués le démontrent.

Durant cette période, nous avons également tenu à fournir des efforts importants en faveur de l’Europe de la défense. Nous avons tenu à faire en sorte que du Conseil européen de décembre puissent déboucher des projets concrets et pragmatiques, dans les domaines capacitaire, opérationnel et industriel, afin de renforcer l’Europe en matière de défense. Ce mouvement est en cours, et il me paraît plutôt positif. Dans le même temps, j’ai le souci du pragmatisme : dans l’Europe de la défense, comme ailleurs, nous devons garder fidèlement, scrupuleusement et en permanence notre autonomie stratégique et de décision, y compris dans une opération ou dans une situation de conflit. Ce faisant, je réponds aussi à M. Pozzo di Borgo, qui m’interrogeait à ce sujet.

Je voudrais vous remercier, monsieur Berthou, de vos observations sur le renseignement et la cyberdéfense. C’est l’un des nouveaux sujets abordés par le projet de loi de programmation militaire. Ces questions ont beaucoup plus d’importance aujourd’hui qu’elles n’en avaient en 2008. Vous avez bien voulu soutenir ces dispositions, dont nous aurons sans doute l’occasion de reparler tout à l’heure.

Je voudrais dire à M. Gautier que j’ai apprécié ses observations et que nous partageons ses interrogations. Ses suggestions sur la manière de desserrer l’étau budgétaire ne me sont pas étrangères. Il n’a cependant pas énuméré les contraintes que nous rencontrerions si nous voulions suivre ses propositions, mais je les ai bien en tête.

Je suis soucieux que nous disposions de pièces de rechange, sujet dont M. Roger a également parlé en évoquant la préparation opérationnelle. Il est nécessaire d’améliorer et de renforcer le dispositif, voire de réorganiser la chaîne de soutien, y compris pour les missiles et les munitions.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Chacun a bien noté qu’une révision aura lieu en 2015. À cette date, après deux années de mise en œuvre de la loi de programmation militaire, j’espère que nous serons en mesure d’apprécier complètement la nouvelle donne.

Monsieur Bockel, vous m’avez interrogé sur la brigade franco-allemande. Rassurez-vous, il n’est pas du tout envisagé de la remettre en cause. Nous sommes très attachés à cet outil indispensable de coopération qui compte 5 000 hommes, dont plus de 2 100 Français. Cette brigade continue d’évoluer au regard d’objectifs communs, mais il sera sans doute nécessaire de l’adapter aux missions nouvelles. Mon homologue allemand partage ce souci. Cette brigade n’ayant été déployée que rarement, ne faudrait-il pas examiner les voies et moyens de lui donner une plus grande utilité militaire ?

Je voudrais conclure mon propos en évoquant la communauté militaire, les hommes et les femmes qui la composent. Je l’ai déjà dit devant la commission, je me rends au moins une fois par semaine au sein des forces, que soit sur les théâtres extérieurs ou en métropole. J’y passe du temps, plusieurs heures chaque fois, pour éviter que la visite du ministre ne se transforme en un rendez-vous ponctuel, en une simple signature du livre d’or.

Je constate chez nos militaires une grande tonicité, une fierté de leur mission, un professionnalisme reconnu et respecté. Je constate aussi des inquiétudes, souvent liées à la vie quotidienne, au système LOUVOIS, à l’articulation entre les bases de défense et les unités opérationnelles, à une demande de perspective. Nous devons être en mesure de la leur donner.

Je le disais, je constate une très grande fierté. Nos forces armées ont en effet une très bonne image. Outre le fait qu’elles n’ont jamais été aussi populaires au sein de l’opinion, leurs capacités d’intervention sont reconnues à l’extérieur. Je peux vous le dire puisque je rencontre souvent des ministres de la défense européens et de l’OTAN.

Comme je l’ai dit récemment, je suis convaincu que la France aura en 2019 la première armée d’Europe.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Nous, nous maintenons notre effort, ...

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

… alors que d’autres, y compris des pays dont la tradition militaire est forte comme la Grande-Bretagne, le diminuent. Si nous maintenons notre cap, nous obtiendrons donc ce résultat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de programmation tend à faire en sorte que la communauté militaire soit sereine, fière d’elle-même et des services qu’elle rend à la nation, et que la France conserve son autonomie stratégique et la capacité à assurer ses responsabilités dans le monde, pour la paix et la sécurité.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière

(Non modifié)

Le présent chapitre fixe les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui lui est associée pour la période 2014-2019.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je rappelle que l’article 2 et le rapport annexé sont réservés, sur la demande de la commission, jusqu’après l’article 37.

Les crédits de paiement de la mission Défense, hors charges de pensions, exprimés en milliards d’euros courants évolueront comme suit :

Ils seront complétés par des ressources exceptionnelles, provenant notamment de cessions, exprimées en milliards d’euros courants qui évolueront comme suit :

Dans l’hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne sont pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources sont intégralement compensées par d’autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel.

Dans l’hypothèse, à l’inverse, où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excède 6, 1 milliards d’euros, l’excédent, à concurrence de 0, 9 milliard d’euros supplémentaires, bénéficie au ministère de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. J. Gautier, Cambon, Paul, Beaumont et P. André, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cléach, Couderc et Gournac, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...° - La loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est ainsi modifiée :

1° L’article 2 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Les I à III de l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application des deux derniers alinéas de l’annexe. » ;

2° L’annexe de cette loi est complétée par deux alinéas ainsi rédigés :

« NEXTER

« DCNS ».

La parole est à M. Jacques Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Le présent projet de loi de programmation militaire est le moins mauvais possible dans le cadre budgétaire donné. Reste que ce cadre budgétaire n’est pas satisfaisant, et la trajectoire financière sur laquelle il repose est beaucoup trop tendue.

Le succès ou l’échec de cette loi repose de façon excessive sur des éléments aléatoires. En outre, cela a été dit, le texte va se traduire par une diminution significative de l’effort de défense.

Dans ce contexte, l’amendement vise, d’une part, à dessiner une trajectoire financière qui permette à notre effort de défense de ne pas descendre en dessous de 1, 5 % du PIB et, d’autre part, à desserrer la contrainte financière en autorisant l’État à privatiser des entreprises comme Nexter ou DCNS

Mme Cécile Cukierman proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Afin d’obtenir ce volume de ressources, sans modification des crédits budgétaires, ce qui serait contraire à nos engagements européens en matière de réduction des déficits, ou qui supposerait de réduire les crédits des autres missions du budget général, il faut que les cessions de participations financières d’entreprises, cotées ou non cotées, soient de 20, 8 milliards d’euros sur la période, les autres recettes étant inchangées par ailleurs.

Un tel volume de cessions de participations est envisageable quand on sait que le portefeuille coté de l’État sera de plus de 75 milliards d’euros à la fin de 2013. À ces participations cotées, il convient d’ajouter les entreprises non cotées telles que Nexter ou DCNS, dont la privatisation, je l’ai dit, rapporterait plusieurs milliards d’euros à l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Un volume de cessions de 20 milliards d’euros sur cinq ans est raisonnable. Je vous rappelle que le gouvernement de Lionel Jospin avait procédé à des cessions de participations pour 210 milliards de francs, soit 32 milliards d’euros.

Les recettes de ces privatisations seraient affectées au compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État. Elles gageraient financièrement la garantie de ressources prise par ailleurs et alimentée par des crédits budgétaires. Elles donneraient à la clause insérée par le Gouvernement dans le rapport annexé et transférée par la commission dans la partie normative la possibilité d’être effective.

L’inscription des entreprises Nexter et DCNS sur la liste des entreprises privatisables serait une autorisation et non une injonction : ces sociétés seraient privatisées au moment et dans les conditions que choisirait le Gouvernement. En outre, l’État continuerait à détenir une action spécifique – golden share –, avec tous les éléments y afférents.

En fait, les pouvoirs de l’État passeraient non plus par la qualité d’actionnaire, mais par l’action spécifique, comme c’est le cas pour Astrium ou MBDA, qui fabriquent respectivement les missiles des forces nucléaires océaniques stratégiques et des forces aéroportées.

Enfin, je l’ai déjà dit, la privatisation de ces deux entreprises faciliterait un regroupement européen dans les domaines de la défense terrestre et navale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Paul, Beaumont, Gournac et Cléach, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2, tableau première colonne

Rédiger ainsi cette colonne :

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...° - La loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est ainsi modifiée :

1° L’article 2 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Les I à III de l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application des deux derniers alinéas de l’annexe. » ;

2° L’annexe de cette loi est complétée par deux alinéas ainsi rédigés :

« NEXTER

« DCNS ».

La parole est à M. Jacques Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Il s’agit d’un amendement de sauvegarde et de repli.

La Direction générale de l’armement nous a confirmé à plusieurs reprises, nous l’avons évoqué tout à l’heure, que le report des charges de l’exercice 2013 sur l’exercice 2014 pourrait atteindre, pour la mission « Défense », 3 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros pour le seul programme 146.

Si un tel report de charges se confirmait, et même s’il n’était que de moitié, cela augurerait mal de l’exécution de la loi de programmation militaire et de la sincérité du projet de loi de finances pour 2014. C’est pourquoi je propose de prendre des précautions et de compter 3 milliards d’euros supplémentaires de cessions de participations. Je l’ai dit, cela est tout à fait possible en ouvrant la possibilité de privatiser tout ou partie de DCNS ou de Nexter, ou tout simplement en abaissant la participation de l’État dans Safran, qui ne semble plus se justifier. Le Gouvernement lui-même a fait la même analyse que moi puisqu’il a déjà cédé 3 % de sa participation dans ce groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Comment vous dire les choses simplement, rapidement et très honnêtement ?

Quand j’ai examiné avec objectivité les chiffres figurant dans ces amendements, moi qui ai milité pendant de nombreuses années pour que nous consentions un effort afin de ne pas tomber sous le plancher de 1, 5 % du PIB, je n’ai pu que souscrire à cette idée. Par conséquent, ne comptez pas sur moi pour que je balaie d’un revers de main ce type de dispositions. Reste que le Livre blanc nous a conduits à une épure, et les arbitrages qui sont intervenus ont été rendus au plus haut niveau de l’État en conseil de défense.

Pour ma part, je vous le dis sincèrement, je ne disconviens pas d’avoir à réexaminer cette question au moment de la clause de revoyure à la fin de 2015, si d’aventure les électrices et les électeurs ne m’ont pas chassé du Sénat d’ici là.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je serai peut-être en train de vaquer à d’autres occupations ou à de nouvelles contraintes…

D’abord, je vous propose de vivre l’année 2014 pour laquelle nous avons un projet de loi de finances conforme à l’épure en nous permettant d’obtenir la totalité des financements. Ensuite, à la fin de 2015, c’est-à-dire après deux années d’application de la loi de programmation militaire, au moment de la clause de revoyure, nous serons, me semble-t-il, dans une situation plus favorable pour décider de la position à adopter.

Les solutions proposées par Jacques Gautier dans ses amendements pour les rendre recevables au titre de l’article 40 de la Constitution et pour en assurer le financement sont certes réelles et possibles, et ce qu’il dit du gouvernement de Lionel Jospin que j’avais soutenu est tout à fait exact, mais, dans la période que nous vivons, nous n’avons pas du tout intérêt à nous défaire de nos participations dans un certain nombre d’industries. En outre, l’opinion publique comprendrait mal que nous vendions une partie de nos « bijoux de famille » pour satisfaire l’exigence du moment.

J’appelle chacun à la vigilance : battons-nous au travers de l’amendement que je vais vous proposer et qui a été adopté par la commission pour remonter à 2 % du PIB en cas de retour à meilleure fortune, en intégrant un certain nombre de prises en compte, telles que l’apurement des reports qui soulève des problèmes au budget de la défense. Cependant, ne nous lançons pas dans ce que j’appellerai une justice d’un côté, mais une chimère de l’autre, par un vote qui bloquerait totalement le processus et nous placerait dans une situation où la loi de programmation ne pourrait même plus être débattue.

Mes chers collègues, je ne veux pas noircir le tableau, puisque je suis presque favorable à ces mesures, mais nous risquerions de perdre je ne sais combien de mois et de nous retrouver ipso facto dans une situation encore plus dommageable pour l’application de la loi de programmation. Après ce que nous a dit le délégué général pour l’armement l’autre jour, ce ne serait pas sans nous poser un certain nombre de problèmes. Je vous demande donc uniquement de faire preuve de sagesse.

Je ne signifie pas à Jacques Gautier que ses amendements sont sans valeur ou sans objet ; j’en apprécie même le fondement. Toutefois, je lui demande de les retirer pour nous permettre d’avoir un débat sur ce sujet et d’adopter la moins mauvaise loi de programmation possible au cours de cette période, même si j’ai conscience que nous devrons nous battre tous ensemble pour nous rapprocher du 1, 5 % du PIB, puis des 2 % du PIB en cas de retour à meilleure fortune.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement rejoint totalement la commission, même s’il comprend les bonnes intentions de M. Gautier.

Dans la panoplie des ressources exceptionnelles disponibles, je l’ai dit tout à l’heure, figurent des cessions d’actifs, qui ne sont pas obligatoirement liées au secteur de la défense. Cette question est beaucoup plus large. En tout cas, pour l’instant, il ne me semble pas opportun d’aller plus loin qu’une affirmation générale sur les cessions d’actifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

J’ai cosigné ces amendements avec plusieurs de mes collègues et, faute d’avoir pu m’entretenir avec eux, il m’est impossible de les retirer.

Je comprends les réserves émises par le Gouvernement et par la commission. Je mesure également les conséquences qu’aurait l’adoption de ces dispositions. Néanmoins, pour défendre cet outil auquel nous croyons, il faut avoir la volonté d’accomplir un geste fort. Je vous propose donc d’ouvrir le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 28 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je signale que cet amendement pose un autre problème. Moi qui suis une fan du « jaune » budgétaire relatif aux participations de l’État, je tiens à indiquer qu’une grande partie de ces dernières sert d’assise à l’ancien Fonds stratégique d’investissement, aujourd’hui repris par la Banque publique d’investissement, la BPI. Dès lors, étant donné le contexte et la structure économico-financière actuels, je vois mal comment il serait possible de se séparer de ces actifs, qui ont été transférés.

Voilà pourquoi je voterai, à regret, contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Pour ma part, je souscris tout à fait à l’ambition de M. Gautier quant au volume de l’effort à accomplir. Au reste, nous sommes tous d’accord sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Toutefois, nous proposer des dispositions qui s’apparentent à des privatisations à la sauvette n’est pas opportun. En effet, Nexter représente tout l’avenir de notre industrie des armements terrestres. Comparons avec ce qu’était jadis le GIAT ! Nous avons besoin d’une vision stratégique et, sur un sujet aussi sérieux, un débat public est nécessaire. Je l’ai déjà souligné il y a quelques instants.

On constate qu’un de nos voisins comme l’Allemagne a conservé une puissante industrie des armements terrestres, avec Rheinmetall, Krauss-Maffei et d’autres entreprises encore. Qu’allons-nous faire dans ce domaine stratégique ?

Pour Safran, l’enjeu est le même : il faut déterminer l’avenir de notre industrie dans le domaine des moteurs d’avion et dans d’autres secteurs.

De telles décisions ne peuvent pas être prises via un simple amendement. J’aurais donc préféré que Jacques Gautier le retire. Cela m’aurait semblé plus propice à la tenue de ces débats de fond, qui me semblent nécessaires.

Cela étant, les choses étant ce qu’elles sont, les membres du RDSE voteront contre, M. Barbier s’abstenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Je pense avoir été suffisamment claire au cours de la discussion générale pour que chacun ait compris que les membres du groupe CRC ne voteront pas non plus cet amendement.

J’adhère totalement aux remarques que M. Chevènement vient de formuler : nous disposons d’une industrie de défense solide, avec des piliers. Notre pays ne compte plus tant de secteurs d’activité où on observe une réelle politique industrielle, où ce n’est pas la finance qui détermine les orientations à prendre. Nous le devons à ces piliers, et il faut les protéger.

Au nom d’une véritable politique industrielle française, dont l’industrie d’armement constitue le moteur, je m’oppose à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

N’appartenant pas à la commission des affaires étrangères et de la défense, je ne suis pas cosignataire de cet amendement. Toutefois, je l’aurais volontiers signé, car il a l’immense mérite de soulever le problème de la sincérité des intentions du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Chacun d’entre nous souscrit aux constats qui sont dressés cet après-midi, en particulier M. le ministre, à qui revient la lourde responsabilité de conduire cette programmation. Or le présent texte mentionne les recettes exceptionnelles, et donc la base de ces dernières, c’est-à-dire notamment les participations de l’État.

Quant au débat auquel M. Chevènement nous invite et qu’évoque Mme Demessine – celui de la stratégie industrielle de l’État –, c’est un autre sujet. Mais la question ne mérite pas moins d’être posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je suis persuadé que la force de l’État dépend d’entreprises privées et publiques rentables.

Cela étant, mes chers collègues, vous savez que l’excédent brut d’exploitation est, en France, de 10 points inférieur à la moyenne des pays de la zone euro – c’est le seul chiffre que je vous infligerai ! Le réel problème de la politique industrielle est donc le suivant : pourquoi nos entreprises n’obtiennent-elles pas les mêmes résultats et donc ne disposent-elles pas des mêmes capacités d’investissement et partant des mêmes capacités de développement, d’innovation et de conquête de marchés que leurs concurrentes, qu’elles appartiennent au domaine civil ou militaire ?

Quant à cet amendement, il revient à affirmer que, si l’on s’accorde sur cette priorité, il faut accepter de la gager sur un principe général, qui n’est en aucun cas une injonction. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous puissions le voter.

Je le répète, il ne s’agit pas de substituer cette disposition à une politique industrielle, qui mérite d’être débattue, chaque privatisation devant donner lieu à un texte particulier. Il s’agit simplement de poser ce principe : dans une politique de long terme, largement partagée par l’ensemble de nos compatriotes comme dans cet hémicycle, il n’y a pas d’obstacle philosophique ou théologique à des cessions d’actifs de l’État. Au demeurant, M. le rapporteur l’a déjà souligné.

Concernant ces actifs, je souligne que l’État est déjà minoritaire dans bien des cas, notamment pour Thales ou EADS. Il n’en peut pas moins, à travers des actions de préférence ou simplement par sa fonction d’acheteur, exercer un rôle au moins aussi important.

A contrario, madame Demessine, l’État est l’actionnaire majoritaire d’EDF. Mais, étant donné la politique actuelle dans le domaine de l’énergie, on peut se demander ce que cela lui apporte.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

C’est sûr que l’aventure européenne ne l’a pas servie !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Toutes les décisions en matière de transition énergétique ont pour effet d’affaiblir la valeur de l’entreprise ! Aussi celle-ci va-t-elle chercher à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne, les succès que le gouvernement français lui refuse, en créant de nouveaux équipements électronucléaires. Cela prouve que la détention du capital d’une entreprise ne garantit certainement pas la bonne conduite de sa stratégie industrielle.

Par conséquent, c’est sans restriction mentale que l’on peut envisager le principe que traduit cet amendement. Son seul objet est de montrer que nous sommes solidaires et qu’ainsi nous acceptons de consentir un effort, y compris sur des biens industriels que l’on peut du reste diriger dans d’autres occasions et avec d’autres moyens.

Applaudissements sur les travées de l'UMP – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Comme je l’ai déjà indiqué, je remercie la commission d’avoir inscrit la clause de sauvegarde relative aux ressources exceptionnelles dans le corps même du projet de loi. Toutefois, la commission a modifié le texte de la clause, qui précise désormais que l’absence de recettes exceptionnelles est mécaniquement compensée par des crédits budgétaires. Cette disposition entre en contradiction avec la trajectoire de redressement prévue par la loi de programmation des finances publiques. Je ne peux donc pas y souscrire.

Cela étant, en passant de l’annexe au corps même du présent texte, cette clause prendra une force bien plus grande, en intégrant également la panoplie des cessions d’actifs de manière bien plus générale que l’amendement de M. Gautier. Celui-ci tendait à énumérer les entreprises concernées, ce qui ne me paraissait pas tout à fait souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Dans un effort incommensurable de compréhension, je peux admettre ce que dit M. le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Oh là là !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Les dispositions qu’il contient ne seront tout simplement pas opérantes.

Compte tenu du vote unanime qu’a émis la commission, je soutiens la rédaction actuelle et j’émets donc, quoique un peu à regret, un avis défavorable sur cet amendement.

Monsieur le ministre, je le répète, nous ne sommes pas en train de nous opposer au gouvernement de la République. Nous cherchons simplement à garantir le maintien du budget de la défense de notre pays. Je vous l’assure, nous veillerons à ce que tout soit fait pour que notre dispositif ne soit pas opérant.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

La dotation annuelle au titre des opérations extérieures (OPEX) est fixée à 450 millions d’euros. En gestion, les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel.

Les opérations extérieures en cours font, chaque année, l’objet d’un débat au Parlement.

Le Gouvernement communique préalablement aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des OPEX en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

La présente programmation retient un montant de 450 millions d’euros pour la dotation prévisionnelle annuelle au titre des opérations extérieures.

En gestion, les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission « Défense ». En revanche les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d’opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d’une opération existante en 2014 feront l’objet d’un financement interministériel.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je suis entièrement d’accord pour que la clause de sauvegarde pour le financement des opérations extérieures figure dans le corps même du projet de loi. Je souligne simplement que la commission a modifié la formulation. Le Gouvernement souhaite donc revenir à la version initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cet amendement tend à revenir sur la modification défendue conjointement par M. Dulait et moi-même et adoptée à l’unanimité en commission.

L’amendement que nous avons présenté en commission visait, là encore, à empêcher que la défense nationale soit pénalisée, cette fois-ci en cas de surcoût des OPEX au-delà de 450 millions d’euros.

Même si je respecte l’amendement de M. le ministre, je considère qu’il faut en rester à la rédaction adoptée par la commission. En conséquence, j’émets un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

(Non modifié)

Les réductions nettes d’effectifs du ministère de la défense (missions défense et anciens combattants) s’élèveront à 33 675 équivalents temps plein et s’effectueront selon le calendrier suivant :

Ces réductions d’effectifs porteront sur les seuls emplois financés sur les crédits de personnel du ministère de la défense. Au terme de cette évolution, soit en 2019, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront ainsi à 242 279 agents en équivalents temps plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Cet article porte sur la réduction des effectifs de nos forces armées et des personnels civils qui interviennent en soutien de notre outil de défense.

J’éprouve un certain embarras à évoquer cet aspect du présent texte, car, au-delà des recettes exceptionnelles, une part déterminante du financement de cette programmation repose sur ce vaste plan de suppression d’emplois. Ces sacrifices majeurs sont essentiellement assumés par les personnels. En effet, la stabilité des crédits consacrés à la défense est assurée au prix de la poursuite d’une diminution drastique des effectifs.

D’ici à 2019, près de 34 000 postes seront supprimés ; 10 000 de ces suppressions avaient déjà été programmées par le précédent gouvernement. Au total, entre 2008 et 2019, les armées auront perdu 82 000 emplois, soit un quart de leurs effectifs.

Monsieur le ministre, je sais que ces mesures concernent pour l’essentiel le soutien et l’administratif. En outre, je sais que vous avez tenté de limiter au maximum les coupes dans les forces opérationnelles. Ces dernières ne seront pas moins amputées d’environ 8 000 postes.

Pour les personnels concernés, en quoi la nature de ces décisions diffère-t-elle des mesures adoptées par les précédents gouvernements ? Quelles sont les justifications de la poursuite d’une telle déflation des effectifs, amorcée par la politique menée par le précédent président de la République ?

Vous me rétorquerez que la méthode n’est pas tout à fait la même. En effet, en ce qui concerne le soutien, vous visez la simplification, la clarification, la rationalisation, pour plus d’efficacité. Quant aux réductions d’effectifs dans l’environnement administratif, elles sont précédées d’une analyse préalable, afin d’éviter toute prise de décision aveugle et automatique. Soit ! Je persiste malgré cela à penser que vous vous placez dans l’optique imposée par la RGPP, même si cette politique porte un autre nom aujourd’hui, qui repose sur le dogme intangible de la réduction à tout prix de la dépense publique.

Cette pratique de déflation des effectifs pour réaliser des économies n’est même pas probante d’un point de vue comptable. En effet, alors que 45 0000 postes ont été supprimés entre 2008 et 2012, la masse salariale des personnels militaires a augmenté de 5, 5 %.

Ces chiffres impressionnants par la perte de substance humaine qu’ils révèlent ne peuvent être sans conséquences sur le fonctionnement et l’efficacité de nos armées. Afin de donner un ordre de grandeur, un ancien chef d’état-major de l’armée de terre a ainsi expliqué que, pour son secteur, la précédente programmation militaire équivalait à « rayer de la carte trente-huit sites industriels type Florange ». Celle que vous nous proposez aujourd’hui ne serait pas moins dévastatrice.

Enfin, ces réductions d’effectifs entraîneront la disparition d’unités et d’établissements militaires, emportant inévitablement des conséquences négatives sur la situation de nombre de nos territoires.

Le mécontentement, l’inquiétude et l’amertume d’un grand nombre de militaires comme de leurs familles sont profonds. Ils ont le sentiment de ne pas être suffisamment reconnus dans les difficiles missions qu’ils remplissent et estiment être la seule institution à se réformer aussi fortement, pour, ainsi, contribuer plus que d’autres, à l’effort de redressement des comptes publics. En outre, le financement des mesures d’accompagnement et d’incitation au départ peut paraître insuffisant pour faire face à l’ampleur de la situation, ce qui accroît encore ce malaise.

Au-delà des problèmes économiques et humains posés par ce qui constitue, qu’on le veuille ou non, un plan social, les inquiétudes portent sur l’avenir même de notre outil de défense.

Il apparaît clairement dans le texte du projet de loi qu’à des fins de cohérence avec les formats définis dans le nouveau Livre blanc, ces réductions d’effectifs entraîneront une contraction du format des armées et une révision à la baisse de leur contrat opérationnel. De tout cela découle évidemment une réduction des ambitions militaires, conçues comme plus réalistes, à la hauteur de nos moyens. Je comprends, sans partager leur pessimisme, que certains aient pu évoquer à ce sujet un risque de déclassement stratégique dans quelques années, et donc de perte d’influence de notre pays dans le monde.

Monsieur le ministre, vous contestez cette vision des choses et vous refusez l’expression « armée bonsaï » que certains utilisent sur d’autres travées. Vous faites preuve d’un optimisme à toute épreuve…

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

… en faisant valoir que peu de pays peuvent à la fois assurer la protection de leur territoire, faire face aux besoins de la dissuasion nucléaire et assurer des interventions extérieures, tout en s’appuyant sur une industrie de défense performante, dont nous venons de rappeler combien le maintien est nécessaire. Je veux bien vous croire, mais combien de temps encore pourrez-vous conserver cet optimisme si nous poursuivons sur cette trajectoire, mortifère à long terme ?

Nous souhaitions vous faire part de ces réflexions inquiètes concernant le niveau contestable des réductions d’effectifs que comporte cet article 4.

L'article 4 est adopté.

La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l’année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la Représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l’occasion d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l’activité des forces et des capacités opérationnelles, de l’acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l’engagement des réformes au sein du ministère.

Ces actualisations devront également tenir compte de l’éventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l’effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l’objectif d’un budget de défense représentant 2 % du PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 48, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

La première actualisation sera l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense, dans l’objectif de le solder.

Dans le cadre de cette actualisation, il conviendra d’examiner en priorité certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cet amendement contient deux alinéas.

Pour le premier, je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, nous ne prétendons pas vous ordonner de solder immédiatement le report de charges. Nous ne nous opposerons pas à ce qu’il s’opère par des mécanismes de réductions successives, car nous pouvons parfaitement comprendre en quoi une réduction immédiate, certes souhaitable, paraît presque impossible.

Le deuxième alinéa tend à se substituer à un certain nombre d’amendements, de sorte que nous puissions réellement prendre en compte la problématique des avions Rafale. Vous savez que le nombre d’exemplaires à livrer a été minoré pour quelques années, du fait d’objectifs d’exportation qui, pour apparaître à portée, ne sont pas encore réalisés. Jacques Gautier indiquait en outre que, si la conclusion du contrat intervenait après une certaine date, elle ne correspondrait pas aux anticipations de livraison inscrites dans ce programme et différerait d’au moins un an le plan de livraison vers un pays acquéreur. Nous devons donc constater ici une légère divergence.

Nous souhaitons prendre des précautions minimales en ce qui concerne les avions Rafale, et nous entendons répondre ainsi au souci exprimé par la commission des finances, qui, par un amendement au rapport annexé, nous propose une issue excessivement favorable au ministère de la défense. Nous préférons celle que porte notre amendement.

Mes chers collègues, nous nous accordons deux ans de battement, durant les deux premières années d’exécution de la loi de programmation militaire, pour revoir, en tant que de besoin, notre position en étant au fait de la question. Notre priorité, entre toutes, s’attache bien aux capacités critiques, avec le ravitaillement en vol, les drones et la problématique de livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’exportation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elles seront l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense dans l’optique de le réduire ainsi que de procéder au réexamen en priorité de certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je suis tout à fait d’accord pour que les engagements de la loi de programmation militaire fassent l’objet d’une attention toute particulière à la fin de l’année 2015 et pour inscrire dans le corps même de la loi la clause d’actualisation, comme je l’ai déjà dit, …

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

… ce qui constitue une grande avancée.

J’ai également indiqué que le Gouvernement était d’accord pour que l’objectif de 2 % du PIB soit intégré dans le corps de la loi. C’est également une très grande avancée.

En revanche, la rédaction de l’amendement que vous présentez, monsieur le rapporteur, ne m’apparaît pas réaliste. Celle que je propose l’est un peu plus. Je vois mal en effet comment nous pourrions, dès la fin de 2015, solder le report de charges du ministère de la défense et, dans le même temps, réexaminer le ravitaillement en vol, les drones et la livraison de nouveaux avions Rafale. Cela revient à alourdir considérablement l’objectif, à la seule fin de se faire plaisir.

La rédaction que je propose prend en compte votre préoccupation, mais elle est plus mesurée, tout en nous permettant, à la fin de 2015, si d’aventure nous revenions à meilleure fortune, d’apprécier la part que nous consacrerions alors aux nouveaux projets et à la réduction du report de charges. Il sera impossible financièrement de le solder en 2015, tant les moyens à mobiliser seraient importants, plus encore si l’on fixe comme objectif conjoint d’augmenter le ravitaillement en vol et de régler un certain nombre de problèmes liés aux avions Rafale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous allons faire assaut d’amabilités : afin de tenir compte des arguments de M. le ministre, tout en respectant la rédaction de l’amendement qui a été adopté à l’unanimité par la commission, je suggère de faire évoluer le texte en ajoutant dans le premier alinéa les mots « afin de le réduire » avant les mots « dans l’objectif de le solder ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur le ministre, la suggestion de M. le rapporteur vous agrée-t-elle ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Cette suggestion n’efface pas ma préoccupation, dans la mesure où le deuxième alinéa ne change pas. Décidément, cette rédaction fait preuve d’un optimisme excessif, qu’il me paraît difficile de cautionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je rectifie l’amendement n° 48 dans le sens que j’ai déjà indiqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis donc saisi d’un amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

La première actualisation sera l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense, afin de le réduire dans l’objectif de le solder.

Dans le cadre de cette actualisation, il conviendra d’examiner en priorité certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export.

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, l’amendement n° 62 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.

L'article 4 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation

(Division et intitulé nouveaux)

Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense disposent des pouvoirs d’investigation les plus étendus sur pièces et sur place, pour suivre et contrôler de façon permanente l’emploi des crédits inscrits dans la loi de programmation militaire, ainsi que ceux inscrits en loi de finances concernant la mission Défense. Ces pouvoirs sont confiés à leur président ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent à toutes auditions qu’ils jugent utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la Défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l’économie et des finances. Ils sont astreints au secret-défense.

Tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l’administration, réserve faite du respect du secret de l’instruction et du secret médical, doivent leur être fournis. Le secret de la défense nationale ne peut leur être opposé.

Les personnes dont l’audition est jugée nécessaire par le président et le ou les rapporteurs de la commission, dans leur domaine d’attribution, ont l’obligation de s’y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues au premier alinéa.

Lorsque la communication des renseignements demandés en application du présent article ne peut être obtenue au terme d’un délai raisonnable, apprécié au regard de la difficulté de les réunir, les présidents des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense peuvent demander à la juridiction compétente, statuant en référé, de faire cesser cette entrave sous astreinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 49, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense disposent de pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place, aux fins d’information de ces commissions, pour suivre et contrôler de façon régulière l’application de la programmation militaire. Ces pouvoirs sont confiés à leur président ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent, à cette fin, aux auditions qu’ils jugent utiles et aux investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la Défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l’économie et des finances.

Dans le respect du secret de la défense nationale, le ministre de la défense leur transmet tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif utiles à l’exercice de leurs missions.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l'article 4 ter, introduit par un amendement en commission, afin de reconnaître aux commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat des pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place pour suivre et contrôler l'application de la programmation militaire.

La nouvelle rédaction tend, d'une part, à mieux tenir compte du respect du secret de la défense nationale et, d'autre part, à éviter que ces prérogatives n'interfèrent avec celles déjà reconnues aux commissions des finances des deux assemblées.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à accorder de nouveaux pouvoirs de contrôle aux commissions chargées de la défense pour suivre l’application de la loi de programmation militaire. Il s’agit de notre part d’un geste important, que chacun pourra apprécier.

Le Gouvernement est d’autant plus favorable à cet amendement qu’il modifie la rédaction de l’article 4 ter, qui n’était pas acceptable à nos yeux. Le fait d’attribuer de nouveaux pouvoirs à la commission aux fins d’information et ne plus prévoir l’inopposabilité du secret de la défense nationale nous permet de souscrire à cette avancée importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Au nom de toute la commission, je remercie très sincèrement le Gouvernement d’accéder à cette demande. Notre objectif est d’avoir une loi de programmation militaire vertueuse dans son exécution et d’éviter, je dis cela sans polémique aucune, certaines dérives qui furent préjudiciables aux lois antérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Une question me vient : si cet amendement est adopté, le règlement du Sénat devra-t-il être modifié ? Le cas échéant, il faudra penser à programmer cette modification du règlement des commissions quand le projet de loi aura été adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je comprends l’enthousiasme de l’ensemble des membres de la commission de la défense, mais on crée une véritable innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Jusqu’à présent, seules la commission des finances et une commission d’enquête, qui fait l’objet d’une procédure extrêmement solennelle et encadrée, avaient le droit d’enquêter sur pièces et sur place.

Je vous le dis, mes chers collègues, on ouvre là une porte. Les autres commissions demanderont aussi la possibilité d’enquêter sur pièces et sur place dans leur domaine de compétences.

Pour avoir une longue expérience de la vie de notre assemblée – vous êtes un ancien parlementaire chevronné, monsieur le ministre –, et même si je comprends l’intention qui vous anime, mes chers collègues, je suis extrêmement réservé sur cet amendement, car, je le répète, on ouvre une brèche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Peut-être est-ce très bien ! Mais méfiez-vous, d’autant qu’il s’agit de questions particulièrement sensibles. Nous allons d’ailleurs avoir l’occasion d’en reparler en abordant le renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne voterai pas contre cet amendement, mais je m’abstiendrai parce que je préférerais que l’on ait examiné toutes les conséquences de cette décision ô combien importante : on modifie des règles du Parlement qui existent depuis de très nombreuses années.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Nous mesurons l’effort accompli par M. le ministre, mais cette proposition va dans le sens d’une plus grande transparence, y compris sur des sujets délicats.

J’entends bien les propos de notre collègue Jean-Jacques Hyest, mais cela se passe ainsi dans un certain nombre de grandes démocraties, qui ne sont pas plus laxistes sur les questions relatives au renseignement. C’est pourquoi nous voterons l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je veux simplement poser une question à M. le rapporteur ou à M. le ministre : sait-on comment va réagir l'Assemblée nationale ? A-t-on déjà des indications ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

On ne travaille pas en fonction de l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Vous posez là, mon cher collègue, une vraie question. Certains semblent intéressés, d’autres se posent les mêmes questions que notre collègue Jean-Jacques Hyest.

Nous avons longuement réfléchi. Cela ne signifie pas pour autant que nous avons mesuré toutes les conséquences qu’emportera notre décision. Nous serions bien présomptueux de l’affirmer ; nous affirmons même le contraire.

Cependant, nous avons considéré la manière dont, à un moment donné, la commission de la culture…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Moi, je parle de la manière dont la commission de la culture a été dotée d’un tel pouvoir pour examiner le fonctionnement du musée d’Orsay.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Peut-être me dira-t-on que je me trompe, mais je suis de ceux qui pensent que, si d’aventure ce contrôle sur pièces et sur place s’avérait être une ingérence insupportable et inopérante eu égard au respect du secret-défense par exemple, nos deux assemblées pourraient parfaitement revenir en arrière. C’est dans cet état d’esprit que nous légiférons, en veillant bien sûr au respect des prérogatives des commissions des finances. Ce travail doit être réalisé en coordination avec elles et le ministère de la défense.

Monsieur Hyest, nous voulons avancer pour essayer d’obtenir non pas la certitude, mais la quasi-certitude que cette loi de programmation militaire sera appliquée à l’euro près, car nous en avons absolument besoin.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je le répète, le Gouvernement est conscient qu’il s’agit d’une avancée considérable, mais elle n’est acceptable que dans la nouvelle rédaction qui est proposée. La question de l’inconstitutionnalité se serait posée pour l’article 4 ter dans la version initiale de la commission.

Il s’agit là de donner aux commissions chargées de la défense des pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place, aux fins d’information uniquement pour contrôler de façon régulière l’application de loi de programmation militaire. Sont désormais exclus les documents liés au renseignement et au secret-défense.

Je le dis à l’intention de tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, c’est vraiment là une volonté d’agir en commun pour faire en sorte que la loi de programmation militaire soit respectée.

L'amendement est adopté.

Chaque semestre, le ministre de la Défense présente aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan détaillé de l’exécution de la loi de finances et de la présente loi de programmation militaire. –

Adopté.

À la première phrase de l’article L. 143-5 du code des juridictions financières, après les mots : « affaires sociales », sont insérés les mots : «, de la défense et des affaires étrangères ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 143-5 du code des juridictions financières est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après les mots : « affaires sociales », sont insérés les mots : «, de la défense et des forces armées et des affaires étrangères » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect des dispositions prévues aux III et IV de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le Gouvernement transmet à la délégation parlementaire au renseignement les communications de la Cour des comptes aux ministres portant sur les services de renseignement, ainsi que les réponses qui leur sont apportées. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous abordons les amendements ayant trait à la question du renseignement.

Avant de présenter l’amendement n° 8 rectifié bis, permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’évoquer très brièvement les informations dont nous avons eu connaissance aujourd'hui même.

Selon le journal Le Monde, la NSA, agence de renseignement américaine, aurait enregistré en moins d’un mois 70 millions de données téléphoniques provenant de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. J’espère qu’ils ont de bons traducteurs !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les articles parus – vous les avez certainement lus – montrent des facultés d’intrusion et de collecte de données considérables.

M. le Premier ministre s’est déclaré choqué ; M. le ministre des affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur des États-Unis en France et a annoncé qu’il aborderait cette question demain avec M. le secrétaire d’État américain ; M. le ministre de l’intérieur a déclaré que cela était totalement inacceptable, et je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous réagissiez dans le même sens, pas plus que je ne doute que M. le Président de la République soit préoccupé par cette situation et qu’il prendra sans doute, avec le Gouvernement, un certain nombre d’initiatives.

Cette question n’est pas du tout hors sujet, mes chers collègues. Alors même que nous examinons un texte visant à sécuriser la situation en France, à concilier les nécessités de lutter contre le terrorisme avec celles de respecter les libertés individuelles, il serait extrêmement dommageable de laisser prospérer, au niveau mondial, des systèmes qui bafouent ce que nous sommes en train de préparer, de construire, de vérifier dans notre pays. C’est pourquoi j’ai tenu à évoquer cette question. Je pense que vous nous confirmerez, monsieur le ministre, que le Gouvernement va agir et qu’il en tiendra informé le Parlement, tout particulièrement le Sénat. Comme l’a indiqué l’un de vos collègues précités, il apparaît nécessaire que des règles soient fixées au niveau international. À cet égard, l’Europe et la France doivent pouvoir jouer un rôle non négligeable.

Permettez-moi maintenant de dire à Mme Goulet que l’adoption de l’amendement précédent visant à introduire un élément important dans la loi n’oblige nullement notre assemblée à modifier son règlement.

J’en viens à l’amendement n° 8 rectifié bis.

Cet amendement vise à prévoir que la délégation parlementaire au renseignement pourra avoir connaissance des observations formulées par la Cour des comptes, ainsi que des réponses qui leur sont apportées par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable.

Permettez-moi de répondre à l’interpellation de M. Sueur.

Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, devant s’exprimer cet après-midi sur la question grave évoquée, je me contenterai d’un propos court : tout cela n’est ni convenable ni acceptable. Le ministre des affaires étrangères en parlera plus longuement, car cela relève de sa responsabilité, mais, comme je suis indirectement concerné, je tenais à vous donner mon point de vue, qui rejoint tout à fait les propos de M. Sueur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, l'article 4 quinquies est ainsi rédigé.

Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d’orientation budgétaire, un rapport sur l’exécution de la présente loi de programmation. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat au Parlement.

Ce rapport décrit la stratégie d’acquisition des équipements de défense du Gouvernement. Cette stratégie définit les grandes orientations en matière de systèmes d’armes et précise les technologies recherchées.

Ce rapport décrit également la mise en œuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux, instaurés pour l’accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense. –

Adopté.

Chapitre II

Dispositions relatives au renseignement

(Non modifié)

L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du I, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :

« Elle exerce le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique en ce domaine. Elle est informée de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d’orientation du renseignement. Un rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement et le rapport annuel d’activité de la communauté française du renseignement lui sont présentés. » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Après le mot : « défense », la fin de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « et de la sécurité nationale ainsi que le coordonnateur national du renseignement et le directeur de l’académie du renseignement. » ;

b) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La délégation peut entendre, avec l’accord préalable des ministres sous l’autorité desquels ils sont placés, les autres directeurs d’administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement. » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Elle peut inviter les présidents de la commission consultative du secret de la défense nationale et de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité à lui présenter les rapports d’activité de ces commissions. » ;

3° La première phrase du second alinéa du VI est complétée par les mots : «, ainsi qu’aux ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget, chacun pour ce qui concerne les services spécialisés de renseignement placés respectivement sous leur autorité » ;

4° Il est ajouté un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – La délégation parlementaire au renseignement exerce les attributions de la commission de vérification prévue à l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 1, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

La stratégie nationale du renseignement lui est transmise. Elle prend connaissance du plan national d’orientation du renseignement.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement vise à prévoir que la délégation parlementaire au renseignement dispose du document intitulé « stratégie nationale du renseignement », un document ayant, je le rappelle, vocation à être public.

Par ailleurs, nous proposons que cette délégation puisse prendre connaissance – les mots ont été soigneusement pesés ! – du plan national d’orientation du renseignement, un document très important nécessaire pour suivre les actions menées dans le domaine du renseignement et, surtout, la stratégie, en termes de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La commission a émis un avis favorable. En effet, comment contrôler si l’on ne connaît pas la stratégie ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 2, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est destinataire des informations utiles à l’accomplissement de sa mission.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le présent amendement est tout à fait clair : il s'agit de ne pas restreindre les possibilités pour la délégation parlementaire au renseignement d’obtenir un certain nombre d’informations qui peuvent lui être utiles pour assumer sa tâche.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Cette disposition de principe ne permettra pas de contourner les dispositions qui encadrent l’accès de la délégation à l’information détenue par les ministres ayant autorité sur les services de renseignement. Cela a été très clair dans les entretiens que nous avons eus avec les membres de la commission à ce sujet. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Tout est dans le terme « utiles ». Mais qui détermine l’utilité de ces informations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Comme le prévoit le projet de loi de programmation, l’extension du rôle de la délégation parlementaire au renseignement est la contrepartie de l’accès aux fichiers de police, aux banques de données des compagnies aériennes et à beaucoup d’autres choses encore.

Aussi faut-il clarifier le mot « utiles ». C’est la délégation parlementaire du renseignement qui doit déterminer ce qui est utile !

M. le ministre approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Si nous comprenons très bien le souhait de la commission des lois de donner à la délégation parlementaire au renseignement les moyens d’agir, nous sommes nombreux à penser qu’il faut préserver à tout prix les hommes et les femmes du renseignement, qui risquent leur vie tous les jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Parce que leur travail doit être protégé, nous sommes plutôt réservés vis-à-vis de la plupart des amendements présentés par M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, et même nous y sommes plutôt opposés.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Monsieur Gautier, je comprends votre préoccupation, mais, en ce qui concerne l’amendement n° 2, le risque que vous signalez n’existe pas.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Monsieur Chevènement, j’ai souligné, il y a quelques instants, que la mesure proposée ne remettait pas en cause les dispositions de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relatives à l’autorité des ministres.

Aussi, je crois vraiment que cet amendement ne pose aucun problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour que l’intention de notre commission soit tout à fait claire, je tiens à dire sans ambiguïté que, dans notre esprit, l’interprétation qui doit être faite de la disposition proposée est strictement celle que M. le ministre vient d’énoncer.

De manière générale, aucun de nos amendements ne doit être compris comme susceptible de mettre en cause, dans quelque cas que ce soit, l’anonymat des agents des services de renseignement, c’est-à-dire le respect de leur identité.

La délégation parlementaire au renseignement, que je préside actuellement, a déjà pris des initiatives à cet égard lorsqu’elle a constaté que cet anonymat n’était pas respecté dans telle ou telle publication – je parle sous le contrôle de plusieurs de nos collègues.

Mes chers collègues, nous sommes très attachés à ce principe, et nous soutiendrons sans réserve un amendement présenté par M. le rapporteur pour le faire figurer noir sur blanc dans le projet de loi de programmation militaire ; je sais que M. Carrère s’est personnellement occupé de cette question, avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur Gautier, je comprends vos craintes, mais vous pouvez être rassuré : les membres de la délégation parlementaire au renseignement sont soumis au secret-défense et ne peuvent en aucun cas divulguer quelque information que ce soit, en particulier des noms de personnes. Il n’y a donc pas de risque majeur à cet égard, sauf à ce que les règles soient enfreintes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Gautier semble vouloir inspirer à tous les sénateurs un sentiment de culpabilité.

Assurément, s’agissant de fichiers très confidentiels, il faut préserver l’anonymat des agents des services. Reste que ce qui est en jeu, c’est la liberté des citoyens ! Cette liberté vaut bien qu’on donne à la délégation parlementaire au renseignement la possibilité d’obtenir communication d’un certain nombre de documents utiles, qui lui permettent de vérifier, par exemple, qu’il n’y a pas divulgation de données personnelles de tout un chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Évitons toute surenchère déplacée et faisons confiance à la délégation parlementaire pour trouver le meilleur équilibre. En tout cas, celle-ci doit pouvoir obtenir communication de toute information qu’elle juge utile à l’accomplissement de sa mission républicaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Chevènement, votre intervention risque de créer un trouble, car elle ne se rapporte pas au problème dont nous parlons.

Les interceptions de sécurité et les questions de cet ordre, nous en débattrons tout à l’heure. À cet instant, il s’agit de savoir jusqu’où la délégation parlementaire au renseignement, qui est bien sûr soumise au secret de la défense nationale, doit être informée des activités des services de renseignement, notamment à l’extérieur du territoire. À cet égard, il faut faire preuve d’une certaine prudence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mes chers collègues, je vous rappelle que, lorsque la délégation parlementaire au renseignement a été créée, à l’issue d’un long cheminement, on a été extrêmement prudent, avec le souci d’éviter que des agents puissent être mis en cause. Telle est, monsieur Chevènement, la question qui se pose !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Mon cher collègue, ce n’est pas moi qui ai soulevé le problème de l’anonymat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sans doute, mon cher collègue, mais le problème que vous avez abordé, celui des libertés publiques, c’est tout à l’heure qu’il sera examiné. Pour le moment, il s’agit de savoir jusqu’à quel point la délégation parlementaire doit être informée.

Dans certains pays, notamment aux États-Unis, le Parlement exerce sur le renseignement un contrôle extrêmement étroit, encore que, vu le nombre d’agences de renseignement, je ne sais pas comment les parlementaires américains s’en sortent.

Dans ce domaine, j’invite tout le monde à la prudence ; je crois, monsieur le ministre, que c’est aussi votre état d’esprit.

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’amendement de M. Sueur aura beau être adopté, on donnera à la délégation parlementaire les informations qu’on estimera devoir lui donner, avec le souci d’éviter toute mise en cause des services de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il me semble que, si la délégation parlementaire au renseignement est de création récente, la politique du secret-défense est bien établie dans notre pays. Du reste, je vous fais observer qu’aucune femme ne siège dans cet organe, et qu’il faudrait remédier à cette situation lors du prochain renouvellement sénatorial !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Peut-être, mais elle n’est pas sénatrice !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Elle n’est pas encore sénatrice !

Nouveaux sourires.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 43, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° À la seconde phrase du I, le mot : « quatre » est remplacé deux fois par le mot : « cinq » ;

…° À la première phrase du premier alinéa du II, après les mots : « de défense » sont insérés les mots : « et des finances » ;

La parole est à M. Philippe Marini.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L’article 6 du projet de loi de programmation militaire prévoit de faire de la commission de vérification des fonds spéciaux, qui a accompli ces dernières années un travail excellent, une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Ainsi, cette délégation serait chargée d’examiner les dépenses faites sur les fonds spéciaux et de s'assurer que les crédits ont été utilisés conformément à la destination prévue par la loi de finances.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez vous-même souligné, ce matin, que cette délégation verrait ses pouvoirs renforcés en matière de contrôle de la dépense publique dans le domaine du renseignement.

Dans ces conditions, il me semble opportun de prévoir que la commission des finances participera aux travaux de la délégation parlementaire au renseignement, au lieu d’être seulement destinataire du rapport de celle-ci ; telle est la demande de la commission des finances. Cette participation me semble d’autant plus justifiée que l’assistance de la Cour des comptes, théoriquement assurée jusqu’ici par la participation de celle-ci aux travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux, n’est plus prévue dans le nouveau dispositif.

J’ai relevé que les présidents des autres commissions permanentes concernées sont membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement. Mes chers collègues, j’espère que vous ne m’en voudrez pas de proposer que la présence des présidents des commissions des finances soit également prévue, par souci de symétrie.

Pour lire chaque année très attentivement le rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux – c’est même l’un des rares rapports administratifs que je lise de manière à peu près exhaustive, après quoi, bien entendu, il va au coffre – et pour avoir observé un réel progrès de la connaissance au fur et à mesure des années, sans que les règles du secret et de l’efficacité aient été enfreintes, je puis vous indiquer que le bon déroulement des opérations nécessite, dans certains cas, des immeubles et des biens, ainsi que des modes de rémunération échappant, comme il est tout à fait normal, aux contraintes administratives et aux règles habituelles du secteur public.

Or il peut arriver que ces biens doivent être évalués et vendus et que l’on s’efforce de bénéficier de ces éléments de nature à permettre le financement des opérations de renseignement et des opérations de terrain. De même, il peut se produire qu’il y ait des arbitrages patrimoniaux à opérer et que l’on s’interroge sur l’utilité de tel ou tel logement, parce que toute situation évolue.

Aussi, il me semble qu’une appréciation financière de ce type de questions, notamment en matière patrimoniale, ne serait pas de trop. De là cet amendement, que je défends au nom de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur Marini, j’avais cru comprendre que vous présentiez cet amendement à titre personnel et pas au nom de la commission des finances ; si vous m’assurez que vous le défendez au nom de la commission des finances, je révise ma position…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur Marini, souhaitez-vous éclairer M. le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il est exact que M. le rapporteur pour avis de la commission des finances n’a pas souhaité présenter cet amendement, non plus que l’amendement n° 44. Toutefois, j’ai exposé ce problème devant la commission des finances, et j’ai le sentiment de ne pas trahir la position de ses membres ; au reste, je crois défendre son point de vue institutionnel. Pour le reste, deux rapporteurs pour avis siègent au banc de la commission, et ils peuvent également s’exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il s’agissait seulement de clarifier la situation : que cet amendement émane de M. Marini ou de la commission des finances n’en change pas la nature, mais, pour nous, ce n’est pas tout à fait pareil.

L’amendement vise à prévoir que les présidents des commissions des finances des deux assemblées seront membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement, que j’ai eu le plaisir, à la suite de Josselin de Rohan, de présider en tant que président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, et qui est aujourd’hui présidée par M. le président de la commission des lois.

Mes chers collègues, vous devez savoir que cette délégation est composée de huit membres, dont une répartition politique harmonieuse doit être garantie. À ce propos, monsieur Marini, il faudrait que vous assuriez une présence un peu plus assidue de votre représentant !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Parlez-vous du représentant de la commission des finances ou du représentant de l’UMP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je parle du représentant de la formation politique à laquelle vous appartenez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je puis très bien prononcer son nom moi-même : ce n’est pas un mot grossier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

J’y compte d’ailleurs quelques amis…

Monsieur Marini, pour observer le fonctionnement de cette délégation depuis plus de deux ans, je crois que, tout fétichisme mis à part, le chiffre de huit est très harmonieux. Cette composition a permis l’instauration d’un véritable climat de confiance entre les quatre représentants de l’Assemblée nationale et les quatre représentants du Sénat.

Or il me semble que, compte tenu de la dimension du secret-défense et du climat de confiance qui s’est déjà établi entre les directeurs de services et la délégation, augmenter de deux le nombre des membres pourrait peut-être poser certains problèmes – notez que je ne suis pas affirmatif.

Du reste, il s’agit d’une question récurrente ; elle a déjà été posée en 2007, dans les mêmes termes, et le gouvernement que M. Marini soutenait a conclu à la non-présence des présidents des commissions des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je le sais, mon cher collègue, c’est pourquoi je ne me sers pas de cet argument contre votre proposition.

Votre groupe pourrait décider de toujours désigner, pour siéger au sein de la délégation parlementaire au renseignement, un membre de la commission des finances ; je vous signale que cette possibilité existe, mais la décision vous appartient.

Dès lors que votre légitime aspiration peut être satisfaite par ce moyen, je ne vois pas au nom de quoi les présidents des commissions des finances devraient être nommés membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement, en plus des présidents des commissions des lois et de la défense, même si je comprends l’intérêt que vous portez aux travaux de la délégation, justifié par l’intégration au sein de celle-ci de la commission de vérification des fonds spéciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Les membres de cette commission, dont je fais partie, font excessivement attention au travail qui leur est confié.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je serais tout à fait prêt, monsieur Carrère, à accepter une rectification de l’amendement visant à substituer un membre de la commission des finances au président de cette dernière, si c’est cela qui vous gêne.

Je crois que nous assurerions une représentation adéquate en renvoyant à la commission elle-même le choix de son représentant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il est important que nous nous comprenions bien, monsieur Marini. Je ne veux surtout pas que vous interprétiez mal ce que je suis en train de vous dire.

C’est sur le quota de l’UMP que vous pourriez choisir un membre de la commission des finances. D’ailleurs, si vous voulez mon point de vue, je considère qu’une telle mesure serait fondée. Toutefois, on ne peut pas l’inscrire dans le texte de ce projet de loi, parce que, de cette manière, la représentation de votre groupe pourrait être majorée artificiellement. La règle actuelle vous permet d’avoir, au sein de la DPR, un membre de l’UMP appartenant à la commission des finances. C’est donc à vous d’agir en ce sens.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 50, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

aa) La seconde phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf opposition motivée du Premier ministre, ces informations et ces éléments d’appréciation peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ces informations et éléments d’appréciation ne peuvent porter sur les opérations en cours, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

À ce moment du débat, je voudrais ajouter, en m’adressant plus particulièrement à M. Hyest, qu’en tant que membre débutant de la délégation parlementaire au renseignement, sous un gouvernement précédent, que nous connaissons bien les uns et les autres, j’ai eu la sensation que le Président de la République, c'est-à-dire le haut de l’exécutif, était en prise directe avec l’opinion sur ces questions de renseignement. Par ailleurs, les services courent le risque d’une demande sans cesse renouvelée de judiciarisation.

Ces deux réalités, la judiciarisation, avec ses aléas susceptibles de paralyser l’action des services, et un Président de la République en prise directe avec l’opinion, m’ont incliné à penser que, s’il fallait confier au renseignement des prérogatives et des pouvoirs nouveaux, afin de lutter encore plus utilement contre le terrorisme et les fléaux qui nous menacent, il convenait, proportionnellement mais non pas mathématiquement, de trouver des modalités de contrôle parlementaire à la hauteur des enjeux, notamment au regard de l’opinion.

Bien évidemment, nous avons veillé avec soin à trouver un système démocratique parfaitement adapté à la situation de notre pays. Nous nous sommes ainsi posé la question de savoir si le fait d’avoir instauré entre nous, par livre blanc et groupe de travail n° 4 interposés, un climat de confiance et d’harmonie rendait possible la création de ce nouvel échelon de contrôle parlementaire.

Force a été de le constater au cours des débats, auxquels ont participé les chefs des services, les responsables des grandes administrations – je pense à M. Jean-Claude Mallet – et des ministères, ainsi qu’un certain nombre de personnalités, telles que le SGDSN, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, le président de la commission du Livre blanc, le coordonnateur du renseignement, nous ne pouvions pas continuer en laissant le haut de l’exécutif en quelque sorte en apesanteur.

Il fallait introduire une notion de contrôle, en veillant avec soin à ce que celui-ci ne se transforme pas en voyeurisme intrusif, dérangeant l’action des services alors que l’objectif était au contraire de préserver ces derniers par la possibilité de rendre compte, dans le cadre du secret défense.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons œuvré en ce sens. Aucune autre raison n’a guidé notre volonté d’accroître ce contrôle.

Le Gouvernement me demande de modifier cet amendement, en en retranchant l’adjectif « motivée ». Mes chers collègues, je vous consulte du regard, vous proposant de suivre le Gouvernement sur ce point. Il me semble en effet que nous avons commis un léger excès en prévoyant une « opposition motivée du Premier ministre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le sous-amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Supprimer le mot :

motivée

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises ce matin et cet après-midi, le Gouvernement est favorable à un accroissement des prérogatives de la DPR, afin qu’un véritable contrôle démocratique de l’activité des services de renseignement puisse se développer et, ainsi, légitimer une activité indispensable à la défense de nos intérêts fondamentaux.

À ce titre, j’ai indiqué que nous étions disposés à revenir sur l’interdiction complète d’accès aux informations portant sur les activités opérationnelles qui figurent dans le texte actuel de l’ordonnance régissant les compétences de la DPR.

Cela étant, nous avons estimé, et je remercie M. Carrère d’accepter que son texte soit sous-amendé en ce sens, qu’en raison de la séparation des pouvoirs, telle qu’elle a été interprétée par le Conseil constitutionnel, et pour la sécurité de nos agents, il était indispensable qu’aucune information sur les opérations en cours ou sur les relations avec les services étrangers ne soit communiquée. Tout cela doit impérativement être protégé.

Pour le reste, le Gouvernement n’est pas favorable à ce que pèse sur le Premier ministre une obligation de justification des raisons qui le conduiraient à s’opposer à des transmissions d’informations opérationnelles, et non pas, je le précise de nouveau, sur des opérations en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 3, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

aa) A la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités » sont remplacés par les mots : « opérations en cours » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les dispositions de cet amendement constituent évidemment une solution de substitution à l’amendement n° 50 présenté par M. Carrère.

La position de notre commission est la suivante. Le Conseil constitutionnel s’est exprimé avec beaucoup de clarté lors de l’examen de la loi de finances pour 2002. Il a clairement exclu des informations transmises à la DPR celles qui sont relatives aux opérations en cours. Nous proposons de nous caler sur cette position très claire.

La règle, c’est que la délégation parlementaire au renseignement n’a vocation ni à intervenir ni à contrôler ni à demander des explications pendant que les opérations ont lieu. Il serait en effet tout à fait étrange de vouloir contrôler au fur et à mesure du déroulement des opérations.

En revanche, il va de soi que les opérations achevées peuvent donner lieu à toute investigation, demande de contrôle, d’information ou d’explication aux directeurs des services.

À notre sens, il est plus simple et plus logique d’affirmer que la DPR ne peut pas traiter les affaires en cours. Il s’ensuit que cette délégation peut traiter les opérations achevées, et nous ne pensons pas que cela doive être subordonné à une décision du Premier ministre.

Si tel ou tel directeur de service croit ne pas devoir donner une information, il a toujours la possibilité de le faire. Il peut avoir des raisons d’agir ainsi, et le Gouvernement peut tout à fait lui avoir donné des instructions en ce sens. Néanmoins, nous pensons pour notre part qu’il est plus clair que la loi pose la restriction voulue par le Conseil constitutionnel, en affirmant que tout le reste peut donner lieu à nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 63 et l’amendement n° 3 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La commission est favorable au sous-amendement n° 63 du Gouvernement.

Sur l’amendement n° 3, je n’ai pas d’avis ! En effet, si l’amendement n° 50 de la commission, une fois sous-amendé, est adopté, il deviendra sans objet.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 50, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 63. Il est défavorable à l'amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

L’adjectif « motivée » venait d’une discussion, une sorte de brainstorming mené au sein de la commission des affaires étrangères. La suggestion, je le confesse, venait de moi ; elle a été reprise par M. Carrère.

Ceux qui me connaissent savent que je suis très attaché aux prérogatives de l’État régalien. Il se trouve que l’on a créé, à tort ou à raison, une délégation parlementaire au renseignement. Il faut maintenant lui octroyer quelques prérogatives ! Que le Premier ministre motive son opposition à la transmission d’informations ne signifie pas qu’il doive entrer dans les détails. Il peut refuser, en arguant que cela mettrait en jeu la vie de certaines personnes. Face à un tel motif, nous ne pourrions que nous incliner.

Toutefois, si l’on décide de n’accorder aucune prérogative à cette délégation, peut-être vaudrait-il mieux la supprimer ! Du reste, on s’en est passé pendant très longtemps. Néanmoins, comme les moyens d’investigation ne cessent de croître, on se croit obligé de créer une structure.

Par conséquent, je m’abstiendrai, ma réflexion étant en quelque sorte suspendue.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

ba) A la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « seuls les directeurs en fonction de ces services peuvent être entendus » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services, sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si le présent amendement était adopté, la délégation pourrait entendre non seulement les directeurs des services, mais aussi, avec l'accord de ces derniers, les agents en fonction.

Toutefois, nous avons été extrêmement sensibles aux différentes discussions que nous avons eues et à la nécessité de ne pas placer les agents ou les directeurs de services dans une situation qui serait à bien des égards fausse ou difficile. C’est la raison pour laquelle je me suis permis de donner mon accord à une rectification proposée par la commission des affaires étrangères prévoyant que l’on puisse entendre les agents des services avec l’accord et en présence de leurs directeurs.

Il m’a semblé qu’une telle mesure, parfaitement cohérente, ne trahissait pas l’esprit des délibérations menées par la commission des lois. De plus, le droit rejoindrait ainsi le fait, puisqu’il est arrivé que des directeurs viennent devant la délégation parlementaire au renseignement accompagnés d’agents ayant des connaissances ou des compétences techniques particulières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le sous-amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services, sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné

par les mots :

la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services, qui peuvent se faire accompagner des collaborateurs de leur choix

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement et M. Sueur ont ici une divergence d’appréciation. Je suis extrêmement réservé quant à la possibilité d’auditionner directement les agents des services, parce que, compte tenu de leur métier très spécifique, j’estime qu’il est de notre responsabilité de leur assurer une protection qui est quasi inhérente à leur statut.

Dans son amendement, la commission des lois propose que la délégation puisse entendre « les autres agents de ces services, sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné ». Pour sa part, le Gouvernement préfère s’en tenir à la possibilité pour les directeurs en fonction de ces services de se faire accompagner par les collaborateurs de leur choix. Cette faculté leur serait offerte sans qu’elle s’impose à eux, ce qui est tout à fait différent. C’est là une position de fond, à laquelle je me tiens.

Comme l’a rappelé tout à l’heure Jean-Pierre Chevènement, le Gouvernement, au travers de ce projet de loi de programmation militaire, a élargi assez sensiblement le rôle de la commission. Il n’en demeure pas moins que, sur un certain nombre de sujets, je ne transigerai pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Au risque que l’on finisse par croire que nous avons des désaccords de fond, alors que nous sommes d’accord sur pratiquement tout, je ne partage pas du tout l’analyse de M. le ministre ! C’est la commission des affaires étrangères et de la défense qui a demandé à Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois et rapporteur, de rectifier son amendement, sur lequel elle a ensuite émis un avis unanimement favorable.

Cet amendement rectifié est rédigé comme suit : « La délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services – écoutez bien, mes chers collègues – sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné. » Cela veut bien dire que, si les directeurs en question ne souhaitent pas qu’une personne de leurs services soit entendue, eh bien elle n’est pas entendue et elle ne sera entendue qu’en présence du directeur concerné !

Cette personne est donc protégée. À la limite, nous serions peut-être même dans l’incapacité de faire ce que nous aurions dû faire dans le cadre d’une affaire récente, qui aurait pu nous éclairer par rapport à ce qui avait été indiqué localement par les membres de la SDIG, la sous-direction de l'information générale.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5 rectifié, sous réserve de l’adoption de l'amendement n° 60.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Nous nous sommes abstenus en commission, y compris sur l’amendement dans sa version rectifiée à la demande de la commission, sur lequel nous sommes très réservés. Nous pensons en effet que son adoption pourrait mettre les directeurs de ces services en porte-à-faux. C’est la raison pour laquelle nous voterons le sous-amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Peut-être n’entend-on jamais certaines personnes, en raison des rôles qu’elles tiennent et des missions qu’elles assurent. Au moment de voter, pensons aux agents de base et prenons garde que notre demande légitime de transparence ne les mette en difficulté. Au nom tout simplement de la sécurité de ces fonctionnaires, veillons à mettre en place une procédure équilibrée.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

, avec l’accord préalable des ministres sous l’autorité desquels ils sont placés,

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’article 6 nonies de l’ordonnance de 1958 prévoit que la délégation parlementaire au renseignement peut entendre les directeurs des services de renseignement, sans qu’il soit précisé que ces auditions ont lieu avec l’accord de leur ministre.

Le présent projet de loi de programmation prévoit, et c’est une bonne chose, que nous puissions également entendre les directeurs d’administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement. Par cohérence, ces fonctionnaires doivent eux aussi pouvoir être entendus sans l’accord de leur ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Comme elle l’indique d’ailleurs dans ses rapports publics, la délégation parlementaire au renseignement a déjà procédé, par le passé, afin de compléter son information, à l’audition de directeurs d’administration autres que les directeurs des six services de renseignement, par exemple le directeur général de la police nationale.

Le projet de loi de programmation permet donc d’entériner une pratique désormais bien établie au sein de la délégation parlementaire au renseignement, et il n’est pas nécessaire de préciser que ces auditions nécessitent un accord préalable du ministre sous l’autorité desquels ces directeurs sont placés.

Mes chers collègues, il ne faudrait pas mettre à mal tout ce dont il a été question tout à l’heure, c'est-à-dire l’accroissement des prérogatives des services, la lutte contre une judiciarisation excessive et un meilleur contrôle du Parlement. En effet, c’est à l’opinion publique qu’il faudra rendre des comptes, c’est à elle qu’il faudra démontrer la réalité du contrôle parlementaire sur les services de renseignement, c’est devant elle qu’il faudra prouver que ces services ne sont pas en apesanteur totale, sans autre lien que celui qui les relie directement au haut de l’exécutif, comme ce fut le cas lors d’affaires récentes, ce qui avait contribué d’ailleurs à affaiblir le haut de l’exécutif.

C’est pourquoi je tiens absolument à ce que cette précision soit apportée, et il ne faut y voir aucune vilenie à l’encontre des ministres de tutelle.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle prend connaissance, sous réserve, le cas échéant, de l'anonymisation des agents, des rapports de l’inspection des services de renseignement, ainsi que des rapports des services d’inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il s’agit certes d’un amendement de la commission des lois, mais, à vrai dire, la commission des affaires étrangères et de la défense y a apporté une contribution importante.

Dès lors qu’est créée une inspection des services de renseignement, monsieur le ministre, la commission des lois considère qu’il serait logique que la délégation parlementaire au renseignement puisse prendre connaissance des rapports de cette inspection, ainsi que des rapports des services d’inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.

Toutefois, la commission des affaires étrangères et de la défense nous a fait observer, fort judicieusement, qu’il était très important de préserver l’anonymisation des agents. C’est pourquoi j’ai rectifié mon amendement initial – et je pense, là encore, monsieur Hyest, ne pas trahir la commission des lois –, de telle sorte que soit respectée cette anonymisation. C’est ainsi que, en raison de cet impératif, des rapports ou des parties de rapports pourront ne pas être transmis ou bien des noms pourront être biffés.

Je le répète, nous devons impérativement respecter les conditions de travail, difficiles et exigeantes, des agents de ces services.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Sous réserve de l’anonymisation des agents, nous sommes tout à fait favorables à la proposition de la commission des lois. Nous avons forgé notre opinion à la suite de ce que nous avons vécu récemment ; elle est ni plus ni moins le fruit de l’expérience que nous avons acquise au sein de la délégation parlementaire au renseignement.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Autant j’étais favorable à l’amendement n° 8 rectifié bis de la commission des lois, dont les auteurs demandaient, légitimement, que le Gouvernement transmette à la délégation parlementaire au renseignement les communications de la Cour des comptes aux ministres portant sur les services de renseignement – en effet, aux termes du nouvel article 47-2 de la Constitution, « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement » –, autant, au nom de la séparation des pouvoirs, j’estime qu’il n’est pas souhaitable que les rapports de ces services d’inspection, qui sont placés sous la responsabilité du ministre, donc de l’exécutif, soient transmis automatiquement à la DPR. Le Gouvernement appréciera, en fonction des demandes, s’il peut ou non les transmettre.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 20 rectifié ter, présenté par MM. Gorce, Leconte, Patriat, Mohamed Soilihi et J.C. Leroy, Mme Alquier et MM. Sutour et Anziani, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La délégation procède, le cas échéant, aux vérifications lui permettant de s’assurer que les traitements automatisés de données personnelles mis en œuvre par les services spécialisés de renseignement le sont conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés » ;

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Si les traitements automatisés mis en œuvre par les services spécialisés de renseignement relèvent de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et, à ce titre, doivent être autorisés par un décret soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, en revanche, il n’existe aujourd’hui aucun moyen de s’assurer du respect par ces mêmes services des dispositions légales auxquelles ils sont soumis, notamment en matière de création de fichiers.

À la suite des premières révélations de l’affaire PRISM, le journal Le Monde s’est à son tour inquiété de l’existence possible d’un programme de surveillance de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, qui examinerait, chaque jour, le flux du trafic Internet entre la France et l’étranger en dehors de tout cadre légal.

Le Monde précisait que les sept autres services de renseignement, dont la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur, les douanes ou Tracfin, l’organisme de Bercy chargé de lutter contre le blanchiment d’argent, y auraient accès « en toute discrétion, en marge de la légalité et hors de tout contrôle sérieux ».

Cette information, malgré sa gravité, n’a cependant pu être vérifiée. La CNIL a dû se déclarer incompétente, et la délégation parlementaire au renseignement, créée le 9 octobre 2007, n’a eu d’autre choix que de s’en remettre aux déclarations des hauts fonctionnaires chargés du dossier, sans pouvoir procéder par elle-même à aucun contrôle.

Cet amendement vise donc à permettre à la délégation parlementaire au renseignement de s’assurer que les traitements automatisés des données personnelles mis en œuvre par les services spécialisés de renseignement le sont conformément à la loi du 6 janvier 1978 et de procéder aux vérifications nécessaires.

S’il ne saurait être question de mettre en doute la loyauté et l’attachement aux lois de la République des fonctionnaires chargés de ces questions, qui font un travail essentiel et risqué, il est indispensable, dans une démocratie, qu’existent des dispositifs permettant de s’en assurer en cas de doute. À défaut, des aberrations du type de celles qu’a révélées l’affaire PRISM pourraient survenir dans notre pays sans que nous puissions ni les prévenir, ni les arrêter, ni même savoir qu’elles ont lieu.

Après les révélations du Monde daté du 22 octobre, qui ont suscité dans cet hémicycle une indignation générale, il importe que la France mette en place des procédures de contrôle lui permettant d’éviter d’encourir les mêmes reproches.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. C’était un peu ma crainte : dès qu’on ouvre tant soit peu les services de renseignement, tout le monde a envie d’y mettre les doigts. C’est comme avec une tablette de chocolat au lait et aux noisettes !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mes chers collègues, je ne vise personne en particulier : c’est une forme de gourmandise ! Il n’en demeure pas moins que si vous connaissiez le tréfonds du travail de la délégation, et je parle sous le contrôle de certains de ses membres, vous seriez plus circonspect.

Cet amendement, présenté par plusieurs de nos collègues socialistes, vise à confier à la délégation parlementaire au renseignement la mission de contrôler les fichiers des services de renseignement, à l’image de ceux de la DGSE ou de la DCRI, pour s’assurer qu’ils sont utilisés conformément aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978.

On peut naturellement comprendre les préoccupations des auteurs de cet amendement, et je partage leur souci. Les révélations de l’ex-consultant de la NSA, la National Security Agency, Edward Snowden, sur l’existence d’un vaste programme d’espionnage informatique, PRISM, mis en place aux États-Unis, puis un article paru en juillet dernier dans le journal Le Monde laissant entendre que la France disposerait d’un système d’écoutes illégal et clandestin comparable au système américain, ont suscité dans l’opinion publique un certain émoi – certes pas bien important, mais réel !

Sur l’initiative de son président Jean-Pierre Sueur, la délégation parlementaire au renseignement a d’ailleurs entendu, le 18 juillet dernier, le coordonnateur national du renseignement et le directeur général de la sécurité extérieure, afin d’obtenir des explications sur les allégations, publiées dans la presse, selon lesquelles « la DGSE collecte et stocke l’ensemble des communications électromagnétiques, en dehors de tout contrôle ».

Comme le souligne le communiqué de presse publié à l’issue de cette audition, les interceptions des flux de données, en France, sont réalisées dans le cadre de la loi de 1991 relative aux interceptions de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Dès lors, si celles-ci concernent des résidents français, elles sont obligatoirement soumises à l’autorisation préalable de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS.

Le directeur général de la sécurité extérieure et le coordonnateur national du renseignement ont assuré que l’allégation selon laquelle « la totalité de nos communications sont espionnées et stockées pendant des années » n’est pas fondée.

En tout état de cause, la délégation parlementaire au renseignement n’a – et ce propos n’est pas blessant pour mon ami M. Sueur, président de la commission des lois – ni la compétence ni les moyens matériels pour contrôler l’utilisation des fichiers par les services de renseignement.

Les fichiers dits « de souveraineté » mis en œuvre par les services de renseignement relèvent, en effet, du contrôle de la CNIL, même si ce contrôle n’est pas aussi étendu que celui qui s’exerce sur les fichiers de droit commun.

Par ailleurs, la délégation parlementaire au renseignement n’est pas armée pour contrôler efficacement de tels fichiers, ni pour procéder à des vérifications qui requièrent une expertise et une expérience particulières.

Mes chers collègues, cela ne préjuge pas de l’avenir. Peut-être que, un jour, dans un monde nouveau, meilleur et surtout mieux doté économiquement, notre pays étant revenu à une meilleure fortune, la délégation au renseignement aura des capacités d’investigation d’une autre nature, et des compétences en proportion.

En attendant, je demanderai à nos collègues de bien vouloir retirer leur amendement, faute de quoi je serais contraint d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement a le même avis que la commission, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je remercie M. le président de la commission des affaires étrangères et de la défense de sa réponse détaillée.

Je constate que, depuis le début de la discussion de cet article, un certain nombre de prérogatives nouvelles ont été accordées à la délégation parlementaire au renseignement. Certes, on n’a pas encore le chocolat aux noisettes, mais on a déjà le chocolat, et on verra ce qu’il sera possible de faire plus tard, dans un monde meilleur ! §

Je reste convaincu que, à l’avenir, compte tenu de l’ambiance générale, nous devrons aller vers encore plus de transparence. Toutefois, en attendant, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 20 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l'article 5, modifié.

L'article 5 est adopté.

(Non modifié)

L’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi rédigé :

« II. – La commission de vérification, qui constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement, est composée de deux députés, membres de la délégation, désignés par le Président de l’Assemblée nationale et de deux sénateurs, membres de la délégation, désignés par le Président du Sénat.

« Le président de la commission de vérification est choisi alternativement pour un an par le Président de l’Assemblée nationale lorsque la présidence de la délégation est assurée par un sénateur et par le Président du Sénat lorsque la présidence de la délégation est assurée par un député. » ;

2° Le second alinéa du VI est ainsi modifié :

a) Après les mots : « Premier ministre », sont insérés les mots : «, ainsi qu’aux ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget, chacun pour ce qui concerne les services spécialisés de renseignement placés respectivement sous leur autorité, » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Il est également présenté aux membres de la délégation parlementaire au renseignement qui ne sont pas membres de la commission. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « une commission de vérification » sont remplacés par les mots : « la délégation parlementaire au renseignement, qui est » ;

2° Le II est abrogé ;

3° Au premier alinéa du III, aux premier et deuxième alinéas du IV, au V, et aux premier et second alinéas des VI et VII, le mot : « commission » est remplacé par le mot : « délégation » ;

4° Le VII bis est abrogé.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne reprendrai pas les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale. Nous avons vraiment eu le sentiment que le dispositif proposé, aux objectifs duquel nous souscrivons tout à fait, était assez étrange et complexe.

En effet, je rappelle que, d’après ce dispositif, huit parlementaires seraient membres de la délégation parlementaire au renseignement. Parmi eux, quatre seraient aussi membres de la commission de vérification des fonds spéciaux, ces derniers étant naturellement liés structurellement et nécessairement à un certain nombre d’opérations de renseignement, comme vous le savez tous, mes chers collègues.

Or les quatre membres qui disposeraient de cette double prérogative ne pourraient pas évoquer avec les quatre autres membres de la délégation parlementaire au renseignement les informations dont ils auraient connaissance en vertu de leur participation à la commission de vérification des fonds spéciaux. Peut-être pourraient-ils d’une façon ou d’une autre se rejoindre au moment de faire un rapport, mais ce point reste complexe.

Il nous est donc apparu plus simple, puisque la finalité du projet de loi, tel qu’il a été rédigé par le Gouvernement, est claire, de prévoir purement et simplement la fusion de ces deux organismes que sont la délégation parlementaire au renseignement et la commission de vérification des fonds spéciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 51, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. - La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement, désignés de manière à assurer une représentation pluraliste.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mes chers collègues, vous voyez qu’il arrive que nous ayons des désaccords avec la commission des lois, et que je sois là pour les exprimer !

L’amendement que je vous propose ne vise pas à remettre en cause la transformation de la commission de vérification des fonds spéciaux en une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement, qui se justifie par le caractère très spécifique du contrôle de l’utilisation des fonds spéciaux par les services.

Il tend cependant à simplifier la rédaction de cet article. Auparavant, il existait deux structures : la DPR, qui jouait son rôle, et la commission de vérification des comptes spéciaux, qui jouait le sien. On pouvait d’ailleurs se faire nommer à l’une et à l’autre. Certains y étaient déjà !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Tout à fait, monsieur Hyest ! C’est l’un de mes collègues qui a été nommé dans les deux, et qui ne rendait de comptes à personne, d’ailleurs. C’est qu’il s’agissait là d’autre chose, à savoir le secret défense, et son attitude était donc tout à fait responsable.

Je fais moi-même partie des deux structures : de l’une en tant que membre de droit et de l’autre parce que j’y ai été désigné. Je considère qu’il serait bien plus habile d’instituer une commission spécialisée à l’intérieur d’une structure à la vocation un peu plus large.

La proposition de M. Sueur est, selon moi, de bonne méthode. Cependant, je crois que l’on ne peut pas balayer tous les obstacles en une seule fois. Il faut donner un peu de temps au temps et laisser donc, dans un premier moment, cette compétence particulière à la commission spécialisée de vérification des comptes au sein de la DPR.

Monsieur Sueur, si d’aventure vous me posiez une question sur une vérification que je viens d’effectuer, et si je trouve votre question véritablement pertinente, peut-être songerais-je à y répondre ! Vous ne pouvez donc pas d’ores et déjà imaginer que, parce que le texte ne prévoit pas de dialogue, il y aura un cloisonnement aussi compliqué et définitif.

Je pense quant à moi qu’il ne convient pas d’écrire le texte de la manière que vous proposez au travers de votre amendement, monsieur Sueur. Il conviendra peut-être de mettre en pratique ce dialogue dans les années qui viennent ou par la suite.

Je veux absolument insister sur le point suivant : il faut que la commission de vérification des comptes spéciaux, qui devient donc une commission spécialisée interne à la DPR, soit constituée de quatre parlementaires – j’y tiens beaucoup –, deux députés et deux sénateurs et que, dans chaque couple de représentants de chaque assemblée, il y ait un représentant de la majorité et un représentant de l’opposition. Voilà ce à quoi je tiens, car cela me paraît de bonne méthode.

Mes chers collègues, quand on prend de l’âge, au lieu de gravir les escaliers quatre à quatre, on les monte marche après marche ! §C’est ce que je vous propose de faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. C’est de la sagesse ou de la fatigue ?

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 44, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

composée

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

des présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et d’un député, membre de la délégation, désigné par le Président de l’Assemblée nationale et d’un sénateur, membre de la délégation, désigné par le Président du Sénat.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 9 ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 9 et favorable à l’amendement n° 51.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

M. Carrère a bien expliqué dans sa démonstration qu’il souhaitait que la commission de vérification des comptes spéciaux soit composée d’un nombre égal de membres de l’opposition et de la majorité. Or le texte de son amendement mentionne seulement une « représentation pluraliste ». Cela ne veut pas nécessairement dire une représentation de l’opposition et de la majorité : deux formations de la majorité peuvent en effet constituer une « représentation pluraliste ».

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ah ça, oui !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

J’accepte volontiers cette remarque de M. Gautier et je suis prêt à rectifier mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faut formuler cette disposition de la façon suivante : « d’une représentation de la majorité et de l’opposition ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Tout à fait, monsieur Sueur ! Je souscris à cette proposition de rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis donc saisi d’un amendement n° 51 rectifié, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, et qui est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. - La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement, désignés de manière à assurer une représentation de la majorité et de l'opposition.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Favorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

(Non modifié)

L’article 656-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « services », est inséré le mot : « spécialisés » ;

2° Après le troisième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S’il est indiqué par l’autorité hiérarchique que l’audition requise au cours de la procédure, même effectuée dans les conditions d’anonymat indiquées, comporte des risques pour l’agent, ses proches ou son service, cette audition est faite dans un lieu assurant l’anonymat et la confidentialité. Ce lieu est choisi par le chef du service et peut être le lieu de service d’affectation de l’agent. » –

Adopté.

(Non modifié)

I. - Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Dans l’intitulé du chapitre II du titre II du livre II, les mots : « des services de la police et de la gendarmerie nationales » sont supprimés ;

2° L’article L. 222-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

- au début est ajoutée la mention « I. - :

– les mots : « à l’indépendance de la Nation, à l’intégrité de son territoire, à sa sécurité, à la forme républicaine de ses institutions, aux moyens de sa défense et de sa diplomatie, à la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger et aux éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique » sont remplacés par les mots : « aux intérêts fondamentaux de la Nation » ;

b) Le neuvième alinéa est ainsi modifié :

- au début est ajoutée la mention : « II. - :

- les mots : « Pour les besoins de la prévention des actes de terrorisme, les agents des services de renseignement du ministère de la défense individuellement désignés et dûment habilités » sont remplacés par les mots : « Pour les seuls besoins de la prévention des atteintes et des actes mentionnés au premier alinéa du I, les agents individuellement désignés et dûment habilités des services spécialisés de renseignement mentionnés au III de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires » ;

c) Les dixième et onzième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État détermine les services spécialisés de renseignement mentionnés au premier alinéa du présent II et les modalités de leur accès aux traitements automatisés mentionnés au présent article. »

II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la publication du décret en Conseil d’État mentionné au II de l’article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction issue du présent article et au plus tard à compter du 30 juin 2014. –

Adopté.

(Non modifié)

L’article L. 232-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ainsi que des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation » ;

2° Après les mots : « des actes », la fin du 3° est ainsi rédigée : « et atteintes mentionnés au premier alinéa. » –

Adopté.

I. - Le chapitre II du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 232-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-7. - I. – Pour les besoins de la prévention et de la constatation des actes de terrorisme, des infractions mentionnées à l’article 695-23 du code de procédure pénale et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, du rassemblement des preuves de ces infractions et de ces atteintes ainsi que de la recherche de leurs auteurs, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé des transports et le ministre chargé des douanes sont autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données.

« II.Pour la mise en œuvre de ce traitement, les transporteurs aériens recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers des vols à destination et en provenance du territoire national à l’exception des vols reliant deux points de la France métropolitaine. Les données concernées sont celles citées au premier alinéa de l’article L. 232-4.

« Les transporteurs aériens sont également tenus de communiquer les données relatives aux passagers enregistrées dans leurs systèmes de réservation.

« III. – Les transporteurs aériens mentionnés au II informent les personnes concernées par le traitement.

« III bis (nouveau). - Les données mentionnées au II ne peuvent être conservées que pour une durée maximale de cinq ans.

« IV. – En cas de méconnaissance des obligations fixées au présent article par une entreprise de transport aérien, l’amende et la procédure prévues par l’article L. 232-5 sont applicables.

« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret détermine les services ayant accès aux données du traitement en précisant si cet accès est autorisé à des fins de répression ou à des fins de prévention. »

II. – (Non modifié) L’article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure est applicable jusqu’au 31 décembre 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 10, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

aux passagers des vols

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

internationaux en provenance ou à destination d'États n'appartenant pas à l'Union européenne.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il s’agit des données des dossiers passagers, ou PNR, c'est-à-dire Passenger name record. Ce très vaste fichier, à caractère européen, inclura toutes les données relatives à l’ensemble des déplacements, ainsi que de nombreuses spécificités concernant, notamment, les conditions de ces derniers.

J’ai expliqué ce matin la position de la commission des lois. Nous considérons qu’il faut être très prudent, parce que le projet de loi, monsieur le ministre, propose d’appliquer une directive qui n’existe pas – il s’agit donc d’un avant-projet de directive.

Cette directive encore inexistante a donné lieu aux critiques de la commission « Libertés civiles, justice et affaires intérieures », ou LIBE, du Parlement européen, qui y est opposée. Le contrôleur européen de la protection des données y est également hostile. La CNIL et les organismes analogues dans d’autres pays ont aussi été très critiques. Par conséquent, il nous semble qu’il faut prendre des précautions.

Dans l’état juridique actuel des choses – j’insiste sur cette précision –, il n’y a pas de directive. De surcroît, je précise, monsieur le ministre, que l’avant-projet de directive qui existe ne prévoit pas le contrôle des déplacements intracommunautaires.

Par conséquent, voici la première précaution que nous recommandons : dans l’état actuel des choses, nous proposons de limiter le dispositif aux déplacements extracommunautaires, conformément à la position qui a été celle du Sénat – mes chers collègues, je vous renvoie aux résolutions votées sur l’initiative de M. Yves Détraigne et de M. Simon Sutour. Cette limitation ne figure pas expressément dans les résolutions votées par le Sénat, mais elle se trouve dans les rapports de nos collègues. À cette époque, il n’était pas question de vols intracommunautaires, étant donné que le projet de directive les excluait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je vais prendre le goût du débat !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je rappelle que nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation paradoxale, puisque, en vertu d’accords conclus par l’Union européenne avec les États-Unis, le Canada et l’Australie, les compagnies aériennes européennes et françaises transmettent déjà les données PNR aux autorités de ces pays, alors même que nos propres services de police ou de renseignement ne peuvent y avoir accès. Cet article permettra de corriger cette anomalie.

L’amendement n° 10 vise à restreindre le champ des données concernées aux seuls vols extracommunautaires, alors que le projet de loi prévoit que tous les vols seront concernés, à l’exclusion de ceux qui relient deux points sur le territoire métropolitain.

La commission des affaires étrangères a émis un avis défavorable, voire très défavorable, sur cet amendement.

En effet, comme l’a montré l’affaire Merah, il est déjà arrivé que l’on trompe la vigilance des services de renseignement en effectuant plusieurs escales pour atteindre une destination sensible. Exclure les vols intracommunautaires présenterait donc le risque d’introduire une faille dans le dispositif, compte tenu de la multiplication des hubs de transport aérien en Europe.

Concernant les vols entre la métropole et les départements ou collectivités d’outre-mer, on sait que, en plus des vols directs en provenance des pays sud-américains, de nombreux trafiquants de drogue empruntent désormais des vols en provenance des Antilles françaises.

Sans les vols communautaires et hors métropole, le fichier PNR, Passenger Name Record, perdrait une très grande partie de son caractère opérationnel sans diminuer pour autant, de façon significative, ses coûts de réalisation et de fonctionnement. J’observe, d’ailleurs, que le projet de directive européenne n’interdit pas d’inclure ces vols.

Certes, notre collègue Yves Détraigne avait estimé dans son rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat en date du 13 mai 2009 que, de son point de vue, l’équilibre entre la sécurité et le respect des droits fondamentaux serait mieux respecté si l’on excluait les vols nationaux, voire intracommunautaires.

Toutefois, je rappelle que le Sénat, dans ses deux résolutions du 3 mars 2009 et du 18 mai 2011, n’a pas rejeté le principe même d’un PNR, et qu’il ne s’est pas prononcé au sujet de la limitation du champ aux vols extracommunautaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

En outre, des garanties sont prévues, puisque ce fichier sera contrôlé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et que, sur l’initiative de la commission des affaires étrangères et de la défense du sénat, une durée maximale de conservation a été introduite.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères, que je préside, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

L’affaire est grave. Je le dis tout de suite : le Gouvernement est lui aussi très défavorable à l’amendement présenté par la commission des lois.

J’approuve les arguments qui viennent d’être avancés par M. Carrère : les dispositions de cet amendement méconnaissent les besoins opérationnels des services chargés de la prévention – c’est le cas des services de renseignement – mais aussi de la répression, pour les services de police et de gendarmerie, sous contrôle du juge, des actes de terrorisme et des autres atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

La menace terroriste ou criminelle interne à l’Union européenne est équivalente à celle qui prévaut à l’extérieur de l’Union.

En outre, s’agissant de la menace extérieure, il a été établi que les membres des réseaux développaient des stratégies de contournement dans leurs déplacements en introduisant des ruptures dans leurs itinéraires, notamment des escales au sein de l’Union européenne. Le suivi des cibles exige donc absolument, surtout dans le contexte actuel, que les vols intracommunautaires soient couverts par le nouvel outil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je comprends les arguments qui ont été avancés. Je précise néanmoins que tant le Conseil constitutionnel que la Cour européenne des droits de l’homme apprécient la proportionnalité entre la restriction qui est posée en termes de liberté et les intérêts de la protection en termes de sûreté.

Je précise également que les vols intracommunautaires ne figurent pas dans le projet de directive, que cette dernière n’est pas adoptée et qu’un certain nombre de critiques ont été formulées.

Voilà pourquoi, comme je l’ai souligné tout à l’heure, « dans l’état juridique actuel des choses », la commission des lois est restée sur la position exprimée par MM. Détraigne et Sutour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. J’approuve entièrement l’avis de M. Carrère, qui s’est exprimé mieux que je ne l’aurais fait moi-même !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Aujourd’hui, à peu près un vol Air France sur deux à destination des États-Unis fait escale à Amsterdam. Or les Américains n’accepteraient jamais que l’avion décolle de Roissy sans avoir fourni auparavant toutes les informations nécessaires. Pourtant, il s’agit d’un vol intracommunautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Se pose ici le problème de la législation européenne, car il n’y a pas de traitement individualisé. La CNIL et le Conseil constitutionnel, c’est très bien, mais la protection des citoyens français et européens, c’est encore mieux !

Pourquoi ne pas envisager de mettre sur pieds une législation européenne ? Personnellement, je souhaite que tous les vols soient contrôlés, car l’Europe s’étend aujourd'hui sur trois océans : on peut aller de partout à n’importe où en étant toujours en Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je soutiens la position de la commission des affaires étrangères et du ministre sur ce dossier, et pas du tout celle de la commission des lois, j’en suis désolée.

On parlait tout à l’heure de rupture d’itinéraire. J’ai en tête un exemple précis que je connais bien : actuellement, les vols Paris-Téhéran font nécessairement escale à Milan, à Francfort ou à Istanbul, cette dernière ville n’étant pas dans l’espace communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Idem pour le Yémen, qui est d'ailleurs un pays beaucoup plus dangereux que l’Iran. Les ruptures d’itinéraire posent donc à l’évidence un problème.

Jeudi dernier, dans cet hémicycle, nous avons eu un débat sur la protection des données personnelles. Il me semble que l’excellent rapport de notre collègue Yves Détraigne, qui date de 2009, devrait être revu. Les choses ont évolué tellement vite que nous sommes nombreux à être tout à fait sceptiques sur la possibilité de protéger les données. Les articles qui sont parus aujourd’hui sur Big Brother ne sont pas pour nous rassurer… Il s'agit ici d’un arbitrage entre la sécurité et la liberté, et pour ma part je plaide pour la sécurité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Si l’on oppose de façon aussi frontale la défense de la sécurité à celle de la liberté, l’interculturel aura du mal à trouver sa place !

En l’état actuel, et après avoir pris connaissance du rapport du sénateur Détraigne, qui nous semble plutôt pondéré et pragmatique, nous soutiendrons la position de la commission des lois.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ce décret détermine les services autorisés à interroger l'unité de gestion chargée de la collecte des données auprès des transporteurs aériens, de leur conservation et de leur analyse, en précisant si cette autorisation est délivrée à des fins de répression ou à des fins de prévention.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La directive PNR prévoit que les données transmises par les passagers aériens ne seront pas directement transférées aux services répressifs ou de renseignement qui les utiliseront pour mener leurs investigations, mais seront d’abord traitées par une « unité d’information passagers », ici qualifiée d’« unité de gestion », chargée de gérer le traitement automatisé, de s’assurer de l’exactitude des données et d’évaluer le risque présenté par les passagers pour décider, ou non, d’alerter les services compétents. Ceux-ci pourront eux-mêmes demander à obtenir des données PNR ou des traitements spécifiques de ces données, mais seulement au cas par cas et en motivant leur demande.

L’unité d’information passagers jouera ainsi un rôle important de filtre permettant d’assurer la qualité du fichier et la rigueur de son utilisation par les services de police, de gendarmerie et des douanes ou par les services de renseignement.

Le présent amendement vise à inscrire ce principe dans la loi. Une telle instance est, selon nous, nécessaire pour que les choses se passent au mieux, dans le respect des prérogatives de chacun. Il y va de l’efficacité des services de renseignement.

La commission des lois avait prévu une rédaction plus longue. La position du texte initial était de tout renvoyer au décret. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec laquelle j’ai eu un dialogue fructueux – je me dois de le souligner encore une fois –, a proposé cette rédaction, qui me paraît une très bonne synthèse.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 12, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout résultat positif obtenu par le traitement automatisé est contrôlé individuellement par des moyens non automatisés, afin de vérifier si l’intervention des agents visés aux deux précédents alinéas est nécessaire.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il s’agit de la question difficile du « profilage » ou « ciblage ».

Si le nouveau fichier PNR est mis en place, ce qui est probable, il permettra de détecter automatiquement des personnes potentiellement dangereuses par le biais d’un certain nombre de critères, entrés au préalable dans le système informatique et à l’aune desquels les données seraient analysées.

L'utilisation à grande échelle d'un tel système de profilage doit encore faire ses preuves. C’est pourquoi, puisque le fichier ne serait créé que jusqu’au 31 décembre 2017, des éléments concrets sur son efficacité devront être apportés, afin d'en obtenir la prorogation au-delà de cette date.

J’ai eu connaissance des différents critères de tri : les agences de voyage, les transporteurs, les domiciles, les destinations, entre autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Tout à fait, ma chère collègue.

On peut ainsi procéder à d’innombrables tris de personnes que l’on n’a aucune raison a priori de suspecter. Mes chers collègues, je comprends bien notre débat d’aujourd'hui, mais il sera récurent, car à l’avenir nous serons nécessairement confrontés à des systèmes extraordinairement puissants, ce que confirme la lecture de la presse, notamment du journal Le Monde d’aujourd'hui. Aucune législation ne sera sans doute adaptée.

Il s’agit d’un amendement de précaution, ô combien utile, pour que l’on puisse, y compris de manière manuelle dans un premier temps, examiner le dispositif avant qu’il ne donne lieu à une exploitation purement automatique, ce qui pourrait entraîner de nombreuses conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. C’est l’alternance : une fois la commission des affaires étrangères est pour, une fois elle est contre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cet amendement vise également le fichier des données PNR. Il tend à préciser les conditions d’utilisation du nouveau fichier, notamment du ciblage, en prévoyant que tout résultat positif fera l’objet d’une vérification humaine.

Il va de soi qu’il y aura une vérification humaine en cas de résultat positif du ciblage. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser dans la loi.

La commission des affaires étrangères demande avec beaucoup d’amitié au président et rapporteur pour avis de la commission des lois de retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

L’article L. 234-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° A la première phrase, les mots : « de la police et de la gendarmerie nationales spécialement habilités à cet effet » sont remplacés par les mots et deux alinéas ainsi rédigés : « individuellement désignés et spécialement habilités » :

« 1° De la police et de la gendarmerie nationales ;

« 2° Dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 234-1, des services spécialisés de renseignement mentionnés au III de l’article 6 nonies de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. » ;

2° La seconde phrase devient le dernier alinéa. –

Adopté.

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 234-3 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « des agents », sont insérés les mots : « individuellement désignés et spécialement habilités » et les mots : « spécialement habilités à cet effet » sont remplacés par les mots : « ainsi que, dans la limite de leurs attributions et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, des services de renseignement désignés par le ministre de la défense, aux fins de protection de la sécurité de leurs personnels ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le bilan de l’expérimentation nationale sur l’affichage environnemental des produits de grande consommation établi en application de l’article L. 112-10 du code de la consommation.

Il a été transmis à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.