Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 21 octobre 2013 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Article 13

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois :

Chacun se souvient d’événements liés à des fadettes et de dispositifs qui aboutissaient, contrairement d’ailleurs à la loi, à ce que les données de géolocalisation concernant tel journaliste ou tel membre de cabinet ministériel se trouvent soudainement captées.

Le sujet est donc important. Il soulève tout d’abord une question de droit : pour ce qui est des faits de géolocalisation, il importe de savoir sur quels textes on se fonde.

La géolocalisation relève de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme ; elle a été mise en œuvre pour trois ans par cette loi, puis prolongée en 2009 et enfin en décembre 2012 à l’occasion du vote de la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

Ce dispositif ad hoc sera, en vertu de ces trois lois, caduc le 31 décembre 2015. Toutefois, on peut toujours décider de le prolonger. La position de notre commission est très claire : il faut en revenir à la loi du 10 juillet 1991 sur les interceptions de sécurité. Ainsi, il ne semble pas pertinent d’introduire la géolocalisation en temps réel dans un dispositif appelé à être remplacé dans deux ans.

L’adoption du présent amendement aurait donc pour premier effet d’introduire un dispositif de recueil administratif des données de connexion au sein du code de la sécurité intérieure, qui a codifié la loi de 1991. Ses dispositions rejoignent celles de l’amendement qui a été présenté par M. Hyest, dont je tiens, à cet égard, à saluer l’action forte et le rôle qu’il a joué au sein de notre commission.

Sur le fond, cet amendement tend à s’inspirer à la fois du dispositif relatif aux interceptions de communication de la loi de 1991 et de celui qui est propre à la prévention du terrorisme, qui a été créé par la loi de 2006 et validé par le Conseil constitutionnel. Il pourra ainsi être utilisé pour les mêmes finalités que celles qui sont prévues par le code de la sécurité intérieure pour les interceptions de sécurité : recherches de renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous.

Le dispositif qui est proposé a donné lieu, monsieur le ministre, à un dialogue approfondi avec les collaborateurs de vos services, que je tiens à remercier pour l’attention qu’ils ont portée à ce sujet.

Les autorisations seraient données par une personnalité qualifiée. C’est l’apport de la loi de 2006, la personnalité qualifiée ayant fait la preuve de son utilité et de son efficacité. Toutefois, celle-ci serait placée auprès du Premier ministre et la CNCIS effectuerait un contrôle a posteriori en ayant un accès plein et entier au dispositif technique de recueil des données. Le dispositif de la personnalité qualifiée serait dans ce nouveau cadre tout à fait pertinent.

La géolocalisation en temps réel serait possible dans des conditions plus strictes qu’aujourd'hui, sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou du ministre chargé des douanes ou des personnes que chacun d’eux aura spécialement désignées, et sur décision du Premier ministre.

Chaque autorisation de géolocalisation aurait, si notre amendement est adopté, une durée de validité limitée à dix jours, inférieure à celle qui est prévue pour les interceptions de sécurité, qui est de quatre mois. Elle pourrait naturellement être renouvelée en tant que de besoin.

Enfin, le présent article entrerait en vigueur au 1er janvier 2015.

En résumé, sur ces questions d’interceptions et de géolocalisation, qui peuvent être indispensables pour des raisons de sécurité, tout particulièrement de lutte contre le terrorisme, l’existence d’un dispositif est nécessaire. Celui-ci doit être encadré, et nous pensons que ce doit être par la loi de 1991.

Nous instaurons deux étapes importantes. Premièrement, c’est au Premier ministre, assisté d’une personnalité qualifiée, de prendre la décision. Deuxièmement, pour ce faire, celui-ci doit être saisi de manière écrite et motivée par les ministres compétents et, au premier chef, par vous-même, monsieur le ministre de la défense.

À la suite de tout ce travail sur la géolocalisation et sur les interceptions de sécurité, nous pensons que la rédaction à laquelle nous sommes parvenus permet à la fois de concilier le respect des libertés, des données personnelles et de la vie privée et d’éviter les détournements de procédure. Dans le cadre extrêmement rigoureux qui est ainsi donné, ces géolocalisations et ces interceptions ne seront possibles que lorsque l’exigeront les nécessités de la sécurité, de la défense et de la lutte contre le terrorisme et les actes que j’ai exposés tout à l’heure.

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