Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 21 octobre 2013 à 14h45
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Article 4

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Cet article porte sur la réduction des effectifs de nos forces armées et des personnels civils qui interviennent en soutien de notre outil de défense.

J’éprouve un certain embarras à évoquer cet aspect du présent texte, car, au-delà des recettes exceptionnelles, une part déterminante du financement de cette programmation repose sur ce vaste plan de suppression d’emplois. Ces sacrifices majeurs sont essentiellement assumés par les personnels. En effet, la stabilité des crédits consacrés à la défense est assurée au prix de la poursuite d’une diminution drastique des effectifs.

D’ici à 2019, près de 34 000 postes seront supprimés ; 10 000 de ces suppressions avaient déjà été programmées par le précédent gouvernement. Au total, entre 2008 et 2019, les armées auront perdu 82 000 emplois, soit un quart de leurs effectifs.

Monsieur le ministre, je sais que ces mesures concernent pour l’essentiel le soutien et l’administratif. En outre, je sais que vous avez tenté de limiter au maximum les coupes dans les forces opérationnelles. Ces dernières ne seront pas moins amputées d’environ 8 000 postes.

Pour les personnels concernés, en quoi la nature de ces décisions diffère-t-elle des mesures adoptées par les précédents gouvernements ? Quelles sont les justifications de la poursuite d’une telle déflation des effectifs, amorcée par la politique menée par le précédent président de la République ?

Vous me rétorquerez que la méthode n’est pas tout à fait la même. En effet, en ce qui concerne le soutien, vous visez la simplification, la clarification, la rationalisation, pour plus d’efficacité. Quant aux réductions d’effectifs dans l’environnement administratif, elles sont précédées d’une analyse préalable, afin d’éviter toute prise de décision aveugle et automatique. Soit ! Je persiste malgré cela à penser que vous vous placez dans l’optique imposée par la RGPP, même si cette politique porte un autre nom aujourd’hui, qui repose sur le dogme intangible de la réduction à tout prix de la dépense publique.

Cette pratique de déflation des effectifs pour réaliser des économies n’est même pas probante d’un point de vue comptable. En effet, alors que 45 0000 postes ont été supprimés entre 2008 et 2012, la masse salariale des personnels militaires a augmenté de 5, 5 %.

Ces chiffres impressionnants par la perte de substance humaine qu’ils révèlent ne peuvent être sans conséquences sur le fonctionnement et l’efficacité de nos armées. Afin de donner un ordre de grandeur, un ancien chef d’état-major de l’armée de terre a ainsi expliqué que, pour son secteur, la précédente programmation militaire équivalait à « rayer de la carte trente-huit sites industriels type Florange ». Celle que vous nous proposez aujourd’hui ne serait pas moins dévastatrice.

Enfin, ces réductions d’effectifs entraîneront la disparition d’unités et d’établissements militaires, emportant inévitablement des conséquences négatives sur la situation de nombre de nos territoires.

Le mécontentement, l’inquiétude et l’amertume d’un grand nombre de militaires comme de leurs familles sont profonds. Ils ont le sentiment de ne pas être suffisamment reconnus dans les difficiles missions qu’ils remplissent et estiment être la seule institution à se réformer aussi fortement, pour, ainsi, contribuer plus que d’autres, à l’effort de redressement des comptes publics. En outre, le financement des mesures d’accompagnement et d’incitation au départ peut paraître insuffisant pour faire face à l’ampleur de la situation, ce qui accroît encore ce malaise.

Au-delà des problèmes économiques et humains posés par ce qui constitue, qu’on le veuille ou non, un plan social, les inquiétudes portent sur l’avenir même de notre outil de défense.

Il apparaît clairement dans le texte du projet de loi qu’à des fins de cohérence avec les formats définis dans le nouveau Livre blanc, ces réductions d’effectifs entraîneront une contraction du format des armées et une révision à la baisse de leur contrat opérationnel. De tout cela découle évidemment une réduction des ambitions militaires, conçues comme plus réalistes, à la hauteur de nos moyens. Je comprends, sans partager leur pessimisme, que certains aient pu évoquer à ce sujet un risque de déclassement stratégique dans quelques années, et donc de perte d’influence de notre pays dans le monde.

Monsieur le ministre, vous contestez cette vision des choses et vous refusez l’expression « armée bonsaï » que certains utilisent sur d’autres travées. Vous faites preuve d’un optimisme à toute épreuve…

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