La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 13.
(Non modifié)
I. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° À la première phrase du V de l’article L. 34-1, après la référence : « et du IV », sont insérées les références : « du présent article et du premier alinéa de l’article L. 34-1-1 » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 34-1-1 est ainsi rédigé :
« Afin de prévenir les actes de terrorisme, les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions peuvent exiger des opérateurs et personnes mentionnés au II de l’article L. 34-1 la communication des données traitées par les réseaux ou les services de communications électroniques de ces derniers, après conservation ou en temps réel, impliquant le cas échéant une mise à jour de ces données. »
II. – Le premier alinéa du II bis de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est complété par les mots : « après conservation de ces données ou en temps réel ».
III. – Aux articles L. 222-2 et L. 222-3 du code de sécurité intérieure, après les mots : « données conservées », sont insérés les mots : « et traitées ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 13, dans sa rédaction initiale, puis tel qu’il résulte des travaux de la commission des affaires étrangères et de la défense, vise à résoudre le problème de la géolocalisation, notamment par une nouvelle rédaction de l’article L. 34-1-1 du code des postes et télécommunications. Or celle-ci me paraît totalement insuffisante.
Tout d’abord, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, je ne sais pas où vous avez trouvé que 30 000 à 40 000 demandes d’accès en matière de géolocalisation étaient formulées chaque année. À ma connaissance, mais je me trompe peut-être, ces demandes sont de l’ordre d’une centaine par an. Ce n’est donc pas un problème majeur.
Par ailleurs, puisque la loi du 10 juillet 1991 ne prévoyait aucune disposition sur la géolocalisation, laquelle alors n’existait pas, on a utilisé, comme pour les interceptions de sécurité, l’avis préalable de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. Cela fonctionne à la satisfaction de tous les services. On pourrait l’inscrire dans la loi. Ce serait plus simple, mais il faut faire compliqué !
Surtout, ce qui est surprenant, c’est que toutes les autres données techniques, comme les fadettes, notamment, relèvent du contrôle a posteriori de la CNCIS. Ce n’est pas un contrôle a priori. Je trouve donc dommage que la commission des affaires étrangères n’ait pas été plus loin dans la réflexion, d’autant que la plateforme du ministère de l’intérieur qui a été prévue par la loi de 2006 sera bientôt caduque et qu’elle ne pourra plus être utilisée. Il faut donc trouver une solution.
J’ai proposé de compléter le dispositif existant depuis 1991. On me dit que la réforme aboutirait à soumettre le régime d’accès aux données de connexion à un régime beaucoup plus strict que celui qui s’applique actuellement aux interceptions de communication. C’est faux ! Le dispositif serait inchangé par rapport à ce que nous connaissons.
Enfin, et c’est le point le plus extraordinaire, on nous explique qu’il serait impossible que les magistrats aient un accès à un dispositif administratif de prévention. Heureusement ! Ce sont deux choses différentes. Ainsi, les écoutes judiciaires ne sont pas visées par ce texte ; elles relèvent du code de la sécurité intérieure.
À cet égard, permettez-moi de vous rappeler que, en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2006, les réquisitions relatives aux données techniques de communication « permises par les nouvelles dispositions » – il s’agissait uniquement de la prévention du terrorisme – « constituent des mesures de police purement administrative ; qu’elles ne sont pas placées sous la direction ou la surveillance de l’autorité judiciaire, mais relèvent de la seule responsabilité du pouvoir exécutif ».
Je comprends que l’on ne veuille pas de mon amendement, mais les motifs avancés pour le refuser me paraissent infondés tant sur la forme que sur le fond.
Toutefois, nous y reviendrons sans doute tout à l’heure, puisque notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur a déposé un amendement, qu’il a d'ailleurs rectifié depuis lors et qui à mon sens vise à répondre mieux que le présent article ne le fait à la nécessité de régler enfin ce problème, même si la disposition qu’il a pour objet de proposer n’entrera en vigueur qu’en 2015, afin bien sûr de ménager un temps de préparation pour le nouveau système.
Les dispositions de son amendement prévoient également que les autorisations seront données par une personnalité qualifiée placée sous l’autorité directe du Premier ministre, ce qui me paraît extrêmement important. Il n’était pas normal que cette personnalité soit placée sous l’autorité d’un ministre alors que les autres services demandaient aussi des interceptions de communication.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que je tenais à dire sur cet article 13.
Monsieur Hyest, permettez-moi, en toute amitié, de vous renvoyer à mon rapport.
Puisque vous aimez l’exactitude, vous pourrez lire, à la page 178 de ce document, au septième alinéa : « L’accès aux données de géolocalisation répond à un besoin opérationnel de première importance : sur 30 000 à 40 000 demandes d’accès aux données de connexion formulées chaque année, environ une cinquantaine concerne les demandes de géolocalisation en temps réel (104 demandes entre octobre 2010 et octobre 2012). »
Dont acte. J’avais lu trop cursivement votre rapport, monsieur Carrère !
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15 rectifié ter, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre IV du livre II est ainsi rédigé : « Interceptions de sécurité et accès administratif aux données de connexion » ;
2° Le titre IV du livre II est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Accès administratif aux données de connexion
« Art. L. 246 -1. – Pour les finalités énumérées à l’article L. 241-2, peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et personnes mentionnées à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi que des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communication électronique, y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communication électronique, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux données techniques relatives aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications.
« Art. L. 246 -2. – I. Les informations ou documents mentionnés à l’article L. 246-1 sont sollicités par les agents individuellement désignés et dûment habilités des services relevant des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget, chargés des missions prévues à l’article L. 241-2.
« II. – Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision d’une personnalité qualifiée placée auprès du Premier ministre. Cette personnalité est désignée pour une durée de trois ans renouvelable par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur proposition du Premier ministre qui lui présente une liste d’au moins trois noms. Des adjoints pouvant la suppléer sont désignés dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée établit un rapport d’activité annuel adressé à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Les décisions, accompagnées de leur motif, font l’objet d’un enregistrement et sont communiquées à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
« Art. L. 246 -3. – Pour les finalités énumérées à l’article L. 241-2, les données prévues à l’article L. 246-1 peuvent être recueillies sur sollicitation du réseau et transmises en temps réel par les opérateurs aux agents visés au I de l’article L. 246-2.
« L’autorisation est accordée, sur demande écrite et motivée des ministres de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget ou des personnes que chacun d’eux aura spécialement désignées, par décision écrite du Premier ministre ou des personnes spécialement désignées par lui, pour une durée maximale de dix jours. Elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Elle est communiquée dans un délai de quarante-huit heures au président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
« Si celui-ci estime que la légalité de cette décision au regard des dispositions du présent titre n’est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la communication mentionnée au premier alinéa.
« Au cas où la commission estime que le recueil d’une donnée de connexion a été autorisé en méconnaissance des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce qu’il y soit mis fin.
« Elle porte également cette recommandation à la connaissance du ministre ayant proposé le recueil de ces données et du ministre chargé des communications électroniques.
« Art. L. 246 -4. – La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dispose d’un accès permanent au dispositif de recueil de données techniques mis en œuvre en vertu du présent chapitre afin de procéder à des contrôles visant à s’assurer du respect des conditions fixées aux articles L. 246-1 à 246-3. En cas de manquement, elle adresse une recommandation au Premier ministre. Celui-ci fait connaître à la commission, dans un délai de quinze jours, les mesures prises pour remédier au manquement constaté.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises.
« Art. L. 246 -5. – Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs et personnes mentionnées au premier alinéa pour répondre à ces demandes font l’objet d’une compensation financière. » ;
3° Les articles L. 222-2, L. 222-3 et L. 243-12 sont abrogés ;
4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 243-7, les mots : « de l’article L. 243-8 et au ministre de l’intérieur en application de l’article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » sont remplacés par la référence : « des articles L. 243-8, L. 246-3 et L. 246-4 » ;
5° À l’article L. 245-3, après les mots « en violation », sont insérés les mots : « des articles L. 246-1 à L. 246-3 et ».
II. – L’article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques est abrogé.
III. – Le II bis de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est abrogé.
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2015.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.
Cet amendement est important, la commission des lois l’a considéré comme tel et je dois dire que, là encore, monsieur Carrère, le dialogue que nous avons noué a permis d’avancer un peu plus loin dans le sens souhaité par la commission des lois. Je tiens à vous rendre hommage à ce sujet, ainsi qu’aux membres de la commission des affaires étrangères.
Mes chers collègues, il s’agit d’un sujet très important pour les libertés publiques.
Chacun se souvient d’événements liés à des fadettes et de dispositifs qui aboutissaient, contrairement d’ailleurs à la loi, à ce que les données de géolocalisation concernant tel journaliste ou tel membre de cabinet ministériel se trouvent soudainement captées.
Le sujet est donc important. Il soulève tout d’abord une question de droit : pour ce qui est des faits de géolocalisation, il importe de savoir sur quels textes on se fonde.
La géolocalisation relève de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme ; elle a été mise en œuvre pour trois ans par cette loi, puis prolongée en 2009 et enfin en décembre 2012 à l’occasion du vote de la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.
Ce dispositif ad hoc sera, en vertu de ces trois lois, caduc le 31 décembre 2015. Toutefois, on peut toujours décider de le prolonger. La position de notre commission est très claire : il faut en revenir à la loi du 10 juillet 1991 sur les interceptions de sécurité. Ainsi, il ne semble pas pertinent d’introduire la géolocalisation en temps réel dans un dispositif appelé à être remplacé dans deux ans.
L’adoption du présent amendement aurait donc pour premier effet d’introduire un dispositif de recueil administratif des données de connexion au sein du code de la sécurité intérieure, qui a codifié la loi de 1991. Ses dispositions rejoignent celles de l’amendement qui a été présenté par M. Hyest, dont je tiens, à cet égard, à saluer l’action forte et le rôle qu’il a joué au sein de notre commission.
Sur le fond, cet amendement tend à s’inspirer à la fois du dispositif relatif aux interceptions de communication de la loi de 1991 et de celui qui est propre à la prévention du terrorisme, qui a été créé par la loi de 2006 et validé par le Conseil constitutionnel. Il pourra ainsi être utilisé pour les mêmes finalités que celles qui sont prévues par le code de la sécurité intérieure pour les interceptions de sécurité : recherches de renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous.
Le dispositif qui est proposé a donné lieu, monsieur le ministre, à un dialogue approfondi avec les collaborateurs de vos services, que je tiens à remercier pour l’attention qu’ils ont portée à ce sujet.
Les autorisations seraient données par une personnalité qualifiée. C’est l’apport de la loi de 2006, la personnalité qualifiée ayant fait la preuve de son utilité et de son efficacité. Toutefois, celle-ci serait placée auprès du Premier ministre et la CNCIS effectuerait un contrôle a posteriori en ayant un accès plein et entier au dispositif technique de recueil des données. Le dispositif de la personnalité qualifiée serait dans ce nouveau cadre tout à fait pertinent.
La géolocalisation en temps réel serait possible dans des conditions plus strictes qu’aujourd'hui, sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou du ministre chargé des douanes ou des personnes que chacun d’eux aura spécialement désignées, et sur décision du Premier ministre.
Chaque autorisation de géolocalisation aurait, si notre amendement est adopté, une durée de validité limitée à dix jours, inférieure à celle qui est prévue pour les interceptions de sécurité, qui est de quatre mois. Elle pourrait naturellement être renouvelée en tant que de besoin.
Enfin, le présent article entrerait en vigueur au 1er janvier 2015.
En résumé, sur ces questions d’interceptions et de géolocalisation, qui peuvent être indispensables pour des raisons de sécurité, tout particulièrement de lutte contre le terrorisme, l’existence d’un dispositif est nécessaire. Celui-ci doit être encadré, et nous pensons que ce doit être par la loi de 1991.
Nous instaurons deux étapes importantes. Premièrement, c’est au Premier ministre, assisté d’une personnalité qualifiée, de prendre la décision. Deuxièmement, pour ce faire, celui-ci doit être saisi de manière écrite et motivée par les ministres compétents et, au premier chef, par vous-même, monsieur le ministre de la défense.
À la suite de tout ce travail sur la géolocalisation et sur les interceptions de sécurité, nous pensons que la rédaction à laquelle nous sommes parvenus permet à la fois de concilier le respect des libertés, des données personnelles et de la vie privée et d’éviter les détournements de procédure. Dans le cadre extrêmement rigoureux qui est ainsi donné, ces géolocalisations et ces interceptions ne seront possibles que lorsque l’exigeront les nécessités de la sécurité, de la défense et de la lutte contre le terrorisme et les actes que j’ai exposés tout à l’heure.
L'amendement n° 45, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 244-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 244-2.- I. - Le Premier ministre ou, uniquement en ce qui concerne l'exécution des mesures prévues à l'article L. 241-3, le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, peuvent recueillir, auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournisseurs de services de communications électroniques, les informations ou, documents qui leur sont nécessaires, traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.
« II. - Pour les motifs visés à l’article L 241-2, à titre exceptionnel, ces données peuvent être recueillies sur sollicitation du réseau, après conservation ou en temps réel. Ces mesures font l’objet d’une demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou des personnes que chacun d'eux aura spécialement déléguées.
« L’autorisation est accordée par décision écrite du Premier ministre ou des personnes spécialement déléguées par lui, après avis de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, pour une durée maximum de soixante-douze heures. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.
« Une information sur le déroulement et l’issue de chacune des mesures autorisées est transmise, par le ministère bénéficiaire, au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
« III. – Cette instance a accès de façon sécurisée au dispositif de recueil de données techniques. Elle peut à tout moment procéder à des contrôles relatifs aux opérations de collecte et de communication de ces données. Lorsqu'elle constate un manquement aux règles définies par le présent article ou une atteinte aux droits et libertés, elle saisit le Premier ministre d'une recommandation. Celui-ci lui fait connaître dans un délai de quinze jours les mesures qu'il a prises pour remédier aux manquements constatés.
« Les modalités d'application des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises.
« Le recueil des données techniques de communications peut, le cas échéant, permettre la réalisation et l'exploitation des interceptions autorisées par la loi. »
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
J’avais déposé mon amendement bien avant celui de la commission des lois, lequel a été rectifié à plusieurs reprises. Le seul élément qui différencie nos deux propositions, c'est le contrôle de la géolocalisation par la CNCS. Actuellement, comme il n’y a aucun texte, on considère que la procédure doit être la même que pour les interceptions de sécurité, c'est-à-dire qu’il faut un avis préalable de la CNCS.
On me rétorque que la CNCS ne peut procéder à un tel contrôle. Toutefois, mes chers collègues, vous savez qu’elle est très bien organisée : elle traite un très grand nombre de dossiers par an en toute rapidité, puisqu’elle fonctionne 24 heures sur 24 et 365 jours par an.
Je le répète, c’est le seul point qui nous sépare. Je ne comprends pas qu’on n’applique pas le même régime que pour les interceptions de sécurité, d’autant que c'est ce qui se fait déjà aujourd’hui ! Intellectuellement, cela me dépasse.
Monsieur le ministre, nous avons tout de même fait progresser la réflexion. Nous avons dû insister quelque peu, car certains voulaient attendre, arguant de ce que nous avions jusqu’en 2015 pour décider. Toutefois, même si cela n’est pas dit, nous sommes sous la menace de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a rendu un arrêt sur la géolocalisation concernant l’Allemagne.
Nous devons donc, me semble-t-il, traiter le problème au fond, et tel est l’objet de l’amendement de la commission des lois. Comme il sera mis aux voix le premier, s’il est adopté, mon amendement deviendra sans objet. Je serai alors satisfait à 95 %, car il restera le problème de la géolocalisation. On verra si, compte tenu de la pratique actuelle, la réflexion pourra être approfondie pendant la navette parlementaire.
Monsieur Hyest, le point que vous soulevez est très important. Néanmoins, il constitue une intrusion dans la loi de programmation militaire qui aurait pu être très préjudiciable au débat et au vote de ce texte.
Si votre proposition présente un intérêt, permettez-moi de vous dire en toute amitié qu’elle n’a que peu de rapport avec l’objet initial de la loi de programmation militaire ! Ce sont, en quelque sorte, les vieux démons d’une commission qui m’est très chère qui vous poursuivent…
L’intervention de M. Sueur me pousse à vous apporter quelques brèves explications, même si je sais que nous ne devons pas perdre de temps.
L’amendement de la commission des lois, que je soutiendrai, vise à unifier le régime de l’accès aux données de connexion issu de la loi anti-terroriste de 2006 et le régime des interceptions téléphoniques de la loi de 1991.
L’article 13 du projet de loi avait un objectif beaucoup plus limité, puisqu’il visait simplement – vous avez eu raison de le souligner, monsieur Hyest – à clarifier le régime juridique de la géolocalisation en temps réel, en s’appuyant sur la validité jusqu’en 2015 de ce régime. Vous n’aviez pas non plus tort de relever que l’Europe nous amène à nous interroger sur ce sujet.
Sur le fond, il est difficile de s’opposer à l’amendement de la commission des lois, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il s’agit d’un domaine qui concerne la compétence de cette commission, laquelle est la mieux placée pour juger de la pertinence éventuelle de ce dispositif.
Ensuite, il est vrai que le régime de l’accès aux données de connexion issu de la loi anti-terroriste de 2006 est un régime transitoire qui pose des difficultés. Une clarification et une réforme des deux régimes nous semblent indispensables.
Enfin, la réforme proposée au travers de cet amendement présente le mérite de modifier le régime de l’accès aux données de connexion en renforçant les garanties en matière de protection des libertés.
Pour autant, notre commission s’est interrogée sur cette proposition. Introduire par le biais d’un amendement dans un texte sur la programmation militaire une réforme de cette importance et ayant un caractère sensible dans l’opinion publique peut, en effet, présenter des inconvénients sur les plans politique et juridique. Une telle réforme serait susceptible – je ne le souhaite pas ! – de retarder l’adoption du projet de loi de programmation militaire, qui doit impérativement intervenir avant la fin de l’année.
Sur le fond, nous nous sommes interrogés : était-il pertinent de mettre en place, comme le prévoyait la rédaction initiale, un régime d’autorisation aussi strict pour l’accès aux données de connexion que pour les interceptions ? En effet, le procédé est moins intrusif, puisqu’il ne permet pas d’avoir accès au contenu même des communications.
Par ailleurs, le délai de trois jours pour suivre une cible à l’aide de la géolocalisation n’était-il pas trop restrictif ? Sur ce point, la rédaction a toutefois été améliorée avec l’introduction d’un délai de dix jours.
Malgré toutes ces observations, la commission donne un avis favorable sur l’amendement n° 15 rectifié ter, dont l’adoption rendrait l’amendement n° 45 sans objet.
Ces amendements, notamment celui de M. Hyest, tendent à soulever une question très importante. Au départ, nous avions estimé qu’il fallait accorder davantage de temps à la réflexion, car, comme l’a souligné M. Carrère, inscrire ces orientations dans la loi de programmation militaire pouvait présenter des difficultés.
Je constate avec beaucoup d’intérêt que, depuis le passage du texte devant la commission des affaires étrangères et de la défense, un important travail a été effectué à la fois par le président de la commission des lois, par M. Hyest, par mes collaborateurs et par M. Carrère. Nous sommes parvenus à une bonne proposition, que le Gouvernement soutiendra. C’est une position d’équilibre, qui garantit l’efficacité opérationnelle des services de police et gendarmerie et de renseignement, tout en renforçant les garanties apportées sur le terrain des libertés publiques et en prévoyant des mécanismes d’autorisation et de contrôle très stricts.
Le Gouvernement est je le répète, partisan à cette avancée et il remercie l’ensemble des acteurs de leur travail et de leur sens de l’État et du compromis. J’émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 15 rectifié ter, dont l’adoption rendra sans objet l’amendement n° 45.
Dans la présentation de son amendement, M. Sueur a évoqué les libertés publiques et la sécurité. J’estime pour ma part que la sécurité est la première condition des libertés publiques et qu’il ne faut pas opposer les deux notions. Ou alors nous vivons dans un autre monde que celui dans lequel nous croyons – ou nous espérons – être !
Mme Nathalie Goulet. Nous avons passé la journée à lire des articles sur la surveillance d’Internet. En gros, la question qui se pose est la suivante : souhaitez-vous cette surveillance tout de suite ou maintenant ?
Sourires.
Entre les articles qui paraissent et les divers scandales comme celui de Wikileaks, il est tout à l’honneur de notre Haute Assemblée d’avoir soulevé la question des libertés et de la légitimité du contrôle dans le monde complètement dérégulé qui est celui d’internet.
D’un côté, notre débat peut paraître périmé ou préhistorique. De l’autre, il semble véritablement indispensable dans le cadre de la négociation des directives sur la protection des données que nous avons évoquées la semaine dernière et aujourd’hui même. La position de la France est plus qu’honorable, et celle de nos commissions des lois et des affaires étrangères tout à fait remarquable.
Je comprends parfaitement les inquiétudes de M. Carrère. Mon amendement tend à soulever une question qui ne relève pas du fond du texte, puisqu’il s’agit d’une loi de programmation militaire. Toutefois, l’occasion fait le larron !
Sans cet embryonnaire article 13, nous n’aurions jamais poussé la réflexion aussi loin.
M. le rapporteur acquiesce.
Pour ma part, d'ailleurs, je n’oppose pas les libertés publiques et la sécurité, car j’estime que les deux sont nécessaires. Je ne souhaite pas qu’il y ait un jour dans mon pays un Patriot Act, …
… lequel est très largement attentatoire aux libertés publiques ! Toutes les dérives viennent du reste de là.
Monsieur Trillard, je suis parfaitement d’accord avec vous, certaines oppositions n’ont pas de sens.
Par exemple, nombreux sont ceux qui tendent, dans leurs déclarations ou prises de position, à opposer la sécurité et la justice. Nous, nous voulons les deux ! Il n’y a pas lieu de les opposer, tout comme il n’y a pas lieu d’opposer la sécurité et la liberté. Vous avez bien raison : l’absence de sécurité porte atteinte à la liberté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé et l'amendement n° 45 n'a plus d'objet.
Chapitre III
Dispositions relatives à la protection des infrastructures vitales contre la cybermenace
(Non modifié)
Au chapitre Ier du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la défense sont insérés deux articles L. 2321-1 et L. 2321-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 2321-1. – Dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale et de la politique de défense, le Premier ministre définit la politique et coordonne l’action gouvernementale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information. Il dispose à cette fin de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information qui assure la fonction d’autorité nationale de défense des systèmes d’information.
« Art. L. 2321-2. – Pour répondre à une attaque informatique de systèmes d’information portant atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la capacité de survie de la Nation, les services de l’État peuvent, dans les conditions fixées par le Premier ministre, procéder aux opérations techniques nécessaires à la caractérisation de l’attaque et à la neutralisation de ses effets en accédant aux systèmes d’information qui en sont à l’origine.
« Afin d’être en mesure de répondre aux attaques informatiques mentionnées au premier alinéa, les services de l’État déterminés par le Premier ministre peuvent détenir des équipements, des instruments, des programmes informatiques et toute donnée susceptibles de permettre la réalisation d’une ou plusieurs des infractions prévues par les articles 323-1 à 323-3 du code pénal en vue d’analyser leur conception et d’observer leur fonctionnement. » –
Adopté.
(Non modifié)
Le chapitre II du titre III du livre III de la première partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° Il est créé une section 1 intitulée : « Dispositions générales », comprenant les articles L. 1332-1 à L. 1332-6 ;
2° Après l’article L. 1332-6, est insérée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Dispositions spécifiques à la sécurité des systèmes d’information
« Art. L. 1332-6-1. – Le Premier ministre fixe les règles de sécurité nécessaires à la protection des systèmes d’information des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 et des opérateurs publics ou privés qui participent à ces systèmes dont l’atteinte à la sécurité ou au fonctionnement risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation. Ces opérateurs sont tenus d’appliquer ces règles à leurs frais.
« Les règles mentionnées au premier alinéa peuvent notamment prescrire que les opérateurs mettent en œuvre des systèmes qualifiés de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité de leurs systèmes d’information. Ces systèmes de détection sont exploités sur le territoire national par des prestataires de services qualifiés en matière de sécurité de systèmes d’information ou par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ou par d’autres services de l’État désignés par le Premier ministre.
« Les qualifications des systèmes de détection et des prestataires de services exploitant ces systèmes sont délivrées par le Premier ministre.
« Art. L. 1332-6-2. - Les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 informent sans délai le Premier ministre des incidents affectant le fonctionnement ou la sécurité des systèmes d’information mentionnés au premier alinéa de l’article L. 1332-6-1.
« Art. L. 1332-6-3. – À la demande du Premier ministre, les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 soumettent leurs systèmes d’information à un contrôle destiné à vérifier le niveau de sécurité et le respect des règles de sécurité prévues à l’article L. 1332-6-1. Les contrôles sont effectués par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ou par des services de l’État désignés par le Premier ministre ou par des prestataires qualifiés par ce dernier. Le coût du contrôle est à la charge de l’opérateur.
« Art. L. 1332-6-4. - Pour répondre aux crises majeures menaçant ou affectant la sécurité des systèmes d’information, le Premier ministre peut décider des mesures que les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 doivent mettre en œuvre.
« Art. L. 1332-6-5. – L’État préserve la confidentialité des informations qu’il recueille auprès des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 dans le cadre de l’application des dispositions prévues à la présente section.
« Art. L. 1332-6-6. - Un décret en Conseil d’État précise les conditions et limites dans lesquelles s’appliquent les dispositions de la présente section. » ;
3° Il est ajouté une section 3 intitulée « Dispositions pénales » comprenant l’article L. 1332-7 ainsi modifié :
4° Le même article L. 1332-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est puni d’une amende de 150 000 € le fait, pour les mêmes personnes de ne pas satisfaire aux obligations prévues aux articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-4. Hormis le cas d’un manquement à l’article L. 1332-6-2, cette sanction est précédée d’une mise en demeure.
« Les personnes morales déclarées responsables, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues à la présente section encourent une amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du même code. » –
Adopté.
(Non modifié)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article 226-3, les mots : « conçus pour réaliser les opérations » sont remplacés par les mots : « de nature à permettre la réalisation d’opérations » ;
2° Au second alinéa de l’article 226-15, les mots : « conçus pour réaliser » sont remplacés par les mots : « de nature à permettre la réalisation ». –
Adopté.
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la défense, tel qu’il résulte de l’article 14, est complété par un article L. 2321-3 ainsi rédigé :
« Art. L 2321-3. – Pour les besoins de la sécurité des systèmes d’information de l’État et des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2, les agents de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, habilités par le Premier ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques, en application du III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, l’identité, l’adresse postale et l’adresse électronique d’utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d’information vulnérables, menacés ou attaqués. »
II. – La première phrase du III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifiée :
1° Après la référence : « article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle », sont insérés les mots : « ou pour les besoins de la prévention des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données prévues et réprimées par les articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal » ;
2° Après la référence : « article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle », sont insérés les mots : « ou de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information mentionnée à l’article L. 2321-1 du code de la défense. » –
Adopté.
I. – À l’article 323-3-1 du code pénal, après les mots : « sans motif légitime », sont insérés les mots : «, notamment de recherche ou de sécurité informatique » ;
II. – Au III de l’article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « le fonctionnement », sont insérés les mots : « ou la sécurité ». –
Adopté.
Chapitre IV
Dispositions relatives au traitement pénal des affaires militaires
(Non modifié)
L’article L. 211-7 du code de justice militaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-7. – Pour l’application de l’article 74 du code de procédure pénale, est présumée ne pas avoir une cause inconnue ou suspecte la mort violente d’un militaire au cours d’une action de combat se déroulant dans le cadre d’une opération militaire hors du territoire de la République. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 41 est présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 16.
Nous en arrivons aux questions relevant de la justice militaire. Lors de la discussion générale, j’ai indiqué combien nous avions souscrit aux positions de M. le ministre sur ces problèmes sensibles et difficiles. Cependant, il est apparu à la commission des lois qu’il était souhaitable de supprimer l’article 17, qui tend à créer une présomption simple en cas de mort au combat.
Cet article permettrait de déclencher une enquête pour recherche des causes de la mort, lorsqu’un cadavre est trouvé ou une personne grièvement blessée découverte et que les causes de cette mort ou de ces blessures sont inconnues ou suspectes.
Vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette présomption simple n’a pas de conséquences juridiques. Elle peut être renversée par tout moyen. Autrement dit, l’officier de police judiciaire des forces armées ne pourra ouvrir d’enquête sur les recherches de cause de la mort que s’il apporte des commencements de preuves, des éléments selon lesquels les circonstances de la mort sont inconnues ou suspectes.
En pratique, cette disposition ne semble pas apporter d’innovation importante par rapport au régime actuel, dans la mesure où l’enquête sur le fondement de l’article 74 du code de procédure pénale est menée non pas systématiquement, mais lorsqu’il y a un doute, matérialisé par des éléments justifiant l’ouverture de cette enquête.
Ainsi, les éléments qui justifient aujourd’hui l’ouverture d’une enquête en recherche des causes de la mort sont précisément les mêmes qui permettront de renverser cette nouvelle présomption.
Nous avons consulté nombre de juristes, qui nous ont confirmé que la présomption simple n’avait pas d’effet juridique. Elle a peut-être un effet symbolique. Par ailleurs, j’ai noté, comme vous, monsieur le ministre, que le Conseil supérieur de la fonction militaire, composé de militaires qui connaissent bien le sujet, avait estimé lui aussi, à l’unanimité, que cet article n’était pas utile.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 17.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 41.
En mettant fin au déclenchement automatique d’une enquête pour recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre à l’issue des combats, cet article, comme les suivants, veut éviter les risques d’une judiciarisation souvent absurde de l’action militaire.
Cet objectif paraît raisonnable. C’est une tentative, assez équilibrée, de résoudre la contradiction entre la possibilité pour des responsables militaires de mener des opérations en toute sécurité juridique et le droit d’accès à la justice pour chaque citoyen. Nous avons aussi le souci de faire prendre en compte, par les magistrats, mais aussi peut-être par l’opinion publique, la spécificité d’une opération militaire et les circonstances particulières d’un décès au combat.
Toutefois, comme M. Sueur, je m’interroge sur cette disposition, ainsi que sur l’avis défavorable émis sur cet article par le Conseil supérieur de la fonction militaire, le CSFM, lequel a souhaité que l’enquête pour recherche des causes de la mort soit systématiquement menée.
En outre, il me semble que, sur le plan international, nous pourrions nous voir opposer l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à la vie et impose une enquête impartiale aux États ayant ratifié la convention.
Face à ces différentes incertitudes, nous vous proposons, mes chers collègues, au travers de cet amendement, de supprimer l’article 17.
S’ils sont identiques, ces deux amendements de suppression n’ont pas exactement la même motivation.
La proposition de la commission des lois, tout d'abord, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. En réalité, en ne déposant qu’un seul amendement au volet « judiciarisation » de la loi de programmation militaire, à l’article 17 du texte, la commission des lois a manifesté son adhésion à l’équilibre proposé par le Gouvernement, entre le droit, pour les victimes, d’accéder à la justice et la nécessaire sécurisation des actions de combat.
En particulier, les articles 18 et 19, tels que nous les avons rédigés, qui constituent le cœur du dispositif, n’ont pas été amendés. Je m’en félicite vivement : c’est une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que ces dispositions, très attendues par les militaires, sont aussi considérées comme justifiées et proportionnées du point de vue des droits fondamentaux.
Cette adhésion est d’autant plus importante que se tient, ces jours-ci, le procès des pirates du Tanit. En effet, c’est précisément ce type d’opérations spéciales que nous avons voulu sécuriser juridiquement, dès 2005, dans la loi portant statut général des militaires, et aujourd’hui encore, avec le volet « judiciarisation » de la loi de programmation militaire.
Monsieur Sueur, selon vous, l’article 17 mériterait d’être supprimé car il serait sans effet, la pratique des magistrats étant déjà très souple. C’est vrai aujourd’hui, mais cela n’a pas toujours été le cas ! Par le passé, l’enquête en recherche des causes de la mort a pu être appliquée de manière systématique et, pour tout dire, quelque peu forcenée, ce qui a causé, d’ailleurs, l’incompréhension et la suspicion des familles, qui ne pouvaient pas comprendre pourquoi des enquêtes judiciaires étaient ouvertes et aussitôt refermées. Du reste, ce n’est qu’une pratique, et le retour à une application du texte stricto sensu n’est pas exclu.
En outre, dans certains cas où la cause de la mort est évidente – le parquet de Paris nous a cité l’exemple des attaques « green on blue » d’infiltrés afghans ou celui des décès causés par les engins explosifs –, le commandement de la prévôté, ces gendarmes officiers de police judiciaire projetés aux côtés de nos forces sur les théâtres d’opération, sous la direction du procureur de Paris, ont développé une pratique de renseignement judiciaire plus légère que l’enquête en recherche des causes de la mort.
Enfin, la rédaction que nous propose le Gouvernement contient un aspect supplémentaire, consistant à présumer qu’il n’est pas anormal de mourir lors d’une action de combat. Bien évidemment, il s’agit d’une présomption simple, que le juge pourra renverser s’il a le moindre doute – par exemple, s’il y a eu une dispute entre camarades avant le combat ou un tir dans le dos. Néanmoins, cette rédaction nous paraît mieux refléter la spécificité de l’action militaire. Les symboles ont parfois leur importance.
Par ailleurs, l’avis négatif du Conseil supérieur de la fonction militaire a été rendu dans le climat que chacun connaît, à la suite de discussions assez vives sur la réforme des retraites. Et je dois dire que les militaires comme les gendarmes et les magistrats que nous avons rencontrés sont favorables au texte du Gouvernement.
S’agissant de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, la CEDH, nous ne partageons pas l’analyse des auteurs de l’amendement n° 41. Il est vrai que l’article 2 de ce texte impose une forme d’enquête effective, mais je rappelle que l’enquête en recherche des causes de la mort n’a pas vocation à se substituer à l’enquête pénale proprement dite : dès que les circonstances de la mort sont élucidées, cette enquête s’achève et conduit soit à l’ouverture d’une enquête pénale, soit à un classement sans suite, selon que les causes de la mort sont ou non d’origine délictuelle.
Même à ce stade très préliminaire, la procédure du renseignement judiciaire nous paraît satisfaire à l’obligation d’enquête effective posée par la CEDH. D’ailleurs, dans son rapport pour avis, la commission des lois, bien qu’elle soit opposée à l’article 17, qu’elle juge sans effet, n’a relevé aucun risque de contrariété avec la convention.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Je partage tout à fait le point de vue du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur Sueur, je veux tout d'abord vous remercier d’avoir donné un avis favorable au monopole des poursuites par le parquet à un autre article du texte de loi ; c’était un élément très important.
Il n’empêche que, s’agissant de cet article 17, le Gouvernement maintient sa position initiale.
Monsieur Sueur, permettez-moi de faire deux observations.
Premièrement, le 9 juin 2012, alors que je venais de prendre mes fonctions de ministre de la défense, des attaques terroristes en Kapisa ont malheureusement abouti à la mort de cinq soldats français. Deux heures plus tard, le parquet ouvrait une enquête sur cette mort, alors qu’il s’agissait manifestement d’un combat. Vous le voyez, la dimension symbolique des événements est extrêmement forte ! À cet égard, je suis très heureux que vous ayez parlé du procès des pirates du Tanit ; d’autres exemples pourraient être cités.
Deuxièmement, M. Carrère a eu raison de rappeler que la prise de position du CSFM a été effectuée à un moment très particulier de la vie de ce conseil. Je ne suis pas sûr que son avis serait le même aujourd'hui.
En tout état de cause, je pense que la procédure de recherche des causes de la mort ne doit pas être systématiquement engagée par le parquet en cas de découverte du corps d’un militaire français à l’occasion d’une action de combat. La cause de la mort n’est a priori ni inconnue ni suspecte ; elle est au contraire consubstantielle à l’engagement militaire. Il s'agit d’éviter de s’engager dans le processus de judiciarisation inutile qu’a dénoncé le Président de la République dans le premier message qu’il a adressé aux armées après sa prise de fonctions.
Pour conclure, j’ajoute que tout élément, quelle que soit sa nature, qui laisserait penser que le décès ne serait pas lié aux seules opérations de combat rendra la cause du décès inconnue ou suspecte et pourra conduire au déclenchement d’une enquête pour recherche des causes de la mort. Il y a, dans les situations, extrêmement tendues, des militaires au combat, qui mettent en jeu leur propre vie, une force symbolique extrêmement importante, que je vous demande de bien vouloir respecter.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je tiens à nuancer l’argument auxquels ont recouru tant M. Carrère que M. le ministre : que le Conseil supérieur de la fonction militaire ait pris sa décision après un débat vif ne permet pas d’invalider sa décision ! Dans cette enceinte même, il arrive assez souvent qu’un vote intervienne après un débat vif. Nul ne songerait à remettre en cause les mesures adoptées dans de telles circonstances !
M. le ministre et M. le rapporteur opinent.
Cela dit, je donne acte à M. le rapporteur et à M. le ministre de leurs considérations sur le très grand respect que nous devons aux militaires, en particulier à ceux qui sont morts au combat, alors qu’ils accomplissaient leur devoir.
Monsieur le ministre, l’École de santé des armées de Lyon propose-t-elle une spécialité en médecine légale ? La question se pose car, s’il faut rechercher les causes de tous les décès survenus au cours d’une guerre, il faudra former de très nombreux médecins légistes ! Au reste, les guerres les plus meurtrières sont peut-être devant nous… Notre débat est quelque peu théorique et ne concerne qu’une situation où il n'y a que quelques morts isolées.
Malheureusement, dans les conflits, les causes de la mort sont presque toujours suffisamment évidentes pour que l’on comprenne ce qui s’est passé sans avoir besoin de faire des enquêtes poussées.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 17 est adopté.
I. – (Non modifié) À l’article L. 211-11 du code de justice militaire, les mots : « particulières prévues aux articles 698-1 à 698-9 du même code et des dispositions de la présente section » sont remplacés par les mots : « des articles 698-1 à 698-9 du même code, de celles de l’article 113-8 du code pénal et de celles de la présente section ».
II. - L’article 698-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la référence : « au premier alinéa de l’article 697-1 », est insérée la référence : « ou au premier alinéa de l’article 697-4 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l’action publique ne peut être mise en mouvement que par le procureur de la République lorsqu’il s’agit de faits commis dans l’accomplissement de sa mission par un militaire engagé dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer. » –
Adopté.
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 4123-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces diligences normales sont appréciées en particulier au regard de l’urgence dans laquelle ils ont exercé leurs missions, des informations dont ils ont disposé au moment de leur intervention et des circonstances liées à l’action de combat. » ;
2° Après les mots : « des règles du droit international », la fin du II de l’article L. 4123-12 est ainsi rédigé : « et dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’exercice de sa mission. » –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Le code de justice militaire est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 211-5, les mots : « des forces armées » sont remplacés par les mots : « spécialisées en matière militaire » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 211-22, les mots : « du tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « de la juridiction de Paris spécialisée en matière militaire ».
II. - À la première phrase de l’article 698-5 du code de procédure pénale, après la référence : « L. 211-22 », est insérée la référence : «, L. 211-24 ». –
Adopté.
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 697 du code de procédure pénale, les mots : « de chaque cour » sont remplacés par les mots : « d’une ou de plusieurs cours ». –
Adopté.
Chapitre V
Dispositions relatives aux ressources humaines
Section 1
Dispositions relatives à la protection juridique
(Non modifié)
I. – L’article L. 4123-10 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa, après le mot : « conjoints », sont insérés les mots : « concubins, partenaires de pacte civil de solidarité, » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Cette protection peut également être accordée, à sa demande, au conjoint, concubin, ou partenaire de pacte civil de solidarité qui engage une instance civile ou pénale contre les auteurs d’une atteinte volontaire à la vie du militaire du fait des fonctions de celui-ci. En l’absence d’action engagée par le conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, la protection peut être accordée aux enfants ou, à défaut, aux ascendants directs du militaire qui engagent une telle action.
« Cette protection est également accordée, dans les mêmes conditions que celles prévues au huitième alinéa, aux ayants droit de l’agent civil relevant du ministère de la défense victime à l’étranger d’une atteinte volontaire à sa vie du fait de sa participation à une mission de soutien à l’exportation de matériel de défense.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et limites de la prise en charge par la collectivité publique, au titre de la protection, des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par le militaire ou les ayants droit mentionnés au présent article.
« Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions de l’article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure et de celles de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « L. 4123-9 » est remplacée par la référence : « L. 4123-10 ». –
Adopté.
Section 2
Dispositions relatives à la gestion des personnels de la défense
(Non modifié)
I. – Les officiers de carrière servant dans les grades de colonel, de lieutenant-colonel, de commandant, de capitaine ou dans un grade équivalent et les sous-officiers de carrière servant dans les grades d’adjudant-chef, d’adjudant ou dans un grade équivalent qui ont accompli, à la date de leur radiation des cadres, survenue entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2019, la durée de services effectifs prévue respectivement au 1° ou au 2° du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui se trouvent à plus de cinq ans de la limite d’âge applicable à leur grade avant l’entrée en vigueur de la présente loi peuvent, sur demande agréée par le ministre de la défense, bénéficier de la liquidation immédiate d’une pension dans les conditions prévues par le présent article.
II. – Le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu’il résulte de l’application de l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite par la solde afférente à l’indice correspondant à l’échelon unique, pour les colonels, au deuxième échelon, pour les autres officiers, ou au troisième échelon, pour les sous-officiers, du grade immédiatement supérieur au grade détenu, depuis cinq ans au moins, par l’intéressé.
Toutefois, la solde soumise à retenue pour pension est celle afférente à l’indice correspondant au dernier échelon, même exceptionnel, du grade détenu par l’intéressé auquel celui-ci aurait pu prétendre s’il avait été radié des cadres après avoir atteint la limite d’âge mentionnée au I du présent article, si cette solde est supérieure à celle mentionnée au premier alinéa du II du présent article.
Dans tous les cas, lorsque l’échelon concerné comprend plusieurs indices, la solde soumise à retenue pour pension est celle afférente au premier indice de l’échelon.
Les services pris en compte dans la liquidation de la pension sont ceux mentionnés au 2° de l’article L. 11 du code des pensions civiles et militaires de retraite que l’intéressé aurait accomplis s’il avait servi jusqu’à la limite d’âge de son grade. À ces services s’ajoutent les bonifications prévues aux c, d et i de l’article L. 12 du même code, la troisième étant celle qui aurait été accordée à l’intéressé s’il avait servi jusqu’à la limite d’âge de son grade. Le pourcentage maximal fixé à l’article L. 13 du même code peut être augmenté de cinq points du fait des bonifications accordées en application des c et d de l’article L. 12 du même code.
Les coefficients de minoration et de majoration prévus à l’article L. 14 dudit code ne s’appliquent pas à la pension prévue par le présent article.
III. – Le bénéficiaire de la pension qui reprend une activité dans un organisme mentionné à l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite perd le bénéfice de cette pension à compter du premier jour du mois au cours duquel débute cette activité.
La pension prévue au présent article est exclusive du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus par les articles 24 et 25 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l’article L. 4139-9 du code de la défense.
IV. – Chaque année, un arrêté conjoint du ministre de la défense, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget détermine le nombre de militaires, par grade et par corps, pouvant bénéficier des dispositions du présent article. Sauf pour l’année 2014, cet arrêté est publié au plus tard le 1er août de l’année précédant celle pour laquelle il fixe un contingent. –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Jusqu’au 31 décembre 2019, les officiers et les sous-officiers de carrière en position d’activité peuvent, sur leur demande écrite, bénéficier d’une promotion dénommée ci-après « promotion fonctionnelle », dans les conditions et pour les motifs prévus au présent article.
La promotion fonctionnelle consiste, au vu de leurs mérites et de leurs compétences, à promouvoir au grade supérieur des officiers et des sous-officiers de carrière afin de leur permettre d’exercer une fonction déterminée avant leur radiation des cadres ou, s’agissant des officiers généraux, leur admission dans la deuxième section.
Pour bénéficier d’une promotion fonctionnelle, les officiers et les sous-officiers de carrière doivent avoir acquis des droits à la liquidation de leur pension dans les conditions fixées au II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou pouvoir bénéficier d’une solde de réserve au titre de l’article L. 51 du même code.
Un décret en Conseil d’État détermine, pour chaque grade, les conditions requises pour être promu en application du présent article. Ces conditions tiennent à l’ancienneté de l’intéressé dans le grade détenu et à l’intervalle le séparant de la limite d’âge applicable à ce grade avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
II. – Nul ne peut être promu en application du présent article à un grade autre que ceux d’officiers généraux s’il n’est inscrit sur un tableau d’avancement spécial établi, au moins une fois par an, par corps.
La commission d’avancement instituée à l’article L. 4136-3 du code de la défense présente au ministre de la défense tous les éléments d’appréciation nécessaires.
Sous réserve des nécessités du service, les promotions fonctionnelles ont lieu dans l’ordre du tableau d’avancement spécial. Les décisions précisent l’ancienneté dans le grade de promotion au terme de laquelle intervient la radiation des cadres ou l’admission dans la deuxième section des officiers généraux.
À l’issue du processus de sélection prévu aux alinéas précédents, la promotion fonctionnelle est décidée par le ministre de la défense sous réserve de l’accord écrit préalable de l’intéressé. Cet accord vaut engagement d’occuper la fonction mentionnée au deuxième alinéa du I du présent article et acceptation de la radiation des cadres ou de l’admission dans la deuxième section des officiers généraux, qui ne peut intervenir moins de vingt-quatre mois et plus de trente-six mois après la promotion.
Le refus d’occuper la fonction liée à la promotion fonctionnelle entraîne la perte du bénéfice de celle-ci.
III. – La promotion fonctionnelle est exclusive du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus aux articles 23 et 25 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l’article L. 4139-9 du code de la défense.
IV. – Chaque année, un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget fixe, par grade et par corps, le nombre d’officiers et de sous-officiers pouvant bénéficier des dispositions du présent article. Sauf pour les grades d’officiers généraux, ce nombre ne peut excéder, par grade et par corps, le tiers du nombre total d’officiers ou de sous-officiers inscrits aux tableaux d’avancement d’une même année.
L'amendement n° 46, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
L'article 24 est adopté.
(Non modifié)
I. – Peuvent prétendre, à compter du 1er janvier 2014 et jusqu’au 31 décembre 2019, sur demande agréée par le ministre de la défense et dans la limite d’un contingent annuel fixé par arrêté conjoint du ministre de la défense, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, au versement d’un pécule modulable d’incitation au départ déterminé en fonction de la solde budgétaire perçue en fin de service :
1° Le militaire de carrière en position d’activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d’âge de son grade pouvant bénéficier d’une solde de réserve en application de l’article L. 51 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’une pension de retraite liquidée dans les conditions fixées aux articles L. 24 et L. 25 du même code ;
2° Le militaire engagé en position d’activité rayé des contrôles avant quinze ans de services ;
3° Par dérogation au 2°, le maître ouvrier des armées en position d’activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d’âge qui lui est applicable.
Le pécule est attribué en tenant compte des nécessités du service, de l’ancienneté de service du militaire et de l’intervalle le séparant de la limite d’âge de son grade.
Le montant du pécule perçu est remboursé par tout bénéficiaire qui, dans les cinq années suivant son admission dans la deuxième section des officiers généraux, sa radiation des cadres ou sa radiation des contrôles, souscrit un nouvel engagement dans les armées, à l’exclusion de la réserve militaire, ou est nommé dans un corps ou un cadre d’emploi de l’une des fonctions publiques.
Le remboursement est effectué dans le délai d’un an à compter de l’engagement ou de la titularisation.
Un décret détermine, pour chaque catégorie de militaires mentionnée aux 1°, 2° et 3°, les conditions d’attribution ainsi que les modalités de calcul, de versement et, le cas échéant, de remboursement du pécule.
Le pécule modulable d’incitation au départ des militaires est exclusif du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus par les articles 23 et 24 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l’article L. 4139-9 du code de la défense.
Les limites d’âge mentionnées ci-dessus sont celles résultant de l’article 33 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites dans sa rédaction en vigueur à la date du 1er janvier 2014.
II. – Le 30° de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 30° Le pécule modulable d’incitation au départ des militaires, versé en application du I de l’article 25 de la loi n° … du … relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; » .
III. – Les pécules modulables d’incitation à une seconde carrière attribués en application de l’article 149 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 demeurent régis par les dispositions prévues par cet article.
IV. – Sous réserve du III, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2014. –
Adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 4139-9 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La disponibilité est la situation de l’officier de carrière qui, ayant accompli plus de quinze ans de services dont six au moins en qualité d’officier et, le cas échéant, satisfait aux obligations de la formation spécialisée prévue à l’article L. 4139-13, a été admis, sur demande agréée, à cesser temporairement de servir dans les armées. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Elle est prononcée pour une période d’une durée maximale de cinq années, non renouvelable, pendant laquelle l’officier perçoit, la première année, 50 % de la dernière solde perçue avant la cessation du service, 40 % de cette solde la deuxième année et 30 % les trois années suivantes. »
II. – La disponibilité est exclusive du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus par les articles 23 à 25 de la loi n° … du … relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2014.
IV. – Les disponibilités accordées en application de l’article L. 4139-9 du code de la défense avant le 1er janvier 2014 demeurent régies par les dispositions de cet article dans sa rédaction antérieure à cette date. –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Le tableau constituant le deuxième alinéa du 2° du I de l’article L. 4139-16 du code de la défense est ainsi modifié :
1° À la cinquième ligne, les mots : « Officiers du cadre spécial, commissaires » sont remplacés par les mots : « Commissaires » ;
2° La dernière ligne est complétée par les mots : «, officiers spécialistes de l’armée de terre, officiers logisticiens des essences ».
II. – Le 1° du I entre en vigueur le 1er janvier 2016. –
Adopté.
(Non modifié)
Au I de l’article 150 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, l’année « 2014 » est remplacée par l’année « 2019 ». –
Adopté.
L'amendement n° 22 rectifié ter, présenté par MM. Lorgeoux et Roger, Mme Garriaud-Maylam et MM. Poncelet et Dulait, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le chapitre VIII du titre Ier du livre IV de la partie 3 du code de la défense devient un chapitre IX et les articles L. 3418-1, L. 3418-2 et L. 3418-3 deviennent les articles L. 3419-1, L. 3419-2 et L. 3419-3.
II. Après le chapitre VII du même titre Ier, il est inséré un chapitre VIII ainsi rétabli :
« Chapitre VIII : Foyer d’entraide de la Légion étrangère
« Section 1 : Dispositions générales
« Art. L. 3418 -1. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère est un établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre de la défense.
« L’activité du Foyer d’entraide de la Légion étrangère s’exerce au profit des militaires et anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, ainsi qu’à leurs familles.
« Art. L. 3418 -2. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère assure les missions suivantes :
« 1° L’aide matérielle, administrative et financière aux militaires et anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, ainsi qu’à leurs familles ;
« 2° L’accueil des militaires et anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, en difficulté afin de leur offrir un accompagnement social, une adaptation à la vie active ou une aide à l’insertion sociale et professionnelle ;
« 3° L’accueil d’anciens militaires, ayant servi à titre étranger, handicapés ou âgés afin de leur offrir un soutien médico-social ;
« 4° La mise en œuvre de mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire à l’égard des anciens militaires ayant servi à titre étranger ;
« 5° Le maintien et la promotion de l’identité légionnaire notamment par la réalisation et la vente de publications et d’objets de communications ;
« 6° Le soutien financier aux actions relatives à la mémoire de la Légion étrangère ;
« 7° L’octroi de subventions au profit des personnes morales à but non lucratif agissant dans le domaine de l’action sociale ou médico-sociale à destination des militaires ou anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger.
« Section 2 : Organisation administrative et financière
« Art. L. 3418 -3. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère est administré par un conseil d’administration présidé par le général commandant la légion étrangère.
« Il comprend, en outre :
« - des représentants de l’État, dont des représentants de la Légion étrangère ;
« - des représentants des bénéficiaires des prestations délivrées par l’établissement ;
« - des membres nommés en raison de leur compétence.
« Art. L. 3418 -4. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère est dirigé par un directeur général nommé par arrêté du ministre de la défense sur proposition du conseil d’administration.
« Art. L. 3418 -5 – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère n’a pas de but lucratif. Ses ressources sont constituées par :
« 1° Les subventions et prestations en nature que le Foyer d’entraide de la Légion étrangère peut recevoir de l’État, des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques et privées ;
« 2° Les revenus des biens meubles et immeubles propriétés de l’établissement ;
« 3° Les dons et legs ;
« 4° Le produit du placement de ses fonds ;
« 5° Le produit des aliénations ;
« 6° Les recettes provenant de l’exercice de ses activités.
« En outre, il peut souscrire des emprunts et recevoir des contributions financières des cercles et des foyers.
« Art. L. 3418 -6 – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère observe, pour sa gestion financière et comptable, les règles du droit privé. Il n’est pas tenu de déposer ses fonds au Trésor.
« Art. L. 3418 -7 – Le personnel du Foyer d’entraide de la Légion étrangère comprend :
« - des militaires affectés par ordre de mutation dans les conditions du droit commun et servant en position d’activité ;
« - des personnels régis par le code du travail.
« Section 3 : Dispositions diverses
« Art. L. 3418 -8. – L’État met gratuitement à la disposition du Foyer d’entraide de la Légion étrangère les biens immobiliers nécessaires à l’accomplissement de ses missions.
« Art. L. 3418 -9. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du Foyer d’entraide de la Légion étrangère. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section 3 :
Dispositions relatives au Foyer d’entraide de la Légion étrangère
La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
Cet amendement est relatif au Fonds d’entraide de la Légion étrangère, le FELE, en tant qu’outil de solidarité et d’entraide au service des légionnaires et de leurs familles. Comme vous le savez, ce fonds constitue l’un des piliers sur lesquels la Légion étrangère peut compter pour exercer ses missions.
Le statut juridique actuel du FELE, établissement public administratif régi par les dispositions applicables aux cercles et foyers militaires, ne correspond plus à la réalité de ses missions.
La réforme de son statut doit permettre d’assurer la pérennité de l’institution et de ses missions, de maintenir des liens étroits avec le commandement de la Légion étrangère et de doter le fonds des moyens humains, juridiques et matériels qui lui sont indispensables. Le statut proposé, celui d’un établissement public sui generis placé sous la tutelle du ministère de la défense, semble répondre parfaitement à ces objectifs.
Je tiens à préciser qu’il s'agit d’une démarche de longue haleine, puisqu’elle a été engagée en 2008 par notre ancien collègue Jean-François Picheral et soutenue par l’ancien président de notre commission, M. Josselin de Rohan, tandis que notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a déposé, en juillet 2009, une proposition de loi portant création d’une fondation pour la Légion étrangère, sur le modèle de la Fondation Saint Cyr.
Enfin, les liens entre le Sénat et la Légion étrangère sont aussi étroits qu’anciens. Ils ont été ravivés par Christian Poncelet, ancien président de la Haute Assemblée. En effet, ce dernier a joué un rôle déterminant dans l’adoption, en 1999, de la loi modifiant les conditions d’acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l’armée française, loi dite « Français par le sang versé ». Il est devenu, ès qualités, président d’honneur de l’association Atouts Légion, émanation du bureau d’aide à la reconversion de la Légion étrangère qui vise à aider les anciens légionnaires à avoir une seconde carrière ; M. Jean-Pierre Bel est, de fait, l’actuel président d’honneur de cette association. Enfin, Christian Poncelet a organisé une prise d’armes des légionnaires dans le jardin du Luxembourg le 13 juillet de chaque année.
Les liens entre le Sénat et la Légion étrangère sont si forts et si anciens que certains esprits lyriques disent même qu’ils remontent à la Rome antique, du temps où les signiferi, les porte-enseigne des légions, marchaient en tête, au nom du Sénat et du peuple de Rome – Senatus populusque romanus ! §
Le sous-amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 22 rectifié ter, alinéa 30
Supprimer les mots :
souscrire des emprunts et
La parole est à M. le ministre.
Ce sous-amendement visait à légèrement atténuer la portée de l’amendement déposé par M. Lorgeoux.
Après réflexion, je laisse à la sagesse du Sénat le soin d’apprécier si le Fonds d’entraide de la Légion étrangère doit, ou non, être autorisé à souscrire des emprunts, pour parvenir à une gestion plus stricte et mieux maîtrisée des deniers publics.
La commission est favorable à l'amendement de M. Lorgeoux et, dans sa grande sagesse, elle demande à l'unanimité à M. le ministre de bien vouloir retirer son sous-amendement. En effet, celui-ci tend à supprimer la possibilité pour le foyer d’entraide de la Légion étrangère de souscrire des emprunts.
Une telle interdiction pourrait se justifier pour empêcher ce foyer de réaliser des investissements inconsidérés. Néanmoins, comme cette structure est composée d'anciens militaires et qu’elle est placée sous la tutelle du ministère de la défense, cela reviendrait à dire que les militaires ne se font pas confiance à eux-mêmes…
Pour que nous puissions voter, dans la sérénité, l'amendement présenté par M. Lorgeoux et ses collègues, nous vous demandons, monsieur le ministre, de retirer votre sous-amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 22 rectifié ter.
Par ailleurs, monsieur le président, je retire l'amendement n° 64.
Le sous-amendement n° 64 est retiré.
La parole est à M. Jeanny Lorgeoux, pour explication de vote.
Je voulais remercier M. le ministre et M. le rapporteur et signaler que cet amendement est cosigné par mes collègues Roger, Garriaud-Maylam, Poncelet et Dulait.
Je remercie mon collègue d'avoir signalé que j’étais, en effet, cosignataire de cet amendement.
Je le remercie également d'avoir mentionné, par ailleurs, la proposition de loi déposée en 2009, qui était sensiblement différente. J’avais été approchée par la Légion étrangère pour réfléchir au statut de ce foyer d'entraide. Après de nombreuses réflexions, discussions et analyses juridiques, j’avais pensé que le statut de fondation serait peut-être meilleur pour le foyer d'entraide de la Légion étrangère, qu’il donnerait probablement plus de liberté à ce dernier, en particulier pour faire appel à des fonds extérieurs et pour les recueillir.
Évidemment, je me rallie totalement à la position de notre collègue Lorgeoux, mais il me semblait important que vous connaissiez l'existence de cette proposition de loi sur ce statut de fondation. Nous pourrions en discuter très longuement : le statut de fondation m'était vraiment apparu plus utile au foyer d'entraide de la Légion étrangère, mais il pourra toujours être revu plus tard, si nous constatons des limites dans l'application du statut d'établissement public, puisque tel était déjà le cas.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
Je constate par ailleurs que l’amendement n° 22 rectifié ter a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 23 rectifié ter, présenté par MM. Lorgeoux et Roger, Mme Garriaud-Maylam et MM. Poncelet et Dulait, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’établissement public mentionné à l’article L. 3418-1 du code de la défense est substitué aux droits et obligations du Foyer d’entraide de la Légion étrangère dont il reprend les activités.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Dispositions relatives au Foyer d’entraide de la Légion étrangère
La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
Cet amendement de coordination tend à transférer les entités, les droits et les obligations du Foyer d’entraide de la Légion étrangère au nouvel établissement public.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
L'amendement n° 32 rectifié bis, présenté par MM. Trillard, Pintat, J. Gautier, Cambon, Dulait, Laufoaulu, Charon, Gournac, G. Larcher, J.P. Fournier et Paul, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Beaumont et Cléach, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
…. – Le ministère de la Défense met en place, autant que faire se peut, un dispositif de suivi et ou d’accompagnement médical et psychologique pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l’issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.
La parole est à M. André Trillard.
Cet amendement a pour objet d'insérer, après l'article 28, un article rappelant que le ministère de la Défense met en place, autant que faire se peut, un dispositif de suivi et ou d’accompagnement médical.
Bien entendu, monsieur le ministre, vous le faites déjà, mais vous avez oublié d'en parler dans ce texte, et il ne serait pas inutile, selon moi, que nos militaires sachent qu’il s'agit d'une constante et que vous avez donc l'intention de continuer dans ce sens.
Je serai évidemment favorable à cet amendement, mais je suis un peu déçu, monsieur Trillard, que la mise en place du dispositif de suivi ou d'accompagnement se fasse – je cite le texte de l'amendement – « autant que faire se peut » !
Vous savez qu’il s'agit là d'une de mes priorités et que j’ai mené de nombreuses actions dans ce domaine, si bien que je souhaiterais que votre formulation soit quelque peu différente. À vous lire, on dirait que tout commence, alors que le sujet me tient à cœur depuis mon arrivée au ministère, comme c’était déjà le cas, me semble-t-il, pour mon prédécesseur.
Je pense que M. Trillard pourrait réécrire ainsi l’article additionnel qu’il propose d’insérer dans le projet de loi : « Le ministère de la défense développera un dispositif de suivi et ou d'accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés », etc.
Monsieur Trillard, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
J’y souscris bien volontiers, monsieur le président, et je rectifie donc mon amendement en ce sens.
Monsieur le ministre, je tiens à vous présenter mes regrets si je vous ai provoqué : n’ayant rien vu sur ce sujet et pensant qu'il présentait une certaine importance, il m'avait paru intéressant de vous aiguillonner.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 32 rectifié ter, présenté par MM. Trillard, Pintat, J. Gautier, Cambon, Dulait, Laufoaulu, Charon, Gournac, G. Larcher, J.P. Fournier et Paul, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Beaumont et Cléach, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
…. – Le ministère de la Défense développera un dispositif de suivi et ou d’accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l’issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
Chapitre VI
Dispositions relatives aux immeubles, sites et installations intéressant la défense
(Non modifié)
Jusqu’au 31 décembre 2019, par dérogation aux dispositions de l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles utilisés par le ministère de la défense peuvent être remis à l’administration chargée des domaines en vue de leur cession sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles pour les autres services de l’État. –
Adopté.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 29
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Jusqu'au 31 décembre 2019, l'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense avant le 31 décembre 2008 a lieu soit par adjudication publique, soit à l'amiable, selon des modalités définies par un décret en Conseil d’État. L'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense après le 31 décembre 2008 et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par ce ministre a lieu dans les mêmes conditions jusqu'au 31 décembre 2019. Le décret ci-dessus mentionné précisera les cas dans lesquels cette aliénation pourra être consentie sans publicité ni mise en concurrence.
La parole est à M. Yves Krattinger.
Il s’agit de prolonger une procédure sur laquelle se fonde l’action de la mission de réalisation des actifs immobiliers, la MRAI, dont le terme est actuellement fixé, me semble-t-il, au 31 décembre 2014.
Compte tenu de l’ampleur et de la complexité du programme de restructuration immobilière du ministère, ainsi que de la nature des emprises à céder, il est nécessaire, afin de garantir la réalisation des cessions en temps et en heure – les recettes en sont très attendues –, de conserver les adaptations dont bénéficie le ministère de la défense au regard de la procédure de cession de droit commun, qui est celle des autres administrations de l’État.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29.
(Non modifié)
Le code de la défense est ainsi modifié :
1°Au début de l’article L. 5111-1, les mots : « Les établissements du ministère de la défense » sont remplacés par les mots : « Les établissements relevant du ministère de la défense ou présentant un intérêt pour la défense nationale » ;
2° À l’article L. 5111-6, les mots : « sans l’autorisation du ministre de la défense » sont remplacés par les mots : « sans autorisation de l’autorité administrative ». –
Adopté.
(Non modifié)
L’article L. 123-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du III est supprimée ;
2° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Sont exclus du champ d’application du présent chapitre afin de tenir compte des impératifs de la défense nationale :
« 1° Les installations réalisées dans le cadre d’opérations secrètes intéressant la défense nationale, ainsi que, le cas échéant, les plans de prévention des risques technologiques relatifs à ces installations ;
« 2° Les installations et activités nucléaires intéressant la défense mentionnées au III de l’article 2 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, sauf lorsqu’il en est disposé autrement par décret en Conseil d’État s’agissant des autorisations de rejets d’effluents ;
« 3° Les aménagements, ouvrages ou travaux protégés par le secret de la défense nationale ;
« 4° Les aménagements, ouvrages ou travaux intéressant la défense nationale déterminés par décret en Conseil d’État, ainsi que l’approbation, la modification ou la révision d’un document d’urbanisme portant exclusivement sur l’un d’eux. » ;
3° Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – L’enquête publique s’effectue dans le respect du secret de la défense nationale, du secret industriel et de tout secret protégé par la loi. Son déroulement ainsi que les modalités de sa conduite peuvent être adaptés en conséquence. » –
Adopté.
(Non modifié)
À l’article 413-5 du code pénal, après le mot : « terrain », sont insérés les mots : «, dans un port ». –
Adopté.
Chapitre VII
Dispositions diverses et finales
(Non modifié)
I. –Au premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés, après les mots : « formations supplétives », sont insérés les mots : « de statut civil de droit local ».
II. – Les dispositions du I sont applicables aux demandes d’allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n’ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.
III. – La demande de bénéfice de l’allocation de reconnaissance prévue à l’article6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est présentée dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.
L'amendement n° 34 rectifié bis, présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, M. Couderc, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Falco, Pintat, Doublet, D. Laurent, Bécot, B. Fournier, Lefèvre, Laufoaulu, Charon, Doligé et Leleux, Mme Sittler, MM. César, P. Leroy, Pierre et Dulait, Mme Lamure, MM. Houel, Cardoux et Legendre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mme Deroche et MM. Bourdin, Reichardt, Poncelet et Gaillard, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 33 rectifié ter, présenté par MM. Gilles, Cléach et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, MM. Falco, Couderc et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Pintat, Doublet, D. Laurent, Bécot, B. Fournier, Lefèvre, Laufoaulu, Charon, Doligé et Leleux, Mme Sittler, MM. César, P. Leroy, Pierre, Dulait et Ferrand, Mme Lamure, MM. Houel, Cardoux et Legendre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mme Deroche et MM. Poncelet, Bourdin, Reichardt et Gaillard, et qui est ainsi libellé :
I. - Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. - Les indemnisations ou compensations concernant les anciens supplétifs de l’armée française en Algérie et assimilés, prévues par les lois n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 et n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés s'appliquent à toutes les personnes concernées, quel qu’ait été leur statut (statut civil de droit local, statut civil de droit commun) et à leurs ayants droit.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour défendre ces deux amendements.
L’amendement n° 34 rectifié bis vise à supprimer l’article 33. On nous demande en effet subrepticement, au détour d’un projet de loi de programmation militaire avec lequel elle n’a pas grand-chose à voir, de statuer sur la question des harkis, supplétifs et assimilés ayant combattu durant la guerre d’Algérie aux côtés de l’armée française.
Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, nous aurions pu espérer que tous les harkis et assimilés qui avaient combattu aux côtés de notre armée puissent, enfin, bénéficier de la reconnaissance de la France, une fois pour toutes.
Or le Gouvernement semble ne toujours pas vouloir clore ce dossier et nous propose d'ignorer la décision du Conseil constitutionnel publiée au Journal officiel le 4 février 2011, entérinée par la décision du Conseil d’État du 20 mars dernier.
En dépit de l’inconstitutionnalité de la mesure, considérée comme « dépourvue de base légale », il nous est demandé de réintroduire dans la loi un distinguo pour ces supplétifs, entre ceux, arabo-berbères, qui relèvent du statut civil de droit local et ceux, de souche européenne, qui relèvent du statut civil de droit commun.
Ainsi, avec l’article 33, le Gouvernement, après les deux décisions évoquées, ne mettra pas un point final aux parcours chaotiques et particulièrement humiliants des demandes de reconnaissance de ces deux catégories de forces auxiliaires en Algérie et entend pérenniser une discrimination dépourvue de base légale.
Alléguant le respect de la volonté du législateur, l’article 33 réintroduit donc une notion ségrégationniste entre des supplétifs ayant pourtant participé aux mêmes actions civiles et militaires au péril de leurs vies.
Outre son inconstitutionnalité, ce distinguo repose sur des appréciations dépassées de la situation des intéressés. En effet, depuis l’indépendance de l’Algérie, la description de la réalité des harkis, appelés tantôt « rapatriés particuliers », tantôt « supplétifs réfugiés », a gagné en clarté grâce aux travaux d’historiens tels que le général Maurice Faivre, responsable d’une harka durant la guerre d’Algérie, qui a pu accéder aux archives militaires. Ses travaux corroborent ceux d’autres historiens, le général François Meyer, lui-même ancien chef de harka, et M. Guy Pervillé.
Les enjeux du chiffrage sont, aujourd’hui encore, au cœur des polémiques liées à la destinée des anciens harkis. L’exposé des motifs du projet de loi fait état de 9 000 supplétifs de statut civil de droit commun.
Or, parmi les harkas créées au sein des 700 SAS – les sections administratives spécialisées – ou SAU – les sections administratives urbaines –, la plupart n’avaient pas de supplétifs au statut civil de droit commun et les autres n’en comptaient que deux ou trois. On peut donc estimer le nombre de ces « harkis blancs », comme ils se désignent eux-mêmes, à seulement 500.
Ils ont vécu leur transfert en métropole comme un déracinement similaire à celui de leurs semblables arabo-berbères de souche. Ils ne sont pas revenus dans la mère patrie, comme l’on continue de le prétendre : ces supplétifs d’origine européenne et leur famille n’avaient généralement plus d’attaches avec la métropole, que leurs ancêtres avaient quittée trois ou quatre générations plus tôt. En fuyant l’Algérie, eux aussi ont perdu tous leurs biens.
Faut-il rappeler que, d’avril 1943 à mai 1945, 20 000 d’entre eux, appelés sous le drapeau français, ont été tués au combat contre les Allemands ?
Le temps n’est-il pas venu de manifester une certaine solidarité nationale envers ces Français dont l’existence même était menacée, qui ont tout perdu et qui demeurent les perpétuels oubliés des indemnisations ? Le Gouvernement va-t-il leur infliger une nouvelle vexation en leur refusant le droit à la reconnaissance nationale et le bénéfice de son allocation ?
L’honneur du législateur, aujourd’hui, serait de solder ce douloureux dossier sans exclusive et sans arbitraire, de respecter les deux décisions mentionnées, afin qu’aucune discrimination ne s’applique plus aux forces auxiliaires auxquelles il doit rendre hommage, et de faire en sorte que la nation les indemnise en raison des épreuves subies, à la hauteur de leur fidélité à l’égard de la France.
Quant à l’amendement n° 33 rectifié ter, c’est un amendement de repli.
En supprimant l'article 33, l’adoption de l’amendement n° 34 rectifié bis ouvrirait de facto par la voie législative le bénéfice de l’allocation de reconnaissance aux supplétifs de l’armée française de statut civil de droit commun. D'ailleurs, Mme Garriaud-Maylam l'a admis.
Chère collègue, le législateur, de façon constante depuis 1987, et cela quelles que soient les majorités politiques – les gouvernements de Jacques Chirac en 1987, d'Édouard Balladur en 1994, de Lionel Jospin en 1999, de Jean-Pierre Raffarin en février 2005 –, a entendu réserver ce bénéfice aux supplétifs de l’armée française de statut civil de droit local, c’est-à-dire aux combattants d’origine arabo-berbère qui ont combattu aux côtés de l’armée française et qui ont dû quitter l’Algérie au péril de leur vie et solliciter une demande de naturalisation.
Sans méconnaître leur situation, les supplétifs de statut civil de droit commun de souche européenne n’ont pas connu exactement les mêmes difficultés d’intégration et de réadaptation sur notre territoire. C’est ce qui a toujours justifié la distinction entre les deux catégories.
Le nombre de bénéficiaires de l’allocation, si l’on suit les auteurs de cet amendement, passerait de 6 000 à 15 000, pour un coût de l’ordre de 270 millions d’euros. En opportunité, cet amendement n’est donc ni juste ni raisonnable.
Il n’est pas juste, car le préjudice subi par les harkis, leur déracinement, leurs difficultés d’intégration sont beaucoup plus importants que ceux des supplétifs de statut civil de droit commun, et je crains qu’il n’entraîne, de surcroît, de nouvelles revendications.
À mon sens, il n’est pas non plus raisonnable dans la situation économique actuelle de notre pays. Au moment où nous devons garantir un niveau minimal de moyens à la défense, nous ne disposons pas de 270 millions d’euros pour ouvrir cette allocation spécifique à de nouvelles catégories. Si nous connaissions une autre situation économique, nous pourrions réfléchir à une forme d'indemnisation certainement plus adaptée, mais, dans les circonstances actuelles, ce serait très compliqué.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je m’étonne des chiffres que M. le rapporteur vient d’avancer.
Certes, je ne suis pas la première signataire de cet amendement, qui a été travaillé essentiellement par nos collègues Bruno Gilles et Alain Milon, même si j’en suis évidemment solidaire. Mais, pour ma part, j’ai entendu parler de 500 allocataires supplémentaires par an, et non d’une augmentation qui porterait de 6 000 à 15 000 le nombre de bénéficiaires du dispositif ! Vous comprenez donc mon étonnement…
Je suis moi-même persuadée de l’impérieuse nécessité de réduire les dépenses publiques, et je suis très soucieuse de la trésorerie et des dépenses encourues aujourd’hui. Mais, là, nous parlons simplement, selon les informations dont je dispose, de 500 personnes qui se sentent discriminées ; je pense vraiment que le Parlement s’honorerait à prendre leur situation et leurs revendications en compte.
Ma chère collègue, nous vous communiquerons les chiffres transmis par le ministère !
Comme cela a été rappelé tout à l’heure, il s’agit d’un sujet délicat.
Nos collègues Hélène Lipietz et Kalliopi Ango Ela ont été très fortement sensibilisées au problème. La distinction établie à l’article 33 n’est justifiée, si j’ai bien compris, par rien d’autre que des considérations budgétaires.
M. le rapporteur le conteste.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 33 est adopté.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article ainsi rédigé :
La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :
1° À l’article 3, les mots : « du ministère de la défense et des autres » sont remplacés par le mot : « des » ;
2° L’article 4 est ainsi modifié :
a) Le I est remplacé par quatre paragraphes ainsi rédigés :
« I. – Les demandes d’indemnisation sont soumises au comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui se prononce par une décision motivée dans un délai de huit mois suivant le dépôt du dossier complet.
« Les ayants droit des personnes visées à l’article 1er décédées avant la promulgation de la présente loi peuvent saisir le comité d’indemnisation dans un délai de cinq ans à compter de cette promulgation.
« II. – Le comité d’indemnisation, qui est une autorité administrative indépendante, comprend huit membres nommés par décret :
« 1° Un président, dont la fonction est assurée par un conseiller d’État ou par un magistrat de la Cour de cassation, sur proposition respectivement du vice-président du Conseil d’État ou du premier président de la Cour de cassation ;
« 2° Sept personnalités qualifiées, dont au moins quatre médecins sur proposition du Haut Conseil de la santé publique, parmi lesquels au moins deux médecins choisis en raison de leur compétence dans le domaine de la radiopathologie et un médecin choisi en raison de sa compétence dans le domaine de la réparation des dommages corporels, et dont au moins un médecin sur proposition des associations représentatives de victimes des essais nucléaires choisi en raison de sa compétence dans le domaine de l’épidémiologie. Le président peut désigner un vice-président parmi ces personnalités qualifiées.
« Le mandat des membres du comité est d’une durée de trois ans. Ce mandat est renouvelable.
« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre du comité qu’en cas d’empêchement constaté par celui-ci. Les membres du comité désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat.
« En cas de partage égal des voix, celle du président du comité est prépondérante.
« Dans l’exercice de leurs attributions, les membres du comité ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité.
« III. – Les crédits nécessaires à l’accomplissement des missions du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sont inscrits au budget des services généraux du Premier ministre.
« Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.
« Le président est ordonnateur des dépenses du comité.
« Le comité dispose d’agents nommés par le président et placés sous son autorité.
« IV. – Le président du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires a qualité pour agir en justice au nom du comité. » ;
b) Le II devient le V ;
c) Le III est abrogé ;
d) Le IV devient un VI ainsi rédigé :
« VI. - Les modalités de fonctionnement du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, les éléments que doit comporter le dossier présenté par le demandeur, ainsi que les modalités d’instruction des demandes, et notamment les modalités permettant le respect du contradictoire et des droits de la défense, sont fixés par décret en Conseil d’État. » ;
3° L’article 7 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ministre de la défense » sont remplacés par le mot : « Gouvernement » ;
b) À la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « un représentant de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l’outre-mer et des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « quatre représentants de l’administration » ;
c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « ministre de la défense » sont remplacés par le mot : « Gouvernement ».
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Même si je comprendrais que l’on puisse m’opposer des considérations budgétaires, cet amendement me semble extrêmement important.
Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, l’adoption de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, a été l’aboutissement d’un long combat mené par des associations et des victimes, relayées par un grand nombre de personnalités politiques de tous bords, pour que l’État reconnaisse officiellement le statut des victimes, et ce quatorze ans après les derniers essais nucléaires !
Le rapport que j’ai remis avec notre collègue M. Jean-Claude Lenoir dresse un constat implacable des raisons pour lesquelles cette loi ne produit pas ses effets.
Le mécanisme d’indemnisation des victimes des essais nucléaires fonctionne très mal. Selon les derniers chiffres disponibles, qui datent du 24 juin 2013, il y a 840 demandes d’indemnisation reçues pour seulement 11 indemnisations accordées !
Le faible nombre de dossiers déposés suscite des interrogations, car cela ne correspond en rien aux différentes projections qui ont pu nous être présentées.
Pour sortir d’une telle impasse, nous vous proposons cet amendement de repli. Il s’agit de transformer l’élément central de la procédure d’indemnisation, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, ou CIVEN, en une autorité administrative indépendante, afin de garantir son indépendance et celle de ses membres à l’égard du ministère de la défense.
Nous vous suggérons aussi d’intégrer au sein du CIVEN un expert médical désigné par les associations représentatives des victimes, afin d’avoir une procédure médicale plus contradictoire dans l’examen des dossiers tout en conservant le caractère d’expertise et, surtout, le secret médical.
De même, nous souhaitons élargir le collège à d’autres spécialités médicales, par exemple dans les domaines de la radiopathologie ou de l’épidémiologie.
Telles sont nos propositions pour revoir l’organisation du CIVEN et permettre d’avancer dans le sens d’une véritable reconnaissance et indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Je vous ferai toutefois part d’un regret. Nous avions déposé un amendement qui permettait d’aller plus loin. Or il a été déclaré irrecevable. Nous aurions souhaité qu’il puisse être discuté, conformément à ce qui est l’esprit premier de la loi : traiter les victimes au cas par cas.
Selon nous, la méthode employée, qui consiste à calculer la probabilité que le cancer soit la conséquence de l’exposition au regard notamment des relevés dosimétriques, ne suffit pas à apprécier les conditions d’exposition du demandeur. Il y a là une différence d’interprétation. C’est aussi un véritable nid à contentieux.
Plusieurs décisions ont été annulées par le juge administratif sur ce fondement, le juge estimant que les conditions d’exposition, notamment, n’avaient pas été assez étudiées et prises en compte lors de l’examen du dossier.
Pour autant, nous saluons l’écoute du cabinet du ministre sur ce dossier extrêmement important, notamment l’extension des zones géographiques à l’ensemble de la Polynésie, annoncée lors de la dernière réunion consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.
Il faudrait aussi saluer le travail de notre collègue Michelle Demessine sur ce dossier depuis de très nombreuses années.
Le sous-amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
essais nucléaires
insérer les mots :
, et après avis conforme du Haut Conseil de la santé publique,
La parole est à M. le ministre.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement proposé, dont l’adoption serait, selon nous, un signe d’ouverture dans le cadre de la mise en œuvre de la loi Morin.
Transformer le CIVEN en autorité administrative indépendante retirera au ministère de la défense son rôle décisionnel en matière d’indemnisation. Cela permettra de répondre aux critiques selon lesquelles un soupçon de partialité pèserait sur les décisions prises par le ministre.
Comme je l’ai déjà indiqué en répondant aux orateurs, il y a, me semble-t-il, – j’ai déjà présidé deux fois le CIVEN – une confusion entre reconnaissance et indemnisation.
Pour ma part, j’ai suivi systématiquement toutes les recommandations du CIVEN. À mon sens, les médecins et les experts sont seuls à même de pouvoir juger de la contamination éventuelle des personnes effectuant une démarche en vue d’obtenir une indemnisation.
Mais, compte tenu de l’existence possible d’un soupçon, je suis favorable à la création d’une telle autorité administrative, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement que je vous propose au nom du Gouvernement. Il s’agirait d’ajouter les mots : «, et après avis conforme du Haut Conseil de la santé publique, » après les mots : « essais nucléaires » à l’alinéa 11. Il me paraît en effet logique d’exiger cet avis conforme.
La commission n’a aucune raison de s’opposer à l’amendement de notre collègue, qui me semble intéressant, de bon sens et susceptible d’améliorer nettement la rédaction du présent projet de loi.
En revanche, j’ai une interrogation quant à la cohérence politique d’une telle démarche. En effet, chers collègues et amis du groupe écologiste, comment pouvez-vous présenter des amendements et nous demander de les adopter si vous votez ensuite contre le texte ? Pour ma part, je puis accepter beaucoup de choses et je suis plutôt, vous le savez, partisan d’une alliance et d’un accord de gouvernement. Mais il faut un minimum de cohérence politique entre nous !
Néanmoins, comme je veux absolument administrer la preuve que je fais ce que je dis, j’émets, au nom de la commission, un avis favorable sur l’amendement n° 26 rectifié.
Mais, chers collègues écologistes, je vous suggère de réfléchir aux votes que vous exprimez sur les textes que vous souhaitez amender.
Le groupe CRC votera évidemment, à l’instar de tous nos collègues, l’amendement de Mme Corinne Bouchoux, qui va dans le bon sens.
La discussion a existé au sein de notre comité de suivi, le problème ayant été soulevé à plusieurs reprises par les associations et les parlementaires siégeant dans cette commission.
Grâce à l’excellent rapport de notre collègue Corinne Bouchoux, qui a permis d’avancer sur le sujet, je pense qu’une telle mesure apportera un peu plus de confiance ; c’est ce que j’avais souhaité personnellement. Certes, le débat n’est pas clos, et il faudra encore beaucoup travailler pour que le dispositif législatif soit enfin efficace.
Mais je me réjouis de cet amendement ; avoir un tel débat, depuis le vote de la loi, dans cet hémicycle est une bonne nouvelle. Il est important que le législateur ait un peu repris le texte adopté pour essayer de l’améliorer.
Les collègues ayant suivi ce dossier considèrent que la position du Gouvernement est la bonne. Nous voterons donc le sous-amendement que M. le ministre a présenté.
Nous soutenons également la position du Gouvernement et l’initiative de Mme Bouchoux. Avoir de la transparence sur ce dossier, à la fois déjà ancien et un peu douloureux, nous semble constituer une avancée certaine.
Nous voterons donc en faveur de l’amendement ainsi sous-amendé.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33.
L'amendement n° 25, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires instruit les demandes d’indemnisation dans la composition qui était la sienne avant la promulgation de la présente loi jusqu’à la publication du décret mentionné au premier alinéa du II de l’article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, nommant les membres du comité.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Il s’agit d’un amendement de conséquence.
Par souci de cohérence, nous proposons une disposition transitoire permettant au CIVEN de continuer à instruire les dossiers de demande d’indemnisation dans sa composition actuelle, jusqu’à la parution du décret qui nommera ses futurs membres au titre de son nouveau statut d’autorité administrative indépendante.
Cet amendement vise à permettre au CIVEN de fonctionner pendant la période de transition. Nous y sommes évidemment favorables, même si nos amis écologistes ne votent pas le texte. (Sourires.)
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33.
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions relevant du domaine de la loi propres à :
1° Tirer les conséquences de la création d’un corps unique de commissaires des armées en remplaçant les références aux anciens corps de commissaires d’armées dans le code de la défense, le code civil et le code de l’environnement et en modifiant ou abrogeant diverses dispositions législatives devenues ainsi obsolètes ;
2° Modifier les titres III, IV et V du livre III et le livre IV de la deuxième partie du code de la défense afin de :
a) Abroger ou modifier les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;
b) Mettre le code de la défense en conformité avec la nouvelle nomenclature des matériels de guerre, armes, munitions et éléments instituée par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif ;
c) Étendre avec les adaptations nécessaires aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et aux Terres australes et antarctiques françaises le régime des importations et exportations des matériels de guerre et matériels assimilés en provenance ou à destination de l’un de ces territoires ainsi que les dispositions relatives à l’acquisition et à la détention d’armes et de munitions pour la pratique du tir sportif ;
d) Abaisser le niveau de texte réglementaire permettant de prévoir des dérogations à l’obligation d’obtenir une autorisation pour importer des matériels de guerre, armes et munitions ;
e) Supprimer la référence au service chargé du contrôle des entreprises de fabrication ou de commerce de matériels de guerre, armes et munitions au sein du ministère de la défense ;
f) Préciser, dans le chapitre du code de la défense relatif aux armes chimiques, que le transfert intracommunautaire des produits inscrits au tableau 1 annexé à la convention de Paris sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ouverte à la signature le 13 janvier 1993, est soumis à autorisation dans les conditions prévues par les articles L. 2335-9 et suivants du code de la défense ;
g) Soumettre le transfert intracommunautaire des produits inscrits au tableau 1 annexé à ladite convention de Paris aux mêmes dispositions pénales du code de la défense que l’importation et l’exportation de ces produits ;
h) Rétablir, dans le premier alinéa de l’article L. 2352-1 du code de la défense, la mention de la destruction des produits explosifs au sein de la liste des activités subordonnées à un agrément technique et aux autorisations et contrôles exigés par la sécurité publique et la défense nationale ;
i ) Corriger les erreurs matérielles ;
3° Modifier la cinquième partie du code de la défense pour :
a) Compléter la codification des dispositions domaniales intéressant la défense nationale avec un titre IV du livre Ier relatif à l’incorporation au domaine de l’État des biens des forces ennemies et codifier l’article 1er du décret-loi du 1er septembre 1939 relatif aux prises maritimes ;
b) Prendre en compte les évolutions des réglementations budgétaire, financière et comptable particulières au ministère de la défense en refondant le plan du livre II, en ne conservant sans modification que le seul article L. 5221-1 et en mettant à jour les articles L. 5213-1 et L. 5213-2 ;
c) Abroger ou modifier les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;
4° Modifier les parties législatives du code de la défense et du code de l’environnement afin :
a) De définir dans le code de la défense les différentes catégories d’installations et activités nucléaires intéressant la défense ;
b) D’insérer dans le code de la défense, en les adaptant, les dispositions du III de l’article 2 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ;
c) D’insérer dans la partie législative du code de la défense des dispositions définissant les obligations d’information applicables aux installations et activités nucléaires intéressant la défense selon des modalités conciliant les principes d’organisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avec les exigences liées à la défense nationale ;
d) De procéder aux modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer la cohérence rédactionnelle du code de la défense et du code de l’environnement avec les dispositions ainsi insérées, remédier aux éventuelles erreurs dans les dispositions relatives aux installations et activités nucléaires intéressant la défense et abroger les dispositions devenues sans objet ;
e) D’adapter les dispositions du code de l’environnement relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire afin de préciser quelles sont les installations et activités nucléaires intéressant la défense soumises à ces dispositions ;
5° Modifier les dispositions statutaires relatives aux militaires et aux fonctionnaires civils pour :
a) Transposer aux militaires les nouvelles dispositions relatives au congé parental mises en place au profit des fonctionnaires par l’article 57 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
b) Adapter les dispositions relatives aux congés des militaires pour prendre en compte le cas des militaires ayant été blessés ou ayant contracté une maladie au cours d’une guerre ou d’une opération extérieure et se trouvant dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions à l’issue de leurs congés de maladie ;
c) Préciser dans le code de la défense que les militaires participant à des opérations extérieures ont vocation à l’attribution de la carte de combattant dans les conditions prévues à l’article L. 253 ter du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ;
d) Prévoir la limite d’âge applicable aux officiers du corps technique et administratif de la marine qui seront admis d’office dans le corps des officiers spécialisés de la marine ;
e) Modifier les dispositions organisant l’accès à la fonction publique afin notamment :
- d’améliorer les dispositifs actuellement prévus pour les militaires aux articles L. 4139-2 et L. 4139-3 du code de la défense ;
- de modifier les titres II, III, et IV du statut général des fonctionnaires afin de permettre aux militaires de se porter candidats aux concours internes des trois fonctions publiques ;
- d’améliorer les dispositifs de recrutement au titre des emplois réservés prévus par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, notamment en différenciant selon les publics concernés les durées d’inscription sur les listes d’aptitude à ces emplois et en permettant la réinscription de personnes déjà radiées ;
f) Instituer une rémunération pour les volontaires dans les armées et pour les élèves ayant le statut de militaire en formation dans les écoles désignées par arrêté du ministre de la défense ;
6° Garantir aux bureaux enquêtes accidents défense, dans le champ des accidents de tir, de munitions et de plongée intervenant à l’occasion d’activités militaires, les mêmes prérogatives que celles que la loi leur a déjà reconnues pour les accidents de transport ;
7° Modifier le code de la défense pour y substituer les mots : « zone de défense et de sécurité » aux mots : « zone de défense » ;
8° Refondre le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre afin :
a) D’y insérer les dispositions pertinentes relevant du domaine de la loi qui n’ont pas encore été codifiées, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l’ordonnance concernée ;
b) D’améliorer le plan du code ;
c) De corriger les éventuelles erreurs ou insuffisances de codification ;
d) D’assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence des textes faisant l’objet de la codification ;
e) D’harmoniser l’état du droit ;
f) D’abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet.
À l’exception de celle prévue au 8°, les ordonnances sont prises au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification de ces ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du quinzième mois suivant la publication de la présente loi.
L’ordonnance prévue au 8° est prise au plus tard le dernier jour du vingt-quatrième mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé au Parlement au plus tard le dernier jour du trentième mois suivant la publication de la présente loi. –
Adopté.
(Non modifié)
Sont abrogés :
1° La loi n° 60-769 du 30 juillet 1960 relative au corps des commissaires de l’air ;
2° La loi n° 65-476 du 24 juin 1965 portant fusion de l’intendance militaire métropolitaine et de l’intendance militaire des troupes de marine ;
3° L’article 10 de la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense ;
4° L’article L. 211-23 du code de justice militaire ;
5° L’article 149 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, à compter du 1er janvier 2014. –
Adopté.
(Non modifié)
Sans préjudice des dispositions de la présente loi qui s’y appliquent de plein droit, la présente loi s’applique sur l’ensemble du territoire de la République à l’exception des dispositions de son article 31 qui ne s’appliquent pas en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. –
Adopté.
La présente loi sera révisée au plus tard quatre ans après sa promulgation pour conduire à une nouvelle loi de programmation –
Adopté.
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2014-2019 et précise les orientations en matière d’équipement des armées à l’horizon 2025.
RAPPORT ANNEXÉ
La Loi de programmation militaire 2014 – 2019 constitue la première étape de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale définie dans le Livre blanc de 2013. Elle s’appuie sur l’analyse d’un environnement international en pleine évolution, où se maintiennent à un niveau élevé les risques et menaces pour la sécurité de la France et des Français. Elle conjugue, dès lors, la volonté de maintenir un niveau d’ambition élevé, adapté à ces besoins de sécurité et aux responsabilités internationales de notre pays, avec la nécessité du redressement des finances publiques. Elle s’appuie, à cette fin, sur une stratégie militaire renouvelée et une utilisation plus efficiente de nos moyens, garanties par un niveau de ressources significatif. L’effort de défense de la France sera maintenu, en conférant un haut degré de priorité à la préservation et au développement de nos capacités industrielles et en recherchant un plus haut degré d’interaction avec nos alliés et partenaires.
1. UNE NOUVELLE STRATÉGIE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE
1.1. Un nouveau contexte stratégique
1.1.1. Un environnement en évolution rapide
Depuis l’adoption de la loi de programmation 2009-2014, l'environnement stratégique de notre pays a été modifié en profondeur par plusieurs évolutions majeures.
Au plan économique, une crise financière internationale durable a modifié les rapports de forces internationaux et limite particulièrement les marges de manœuvre des États-Unis et de l’Europe par l’effort majeur de réduction de la dépense et de la dette publiques qu’elle impose ; la crise qui en est résulté pour l’Union européenne et la baisse de l’effort de défense au-dessous de 1% du PIB dans plusieurs pays constituent autant d’obstacles pour la construction de l’Europe de la défense.
Sur le plan géopolitique, il y a lieu de relever :
- les inflexions de la politique étrangère des États-Unis, dont la nouvelle posture stratégique suscite de leur part une demande d'implication accrue des Européens dans des zones dont la stabilité est un enjeu spécifique pour l’Europe ;
- les révolutions dans le monde arabe, dont l'évolution encore incertaine a des conséquences sur la sécurité nationale et européenne compte tenu de la proximité géographique de cette zone, de l'importance de nos intérêts et des liens de toute nature tissés avec ces pays ;
- la problématique de la sécurité sur le continent africain, fortement influencée par les déstabilisations intervenues dans toute la zone sahélienne du fait de l’implantation de groupes jihadistes armés.
1.1.2. Des risques et les menaces qui demeurent élevés
L’analyse de ce contexte met en évidence la persistance d’un très large spectre de risques et de menaces. L’augmentation rapide des dépenses militaires et des arsenaux conventionnels dans certaines régions du monde vient rappeler que les conflits entre États restent une possibilité que notre défense ne saurait ignorer. La France et l’Europe doivent prendre en compte les menaces de la force (tensions géopolitiques, effort d'armement, déstabilisation de certaines régions), les menaces de la faiblesse (difficultés pour certains États de contrôler leurs frontières ou leur territoire, facilitant la création de sanctuaires pour des groupes criminels, d’espace de transit des trafics ou de base arrière de groupes terroristes), et les effets multiplicateurs de la mondialisation sur les facteurs de risque et de menace pour notre sécurité et celle de l’Europe (terrorisme, trafics, risques pesant sur la sécurité maritime, les menaces cybernétiques visant les infrastructures ou les systèmes d’informations, aussi bien que la prolifération nucléaire, biologique et chimique ou celle des missiles balistiques).
1.1.3. Des défis militaires accrus et complexes
Les caractéristiques des crises et des conflits font peser sur les forces armées des contraintes nouvelles. Leur environnement opérationnel immédiat les oblige à prendre en compte le besoin de protection dans des contextes asymétriques et l’utilisation, par un nombre croissant d’adversaires de toute nature, d'armements performants ou de technologies critiques. Par ailleurs, les développements intervenus ces dernières années dans le champ médiatique, dans celui des technologies de l’information et dans l’environnement juridique des opérations ont augmenté la complexité de leur conception et de leur gestion.
Les menaces de la force se traduisent par des conflits impliquant des forces de niveau étatique ; la faiblesse des États et la fragilité des sociétés engendrent des crises dans lesquelles les belligérants agissent au milieu des populations et utilisent des modes d’actions asymétriques. Ces conflits présentent de façon croissante une composante cybernétique.
Ces évolutions rendent indispensable l’adaptation de notre stratégie de sécurité nationale.
1.2. Une stratégie de sécurité nationale adaptée au nouveau contexte
1.2.1. Un concept de sécurité nationale confirmé
Le Livre blanc de 2013 a confirmé le concept de sécurité nationale, introduit dans la stratégie française en 2008 et inscrit par la loi dans le code de la défense en 2009.
Ce concept tire les conséquences de la continuité des menaces et des risques intérieurs et extérieurs qui pèsent sur la France, son territoire, sa population, ses intérêts de sécurité. Il favorise une approche globale dans l’identification des crises susceptibles d’affecter la vie de la Nation comme dans les réponses à leur apporter. La stratégie de sécurité nationale revêt une dimension interministérielle et requiert l’association de multiples acteurs pour prévenir et gérer les conséquences des crises majeures. L’action des forces armées s’envisage conjointement avec celle de l’ensemble de l’appareil d’État - forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, ministères, services publics, collectivités territoriales - et des opérateurs, publics et privés, d’infrastructures et de réseaux vitaux.
Le Livre blanc de 2013 a, dans ce cadre, identifié des priorités, parmi lesquelles figurent le renforcement de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », la politique de cybersécurité, la capacité à lutter contre le terrorisme et la consolidation des capacités de l’État à répondre aux crises.
1.2.2. Des priorités géostratégiques adaptées à l’évolution du contexte
Le Livre blanc énonce et hiérarchise des priorités géostratégiques cohérentes avec l'analyse, par la France, de son environnement international et avec les responsabilités qu'elle entend exercer :
- protéger le territoire national et les ressortissants français, garantir la continuité des fonctions essentielles de la Nation, et préserver notre souveraineté. Les risques et les menaces identifiés sont les agressions par un autre État contre le territoire national, les attaques terroristes, les cyberattaques, les atteintes au potentiel scientifique et technique, la criminalité organisée dans ses formes les plus graves, les crises majeures résultant de risques naturels, sanitaires, technologiques et industriels, et les attaques contre nos ressortissants à l’étranger ;
- garantir avec nos partenaires européens et alliés la sécurité de l’Europe et de l’espace nord atlantique, par un rôle actif au sein de l’Union européenne et de l’OTAN. La stabilité de tous les pays de l’espace européen est une priorité. La nature étroite et profonde de nos relations bilatérales avec les États-Unis et le Canada, nos engagements de défense collective au titre du traité de l’Atlantique nord et notre communauté de valeurs fondent entre nous une solidarité de droit et de fait ;
- stabiliser avec nos partenaires et alliés le voisinage de l’Europe. Il s’agit notamment d’éviter l’émergence de menaces susceptibles d’affecter les approches orientales de l’Europe, la zone méditerranéenne, le Sahel - de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique - et une partie de l’Afrique subsaharienne - notamment le golfe de Guinée et les pays riverains ;
- participer à la stabilité au Proche et Moyen-Orient et dans le golfe arabo-persique et, dans ce cadre, avoir la capacité de mettre en œuvre, en coordination avec nos alliés, les accords de défense souscrits par la France en protégeant ses intérêts stratégiques et de sécurité. La sécurité de la zone qui s’étend des rives de la Méditerranée orientale au golfe arabo-persique et jusqu’à l’océan indien revêt une importance majeure pour l’Europe et l’équilibre international. La France est engagée par des accords de défense à Djibouti, aux Émirats Arabes Unis, au Koweït et au Qatar. Elle entretient une base interarmées à Abu Dhabi, met en œuvre un accord de coopération avec Bahreïn et souhaite développer des relations étroites avec l’Arabie Saoudite ;
- contribuer à la paix et à la sécurité internationale dans le monde, en portant une attention particulière à la sécurité de l’océan Indien et à la maîtrise des risques en Asie du Sud. La France entend promouvoir des intérêts globaux, justifiant le maintien d’un réseau diplomatique étendu et des capacités de présence et d’action dans ces régions et sur tous les océans. Elle consolidera donc son engagement politique en Asie, dans l’océan Indien, dans le Pacifique et en Amérique latine, à travers sa coopération de défense, une présence militaire active, le développement de partenariats stratégiques et l’intensification de ses réseaux de coopération.
1.2.3. Une nouvelle posture en Europe
La France partage avec ses partenaires européens la plupart des menaces et des risques auxquels elle est confrontée. C’est pourquoi, dans le cadre de sa stratégie de défense et de sécurité nationale, la France considère que la construction européenne en matière de défense et de sécurité est une nécessité. Elle souhaite que l’impulsion, pour les Européens, vienne du plus haut niveau politique des États membres, à travers les orientations et décisions que prend le Conseil européen. La France oeuvrera avec ses principaux partenaires européens, et aux premiers rangs desquels le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne et l’Italie, en faveur du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne, conduisant à une défense commune européenne crédible et autonome.
Cette impulsion doit permettre de donner tout son sens à une démarche européenne pragmatique et concrète, reposant sur des actions conjointes de prévention, sur des opérations extérieures et sur des programmes d’armement communs. Il s'agit de favoriser le développement et les mutualisations des capacités militaires les plus onéreuses, tout en encourageant la consolidation de l’industrie de défense des pays européens. La France s’efforcera, dans cette logique, de contribuer à une redynamisation de l’effort de l’Union Européenne en matière de gestion de crise et de maintien de la paix.
Dans le même temps, la France entend occuper toute sa place au sein de l'Alliance atlantique et de son organisation militaire, composante essentielle de la défense collective de ses membres, forum naturel du lien transatlantique et cadre commun privilégié de l’action militaire conjointe de l’Amérique et de l’Europe. La France s’attachera donc à développer, avec ses partenaires européens, un engagement dynamique dans l’OTAN. Elle continuera à participer activement aux opérations de l’alliance. Elle est attachée à la solidarité de l’Alliance dans toutes ses dimensions militaires : elle veillera notamment au maintien d’une combinaison appropriée de capacités nucléaires, conventionnelles et de défense antimissile ; elle s’attachera particulièrement à l’adaptation de cette alliance politico-militaire aux engagements les plus probables. Elle y exprimera sa vision de l’organisation atlantique et du rôle de l’Europe dans la relation transatlantique en matière de défense et de sécurité.
L’OTAN et l’Union européenne jouent ainsi un rôle complémentaire dans la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France. Celle-ci exercera pleinement ses responsabilités dans l’une comme l’autre organisation pour contribuer à la sécurité collective. C’est notamment en raison de sa place au sein de l’Europe, qui lui confère, avec d’autres, des responsabilités particulières d’entraînement, que la France conservera une capacité d'intervention militaire significative ; cette capacité doit aussi lui permettre de préserver l’autonomie d'action nécessaire pour intervenir en propre face à une agression ou une menace d’agression sur ses intérêts stratégiques.
1.3. Une stratégie militaire renouvelée
Le Livre blanc de 2013 décrit les fondements d’une nouvelle stratégie militaire, adaptée à ce nouveau contexte. La présente loi détaille la première étape de sa mise en œuvre, à travers le développement du modèle d’armées qui lui est associé.
1.3.1. Les trois priorités de notre stratégie
La stratégie générale présentée dans le Livre blanc se caractérise tout d’abord par une articulation nouvelle autour des trois grandes priorités, étroitement complémentaires, qui structurent l’action des forces armées : la protection, la dissuasion et l’intervention.
La protection du territoire national et des Français, en métropole comme outre-mer, est première. Elle vise à garantir l’intégrité du territoire contre toute menace de nature militaire, à assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyberattaques, à préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et à garantir sa résilience. La protection du territoire ne saurait être assurée sans que la France dispose de la capacité de dissuasion et d’intervention.
La dissuasion nucléaire vise à protéger la France de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Elle permet notamment d’écarter toute menace de chantage sur ses intérêts qui tendrait à paralyser sa liberté de décision et d’action. Elle constitue la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de l’indépendance de la nation.
L’intervention à l’extérieur du territoire national vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités. Elle confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion.
1.3.2 Quatre principes directeurs pour notre stratégie militaire et l’adaptation de nos capacités
Afin de donner aux forces armées les moyens d’assurer ces trois missions fondamentales dans leur nouveau contexte, un nouveau modèle d’armées a été défini dans le Livre blanc de 2013. Il repose sur quatre principes directeurs, dont la combinaison dessine une stratégie militaire renouvelée.
Le maintien de notre autonomie stratégique
Ce principe vise à garantir à la France une liberté permanente d’appréciation de situation, de décision et d’action, ainsi qu’à préserver sa capacité d’initiative dans des opérations que lui dictent la défense de ses intérêts et la prise de responsabilité liée à ses engagements internationaux. L’autonomie stratégique doit également permettre à la France, lorsqu’elle décide de s’engager en coalition, d’y jouer un rôle conforme à ses objectifs politiques.
Les moyens autorisant ou commandant l’autonomie d’appréciation, de planification et de commandement seront donc conservés ou développés. De même, certaines capacités militaires critiques seront privilégiées, en particulier : celles qui conditionnent la défense de nos intérêts vitaux ; celles qui sont nécessaires à la prise d’initiative dans des opérations simples et probables ; celles qui permettent de disposer des moyens nécessaires pour exercer en pleine souveraineté le rôle souhaité dans une coalition. Ainsi les capacités de commandement interarmées, de renseignement, de ciblage, de frappes de précision dans la profondeur, les forces spéciales et certains moyens de combat au contact de l’adversaire feront l’objet d’un effort particulier. Il en est de même de celles qui sont liées à la capacité de fédérer et d’entraîner des partenaires au sein d’une coalition tout en conservant notre indépendance d’appréciation : capacité autonome à « entrer en premier » sur un théâtre dans les trois milieux, terrestre, naval et aérien, capacité de commandement dans une opération interalliée.
La cohérence du modèle d’armée avec les missions dans lesquelles la France est susceptible d’engager ses forces armées
Les forces armées doivent pouvoir agir sur tout le spectre des conflits potentiels où la France risque d’être engagée et répondre à la diversité des situations de crise identifiées dans le Livre blanc. Le modèle défini dans le Livre blanc de 2013 leur permettra de répondre aux menaces d’emploi de la force exercées par des États, de conduire dans la durée des opérations de gestion de crises de tous types visant à faire cesser les situations de violence, de faire respecter le droit, de participer aux côtés de nos partenaires, en particulier européens, à la protection de nos intérêts communs de sécurité face aux risques amplifiés par la mondialisation.
Le principe de différenciation des forces en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir
La différenciation des forces repose sur le constat de la variété des missions et l’analyse de leurs spécificités militaires. Elle consiste à distinguer les forces en fonction de ces spécificités : mise en œuvre de la dissuasion nucléaire, protection du territoire et des Français, opérations de coercition et de guerre, gestion de crises sous les formes très diverses qu’elles revêtent aujourd’hui, ces engagements appellent des moyens et des stratégies différents.
Il s’agit à la fois d’un principe d’efficience - entraîner et équiper nos unités et nos équipages en fonction des spécificités de chaque mission - et d’un principe d’économie - ne financer les capacités les plus onéreuses que pour les missions où elles sont indispensables.
En vertu de ce principe de différenciation et en cohérence avec les missions que les forces françaises pourront être appelées à remplir, nos armées s’appuieront le plus longtemps possible sur les capacités existantes de façon à permettre la modernisation des équipements dans les secteurs clés où la supériorité technologique est le facteur déterminant du succès. La situation financière du pays ne permettra pendant quelques années qu’une modernisation progressive de certains équipements. Le choix des investissements doit également permettre de sauvegarder tous les secteurs majeurs d’une industrie performante, où la recherche de la compétitivité sera permanente. Cet ajustement du rythme de la modernisation dans les prochaines années sera appliqué de manière différenciée en fonction des défis opérationnels que nos forces doivent pouvoir relever. Sur terre, sur mer ou dans les airs, nos forces continueront de disposer des moyens du meilleur niveau leur permettant de s’imposer face à un adversaire de qualité étatique ; la rénovation de certaines de nos capacités, notamment des frégates légères furtives, des avions mirage 2000D, de certains appareils de transport aérien ou moyens blindés permettra par ailleurs de conserver des volumes de forces significatifs, adaptés aux opérations de protection, de présence ou de gestion de crise dans la durée.
Le principe de mutualisation
Ce principe repose, par exception au principe de différenciation, sur la mutualisation des ensembles de capacités rares et critiques conçues et engagées au bénéfice de plusieurs types de missions, selon les besoins et le temps des engagements. Ces capacités militaires ou de sécurité peuvent être mutualisées au bénéfice de différentes missions des armées (protection, dissuasion, intervention), ou entre plusieurs organismes de l’État (pour les capacités techniques partagées entre services de renseignement), ou pour une mise en commun avec nos partenaires européens.
Nous pourrons ainsi tirer le meilleur parti de l’acquisition et de l’utilisation de certains des systèmes les plus coûteux. Ainsi, l’accompagnement des composantes aérienne ou océanique de la dissuasion, l’engagement dans une opération majeure de haute intensité, la sécurisation des approches du territoire ou d’un théâtre de gestion de crise font souvent appel aux mêmes moyens que notre stratégie devra pouvoir utiliser de manière centralisée. Cette mutualisation pourra également s’appliquer au niveau européen, en particulier dans le domaine spatial, dans ceux du transport aérien, du ravitaillement en vol, de la capacité aéronavale, de la surveillance des théâtres d’opérations, ou de la logistique dans les zones de crise.
1.3.3. Les cinq fonctions stratégiques, les contrats opérationnels et les capacités militaires associées
La stratégie française repose sur une convergence accrue entre les cinq grandes fonctions stratégiques identifiées progressivement depuis la professionnalisation des forces armées. Les objectifs de cette stratégie s’incarnent notamment dans les contrats opérationnels assignés par le Président de la République aux armées. Ces nouveaux contrats opérationnels, qui entreront en vigueur au 1er janvier 2014, distinguent des missions permanentes, - postures à tenir pour le renseignement, la protection du territoire et de la population, la dissuasion, les capacités de réaction en urgence - et non permanentes, - opérations de coercition majeures ou opérations de gestion de crise.
La connaissance et l’anticipation
La fonction « connaissance et anticipation » vise à donner à la France une capacité d’appréciation autonome des situations, indispensable à une prise de décision libre et souveraine, comme à la conduite de l’action. Le renseignement joue un rôle central dans cette fonction, qui conditionne aussi l’efficacité des forces ; il constitue l’une des priorités majeures du Livre blanc de 2013.
Plus précisément, le développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement sera prioritaire sur toute la durée de la planification d’ici 2025-2030. Les efforts porteront sur les composantes spatiales et aériennes, pour l’imagerie comme pour l’interception électromagnétique, ainsi que sur les ressources humaines. Toutes les opérations récentes ont montré l’impérieuse nécessité de disposer de drones qu’il s’agisse de drones de théâtre de moyenne altitude longue endurance (male) ou de drones tactiques. La mutualisation du renseignement d’origine satellitaire sera proposée à nos partenaires européens, de même que la capacité à déployer et exploiter les drones de surveillance. Des capacités de veille stratégique, la maîtrise et le traitement automatisé de l’information ainsi que de nouveaux moyens de surveillance et d’interception électromagnétique garantiront l’efficacité de cette fonction stratégique. L’effort consenti depuis le début des années 2000 au bénéfice des capacités techniques interministérielles sera poursuivi. En raison de son importance nouvelle, le développement des activités du renseignement dans le domaine cyber et des moyens techniques associés sera poursuivi ; il doit permettre de mieux identifier l’origine des attaques, d’évaluer les capacités offensives des adversaires potentiels et si nécessaire d’y répondre.
Dans le même temps, la communauté française du renseignement sera consolidée sous l’égide du coordonnateur national du renseignement. La mutualisation des moyens et une plus grande interopérabilité entre les services seront recherchées. Les effectifs dédiés à la fonction renseignement seront mis en cohérence avec les besoins nouveaux associés à la mise en œuvre des équipements techniques et à l’analyse de flux d’informations accrus. Outre le contrôle administratif, via la constitution d’une fonction d’inspection du renseignement, le contrôle parlementaire de la politique du Gouvernement en matière de renseignement sera étendu par le renforcement des compétences et des attributions de la Délégation parlementaire au renseignement, porté par la présente loi.
La dissuasion
La dissuasion française repose sur la retenue qu’impose à un adversaire étatique la perspective de dommages inacceptables, hors de proportion avec l’enjeu d’une agression ou menace d’agression contre les intérêts vitaux de la France. Par essence purement défensive, son exercice relève de la responsabilité directe du Président de la République. Elle doit pouvoir s’adapter à la diversité des situations qui résultent, notamment, de la croissance ou de la modernisation de certains arsenaux dans le monde et des risques de la prolifération nucléaire au Moyen-Orient et en Asie. Elle contribue par son existence à la sécurité de l’Alliance Atlantique et à celle de l’Europe. Elle garantit en permanence notre autonomie de décision et notre liberté d’action dans le cadre de nos responsabilités internationales.
Le maintien de deux composantes a été réaffirmé par le Président de la République pour répondre au besoin de complémentarité des performances et des modes d’action, et pour se prémunir d’une surprise opérationnelle ou technologique. Ce choix impose de poursuivre l’effort nécessaire à la crédibilité et à la pérennité des capacités nécessaires à la mise en œuvre de la dissuasion par les deux composantes, océanique et aéroportée. Cet effort exerce aussi un effet d’entraînement sur nos aptitudes technologiques et nos capacités industrielles. Il sera conduit dans le respect du principe de stricte suffisance de l’armement nucléaire attaché à notre concept de dissuasion.
La protection
La fonction protection vise à garantir l’intégrité du territoire, à assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyberattaques, à préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et à garantir sa résilience. Si l’ensemble des fonctions stratégiques et des moyens civils autant que militaires concourent à la protection, les armées garantissent, en métropole comme outre-mer, la sûreté du territoire, de son espace aérien et de ses approches maritimes.
Dans ce cadre, les postures permanentes de sûreté de nos armées seront maintenues. Les forces armées continueront également à apporter une contribution à l’action de l’État en mer En cas de crise majeure, elles doivent pouvoir renforcer les forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, avec un concours qui pourra impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes.
La capacité de déploiement majeur doit permettre de contribuer, au profit de l’autorité civile, et en quelques jours, à la sécurité des points d’importance vitale, à celle des flux essentiels pour la vie du pays, au contrôle de l’accès au territoire, à la sauvegarde des populations.
Les capacités pouvant être mises en œuvre dans ce cadre comprennent des dispositifs terrestres aériens et maritimes de sécurisation et des moyens spécialisés des armées permettant de concourir au rétablissement des fonctions essentielles du pays en cas de crise (communication, circulation, transport).
Cette posture sera complétée par le dispositif de cyberdéfense militaire, qui fera l’objet d’un effort marqué sur la période de programmation, en relation étroite avec le domaine du renseignement. La France développera sa posture sur la base d’une organisation de cyberdéfense étroitement intégrée aux forces, disposant de capacités défensives et offensives pour préparer ou accompagner les opérations militaires. L’organisation opérationnelle des armées intégrera ainsi une chaîne opérationnelle de cyberdéfense, cohérente avec l’organisation et la structure opérationnelles de nos armées, et adaptée aux caractéristiques propres à cet espace de confrontation : unifiée pour tenir compte de l’affaiblissement de la notion de frontière dans cet espace ; centralisée à partir du centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées, pour garantir une vision globale d’entrée et une mobilisation rapide des moyens nécessaires ; et spécialisée car faisant appel à des compétences et des comportements spécialement adaptés. La composante technique confiée à la DGA aura pour mission de connaître et anticiper la menace, de développer la recherche amont, et d’apporter son expertise en cas de crise informatique touchant le ministère de la défense.
La prévention des crises
La prévention des crises qui affectent notre environnement inclut des actions diversifiées, allant de l’élaboration de normes nationales et internationales à la lutte contre les trafics, au désarmement, à la consolidation de la paix, ainsi qu’à la coopération militaire.
Dans cette perspective, la France s’appuiera notamment sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes et sur des moyens pré positionnés (base des Émirats Arabes Unis et plusieurs implantations en Afrique) qui seront reconfigurés dans le cadre de la présente loi. S’agissant de l’Afrique, une conversion de ces implantations sera entreprise afin de disposer de capacités réactives et flexibles, à même de s’adapter aux évolutions récentes et à venir des besoins de sécurité du continent.
Les moyens et équipements utilisés pour cette fonction sont ceux des autres fonctions stratégiques. Les capacités dédiées à l’intervention dans le cadre d’opérations majeures de coercition peuvent notamment être utilisées pour empêcher un acteur régional de s’en prendre à nos intérêts de sécurité ou à ceux de nos alliés ou partenaires.
L’intervention
L’intervention extérieure a pour objectif d’assurer, par la projection de nos capacités militaires à distance du territoire national, la protection de nos ressortissants à l’étranger et la défense de nos intérêts stratégiques et de sécurité, comme de ceux de nos partenaires et alliés ; elle doit nous permettre d’exercer nos responsabilités internationales.
Nos capacités militaires d’intervention seront développées de manière différenciée, en fonction des missions que les armées sont appelées à remplir.
Les opérations de gestion de crise appellent des moyens militaires permettant de contrôler de vastes espaces, robustes, adaptés à des missions poursuivies dans la durée, à même de faire face à des situations de violence diffuse au milieu des populations, face à des adversaires utilisant des modes d’action asymétriques. Dans ces crises, nos capacités militaires devront permettre aux armées de s’engager dans la durée sur deux ou trois théâtres distincts, dont un en tant que contributeur majeur. Le total des forces déployées à ce titre sur l’ensemble des théâtres sera constitué, avec les moyens de commandement et de soutien associés :
de forces spéciales et d’un soutien nécessaire à l’accomplissement des missions envisagées ;
de l’équivalent d’une brigade interarmes représentant 6 000 à 7 000 hommes des forces terrestres ;
d’une frégate, d’un groupe bâtiment de projection et de commandement et d’un sous-marin nucléaire d’attaque en fonction des circonstances ;
d’une douzaine d’avions de chasse, répartis sur les théâtres d’engagement.
La nature des opérations ou leur sécurisation pourra rendre nécessaire l’utilisation de moyens supplémentaires permettant des frappes à distance à partir de plateformes aériennes ou navales.
Les opérations à dominante de coercition nécessitent des forces du meilleur niveau technologique, capables de prendre l’ascendant sur un adversaire de niveau étatique déployant des moyens militaires organisés et disposant d’une puissance de feu importante. Les capacités militaires que nous développerons à ce titre devront nous permettre de mener en coalition, sur un théâtre d’engagement unique, une opération majeure dans un contexte de combats de haute intensité. Cet engagement, d’une durée limitée, suppose un préavis suffisant, évalué aujourd’hui à environ 6 mois, ainsi que la ré articulation de notre dispositif dans les opérations qui seraient en cours.
Les armées devront pouvoir assumer tout ou partie du commandement de l’opération. À ce titre, les forces françaises conserveront la capacité de participer à une opération d’entrée en premier sur un théâtre de guerre dans les trois milieux (terrestre, naval et aérien).
La France pourra engager dans ce cadre, avec les moyens de commandement et de soutien associés :
un ensemble significatif de forces spéciales ;
jusqu’à deux brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, susceptibles d’être renforcées par des brigades alliées pour constituer une division de type OTAN, dont la France pourra assurer le commandement ;
jusqu’à 45 avions de chasse, incluant les avions de l’aéronautique navale ;
le porte-avions, 2 bâtiments de projection et de commandement, un noyau clé national d’accompagnement à base de frégates, d’un sous-marin nucléaire d’attaque et d’avions de patrouille maritime ; la permanence de cette capacité aéronavale s’inscrira dans le cadre de la force intégrée franco-britannique prévue par les accords de Lancaster House ;
les moyens permettant d’assurer les fonctions de commandement, de renseignement et de logistique de l’opération (transport, santé, essence, munitions, stocks de rechange).
À l’issue de cet engagement, la France gardera la capacité à déployer sur le théâtre concerné une force interarmées pouvant participer à une opération de gestion de crise dans la durée.
Enfin, au titre de leurs missions permanentes, les armées disposeront d’un échelon national d’urgence de 5 000 hommes en alerte, rassemblant des moyens adaptés aux opérations de gestion de crise comme aux opérations de coercition. Ce réservoir de forces permettra de constituer une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes, projetable dans un délai de 7 jours à 3 000 km du territoire national ou d’une implantation à l’étranger. Les armées devront rester capables de mener, avant ce délai de 7 jours, une action immédiate par moyens aériens.
2. La loi de programmation 2014-2019, une étape vers le modèle d’armée de l’horizon 2025
Le Livre blanc de 2013 définit un modèle d’armée qui sera atteint entre 2025 et 2030. Ce modèle détermine ainsi le point de convergence des efforts d’équipement exposés dans la présente loi.
2.1. Une dissuasion à deux composantes
D’ici 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française sera conduite dans le respect du principe de stricte suffisance et le maintien des savoir-faire techniques et industriels sera assuré.
La période 2014-2019 sera marquée à la fois par la poursuite de la modernisation des composantes et par la préparation de leur renouvellement.
2.1.1. Composante océanique
La composante océanique bénéficiera notamment de la livraison du M 51.2 avec sa tête nucléaire océanique, de l’adaptation de deux snle ng au missile M 51, du lancement des travaux d’élaboration du sous-marin nucléaire lanceur d’engin de 3° génération (snle 3G) et du lancement du développement de la future version du missile M 51 (M 51.3).
2.1.2. Composante aéroportée
La modernisation de la composante aéroportée sera poursuivie, notamment par la livraison de rafale permettant la transformation du second escadron nucléaire, le lancement des travaux de rénovation à mi-vie du missile asmp-a et des études technologiques de son successeur.
Le renouvellement des ravitailleurs C 135 (56 ans en 2019), longtemps retardé, sera engagé par le lancement en 2014 de l’acquisition d’une flotte de 12 mrtt, dont les deux premiers seront livrés sur la période. Ces nouveaux appareils répondront au besoin mutualisé des fonctions de dissuasion, de protection et d’intervention.
2.1.3. Transmissions nucléaires
Les systèmes de transmissions nucléaires feront l’objet de mesures de modernisation touchant principalement les réseaux d’infrastructures de transports des services (ramses), le système de transmissions de la composante océanique (transoum), le système de transmissions de la composante de dissuasion aéroportée (transaero) et le système de communication de dernier recours (syderec ng).
2.1.4. Simulation
Le programme de simulation apporte à la dissuasion la garantie fondamentale de la fiabilité, de la sûreté et de la capacité de renouvellement dans le temps et en pleine souveraineté de nos armes nucléaires. Il sera poursuivi, avec la mise en service du Laser mégajoule en 2014 et la poursuite de la coopération franco-britannique dans le cadre du programme teutates.
2.2. Les capacités dédiées au renseignement
Au cours de la période 2014-2019, dans le domaine de l’imagerie spatiale, la France prévoit la mise en service de la composante spatiale optique (CSO) de musis (Multinational Space-based Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation) qui permettra des prises de vues en extrême haute résolution et une capacité de revisite (délai entre deux survols d’un même point du globe) améliorée.
Les programmes de drones d’observation et de surveillance seront mis en œuvre de façon à prendre le relais des systèmes provisoires et vieillissants détenus jusqu’à ce jour par les armées. Ils devront apporter dans les délais les plus courts les capacités indispensables tant au niveau des théâtres d’opérations qu’au niveau tactique. Pour faire face à l’urgence et rattraper le retard qui pénalise aujourd’hui nos armées, ils seront acquis dans un premier temps auprès des États qui les produisent, compte tenu de l’absence de solutions nationales ou européennes. Ils devront emporter à terme des capteurs optique ou électromagnétique français ou européens. 12 drones de théâtre, de moyenne altitude longue endurance (male), seront acquis sur la période de la loi de programmation. Il sera proposé à nos partenaires européens de partager nos expériences et nos capacités, et d’impliquer nos industries dans l’adaptation de ces équipements à nos propres besoins. La génération suivante de ces drones sera en outre préparée en privilégiant la coopération européenne.
Moins endurants et plus nombreux, les drones tactiques permettent l’appui direct en renseignement des forces. La génération actuelle (sdti) arrivera à obsolescence entre 2015 et 2017 ; de nouveaux systèmes de drones plus récents seront acquis pour disposer d’une quinzaine de vecteurs à l’horizon 2019 sur la trentaine prévue dans le modèle.
Des avions légers de surveillance et de renseignement compléteront le dispositif sur le segment d’évaluation et de suivi des crises. Leur emploi pourra être mutualisé entre les forces et les services de renseignement.
Par ailleurs, un flux financier sera nécessaire pour valoriser les systèmes d’exploitation actuels afin de prendre en compte les nouveaux capteurs et, ultérieurement, d’en assurer la cohérence avec le système d’information des armées (SIA) et la compatibilité avec les architectures jisr de l’OTAN.
Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) est une composante essentielle du dispositif d’ensemble. La capacité ROEM spatiale est la seule à pouvoir établir la cartographie exhaustive des activités électromagnétiques adverses. À ce titre, elle est indispensable à la sauvegarde des aéronefs et navires. Elle garantit l’actualisation des contremesures et permet enfin de contrôler des sites protégés par des défenses sol-air. La France dispose aujourd’hui du démonstrateur elisa, constellation de satellites-démonstrateurs lancée en 2011, et qui sert à la définition du programme ceres. Celui-ci sera développé durant la période de programmation pour une mise en service au plus tard en 2020. Pour sa partie terrestre, le dispositif stratégique fixe de recueil de ROEM opéré par les armées et la DRM est constitué de centres d’interception et de la chaîne de radiogoniométrie. Des investissements sont nécessaires à la modernisation des équipements d’interception et de localisation, et à la rationalisation des systèmes d’exploitation associés (projets ROEM stratégique et SEVE). S’agissant du renseignement aéroporté, les capacités du transall gabriel seront remplacées à l’horizon de l’arrêt de la flotte transall avec l’entrée en service de la charge universelle de guerre électronique (cuge) dont le vecteur devra être déterminé. Dans le domaine maritime, la charge utile du bâtiment Dupuy de Lôme sera modernisée en 2017. Les moyens mobiles de renseignement électromagnétique (escadron électronique sol de l’armée de l’air, baies COMINT de la marine nationale et brigade de renseignement de l’armée de terre) qui appuient au plus près les forces engagées pour fournir notamment le renseignement d’alerte devront être en partie renouvelés sur la période à venir, à travers le projet ROEM tactique.
Dans le domaine de la connaissance du milieu géophysique indispensable aux opérations, un système d’information géophysique sera réalisé dans le but de mettre à disposition des forces l’ensemble des données géophysiques nécessaires à la conduite des opérations et au fonctionnement des systèmes d’armes dans les meilleures conditions de performances.
À la fin de la période, la modernisation des équipements de navigation par satellite des armées (omega) sera lancée. Elle inclura le développement d’une capacité autonome de géolocalisation capable d’utiliser les signaux GPS et Galileo, et résistant aux interférences et au brouillage.
2.3. Les capacités dédiées à la protection du territoire
2.3.1. Cyberdéfense
Les moyens dévolus à la cyberdéfense feront l’objet d’un renforcement significatif. Les ressources humaines seront accrues grâce à un plan de renforcement substantiel concernant notamment plusieurs centaines de spécialistes. En particulier, le budget et les effectifs de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui devront atteindre 90 millions d’euros et 500 agents en 2015, seront régulièrement augmentés, à la hauteur des efforts consacrés par nos principaux partenaires européens. Les moyens et les effectifs des armées et de la direction générale de l’armement consacrés à la cyberdéfense seront également sensiblement renforcés, avec un effort d’au moins 360 millions d’euros supplémentaires et le recrutement d’au moins 350 personnels supplémentaires pour les armées et d’au moins 300 personnels supplémentaires à la direction générale de l’armement sur la période 2014-2019. Les investissements dans les études amont et dans l’acquisition d’équipements seront significativement relevés, notamment au sein du programme SSI-CYBER. En particulier, la poursuite de la réalisation de l’opération mtlid permettra d’étendre le périmètre des systèmes surveillés et de fournir à la chaîne opérationnelle une situation unique d’intérêt cyberdéfense.
2.3.2. Sauvegarde maritime
La sauvegarde maritime participe à la fonction protection et aux missions d’action de l’État en mer. Elle s’appuie sur un ensemble de moyens armés par la marine et par la gendarmerie maritime.
La nouvelle version du système spationav, qui fédère et redistribue les informations de surveillance maritime, est en cours de déploiement sur l’ensemble des façades métropolitaines ainsi qu’aux Antilles et en Guyane. Elle intègre de nouveaux capteurs et sera interconnectable avec les systèmes équivalents européens.
Deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) seront livrés en 2017. La capacité navale d’intervention reposera par ailleurs en métropole et outre-mer sur le maintien d’unités existantes (frégates de surveillance, avisos et patrouilleurs reconvertis, patrouilleurs P 400 et de service public), en attendant la livraison après 2020 des nouveaux patrouilleurs hauturiers batsimar. La flotte sera complétée par deux patrouilleurs à faible tirant d’eau « plg » spécifiquement adaptés à la Guyane, qui seront livrés en 2016, ainsi que par trois bâtiments multi-missions B 2M qui seront livrés aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie en 2015 et 2016.
En matière de capacité aérienne de surveillance et d’intervention maritime, la flotte de quatre atlantique 2 dédiés à cette mission, de quatre falcon 50 M et de cinq falcon 200 gardian sera complétée par la livraison en cours de quatre falcon 50 reconvertis, qui seront en outre dotés d’une capacité de largage de chaînes S ar. La commande des futurs avions de surveillance et d’intervention (avsimar) interviendra au-delà de la période de programmation.
Le système de lutte anti-mines futur (slamf) devrait reposer sur des drones de surface et sous-marins et sur des bâtiments porteurs dits « bateaux-mères ». Ce projet fait l’objet d’une coopération franco-britannique et d’un développement sur la période. Le modèle prévoit que la livraison des huit systèmes de drones anti-mines, des quatre bateaux-mères et de cinq nouveaux bâtiments-bases pour plongeurs démineurs débutera en 2021.
2.3.3. Sûreté aérienne
Le programme sccoa (Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales) poursuivra la modernisation des capacités de surveillance de l'espace aérien et des approches du territoire, de surveillance de l’espace exo-atmosphérique, de contrôle des vols, de commandement des opérations aériennes et de la défense sol-air. Il amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN en 2015 et débutera le renouvellement des radars. Parallèlement, la rénovation des avions de détection et de commandement aéroportés de l’armée de l’air et de la marine sera poursuivie.
2.3.4. Défense NRBC
La poursuite des opérations de défense NRBC pérennisera les capacités existantes et comblera certaines lacunes jugées critiques, en particulier par l’intégration aux SIC existants des capacités de gestion de l’information NRBC et d’aide au commandement, la modernisation des équipements de protection individuelle et collective, une amélioration des capacités de détection sur l’ensemble du spectre des menaces, notamment dans le domaine chimique, le remplacement des moyens majeurs de décontamination, la préservation et l’optimisation des moyens de contre-mesures médicales contre les agents principaux de la menace NRBC.
2.4. Les capacités de commandement
À l’horizon 2025, les armées françaises disposeront des capacités de commandement et de contrôle permettant d’assurer à tout moment, au niveau stratégique, le commandement opérationnel et le contrôle national des forces engagées. Elles pourront aussi bien planifier et conduire des opérations autonomes ou en tant que nation-cadre d’une opération multinationale, que contribuer au plus haut niveau à des opérations multinationales. Les armées disposeront ainsi de la capacité de déployer des systèmes de commandement de théâtre d’opérations et de coordination logistique de théâtre dans les différents milieux pour des opérations de niveau division ou équivalent. Dans le cadre d’un engagement majeur, notamment au sein de l’OTAN, les armées conserveront la capacité de mettre sur pied des commandements de composante terrestre, maritime et aérienne du niveau d’un corps d’armée ou équivalent. La « numérisation des opérations » visera à obtenir un avantage stratégique et tactique sur l’adversaire par la supériorité informationnelle, en particulier pour permettre la circulation de l’information brute ou traitée entre les capteurs de renseignement, les centres de traitement et les centres de commandement.
Dans la période 2014 - 2019, en ce qui concerne les capacités de télécommunication à longue distance, sera lancée la réalisation, du programme comsat ng éventuellement sous forme non patrimoniale, destiné à garantir la continuité de service du système syracuse, et du programme descartes, pour rénover les réseaux de télécommunications d’infrastructure du ministère. Le renforcement des réseaux de communication opérationnels concernera notamment contact, avec de premières livraisons en 2018, ASTRIDE à partir de 2014 et l’achèvement de rifan 2 avant 2020 et la mise en service opérationnel du système de commandement et de conduite des opérations (ACCS) dans le cadre du programme sccoa. Enfin, le traitement et la gestion de l’information seront assurés par le SIA dont les premiers équipements seront livrés à compter de 2014.
2.5. Les forces spéciales
Les forces spéciales se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur contre un dispositif hostile ou complexe. Elles offrent au commandement militaire et aux autorités politiques des options diverses et adaptées, souvent fondées sur la surprise. Elles disposent d’une chaîne de commandement direct, dont les moyens seront accrus et la dimension interarmées confortée. Leurs effectifs seront renforcés d'environ 1 000 hommes, de façon progressive, adaptée à la spécificité de leurs actions et de leur recrutement et formation. Leurs équipements feront l’objet d’un effort spécifique, marqué en particulier par la réalisation du programme de transmissions sécurisée melchior et les livraisons des premiers véhicules adaptées aux opérations spéciales (programme d’ensemble vlfs / plfs). Les moyens aériens et aéromobiles feront l’objet d’un effort particulier. L’ensemble de la flotte de caracal des armées sera regroupé sur un seul site sous l’autorité du commandement des opérations spéciales.
2.6. Les forces terrestres
À l’horizon 2025, les forces terrestres disposeront d’unités adaptées à la diversité, à la durée, à la dispersion et au durcissement des opérations. Elles offriront une capacité opérationnelle de l’ordre de 66 000 hommes projetables, comprenant les forces spéciales terrestres, sept brigades interarmes, des unités d’appui et de soutien opérationnel, les unités pré positionnées et celles qui sont implantées dans les outre-mer, ainsi que la contribution française à la brigade franco-allemande.
Les brigades interarmes seront articulées en trois composantes complémentaires. Deux brigades seront aptes à l’entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds. Trois brigades multi rôles seront prioritairement équipées et entraînées pour la gestion de crise. Enfin deux brigades légères seront capables d’intervenir dans des milieux spécifiques et difficiles ou très rapidement, par exemple en lien avec les forces spéciales ou en complément de leur action.
Les forces terrestres comporteront également des unités d’appui et de soutien opérationnel : une brigade logistique rassemble les unités destinées à ravitailler les forces et maintenir leurs équipements ; une brigade de renseignement dispose de plusieurs unités spécialisées aptes au renseignement d’origine humaine, électromagnétique ou à la mise en œuvre de drones. Une brigade de transmission et d’appui au commandement assure les liaisons nécessaires, notamment lorsque sont déployés des états-majors du niveau du corps d’armée ou de la division dans le cadre des opérations nationales ou multinationales ; enfin les régiments d’hélicoptères de combat et plusieurs unités spécialisées (lutte NBC, bataillon cynophile) sont à même de renforcer les forces déployées.
La poursuite de l’effort de numérisation et une préparation opérationnelle appropriée garantiront la cohérence entre ces trois composantes et leur capacité à se renforcer mutuellement. Ces forces disposeront à l’horizon 2025 d’environ 200 chars lourds, 250 chars médians, 2 700 véhicules blindés multi rôles et de combat, 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et une trentaine de drones tactiques.
La période 2014-2019 constitue une étape déterminante dans la constitution de ce modèle.
2.6.1. Le renouvellement de nos capacités de combat aéroterrestre entre 2014 et 2019
L’opération d’ensemble scorpion vise à renouveler les moyens du combat de contact terrestre comme un tout cohérent et évolutif. Elle sera lancée en 2014. Organisée autour d’un système d’information de combat dont sera livrée mi-2016 une première version (SICS V0) puis une évolution en 2018 (SICS V1). Elle comprend également le remplacement de plusieurs matériels majeurs, différenciés en fonction des types d’opération auxquelles seront en priorité destinées les différentes brigades. scorpion permettra ainsi d’acquérir la supériorité opérationnelle et d’accélérer le rythme de la manœuvre des forces de contact dans les opérations de coercition, comme de soutenir des engagements dans la durée face à une menace asymétrique au milieu des populations dans les opérations de gestion de crise.
La rénovation de la composante blindée lui permettra d’emporter la décision dans les opérations d’entrée en premier, et de constituer un élément dissuasif et d’assaut dans les crises. La période sera d’abord marquée par la fin des livraisons des 630 vbci en 2015, dont 95 disposeront d’un niveau de protection adapté aux théâtres d’opérations les plus exigeants. La rénovation de 200 chars leclerc débutera en 2018, les premières livraisons étant attendues à partir de 2020. Le développement de 248 ebrc (Engins Blindés de Reconnaissance de Combat) sera initié, les premières commandes intervenant en 2018.
Les opérations de gestion de crise nécessitent des volumes de forces importants, équipés de matériels robustes et durables, aptes à faire face à des pics de violence et à intervenir dans des situations marquées par la difficulté d’identifier les belligérants. À cette fin, la rénovation de l’infanterie et des unités d’appui et de soutien du contact, très sollicitées par les opérations actuelles, repose principalement sur le remplacement des vab (Véhicule de l’Avant Blindé) par 2 080 vbmr (Véhicule Blindé Multi-Rôle) livrés à compter de 2018.
La supériorité des combattants au contact sera améliorée par la livraison, à partir de 2017, des premiers des 90 000 aif (Armement Individuel Futur) en remplacement du famas, par les dernières livraisons, en 2014, des 18 552 équipements individuels du combattant felin, puis de 4 000 gilets modernisés, renforçant ainsi la protection et les capacités des forces dans un souci d’allègement du combattant débarqué.
Par ailleurs, pour améliorer la cohérence des forces du contact, des études sont poursuivies pour préparer les livraisons ultérieures de 1 470 vbae (Véhicules Blindés d’Aide à l’Engagement), la modernisation des équipements du combattant (felin v2) et les évolutions du vbci.
2.6.2. Appui (missiles, artillerie et génie) et soutien logistique
Le missile antichar milan sera remplacé à partir de 2017 par le missile moyenne portée (mmp), qui sera doté de performances opérationnelles, d’une polyvalence et d’une souplesse d’emploi supérieure. Le blindé médian ebrc sera équipé d’un missile de type mmp, à capacité d’agression antichars et anti-abris performante lors de son entrée en service dans les forces. L’acquisition d’un nouveau missile air-sol sera lancée à l’horizon 2021, pour remplacer les missiles air/sol hellfire dotant les hélicoptères tigre.
La capacité d’appui à l’engagement des forces sera améliorée avec le remplacement après 2019 de l’ebg (engin blindé du génie) par le mac (module d’appui au contact).
La transformation du lance-roquette multiple (lrm) en lance-roquette unitaire (lru) fournira une capacité d’appui tout temps, précise et réactive jusqu’à 70 km, adaptée aux engagements actuels ; 13 lanceurs seront livrés en 2014.
Le porteur polyvalent terrestre (ppt) permet une meilleure protection des équipages pour le ravitaillement, le transport de postes de commandement et de systèmes d’armes et l’évacuation de véhicules endommagés ; 450 véhicules auront été livrés en 2016.
2.6.3. Combat aéromobile et aéromobilité intra-théâtre
L’engagement des forces au contact nécessite le maintien de la mobilité tactique assurée conjointement par les hélicoptères de manœuvre et les hélicoptères d’attaque. Les gazelle « armées » (canon, hot et mistral) seront pour partie progressivement remplacées par des tigre, dont 21 tigre had livrés entre 2013 et 2020 en complément des 39 tigre hap, déjà livrés et mis progressivement au standard had
En complément des 26 cougar rénovés et des caracal, les puma seront progressivement remplacés par 68 hélicoptères nh 90 - tth, dont 38 seront livrés avant 2019. Une commande permettra ensuite de compléter la cible à 115 hélicoptères de manœuvre.
2.7. Les forces navales
À l’horizon 2025, les forces navales contribueront à la dissuasion nucléaire au travers de la permanence des patrouilles de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, ainsi qu’au travers de la force aéronavale nucléaire. Elles seront dimensionnées pour les opérations de haute intensité ou de crise majeure grâce à des capacités de combat de premier plan, polyvalentes, disposant de feux précis et puissants et s’intégrant sans difficulté dans les dispositifs multinationaux avec la faculté d’en prendre le commandement. Ces moyens s’articuleront autour du porte-avions, des sous-marins nucléaires d’attaque, des bâtiments de projection et de commandement, des frégates de défense aérienne et des frégates multi-missions. Ces capacités seront complétées par des unités de combat moins puissantes, permettant de préserver le potentiel des forces lourdes, et un nombre suffisant de moyens pour assurer la présence en mer. Enfin, les forces navales seront également constituées d’unités légères aptes au contrôle des espaces maritimes, dans nos approches et outre-mer : frégates de surveillances, patrouilleurs, bâtiments d’assistance. Les forces navales disposeront ainsi, à l’horizon 2025, de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, de 6 sous-marins nucléaires d’attaque, d'un porte-avions, de 15 frégates de premier rang, d'une quinzaine de patrouilleurs, de 6 frégates de surveillance, de 3 bâtiments de projection et de commandement, d'avions de patrouille maritime, ainsi que d’une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opération extérieure.
Dès la période 2014-2019, outre leurs capacités dédiées à la protection de nos approches maritimes et à l’action de l’État en mer, elles connaîtront une transformation importante de leurs capacités de lutte sous la mer, d’action vers la terre et de contrôle des espaces maritimes.
2.7.1. Groupe aéronaval (GAN)
Le deuxième arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle débutera en 2016. Outre le rechargement des cœurs nucléaires et une révision générale, cet arrêt sera mis à profit pour réaliser une opération visant au maintien de ses principales capacités opérationnelles et son adaptation à un groupe aéronaval centré sur le rafale, consécutif au retrait définitif de service, en 2016, du super-étendard modernisé.
2.7.2. Sous-marins
Fin 2019, le premier des 6 nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque barracuda, remplaçant les rubis, aura été livré et admis au service actif. Les barracuda présenteront des capacités multi rôles, mettant en œuvre notamment, outre des capacités de renseignement, la torpille lourde, le missile de croisière naval (MdCN) et, lorsque nécessaire, des nageurs de combat.
2.7.3. Frégates
La construction et l’admission au service actif des frégates multi-missions (fremm), commencées avant 2014, se poursuivront. Sur les 11 fremm déjà commandées, 6 bâtiments seront livrés d’ici à 2019. Les 2 suivants auront une capacité renforcée de défense aérienne, pour remplacer les 2 frégates antiaériennes d’ancienne génération Cassard et Jean Bart, et compléter les 2 unités de type horizon. Pour les trois suivantes, qui seront livrées d’ici à 2025, leur type pourra être adapté, en fonction de l’analyse du besoin et du marché, la décision étant prise au plus tard en 2016. Les fremm embarqueront le MdCN à partir de 2014, le missile antinavires exocet mm 40 B3 à portée étendue, la torpille anti-sous-marine mu 90, l’hélicoptère de combat anti-sous-marin nfh 90 et le missile de défense aérienne et anti-missiles aster.
Dans ce cadre, les opérations de rénovation des frégates furtives flf seront lancées en fin de période, au fil des arrêts techniques programmés. Ces frégates permettront d’assurer les missions résultant des contrats opérationnels, dans l’attente des nouvelles frégates de taille intermédiaire (fti) dont le programme sera engagé
L’article 2 du présent projet de loi de programmation militaire porte approbation d’un rapport annexé qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et précise les orientations en matière d’équipement des armées à l’horizon 2025.
Au titre de la fonction de protection, le rapport fait mention, en son alinéa 165, de la flotte logistique FLOTLOG, qui est destinée à remplacer les actuels pétroliers ravitailleurs polyvalents et autres bâtiments de soutien et qui devrait comporter trois unités, dont la première devrait être commandée au lointain horizon 2025.
Après le retrait du pétrolier ravitailleur Meuse prévu en 2015, le soutien logistique des unités de combat ne sera plus assuré que par les bâtiments de commandement et de ravitaillement Var, Marne, et Somme, mis en service en 1983, 1987 et 1990.
La logistique, qui concerne le ravitaillement aussi bien en eau douce qu’en carburant pour l’aviation, en gasoil, en vivres, en munitions ou en pièces de rechange, est fondamentale pour la politique de défense.
Je centrerai plus particulièrement mon intervention sur le ravitaillement énergétique et sur les garanties de notre indépendance, dans le champ aussi bien militaire que civil.
Le transport de produits pétroliers sous pavillon français se trouve aujourd’hui en état d’urgence. Il est nécessaire de modifier la loi concernant l’approvisionnement des réserves stratégiques militaires et civiles en produits pétroliers, qui date de 1992.
Comme vous le savez, les seuls navires capables de transporter les matières énergétiques françaises, qu’elles soient pour les véhicules, l’industrie ou le chauffage, appartiennent tous à des armateurs étrangers qui peuvent les récupérer à tout moment.
Aujourd’hui, l’armateur MAERKS a annoncé son intention de dépavillonner ses navires.
En 1992, le législateur a redéfini les modalités de calcul des quantités de pétrole brut et de la capacité de transport maritime sous pavillon français.
La contrainte pour notre pays que constitue la dépendance de l’étranger pour ses approvisionnements en pétrole et en produits pétroliers a été à cette époque largement rappelée. L’escorte armée des navires pétroliers en transit a été parfois nécessaire, protection que le droit international ne permet à la France d’exercer qu’au profit de navires sous pavillon français.
La loi du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier a ainsi redéfini des obligations auxquelles tous les opérateurs qui participent à l’approvisionnement pétrolier du pays sont soumis : constituer et conserver des stocks stratégiques de pétrole et de produits pétroliers, assurer l’existence d’une flotte pétrolière sous pavillon français, les propriétaires de raffineries de pétrole brut devant contrôler, en propriété ou par affrètement à long terme, une capacité de transport maritime sous pavillon français, mais également fournir aux pouvoirs publics des informations nécessaires à la connaissance par ceux-ci des conditions de l’approvisionnement pétrolier du pays et notifier aux pouvoirs publics les projets de construction, de modification ou d’arrêt des raffineries ou respecter les limitations aux échanges extracommunautaires de pétrole et de produits pétroliers qui pourraient être instituées en cas de tension internationale grave pour faire face aux engagements de la France ou pour l’application des mesures décidées par la Communauté européenne, notamment dans le cadre de l’Union européenne.
Les règles qui s’appliquent aux forces armées dans le domaine pétrolier et, en particulier, la constitution et la conservation des stocks de produits pétroliers à finalité militaire sont fixées par le ministre de la défense. Cependant, ce ministère est directement concerné par le dépavillonnement des pétroliers français. Celui-ci n’est pas sans incidence sur la possibilité d’escorte. De plus, ses répercussions en termes d’indépendance énergétique constituent des enjeux stratégiques majeurs pour notre pays.
Il s’agit aujourd’hui d’éviter la perte de ces navires transportant des produits pétroliers, la perte d’autonomie complète de la France en matière de transport de produits pétroliers et de ravitaillement en produits énergétiques stratégiques, la perte d’emplois très importante pour les marins – officiers et personnel d’exécution –, la perte de l’accréditation et des certificats des marins armant ces navires pétroliers.
Si une décision n’est pas prise en concertation avec les ministères de la défense, de l’énergie, des transports et de l’industrie, des dégâts irréparables se produiront. La France n’a, à ce jour, quasiment plus de navires sous pavillons français appartenant à des armateurs français et armés par des marins français qui pourraient être réquisitionnés par l’État en cas de crise.
C’est pourquoi, à côté des professionnels du secteur, nous alertons encore une fois le Gouvernement afin qu’il prenne une mesure rapide pour que des navires soient armés par des armateurs français sous pavillon de premier registre.
L’intérêt de la présente loi de programmation militaire dépasse les seules questions de défense et intéresse en réalité toutes les questions relatives à la gestion de la sphère publique.
Je tiens spécialement à saluer les efforts consentis par notre défense nationale. Face à une crise qui n’en finit pas et qui mine nos marges de manœuvres budgétaires, alors que nous ne parvenons pas, au-delà de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, ou de la modernisation de l’action publique, la MAP, à rationaliser le secteur public, votre loi de programmation fera école. En effet, la baisse d’effectifs programmée à hauteur de 23 500 s’ajoute aux efforts très importants déjà accomplis par vos prédécesseurs, ce qui est à la fois très lourd pour l’armée et très courageux.
Je crois malheureusement que cet effort est nécessaire. Nous repoussons depuis trop longtemps l’échéance et la mise en chantier des vraies réformes. Notre secteur public est hypertrophié – il représente près de 56 % du PIB – et étouffe notre économie. Dès lors, nous ne pouvons échapper à la réalité. Il faut ramener nos administrations à de justes proportions.
La réforme que vous annoncez se déroulera comme elle a été préparée : sans heurts ni violence, sans tentatives de blocage ou de manifestations vaines. En effet, nos militaires ne participent pas à cette culture de la plainte qui anime tant d’autres administrations. Imagine-t-on une programmation aussi ambitieuse au sein du ministère des finances ou de l’éducation nationale ? Que dire également de notre administration territoriale ? La Cour des comptes est là pour nous rappeler tout cela.
Un grand silence obère le débat public. On le sait, il est politiquement impensable de s’en prendre aussi frontalement aux structures administratives d’un pays dont 25 % de la population active travaille dans le secteur public. Bien des gouvernements s’y sont rompu les dents, vos prédécesseurs au premier chef.
Aussi, monsieur le ministre, sur la base de votre travail, je souhaiterais lancer un appel à la réforme. L’ensemble de votre programmation, telle que décrite par le rapport annexé à l’article 2, illustre bien les axes que la France doit creuser pour accomplir sa réforme administrative. Au-delà, je pense notamment à la technique du « dépyramidage », qui permettra à l’armée de mieux gérer ses ressources humaines.
Dans un état d’esprit similaire, à la suite de mon expérience d’inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale, j’avais déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2012 relatif à la répartition du temps de travail pour les enseignants, autre administration qui connaît des problèmes analogues. Cet amendement aurait permis, en augmentant marginalement le temps de travail annuel des enseignants tout en redéployant les plages horaires consacrées à certaines matières, de faire économiser à l’État plusieurs milliers d’embauches de professeurs et aurait évité ce qui se passe à l’heure actuelle. Cet exemple illustre l’état d’esprit que l’on devrait appliquer à l’administration.
Nous n’avons que peu de choix. Face aux difficultés de pilotage des ressources humaines de la fonction publique, soit nous parvenons à une meilleure flexibilité dans les conditions de travail et les carrières, soit nous reviendrons un jour sur les garanties du statut général de la fonction publique.
Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, à un mois du début de la discussion budgétaire au Sénat, je souhaiterais que nous méditions sur le modernisme de l’action publique qui inspire la présente loi de programmation. Inspirons-nous en afin d’oser enfin nous attaquer aux vraies réformes et aux vrais problèmes !
Applaudissements au banc des commissions.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l’universalisation du traité de non-prolifération et à celle du traité international d’interdiction des essais nucléaires. Elle s’engagera ainsi résolument dans la négociation d’un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles destinées aux armes. Elle agira tout particulièrement pour aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
L’un des chapitres du rapport annexé fixe un certain nombre de priorités géostratégiques qui devant être adaptées au contexte et à l’évolution du monde d’aujourd’hui.
Nous considérons que l’une d’entre elles n’y figure pas. En effet, le passage consacré à la contribution de notre pays à la paix et à la sécurité internationale insiste, à juste titre, sur l’attention particulière que nous devons porter à la sécurité dans différentes régions du monde, notamment au travers de notre coopération de défense, de notre présence militaire ou du développement de partenariats stratégiques ou de coopération.
Or, pour contribuer à la paix et à la sécurité internationale, si la dimension militaire est essentielle, il ne faudrait pas minimiser ou ignorer l’action diplomatique dans un champ très étendu.
Dans cet esprit, nous estimons que la lutte contre la prolifération nucléaire, l’un des grands sujets de discorde dans les relations internationales, doit faire l’objet d’une attention prioritaire.
Il faudrait ainsi que la France participe activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet, que notre pays continue aussi d’être vigilant sur l’universalisation du traité de non-prolifération et du traité international d’interdiction des essais nucléaires.
Il faudrait enfin que nous nous engagions résolument dans la négociation d’un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles destinées aux armes et que nous puissions ainsi aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.
Avec cet amendement, nous souhaitons donc qu’une telle dimension figure clairement dans le rapport annexé et que ces précisions y soient inscrites.
La rédaction initiale de l’amendement soulevait des difficultés dans la mesure où elle visait la négociation d’un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles à des usages militaires, alors que, vous le savez, certains bâtiments militaires utilisent un système de propulsion nucléaire nécessitant la production de matières fissiles.
L’auteur de l’amendement a rectifié son amendement sur ce point, et je l’en remercie. Il n’est plus fait référence qu’aux matières fissiles destinées aux armes. Voilà qui est de nature à régler cette difficulté.
La commission que je préside et que j’ai l’honneur de représenter ayant émis un avis défavorable, je suis lié par cet avis. Toutefois, avant de me prononcer, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement proposé, considérant qu’il est conforme à la position constante de la France en faveur du désarmement et qu’il permet de traduire plus nettement dans le rapport annexé les orientations liées au désarmement et à la sécurité collective.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, mais, au nom de la commission, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 37, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 31, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Pour mettre en œuvre ces orientations il est impératif d’obtenir l’accord de nos partenaires européens sur les questions fondamentales que sont la création d’un état-major permanent de planification des opérations ou d’une agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Cet amendement a pour objet d’insister sur le fait que la politique européenne de sécurité et de défense ne sera qu’un vain mot tant qu’un certain nombre d’actes concrets n’auront pas été posés par les pays membres. Notre amendement en propose deux, qui sont déterminants pour poursuivre dans cette voie.
Le passage du rapport annexé traduit la conscience de ces difficultés en soulignant la nécessité d’une impulsion politique venant du plus haut niveau des États membres. À cet égard, certains estiment même que le prochain Conseil européen du mois de décembre consacré à la défense risque d’en sonner le glas si des décisions concrètes n’y étaient pas prises.
La politique européenne de sécurité et de défense ne serait qu’un vain mot, je l’ai dit, tant que nous n’aurons pas emporté l’adhésion de nos partenaires européens sur des questions structurantes telles que la création d’un état-major permanent de planification des opérations ou d’une agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité pour la mise en œuvre de programmes décidés en communs.
C’est la raison pour laquelle nous proposons que ces exigences particulières figurent dans la partie du rapport annexé traitant de cette question.
La réalisation d’une authentique défense européenne fait partie des orientations souhaitées par votre commission. Elle a du reste été formulée dans un rapport du mois de juillet 2012 porté par Daniel Reiner, Jacques Gautier…
… et d’autres, intitulé Pour en finir avec « l’Europe de la défense » - Vers une défense européenne.
Toutefois, la création d’un « état-major permanent de planification des opérations » prévue par cet amendement me pose problème, bien qu’il s’agisse, je le comprends, d’une projection dans le futur.
J’émets un avis favorable sur cet amendement, mais je me demande si l’on ne devrait pas trouver rapidement une modalité qui le rende plus facilement recevable par rapport à cette affirmation quelque peu difficile à appliquer. Quoi qu’il en soit, dans l’esprit, la commission y est favorable.
J’ai déjà eu l’occasion de souligner dans mes interventions toute l’importance que nous accordions au prochain Conseil européen du mois de décembre consacré en priorité aux questions de défense.
J’y défendrai une vision de l’Europe de la défense très pragmatique, très concrète, afin de contourner les blocages et d’avancer sur des éléments positifs.
Madame Demessine, j’ai cru comprendre que nos démarches étaient assez proches, sauf que la création d’un « état-major permanent de planification » est un point de blocage majeur. Je ne peux soutenir une proposition aussi impérative, car cela mettrait le Gouvernement français en position délicate dans la discussion générale dès lors que, pour certains pays, c’est un point sur lequel on ne négocie pas.
Certes, le reste de l’amendement me convient. Mais, pour la raison que je viens d’indiquer, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Bockel, Merceron, Guerriau, Roche et Reichardt, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
À cet égard, il convient de saluer la contribution de la brigade franco-allemande à l’effort de coopération européenne en matière de défense. Sa redynamisation, au travers d’un engagement opérationnel accru, pourrait d’ailleurs constituer le socle d’un approfondissement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 65, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, et dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 21 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le présenter, monsieur le rapporteur.
Je reprends cet amendement, car notre collègue Jean-Marie Bockel n’est pas présent ce soir, faisant actuellement en route pour New York afin d’y représenter la commission.
Je vous propose, au nom de Jean-Marie Bockel, Jean-Claude Merceron, Joël Guerriau, Gérard Roche et André Reichardt, de compléter l’alinéa 31 du rapport annexé à l’article 2 par deux phrases ainsi rédigées : « À cet égard, il convient de saluer la contribution de la brigade franco-allemande à l’effort de coopération européenne en matière de défense. Sa redynamisation, au travers d’un engagement opérationnel accru, pourrait d’ailleurs constituer le socle d’un approfondissement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne. »
Il s’agit d’un amendement de principe très important. Jean-Marie Bockel en avait discuté longuement.
Cela va au-delà des symboles : alors que nous sommes en grande difficulté sur la question de l’Europe de la défense, nous devons absolument faire en sorte que cette brigade franco-allemande soit un fleuron, un exemple, et puisse éventuellement être déclinée et élargie.
Je tenais à témoigner de mon soutien à cet amendement de principe, à forte valeur symbolique, et dont j’avais demandé à être cosignataire, ce qui n’a malheureusement pas pu se faire.
À un moment où nous parvenons laborieusement à maintenir Strasbourg comme siège de nos institutions européennes, le maintien de cette brigade franco-allemande, qui participe du même esprit, me semble essentiel.
C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
J’ai eu l’honneur d’inaugurer cette brigade franco-allemande lors de sa création avec le ministre allemand de la défense de l’époque, M. Gerhard Stoltenberg, à Böblingen, dans les environs de Stuttgart, en 1988, me semble-t-il.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 40, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle s’effectue en recherchant prioritairement un cadre multinational s’appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Cet amendement vise à préciser le cadre de la légalité internationale dans lequel doivent s’effectuer les interventions de nos troupes à l’étranger.
Nous estimons en effet que le rapport annexé, dans sa partie traitant de la mondialisation et de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, n’est pas suffisamment explicite à cet égard.
Comme les exemples l’ont montré par le passé, le fait d’effectuer des opérations sur notre propre initiative ou celui d’être entraînés par une alliance dans des opérations non expressément autorisées par les Nations unies peuvent soulever de nombreuses questions de légitimité et de respect au regard de la légalité internationale.
Je citerai l’exemple des bombardements de la Yougoslavie, en 1999, non autorisés par les Nations unies. Notre intervention s’était alors clairement située en dehors de la légalité internationale, même si, par la suite, l’ONU a été amenée à prendre des résolutions.
Nous souhaitons inscrire ces précisions et cette clarification dans le texte afin d’éviter, par exemple, toute dérive qui transformerait nos troupes en corps expéditionnaire principalement chargé d’agir comme gendarme ou pompier dans nos anciennes colonies d’Afrique et risquant d’être engagé dans des combats incertains.
Notre conception du règlement de conflits par l’envoi de troupes à l’étranger est strictement celle du maintien ou du rétablissement de la paix, de l’interposition entre belligérants et, bien entendu, en cas d’urgence, de la protection de nos ressortissants.
Pour nous, le mandat de l’ONU, bien qu’il ne soit pas la seule source de légalité internationale, doit être la règle et toute autre opération ou présence, l’exception.
Nous souhaitons ainsi que soit clairement affirmée la détermination de la France à rechercher en priorité un cadre multinational pour nos interventions et à s’appuyer de manière privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Nous sommes évidemment conscients des insuffisances et, parfois, de l’inefficacité de cette grande institution, comme le démontre malheureusement le conflit syrien. Il s’agit donc d’une raison supplémentaire pour poursuivre nos efforts de modification du fonctionnement et de la composition du Conseil de sécurité afin qu’il reflète davantage le monde d’aujourd’hui.
La rédaction proposée par Mme Demessine nous convient parfaitement. L’avis du Gouvernement est donc favorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Boutant et Lorgeoux, est ainsi libellé :
Alinéa 60, après la troisième phrase
Insérer trois phrases ainsi rédigées :
Le renseignement fera l'objet d'une attention prioritaire et bénéficiera d'un effort financier substantiel sur la période 2014-2019. S'agissant du renseignement intérieur, la transformation de la DCRI en une direction générale de la sécurité intérieure, directement rattachée au ministre de l'intérieur, s'accompagnera du recrutement d'au moins 430 personnels supplémentaires sur les cinq prochaines années. Pour leur part, les services de renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront d'un renforcement des effectifs de l'ordre de 300 postes supplémentaires.
La parole est à M. Michel Boutant.
Cet amendement, que je porte avec mon collègue Jeanny Lorgeoux, concerne les agents des services de renseignement, auxquels nous tenons à rendre hommage.
Le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale fait du renseignement une priorité, ce qui est également le cas du projet de loi de programmation militaire.
Le renforcement doit se traduire par une augmentation significative des moyens budgétaires et humains des services de renseignement. Je pense notamment à l’importance de certaines capacités telles que le lancement du système satellitaire Ceres et des deux satellites Musis, ou encore au développement de nos capacités en matière informatique.
Cependant, le rapport annexé, sur lequel nous nous penchons en ce moment, ne précise pas, à la différence du précédent texte de programmation militaire, le nombre de postes supplémentaires dont bénéficieront les services de renseignement sur la période 2014-2019.
Or nous savons que dans un contexte de diminution des effectifs, il est toujours difficile d’obtenir des postes supplémentaires.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Il tend à préciser que la Direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, amenée à devenir bientôt une direction générale de la sécurité intérieure, directement rattachée au ministre de l’intérieur, bénéficie d’un renforcement significatif via le recrutement d’au moins 430 personnels supplémentaires sur les cinq prochaines années : analystes, linguistes et spécialistes en informatique. Cela renforcement correspond d’ailleurs à l’annonce faite par le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, au mois de juin dernier.
Les dispositions de cet amendement font bénéficier les services de renseignement du ministère de la défense d’au moins 300 postes supplémentaires, principalement au bénéfice de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Là encore, il s’agira de spécialistes de haut niveau.
Je vous propose donc d’adopter cet amendement.
Cet amendement, présenté par nos collègues Michel Boutant et Jeanny Lorgeoux, vise à mieux préciser dans le rapport annexé l’augmentation des effectifs de la DCRI et des services de renseignement relevant du ministère de la défense, à l’image de la DGSE, de la Direction du renseignement militaire, la DRM, et de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD.
Comme l’a montré la précédente loi de programmation militaire, il est important de faire figurer dans le rapport annexé les prévisions d’augmentation du nombre d’effectifs des services de renseignement sur la durée envisagée.
Je le rappelle, les 700 postes qui figuraient dans le rapport annexé en faveur de la DGSE ont effectivement été ouverts. La commission émet un avis très favorable sur cet amendement.
L’avis du Gouvernement est également favorable. Il est toujours important de mettre en exergue l’une des priorités du nouveau Livre blanc et de faire en sorte qu’elle soit bien inscrite dans le texte du projet de loi de programmation.
J’émets toutefois une observation. Les auteurs de l’amendement évoquent les postes supplémentaires dans le texte – en réalité, il y en aura plus de 300 –, mais aussi les « crédits supplémentaires » dans l’exposé des motifs. Or nous étions convenus de ne pas faire état publiquement des crédits supplémentaires dans la loi programmation militaire, afin de ne pas donner prise à certaines réflexions malveillantes.
Cela vaudra également tout à l’heure pour la cyberdéfense.
J’entends les remarques de M. le ministre, mais il n’est pas possible de procéder à une rectification, puisqu’il ne s’agit pas d’un texte normatif.
Je ne sollicite aucune rectification, ma remarque portant seulement sur l’exposé des motifs.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 47, présenté par MM. Carrère, Bockel, Chevènement, G. Larcher et Lorgeoux, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 72
Après les mots :
implantations en Afrique)
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
En accord avec les États concernés, la France maintiendra en Afrique des forces déployées dans la bande sahélo-saharienne et sur les façades est et ouest africaines afin de contribuer activement à la sécurité de ce continent. Des actions de coopération structurelle et opérationnelle permettront la consolidation des capacités militaires et des architectures de sécurité sous-régionales africaines dans le cadre de l’Union Africaine et, le cas échéant, la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies et la protection des ressortissants français. Ces déploiements seront adaptés afin de disposer de capacités réactives et flexibles en fonction de l’évolution des besoins. Les accords de coopération ou de défense entre la France et les pays africains concernés seront publiés et soumis au Parlement.
La parole est à M. le rapporteur.
Les rapporteurs des groupes Sahel et Afrique de notre commission ont cosigné avec moi cet amendement, qui concerne les forces françaises déployées en Afrique.
En effet, ni le Livre blanc ni la loi de programmation militaire n’ont précisé quelles seraient les évolutions en matière de forces françaises prédéployées en Afrique. En l’état, le texte de la loi de programmation se contente de citer une réduction de 1 100 postes et une « reconfiguration » des implantations en Afrique.
Un conseil de défense restreint a entériné les premières orientations le 9 octobre dernier, mais aucune information n’a filtré sur les décisions prises, ce qui est logique.
Compte tenu des enjeux de sécurité mis en lumière par les groupes Sahel et Afrique de notre commission, cet amendement a deux objectifs : affirmer clairement un maintien des forces françaises déployées en Afrique et donner un sens africain à notre présence visant à consolider les capacités militaires et les architectures de sécurité africaines, dans la perspective du sommet du 7 décembre prochain.
Le texte est suffisamment souple pour respecter pleinement les prérogatives du Président de la République. De plus, pour la bonne information du Parlement, le dispositif proposé prévoit la publication des accords de défense et un vote, comme c’était déjà le cas dans la précédente loi de programmation militaire.
J’ai expliqué tout à l'heure quelle était la logique de notre redéploiement en Afrique, ainsi que la relation étroite que nous souhaitons entretenir avec les États membres de la bande sahélo-saharienne. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 39, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 96
Rédiger ainsi cet alinéa :
D’ici 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française, dont le programme de simulation suffit à assurer la crédibilité, sera conduite dans le respect du principe de stricte suffisance qui exclut tout développement de nouvelles armes.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 40.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 40, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi libellé :
Alinéa 97
Supprimer cet alinéa.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
La situation stratégique d’aujourd’hui n’a, me semble-t-il, plus rien à voir avec celle qui prévalait du temps des origines de la dissuasion nucléaire.
Cette dissuasion est pourtant encore présentée dans le rapport annexé comme la clef de voûte de notre sécurité, alors que sa doctrine d’emploi ne définit toujours pas exactement ce que sont nos intérêts vitaux et que le nucléaire ne joue plus, comme à l’époque de la Guerre froide, de rôle aussi déterminant pour notre sécurité.
En outre, de nombreux spécialistes en la matière mettent en doute la pertinence et l’efficacité potentielle de notre dissuasion pour répondre aux conflits d’aujourd’hui ou faire face aux nouveaux types de menaces.
Malgré ces changements et cette évolution de la situation stratégique de notre pays, et alors que nous nous trouvons dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, qui doit nous obliger à faire des choix, le Livre blanc a reconduit à l’identique, sans les justifier, notre posture et notre arsenal nucléaires.
Il a ainsi été décidé de maintenir notre force de frappe nucléaire à une place déterminante et de lui faire profiter de moyens élevés, représentant environ 10 % des crédits consacrés aux investissements et 20 % du budget global.
Dans ces conditions, je considère que, d’ici à 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française, dont le programme de simulation suffit à assurer la crédibilité, devrait être assurée dans le respect du principe de stricte suffisance, ce qui exclut tout développement de nouvelles armes.
Enfin, j’estime également que notre pays ne respecte pas loyalement l’esprit de l’article 6 du traité de non-prolifération nucléaire, que nous avons signé. Cet article fait obligation aux pays autorisés à détenir un armement nucléaire de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires ».
Or, avec les autres puissances nucléaires, nous poursuivons la course aux armements en développant nos arsenaux, non plus en nombre, mais en qualité, tout particulièrement en matière de précision.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir adopter les amendements n° 39 et 40, mes chers collègues.
Il est proposé d’interdire tout développement des armes nucléaires d’ici à 2025.
En réalité, la partie « développement » d’un programme porte essentiellement sur la recherche et la réalisation, le cas échéant, d’un démonstrateur.
L’adoption d’une telle disposition tendrait donc à empêcher toute modernisation des composantes de la dissuasion, aussi bien les vecteurs que les armes elles-mêmes.
Or, quand on connaît la durée de développement, il est crucial, si l’on veut être présent au rendez-vous de 2030, que la partie « recherche » des programmes soit lancée maintenant, indépendamment du choix qui sera fait de développer, ou non, ces programmes.
Au demeurant, l’interdiction de la recherche sur le renouvellement des armes de la dissuasion serait en totale contradiction avec le rapport adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au mois de juillet 2012 sur l’avenir des forces nucléaires françaises à l’unanimité moins une voix.
Par conséquent, ma chère collègue, même si je respecte votre position, je ne puis, hélas ! qu’émettre un avis défavorable sur les amendements n° 39 et 40.
J’ai exposé la position du Gouvernement sur le nucléaire dans mon propos introductif, puis dans ma réponse aux orateurs à l’issue de la discussion générale : c’est celle de la stricte suffisance.
Nous sommes en désaccord, je le constate. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je voudrais dire à notre collègue communiste qu’elle a, je pense, tout à fait tort de développer une telle idée.
Certes, nous ne sommes plus à l’époque de la guerre froide. C’est heureux ! Il faut s’en réjouir. Nous ne vivons plus sous le régime de ce que l’on appelait l’« équilibre de la terreur ». Mais ne sont-ce pas les armes nucléaires qui, d’une certaine manière, ont contribué à cette évolution ?
Dans une situation pareille, il n’y avait pas de perspective de changement par la guerre. Il fallait bien que d’autres formes d’expression se fassent jour.
Croyez-vous que les armes nucléaires ne jouent plus aucun rôle au Moyen-Orient, entre l’Inde et le Pakistan – je ne parle même pas de l’Inde et de la Chine –, ou entre la Chine et les États-Unis ?
J’observe également que l’Inde vient de mettre à flot des sous-marins nucléaires.
La Russie et les États-Unis ont plafonné leur armement à un peu plus de 1 500 têtes déployées. Il ne s’agit que des armes déployées : il existe aussi des milliers d’armes qui ne sont pas déployées. Le président Obama parle d’un monde sans arme nucléaire et propose de diminuer de 500 le nombre d’armes déployées. Cela en fera encore 1 000 ! On peut – pourquoi pas ? – aller dans cette direction, même si ce n’est pas l’avis, semble-t-il, de la Russie, qui a probablement quelques inquiétudes, au demeurant légitimes d’une certaine manière.
Tout cela se manie donc avec précaution.
Je crois qu’il est plus raisonnable d’aller vers la décrue des arsenaux nucléaires, de les limiter un jour en quantité. C’était la proposition d’une commission Evans sur le désarmement, coprésidée par une ancienne ministre des affaires étrangères japonais. Cela me paraît plus raisonnable.
Vous savez, ma chère collègue, seuls les États-Unis sont capables de mener une guerre à longue distance par des armes classiques. C’est ce que l’on appelle le « Prompt global strike », des frappes avec des missiles intercontinentaux munis de têtes conventionnelles. Évidemment, ce n’est pas à la portée de tout le monde.
Je pense donc que la disposition d’un arsenal réduit de plus de moitié depuis l’époque où j’étais ministre de la défense est, pour la France, pour l’Europe, pour toute cette partie du monde, une garantie de stabilité à long terme. Il faudrait y réfléchir.
J’ai produit un rapport sénatorial en 2010, auquel je ne vais pas vous renvoyer : on peut certainement l’améliorer. Mais il y a beaucoup d’arguments sur la base desquels j’aimerais pouvoir échanger. On ne peut pas dire n’importe quoi devant la représentation nationale. De telles idées cheminent, elles pénètrent l’opinion. Il faut que quelques voix, même isolées, les combattent, parce qu’elles ne sont pas justes, croyez-le. Si on veut la paix, comme je le souhaite moi-même, il faut garder la disposition d’armes nucléaires, les seules en Europe, en dehors de celles dont dispose la Russie. Je ne parle pas de l’arsenal britannique ; c’est une autre affaire.
Apprenons à manier ces questions avec beaucoup de souplesse et de discrétion, et donnons-nous les moyens de garder une dissuasion crédible à un horizon même lointain, parce que la paix sera toujours un bienfait, demain comme après-demain. §
S’exprimer après une personnalité dont l’avis est aussi autorisé relève quasiment de la mission impossible.
Le groupe écologiste soutiendra les amendements n° 39 et 40.
En 1987, de doctes personnes nous expliquaient que le mur de Berlin ne pourrait jamais tomber, que les choses ne pourraient jamais changer.
Nous, nous aimons à penser qu’un monde sans nucléaire est possible. Nous voterons donc ces amendements.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 118, troisième et quatrième phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
En particulier, les effectifs de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui devront atteindre 500 agents en 2015, seront régulièrement augmentés, à la hauteur des efforts consacrés par nos principaux partenaires européens. Les moyens du ministère de la défense consacrés à la cyberdéfense poursuivront les montées en puissance décidées antérieurement avec le recrutement d’au moins 350 personnels supplémentaires sur la période 2014-2019.
La parole est à M. le ministre.
Les observations que j’ai formulées tout à l’heure à propos du renseignement pourraient également s’appliquer à cet amendement, qui est rédigé de manière à ne pas fournir de chiffres sur les équipements en matière de cyberdéfense.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cléach, Beaumont, Trillard, P. André, Gournac, Paul et Couderc, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 172
Remplacer le nombre :
par le nombre :
II.- Alinéa 173, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur l’intégralité du stock actuel
III. - Alinéa 193
Remplacer le nombre :
par le nombre :
IV. - Alinéa 194
Remplacer l’année :
par l’année :
V. - Alinéa 196
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le stock total envisagé en 2019 portera sur 1 800 kits de guidage.
La parole est à M. Jacques Gautier.
Cet après-midi, j’ai eu l’occasion de rappeler que les plus belles plateformes ne servent à rien, ou à pas grand-chose, si elles ne disposent pas de munitions, missiles, bombes, pour se défendre ou pour intervenir à l’extérieur.
Voilà pourquoi, par cet amendement, nous proposons de rehausser la cible des missiles de croisière navals pour les frégates multimissions, les FREMM, et les Barracuda, d’assurer le maintien des missiles Aster 15 et 30 au niveau de la précédente loi de programmation militaire, et de rénover à mi-vie les stocks de missiles SCALP. Nous demandons également de ne pas reculer la livraison du Meteor, et de ne pas réduire la cible des kits de guidage pour les AASM. À quoi servirait d’avoir un fusil si nous n’avons pas beaucoup de munitions ?
J’ai donné par avance l’avis du Gouvernement en répondant aux orateurs lors de la discussion générale.
Je comprends tout à fait les préoccupations que M. Gautier exprime, et je les partage même. Mais je suis tenu par une enveloppe budgétaire, qu’il connaît aussi.
Comme je l’ai déjà indiqué, je propose d’examiner cela à la fin de l’année 2015, lorsque nous réviserons les cibles.
Je voulais aussi préciser que je suis très attentif à la production des missiles dans les temps, à la quantité produite, mais aussi au maintien de leur fabrication dans la durée. Par exemple, j’ai déjà demandé à l’industriel fabriquant les missiles de croisière navals, ou MdCN, de me faire des propositions allant au-delà de 2019. En la matière, en effet, nous parlons de cycles longs.
Je partage vos interrogations, monsieur Gautier, et vous propose de nous revoir à la fin de l’année 2015, pour voir les améliorations à apporter.
J’entends ce que dit M. le ministre, et je crois en ses engagements pour 2015. Je sais aussi qu’il négocie pour que les missiles soient bien produits, quitte à ce que ce soit en plus petite série. Il me semble pourtant qu’un beau geste ce soir serait important. Je maintiens donc mon amendement.
Je suis embêté. J’aurais envie de le faire, ce beau geste…
Mais nous discutons d’un projet de loi de programmation militaire. L’amendement n° 30 rectifié entre trop dans le détail et tend à se substituer au pouvoir exécutif.
Notre rôle est d’ordre législatif. Il faut l’exercer pleinement. Ce n’est pas moi qui vais vous dire qu’il faut y renoncer, au contraire !
J’ai défendu avec d’autres sénateurs, dont vous faites partie, monsieur Gautier, et je vous en remercie, un amendement dont l’adoption va beaucoup changer les choses, et donner un pouvoir accru au Parlement et à ses membres : celui du contrôle sur pièces et sur place.
Loin de moi l’idée, donc, de minorer l’action du Parlement. Pourtant, force est de constater que, dans un projet de loi programmation, nous nous prononçons sur des chiffres globaux et sur des orientations. Nous prononcer sur les armes et les calibres au sein d’une loi de programmation serait une dérive du pouvoir législatif.
Monsieur Gautier, je comprends le sens de votre démarche, que je partage en partie. Cela dit, il me semble que votre amendement est partiellement satisfait par l’adoption de l’amendement n° 48 rectifié, que vous avez d’ailleurs voté, même si son dispositif n’est pas aussi intrusif que le vôtre !
Dans le cadre de la première actualisation, il conviendra vraiment d’examiner en priorité certaines capacités critiques, dont celles que vous avez mentionnées.
Même si je voulais être favorable à vos propositions, je ne pourrais me résoudre à endosser l’habit de l’exécutif, au moment de nous prononcer sur un projet de loi de programmation.
J’insiste donc auprès de M. le ministre, et, face à face, lui demande d’apporter une solution à cette question.
Pour toutes ces raisons, monsieur Gautier, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 30 rectifié.
Monsieur Gautier, compte tenu de ces éléments, l’amendement n° 30 rectifié est-il toujours maintenu ?
Je le rappelle, dans la précédente loi de programmation militaire, nous avions été jusqu’à détailler missiles et munitions.
Je m’inscris donc dans le droit fil de ce travail.
Mais, compte tenu de la demande que M. Carrère a faite les yeux dans les yeux à M. le ministre, je retire cet amendement ! §
L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
L’amendement n° 17, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 182, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À défaut de livraisons à l’exportation en nombre suffisant, les livraisons de Rafale complémentaires nécessaires pour atteindre cette cadence seront financées par abondement de la mission « Défense ».
La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.
C’est une question à presque 4 milliards d’euros. Il est prévu d’acquérir 11 Rafale en 2014, 11 autres en 2015 et 4 en 2016. En revanche, aucune acquisition n’est prévue pour les trois années suivantes. Après 2019, d’autres acquisitions sont possibles.
La vente de Rafale à l’export est toujours prévue, et les chaînes de production devraient pouvoir continuer à tourner. Il y a peut-être des raisons d’être un peu optimiste à cet égard !
Cependant, la question se pose vraiment de savoir ce qui passera si ces avions n’étaient pas vendus à l’export en nombre suffisant. Il faut quand même que les chaînes puissent tourner : on ne va pas fabriquer un Rafale par an !
La question du défaut de livraison a fait l’objet de débats significatifs au sein de la commission des finances.
Cet amendement vise donc à garantir que, si les exportations ne permettent pas de réduire la cadence de livraison de Rafale à nos forces armées, le surcoût justifiera que la mission « Défense » bénéficie de crédits supplémentaires par rapport à la programmation.
La logique de la loi de programmation militaire est de sécuriser les ressources de la mission « Défense » quand l’aléa qu’elle subit est hors de sa maîtrise – je pense aux OPEX nouvelles ou au prix des carburants – et de recourir à l’auto-assurance lorsque les dépassements de dépense sont de sa responsabilité ; je pense, par exemple, à l’évolution de la masse salariale sur la dernière période.
Or l’aléa lié aux exportations des Rafale n’est pas de la responsabilité du ministre de la défense. Certes, je sais que, de son côté, ce dernier fera le maximum pour que ces avions soient mis en valeur, afin de convaincre nos partenaires et potentiels futurs clients.
Si la logique de l’auto-assurance prévalait, ces livraisons, superflues compte tenu du modèle d’armée défini par la loi de programmation, viendraient « cannibaliser » complètement d’autres programmes d’armement, pour un montant qui pourrait dépasser 4 milliards d’euros.
Se pose aussi la question d’un décalage dans le temps. Observons les chiffres : un décalage d’un an correspondra à 700 millions d’euros à trouver pour le budget 2016 et 400 millions d’euros en 2017, soit 1, 1 point de PIB au total. Si le décalage est de deux ans, il faudra trouver 2, 2 milliards d’euros sur la même période. Par conséquent, de telles sommes ne sont pas négligeables.
Je sais que vous allez me renvoyer à la clause de revoyure, mais nous allons finir par avoir des rendez-vous denses. Je ne sais pas si je serai là, mais je ne voudrais pas que l’on se retrouve devant une montagne de questions, regroupant celle de M. Gautier et celle-là, qui émane de la commission des finances. Notre commission a unanimement considéré que le sujet visé à cet amendement était très important, monsieur le ministre.
Avant de donner mon avis, je demanderai à M. le ministre, et ce n’est pas une clause de style compte tenu du retrait de l’amendement précédent par Jacques Gautier, s’il peut avoir une expression un peu plus formalisée sur la question. Cela nous comblerait d’aise.
Je ne puis vous donner de renseignement précis sur l’échéancier de paiement exact du programme du Rafale et de ses livraisons, ni sur la manière dont les coûts de développement ont été répartis dans la durée. Mais il est évident que le fait de ne pas exporter les Rafale en temps et en heure ferait sortir la loi de programmation militaire de la trajectoire financière prévue. De ce point de vue, nous pouvons vraiment admettre les arguments que vous avez développés.
Compte tenu des réponses qui ont été données devant la commission par le délégué général pour l’armement la semaine dernière, je pense que nous aurons le temps, au cours des deux premières années d’application de la loi de programmation militaire, d’assister à la concrétisation d’un contrat à l’export. D’ailleurs, en termes de réalisation, nos préoccupations quant à la date de signature du contrat ont déjà été exprimées par Jacques Gautier, car cet élément peut aussi, certes à la marge mais de manière significative, avoir des conséquences sur la loi de programmation. Cet aspect devra être pris en compte.
Mais, en votant l’amendement n° 48 rectifié, nous avons pris l’engagement d’attendre ces deux ans, durant lesquels cette clause de revoyure constituera un exercice certainement dense, comme vous le faisiez remarquer, avant d’établir un bilan de la situation.
Nous visons les mêmes objectifs, qui sont, je le rappelle, de faire en sorte, d’une part, que les chaînes de montage soient viables économiquement et que nous puissions aller au terme de la fabrication d’un des meilleurs avions de combat au monde, pour ne pas dire le meilleur, et, d’autre part, d’avoir une vision un peu plus réelle que les suppositions que nous pouvons faire. Nous voulons vraiment que, si des pénalités devaient être décidées, cette double peine n’incombe pas au seul budget de la défense.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous partageons votre proposition, même si nous vous demandons de différer le dispositif.
Je crois avoir déjà évoqué ce sujet lorsque j’ai répondu aux différents orateurs au terme de la discussion générale.
M. le rapporteur vient aussi d’évoquer les contraintes et les perspectives. Monsieur le rapporteur pour avis Krattinger, nous sommes dans une attitude optimiste concernant ce rendez-vous. Je lisais tout à l’heure, dans ce que l’on appelle un grand journal du soir, une déclaration du président actuel de Dassault : ses perspectives vont dans la même direction puisqu’elles sont favorables à l’exportation.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le projet de loi de programmation militaire prévoit, pour la sécurité du plan de charge de la société Dassault, plus de un milliard d’euros pour le standard F3-R, dont le lancement devrait intervenir, auxquels s’ajouteront des financements pour les études amont concernant l’UCAV. Cette intention toute particulière en faveur de la société Dassault a évidemment été décidée en parfaite intelligence avec les responsables de cette société, mais aussi pour notre propre défense, dans la mesure où ces besoins seront les nôtres à moyen terme.
Après les Mirage 2 000 D qui vont être rénovés, une nouvelle tranche de Rafale interviendra, afin de conserver notre niveau d’aviation de chasse à 225 unités. Tout cela me laisse à penser que, dans le contexte actuel, nous devrions pouvoir y parvenir. Quoi qu’il en soit, nous nous retrouverons à la fin de 2015 pour le vérifier.
Grâce à ces éléments, nous pourrons sortir de ce qui peut apparaître comme une impasse, mais non pour nos propres capacités aériennes, puisque nous disposerons des 225 avions qui nous manquent. En réalité, il s’agit peut-être d’une difficulté propre à l’entreprise, à partir du moment où elle-même ne considère pas que ces difficultés sont insurmontables. À cet égard, le projet de loi de programmation militaire est réaliste et cohérent.
M. le rapporteur, qui m’avait appelé à une confrontation les yeux dans les yeux à propos des missiles, fait de même à propos du Rafale. Monsieur le sénateur Jacques Gautier, je suis tout à fait conscient des questions soulevées par le SCALP et le MDCN en particulier. Ces deux sujets sont les plus sensibles ; je formulerai très prochainement une proposition très pratique à votre intention.
J’entends les propos de M. le ministre sur le fait que nous nous retrouverons peut-être en 2015, des indications sur l’exportation ou non de Rafale devant être disponibles à ce moment-là. Si les mois et les trimestres se succédaient sans vente à l’export, il faudrait bien anticiper un passage pour le moins difficile : l’arrivée d’une commande dans dix-huit mois ou deux ans ne susciterait pas de ventes instantanées.
À titre personnel, je comprends la position du Gouvernement, mais la commission des finances a émis un vote à l’unanimité, et cela me lie. Monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, vous ne souhaitez pas qu’une telle mention figure dans le texte ?
J’ai exprimé mon point de vue très clairement, et à plusieurs reprises, devant les commissions des affaires étrangères du Sénat comme de l’Assemblée nationale. Nous sommes en phase avec l’industriel, qui a la même opinion que nous. Je vous suggère d’attendre la fin de l’année 2015 pour aborder la question. Personnellement, je suis convaincu que nous pourrons être au rendez-vous.
Comme je l’ai déjà indiqué, je peux rejoindre à titre personnel la position de M. le ministre ; d’ailleurs, le Sénat en fera peut-être autant.
Toutefois, compte tenu du vote unanime de la commission des finances, je maintiens l’amendement n° 17.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Trillard, Beaumont, Paul, Gournac, Couderc et P. André, est ainsi libellé :
Alinéa 191, première phrase
Après les mots :
12 MRTT,
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
quatre étant livrés sur la période, dont deux en 2018.
La parole est à M. Jacques Gautier.
Vous le savez tous, le ravitaillement en vol est une capacité militaire critique, cela a été largement démontré en Libye et au Mali : sans ravitailleur, pas de raid à grande distance. En outre, la composante aéroterrestre de la dissuasion a aussi besoin d’avions ravitailleurs pour rester crédible.
Dans ces conditions, et eu égard à tout ce que nous avons entendu, notre proposition est modeste : alors que le projet de la loi de programmation prévoit la livraison d’un avion ravitailleur en 2018 et de deux en 2019, nous suggérons de porter ces chiffres à deux en 2018 et à quatre en 2019. Je tiens à vous le rappeler, les appareils dont nous disposons, les C 135 et les KC 135 ont plus de cinquante ans d’existence. Nous sommes un certain nombre à avoir volé dans ces appareils, mais maintenant on risque chaque jour des accidents.
Le dispositif que nous proposons ne pèsera pas énormément sur l’équilibre de la loi de programmation. J’espère que vous pourrez y donner un avis favorable, monsieur le ministre.
Les meilleurs arguments en faveur de l’amendement de M. Gautier résident dans le fait qu’il s’agit d’une vraie lacune capacitaire, comme en témoignent les cas de la Libye et du Mali. Notre armée, notre aviation, a réussi des choses extraordinaires.
Mais ces prouesses ont été réussies grâce à des ravitailleurs dont l’âge flirte quelquefois avec les cinquante-six ans. Ces avions sont très âgés et coûtent cher à l’entretien.
En outre, nous devons être cohérents : nous sommes favorables à la dissuasion, aux deux vecteurs, et nous avons besoin de ravitailleurs pour rendre tout à fait opérationnel le deuxième vecteur. Cela me paraît déterminant.
Je suis lié par un vote défavorable de la commission. Par conséquent, je souhaiterais connaître l’avis de M. le ministre avant de donner le mien. Mais, vous l’avez vu, la réflexion m’a conduit à m’interroger, voire à amorcer un mouvement.
Monsieur le rapporteur, vous continuez à vous regarder les yeux dans les yeux avec M. Gautier !
Sur ce sujet, je m’honore personnellement de la décision que j’ai prise, car la question était devenue dramatique, compte tenu notamment des risques importants d’accidents, y compris dans la projection. Nous avons eu besoin de ravitailleurs pour mener les opérations au Mali, en particulier s’agissant de la dissuasion pour la deuxième composante.
J’ai donc décidé de lancer le processus d’acquisition des MRTT, dont deux seront livrés en 2018. Vous dites que ce n’est pas assez.
Effectivement, c’est mieux que ce que j’ai trouvé. Il était urgent d’agir. En outre, nous avons quelques interrogations ou discussions toniques avec l’industriel, y compris s’agissant de la date de livraison en 2018.
Pour ma part, je vous propose de faire le point en 2015. Trois sujets seront alors à l’ordre du jour. Ce n’est pas gigantesque ! Sur l’engagement que je vais prendre au début de l’année 2014 concernant les MRTT, j’ai déjà indiqué à l’industriel que les délais actuels ne nous paraissaient pas satisfaisants.
Je dois tirer tout cela au clair, mais sachez que nous lançons une chaîne qui se poursuivra, car on ne va pas s’arrêter à deux avions ravitailleurs pour remplacer les avions actuels hors d’âge. Il était temps de procéder à leur renouvellement.
Compte tenu des arguments de M. le ministre et du comportement de M. Gautier, et sans préjuger de ce qui se passera à la fin de 2015, je serais plutôt enclin à m’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, plutôt qu’à émettre un avis de défavorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 200, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À ce titre il continuera à mettre en œuvre un suivi médical, notamment de soutien psychologique, pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX).
La parole est à M. le ministre.
L’amendement n° 59 est retiré.
L'amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 306
1° Après le mot :
modifiée
insérer les mots :
pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense
2° Remplacer les mots :
pour 2014
par les mots :
pour 2015
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement tend à prolonger d’un an le dispositif de retour à 100 % des produits de cessions immobilières. Après toutes les discussions que nous avons consacrées à ce sujet et aux ressources exceptionnelles, j’imagine que cette disposition obtiendra l’unanimité du Sénat !
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 313
Supprimer les mots :
ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel
La parole est à M. le ministre.
Par cet amendement, le Gouvernement confirme la position qu’il a déjà exprimée au cours de ce débat, pour supprimer les crédits budgétaires de la compensation éventuelle d’un manque de ressources exceptionnelles.
Je l’ai déjà indiqué lorsque nous examinions le corps du présent texte. Cette observation vaut également pour l’annexe !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 327
Rédiger ainsi cet alinéa :
En gestion, les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission « Défense ». En revanche les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d’opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d’une opération existante en 2014 feront l’objet d’un financement interministériel.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement relève de la même problématique que le précédent. Il concerne plus précisément la « clause OPEX » et tend à revenir à la rédaction initiale pour le rapport annexé.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 18, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 357
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La masse salariale de la mission défense hors pensions, exprimée en milliards d’euros, évoluera comme suit :
La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.
Année après année, la masse salariale du ministère de la défense a donné lieu à de nombreux débats, au point de conduire à solliciter la Cour des comptes au titre de l’article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Le rapport de la Cour des comptes a permis de mesurer ce que l’on peut nommer la dérive de la dépense salariale du ministère de la défense, au cours de la période couverte par la loi de programmation qui arrivera bientôt à son terme. Je rappelle la situation : plus de 5 % de dépenses supplémentaires avec 8, 6 % de déflation des postes, dans un contexte où l’État réduisait globalement ses effectifs !
La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 misait sur des économies substantielles pour garantir cet équilibre. Or il a fallu ajouter 213 millions d’euros en 2010, 158 millions d’euros en 2011 et 474 millions d’euros en 2012.
Pour expliquer une telle situation, la Cour des comptes a mis au jour trois facteurs principaux : les mesures de revalorisation des carrières, le défaut de maîtrise de l’avancement et l’allongement des carrières, qui découle des réformes des retraites successives.
Le présent texte contient des objectifs d’évolution de la masse salariale hors pensions pour les années à venir : 11 millions d’euros pour 2014, 10, 8 millions d’euros pour 2015, 10, 7 millions d’euros pour 2016, 10, 5 millions d’euros pour 2017, 10, 4 millions d’euros pour 2018 et 10, 3 millions d’euros pour 2019. Mais la dernière loi de programmation comportait, elle aussi, de semblables objectifs ! La commission des finances souhaiterait que ces dépenses soient encadrées, certes pas dans le corps du présent texte, mais au moins dans l’annexe.
Aussi, cet amendement tend à mettre en œuvre une recommandation du rapport de la Cour des comptes : encadrer l’évolution de la masse salariale du ministère de la défense.
La réduction des effectifs ne peut pas être une fin en soi. Si elle ne permet pas de dégager des économies, elle ne trouve plus guère de justification. Or il a été difficile de respecter les seuils fixés au cours de la période précédente.
Monsieur le ministre, quels sont vos objectifs en termes de primes ? Surtout, quels chemins allez-vous emprunter pour les atteindre ? Quelles sont les principales mesures que vous entendez mettre en œuvre pour respecter la programmation que détaille ce document ?
Je le comprends bien, on ne peut pas exercer une contrainte trop violente dans ce domaine, qui présente des enjeux tout à fait essentiels pour le pilotage managérial du ministère et des armées. Je souhaite néanmoins savoir quelles seront les dispositions adoptées pour que cessent, à l’avenir, les dérives que l’on déplore année après année !
Monsieur le rapporteur pour avis, la commission des finances est dans son rôle lorsqu’elle recommande d’être extrêmement vigilant en matière de dépenses. Toutefois, la commission que j’ai l’honneur de présider ne serait pas fidèle au sien si elle ne vous signalait pas le nombre de fois où, au cours de leurs auditions, ses membres ont interrogé M. le ministre quant à la méthode qui serait suivie et aux démarches qui seraient entreprises en la matière.
Nous avons notamment abordé les problématiques managériales, les réformes en cours au titre de la gestion des ressources humaines et la forme du repyramidage qui pourrait être opéré. Bref, nous nous sommes penchés sur toutes les mesures actuellement mises en œuvre pour corriger la formidable distorsion qui s’est fait jour entre, d’une part, la très forte diminution du nombre de militaires et, de l’autre, l’augmentation de la masse salariale.
Nous sommes on ne peut plus sensibles à ces enjeux. À quoi servirait-il de réduire encore – et de quelle manière ! – le format de nos armées, si la masse salariale continuait de croître ?
Pour ma part, d’une manière excessivement concrète, je propose de donner à M. le ministre, que nous soutenons, un délai de deux ans pour déterminer l’étendue de cet effet de ciseaux à la fin 2015, compte tenu des actions qu’il a d’ores et déjà proposées. Si la tendance ne s’est pas inversée au terme de ce délai, nous nous tournerons vers les propositions de la commission des finances. Nous en serons certainement réduits à encadrer de manière bien plus drastique l’évolution de la masse salariale.
Néanmoins, compte tenu des difficultés, notamment psychologiques, suscitées par la réduction du nombre de militaires au sein des différentes armes, mieux vaut demander à M. le ministre de nous rendre régulièrement des comptes sans pour autant le contraindre à une telle brutalité ! Certes, cette méthode ne me choque pas en tant que telle, mais je suis persuadé que son effet sur les militaires serait on ne peut plus préoccupant dans des circonstances où il est plutôt nécessaire de les rassurer.
Cela étant, je comprends les observations de M. le rapporteur pour avis, eu égard aux informations qu’il lit dans les rapports de la Cour des comptes ; d’ailleurs, elles sont exactes. Nous sommes placés face à une difficulté fondamentale, et la crédibilité de ce projet de loi de programmation passe par la maîtrise du titre 2.
On a largement évoqué les commandes et les capacités au cours de ce débat. Mais si nous ne parvenons pas à maîtriser le titre 2, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs fixés par le présent texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai souligné en ouvrant nos discussions : ce projet de loi traduit un équilibre, et on ne peut pas en ôter une pièce sans que l’ensemble s’effondre !
La question de la masse salariale figure au nombre de ces éléments, et je serai extrêmement vigilant en la matière. Il est tout à fait anormal que la réduction d’effectifs qui a été menée de manière assez vigoureuse se traduise par une augmentation de la masse salariale. Ce n’est pas acceptable.
Ce mouvement est dû à plusieurs phénomènes, et notamment à un mode de gestion interne auquel je viens de remédier, via un pilotage renforcé de la direction des ressources humaines et de la direction des affaires financières du ministère comme de l’ensemble de la maison « Défense ». En effet, on ne peut laisser cohabiter une maison mère et des succursales sans qu’elles communiquent entre elles.
S’il est complexe, ce pilotage ne sera pas moins mis en œuvre.
Par ailleurs, il faudra s’engager dans un « dépyramidage ». Des mesures ont été prises à cet égard. Elles figurent dans le présent texte. J’espère qu’elles permettront de garantir une véritable maîtrise de la masse salariale.
Il s’agit là d’une affaire très ancienne. §J’ai moi-même été membre de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, et j’ai constaté le problème plusieurs années durant. Toutefois, nous en sommes parvenus à un point de rupture, et il faut absolument agir.
Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie non seulement d’avoir mis l’accent sur cette difficulté, mais aussi de croire à notre volonté d’y remédier.
M. le ministre s’est déjà engagé sur la voie indiquée par cet amendement. Je sais les mesures qu’il a prises pour revenir dans le sillon tracé par le Parlement, conformément aux vœux du Gouvernement.
Ainsi, je fais confiance à la sagesse des membres de la Haute Assemblée. Des rendez-vous nous permettront, à l’avenir, de suivre ce dossier chaque année. Nous devrions normalement voir la situation évoluer dans la bonne direction ! Au reste, je comprends que, dans le virage qu’il convient d’opérer, plusieurs difficultés doivent être résolues.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 358
Supprimer les mots :
(hors dépenses ″hors socle″)
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement tend à modifier le texte adopté par la commission, en supprimant les mots : « hors dépenses hors socle ″ ». En effet, cette rédaction n’est pas celle sur laquelle le Premier ministre a rendu son arbitrage. Si la clause concernée était activée, cette disposition risquerait de remettre en cause la trajectoire de redressement des finances publiques.
C’est la raison pour laquelle, dans la logique des explications que je viens d’apporter à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, je propose d’exclure les dépenses « hors socle » de la clause d’auto-assurance relative au titre 2.
Évidemment, la rédaction de la commission n’est pas celle qui a été arbitrée par le Premier ministre, et je le regrette. Mais elle peut le devenir, surtout si le Premier ministre change d’arbitrage !
Nouveaux sourires.
Nous sommes pleinement conscients des efforts que doit accomplir le ministère de la défense pour contenir l’évolution de sa masse salariale. Certes, il importe de rendre ce dernier responsable des dépenses qu’il peut maîtriser. Il convient, à cet égard, de le protéger quant aux rémunérations, aux primes et aux indemnités. Néanmoins, il n’y aurait pas de sens à pénaliser le budget de la défense, c’est-à-dire les soldes, l’entraînement ou les équipements, au motif que l’indemnisation du chômage en viendrait à dépasser les prévisions, compte tenu d’un contexte économique rendant les reconversions plus difficiles.
Le présent amendement tend à créer un système où, plus la reconversion des militaires est ardue, plus il faut comprimer les rémunérations ou accentuer la déflation. Pour leur part, les membres de la commission appellent cela la double peine !
Je comprends tout à fait que Bercy soit favorable à une telle mesure. Ce n’est nullement une clause de style de ma part.
Toutefois, à mes yeux, la régulation de la masse salariale du ministère ne doit s’opérer que sur le fondement de dépenses pour lesquelles il dispose de leviers d’action, à l’exclusion des dépenses « hors socle ».
Mes chers collègues, pardonnez-moi d’être un peu technique. Je sais néanmoins que M. le ministre m’approuvera, même si, j’en suis conscient, il ne souhaite pas que l’on veuille son bonheur malgré lui !
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L’article 2 et le rapport annexé sont adoptés.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne prendrai la parole qu’une fraction de seconde ! En effet, Yves Pozzo di Borgo livrera une explication de vote plus globale au nom de notre groupe.
Une bonne partie des membres de l’UDI-UC voteront ce texte, notamment grâce au travail accompli par M. le rapporteur, qui, une fois de plus, a fait preuve de l’énergie et du sens de la diplomatie que nous lui connaissons si bien !
Je me contenterai d’émettre une simple observation, que je transmettrai du reste à nos collègues députés, sur l’alinéa 27 du rapport annexé. C’est un point qui m’avait échappé, car j’aurais déposé un amendement autrement.
Cela étant, on trouve dans l’annexe un paragraphe intitulé : Participer à la stabilité au Proche et au Moyen-Orient et dans le Golfe arabo-persique. Je voudrais signaler à nos aimables et compétents administrateurs qu’il s’agit simplement du Golfe persique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, au nom du groupe écologiste, à relever le fair-play et la sérénité qui ont présidé à nos débats de ce jour, et ce quels que soient nos points de divergence. Je pense notamment à la dissuasion nucléaire, au sujet de laquelle une grande majorité et une petite minorité n’arrivent pas à trouver un point d’accord.
Que M. le ministre soit remercié d’avoir répondu à toutes nos questions, y compris quand elles pouvaient paraître symboliques, à l’instar de celle qui concernait le sexisme dans le monde du travail et, par voie de conséquence, le « plafond de verre ». Nous lui sommes reconnaissants de ses réponses.
À mon sens, il sera unanimement porté au crédit de la Haute Assemblée dans son ensemble, et non d’une personne ou d’un groupe en particulier, ce qui n’aurait pas de sens, d’avoir fait un pas au sujet de la loi Morin – ses effets étaient insuffisants –, sans ouvrir pour autant la boîte de Pandore. Les victimes et les associations de victimes pourront se réjouir de l’avancée réalisée.
Par ailleurs, selon nous, la green defence constitue un enjeu important. Les conflits de demain seront vraisemblablement liés à la question de la raréfaction des ressources et à celle du changement climatique. Outre le fait de n’avoir pas été plus associés en amont à la rédaction du Livre blanc, nous regrettons que ce point ne soit pas suffisamment pris en compte.
Nous avons fait montre d’un esprit constructif tout au long de l’examen des amendements, durant lequel le président de la commission a essayé de rassembler. Vous noterez que nous nous sommes souvent abstenus, et que nous avons même parfois voté pour. Toutefois, en raison du désaccord qui demeure au sujet de la dissuasion nucléaire, le groupe écologiste, à l’exception d’un de ses membres, qui s’abstiendra, votera contre le présent projet de loi.
À l’issue de ce débat, je tiens à en saluer la grande qualité. Le présent projet de loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 met en forme le Livre blanc que nous avions approuvé. Chacun s’accorde à considérer que l’effort financier affiché est le meilleur possible, eu égard aux difficultés budgétaires actuelles : le budget prévu, non négligeable, s’élève à 190 milliards d’euros sur six ans.
Ce faisant, ce texte nous confère les moyens de conserver la dissuasion nucléaire au bon niveau, affirme la cohérence capacitaire de notre format d’armée et vise prioritairement à poursuivre l’équipement de nos forces.
Tous les programmes majeurs en cours seront poursuivis, même s’ils sont étalés, et nous commencerons à combler quelques lacunes capacitaires.
Par ailleurs, nous allons renforcer les moyens consacrés à la recherche et à la technologie au travers des programmes d’études amont.
Au cours de ce débat, le texte initial a été très largement amélioré par le travail de la commission, qui a permis, en particulier, de garantir les moyens financiers et de conférer des capacités de contrôler le suivi de la future loi de programmation militaire. Croyez-nous, monsieur le ministre, nous les utiliserons !
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste voteront le présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
À l’exception de M. Gilbert Barbier, qui s’abstiendra, tous les sénateurs du groupe RDSE voteront en faveur de ce projet de loi.
Nous reconnaissons les mérites du ministre, qui a su obtenir du Président de la République un arbitrage courageux et pertinent, en ce qu’il permettra de donner à la France les moyens de rester une grande puissance militaire, une donnée très importante pour l’équilibre de l’Europe, comme pour notre environnement régional.
Notre vote est également dicté par les améliorations qui ont été apportées au texte grâce à l’adoption d’amendements, dont certains sont dus à l’initiative du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que je remercie.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées de l’UMP.
Nous arrivons au terme de ce débat, qui fut, de l’avis de tous, de belle tenue. Tous les membres de notre assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont exprimé le souci de l’intérêt général. Pour ma part, je suis intimement convaincu de la bonne foi de chacun dans ses prises de position et dans ses propositions.
La majorité du groupe UMP votera contre le présent projet de loi, parce que nous sommes nombreux à penser qu’un budget de la défense inférieur au seuil de 1, 5 % du PIB met en cause la crédibilité de notre effort de défense et donc de la France.
En outre, ce texte paraît très fragile, ainsi qu’en témoignent les amendements examinés après le dîner. Nous renvoyons nombre de débats à 2015 et nous savons, de plus, que les apports de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à laquelle je souhaite rendre hommage, comportent un certain nombre de clauses et de garanties, qui, pour être certainement l’expression d’une volonté, ne sont pas pour autant financées.
Quelques-uns des membres de l’UMP s’abstiendront, ce qui doit être interprété comme la reconnaissance du travail effectué au Sénat. À un moment où nous avons le sentiment que ce travail est bafoué et que les positions de la Haute Assemblée ne sont pas entendues, il nous a semblé souhaitable que les améliorations apportées au texte notamment au cours de ce débat puissent être prises en compte à l’Assemblée nationale.
Pour autant, à cet instant de la procédure, une grande majorité de mon groupe souhaite exprimer fortement que ce projet de loi de programmation militaire n’est pas à la hauteur des ambitions que nous portons pour notre pays. Cela ne préjuge toutefois pas nos positions lors de la deuxième lecture. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cet instant, à l’instar de nombre de mes collègues, je voudrais manifester ma satisfaction quant à la façon sérieuse, pacifique, marquée par une réelle écoute réciproque dont nous avons débattu de ce texte déterminant pour notre défense.
Je conserve toutefois un regret concernant le déroulement de nos débats, qui ont accordé à la partie normative une grande place, au détriment, peut-être, de la programmation militaire et des orientations de défense.
Nous avons consacré une grande partie de notre temps, à juste titre, au sujet, important et sensible, du renforcement du contrôle parlementaire sur nos services de renseignement. Ces discussions ont été enrichies, je veux le souligner, par la contribution du président de la commission des lois. Elles ont été productives, permettant quelques légères avancées en la matière.
Pour ce qui concerne la programmation proprement dite, le débat et les amendements adoptés ne nous ont pas apporté d’éléments de nature à changer l’appréciation générale que nous portons sur ce texte.
Je me bornerai à rappeler que si nous avons salué ce qui, à nos yeux, en constituait le principal mérite, c'est-à-dire le tour de force budgétaire réalisé pour préserver l’essentiel de notre outil de défense, ce qui n’était pas aisé dans la situation présente, nous avons cependant émis de fortes réserves sur certaines conditions de sa mise en œuvre, notamment la réduction drastique des effectifs militaires et civils.
Nous avons également critiqué la place trop importante accordée à la dissuasion nucléaire, dont nous doutons de la pertinence dans le contexte géostratégique actuel, alors que son existence pose le problème de la prolifération. À ce sujet, je veux remercier notre collègue Jean-Pierre Chevènement qui, à chaque fois que cette thématique surgit, s’inscrit dans le débat et développe des arguments qui nourrissent la discussion. Pour notre part, nous continuons à réclamer l’organisation d’un débat dans notre pays sur cette importante question stratégique.
Toutefois, nous nous félicitons que figurent parmi les grandes orientations de notre politique de défense trois thèmes qui nous tiennent à cœur : la lutte contre la prolifération nucléaire, des actes concrets en faveur d’une politique commune de défense, ou encore la légalité internationale des opérations extérieures.
Au total, l’ensemble de ces éléments nous conduit à adopter une position d’abstention positive sur ce projet de loi de programmation militaire. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de programmation militaire a été préparé dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. Jamais notre appareil militaire n’a été autant mis à contribution ; jamais une administration publique n’a été autant soumise à pression. Cet enjeu nous concerne tous : il s’agit d’un impératif national.
Si notre groupe critique fortement la politique économique actuelle, l’absence de croissance qui en découle et l’absence de marges budgétaires pour notre défense, il ne semble pas pour autant possible de porter le présent texte à la charge du Gouvernement. Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que regretter que nous ne parvenions pas à une belle unanimité en faveur de ce dernier.
Je fais partie de ceux, les plus nombreux au sein de mon groupe, qui tiennent que, face à l’intérêt supérieur de la Nation, les intérêts partisans doivent s’effacer, et, en l’espèce, au profit de l’efficacité du texte. Or, depuis leur création, aucune loi de programmation militaire n’a été respectée. Aujourd’hui, l’unanimité aurait constitué, à nos yeux, un moyen de cautionner le travail réalisé tant en commission qu’au ministère, et de faire en sorte que, enfin, la future loi de programmation militaire soit honorée.
Le présent projet de loi exige un véritable effort de notre défense, en termes de moyens, on l’a déjà rappelé – près de 24 000 suppressions de postes pour un budget gelé pendant au moins trois ans –, mais aussi en matière de réforme administrative.
Le « dépyramidage », notamment, doit permettre de faciliter l’application d’une réforme ambitieuse, sans infliger de drames aux carrières personnelles. Nos soldats sont prêts à donner jusqu’à leur vie pour défendre la Nation. Il nous revient, en retour, de protéger notre défense des aléas de nos finances publiques. Si la contrainte budgétaire est la colonne vertébrale du texte que nous examinons, elle n’en est pas pour autant l’âme et la chair.
Ce projet de loi a pu susciter de nombreuses inquiétudes. Quel format pour nos troupes ? Quelle capacité de projection en 2019 ? Quelle ambition pour la France dans cinq ans ? À mon sens, le débat que nous venons de mener en séance publique a permis de répondre à ces interrogations.
Je tiens à saluer, en cet instant, le travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que de son président. Nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un équilibre raisonné entre les contraintes inhérentes à cet exercice et les exigences du contrôle parlementaire.
Je tiens notamment à mettre en avant les clauses de sauvegarde financière introduites par la commission, notamment celle du retour à bonne fortune – j’espère que ce sera le ministère de la défense qui en profitera en premier lieu, et non d’autres ministères qui font moins d’efforts –, ainsi que les dispositions qui permettront, demain, au Parlement de contrôler enfin sur pièces et sur place l’application de la future loi.
Je salue également votre travail, monsieur le ministre. Vous avez su, au Sénat, donner sa juste place au travail parlementaire et, ce faisant, faire primer l’intérêt national face à toute autre considération.
J’ai entendu votre engagement en matière de relance de la défense européenne, notre vieux mythe. Rendez-vous est donc pris pour le prochain débat préalable au Conseil européen du mois de décembre, au cours duquel nous aurons sans doute l’occasion de poursuivre cette discussion.
C’est donc dans un bel esprit républicain que le groupe de l’UDI-UC votera majoritairement en faveur du présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne prolongerai pas les débats, qui ont été nourris et intéressants. Ils ont véritablement permis d’améliorer, si tant est que ce fût nécessaire, ce projet de loi de programmation militaire.
Je tiens à remercier très sincèrement Jean-Pierre Sueur, le président de la commission des lois, de son opiniâtreté, son enthousiasme et de la pertinence de ses arguments. Je me félicite, surtout, de l’état d’esprit qui a présidé à nos travaux en commission.
Je tenais à le souligner, car j’ai cru entendre ici ou là qu’il y aurait eu des divergences fondamentales entre nous. Que les observateurs considèrent le résultat final : l’intérêt général a prévalu !
Je vous remercie, monsieur Krattinger, de vos apports, que nous ne manquerons pas de faire nôtres. Nous considérerons avec une très grande attention la problématique des Rafale, celle de la masse salariale ou d’autres encore et, je vous le promets, nous allons nous y tenir.
(Sourires.) Je m’y prépare et je me soigne…
Nouveaux sourires.
Je remercie aussi les administrateurs des différentes commissions de nous avoir, quelquefois, extraordinairement facilité la tâche. Ils nous l’ont parfois compliquée en nous sollicitant en même temps ! À un certain âge, la capacité auditive n’est plus la même, et il va falloir, je le sais, envisager de laisser la place. §
Je remercie également très sincèrement nos interlocuteurs directs du ministère de la défense, de Matignon et même de l’Élysée de la qualité de leur écoute et des arbitrages rendus.
Monsieur le ministre, voilà vingt et un an que je siège dans cette assemblée. §Rassurez-vous, cela va bientôt prendre fin !
Il est légitime que les Landais soient représentés par des personnes plus allantes, plus jeunes, plus toniques. Nous aspirons à nous réfugier dans nos magnifiques et confortables palombières et à profiter de la langueur avec laquelle le temps s’écoule.
Je tiens, les yeux dans les yeux, à vous remercier, personnellement, très sincèrement, monsieur le ministre : c’est un véritable plaisir de vous auditionner. Vous faites montre de considération pour les parlementaires que nous sommes et vous ne refusez jamais de répondre à nos questions. Je le dis ici publiquement, vous êtes un homme de parole et, pour le Sénat, cela compte vraiment beaucoup.
Cela étant, le présent projet de loi de programmation militaire a été déposé en premier, à votre demande, sur le bureau du Sénat, ce qui ne s’était jamais produit. Mes collègues de la commission ont réalisé un travail absolument remarquable. Ils ont toujours répondu positivement à mes sollicitations ; l’inverse se produit parfois… Il est toutefois beaucoup plus agréable d’avoir trop de candidats pour assumer une tâche que de ne pas en avoir assez ! Le travail de qualité de nos collègues nous a permis d’apporter au Gouvernement, en première lecture, une participation et un éclairage que nous souhaitons toujours un peu plus forts.
Je demanderai à notre collègue Yves Pozzo di Borgo de me pardonner de le paraphraser. Je fais de la politique depuis de nombreuses années. Je suis passionné par la chose publique. J’ai beau être plutôt un peu bagarreur et caractériel – là encore, je me soigne !
Sourires.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires étrangères et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 24 :
Le Sénat a adopté. §
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce vote, qui manifeste une volonté, une volonté pour notre pays, notre sécurité, notre défense et notre autonomie stratégique.
Ainsi que certains d’entre vous l’ont souligné dans leur explication de vote, nos débats ont été de qualité, ce dont je vous remercie. Ce projet de loi visant à assurer la continuité républicaine, à mettre en avant les valeurs fondamentales de la Nation et devant nous conduire à assurer notre sécurité et nos responsabilités internationales, il était logique que nos discussions aient lieu dans la sérénité, mais il aurait pu en être autrement.
Grâce aux présidents de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois, au rapporteur pour avis de la commission des finances et à tous les intervenants, nous avons, me semble-t-il, donné à notre pays une image de responsabilité, de sérénité et de force pour faire en sorte que la France soit, en 2019, la première puissance de défense en Europe. Je pense que cet objectif sera atteint avec la démarche qui a été engagée aujourd'hui. §
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (projet n° 517 [2012-2013], texte de la commission n° 12, rapport n° 11).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avenant à la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune résulte de négociations engagées en 2004.
Il a été signé le 2 février 2010 à Paris, par Philippe Gomès, président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, pour la partie française, et par Marc Lortie, ambassadeur du Canada en France, pour la partie canadienne. Il répond à deux objectifs : étendre le champ d’application de la convention précitée au territoire de la Nouvelle-Calédonie et mettre à jour les dispositions de cette convention en matière d’échange de renseignements fiscaux.
Permettez-moi, tout d’abord, de vous dire quelques mots sur ce second point.
Il me semble important de préciser que l’accord qui vous est soumis ce soir s’inscrit dans le mouvement continu de mise à jour des conventions bilatérales signées par la France. Qui plus est, il permettra de mettre en conformité notre dispositif avec le dernier standard de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, en la matière. C’est, de ce point de vue, un pas de plus en faveur de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales avec nos partenaires de la communauté internationale.
Je reviens, maintenant, au premier objectif de cet accord.
Par-delà la poursuite de nos efforts dans le domaine de la transparence fiscale, cet avenant à la convention fiscale devrait aussi contribuer à favoriser l’indépendance économique de la Nouvelle-Calédonie. Nous nous plaçons ici dans la lignée des engagements pris par la France lors de la signature de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, et ce de façon dynamique, en facilitant le développement de complexes métallurgiques à capitaux canadiens et néo-calédoniens.
D’importants projets métallurgiques d’exploitation et de transformation sont attendus. Ils seront soutenus par la société Koniambo Nickel SAS, constituée à 49 % par la société canadienne Xstrata Nickel et, majoritairement, à 51%, par une entreprise kanake, la Société minière du Sud Pacifique, la SMSP.
Les investissements devraient permettre d’une part, de financer la construction d’une usine pyro-métallurgique d’une capacité nominale de 60 000 tonnes annuelles de métal contenu dans des ferronickels et, d’autre part, d’aménager une centrale électrique et un port en eaux profondes, ainsi que des installations de désalinisation de l’eau de mer.
Selon les prévisions, l’usine du Nord emploiera directement plus de 800 personnes à terme et contribuera indirectement à l’emploi d’environ 5 000 autres d’ici à 2015. Entre 70 et 90 % de ces emplois devraient être pourvus par des Néo-Calédoniens.
De surcroît, plusieurs zones artisanales, industrielles et commerciales devraient voir le jour à la faveur de ce projet, en particulier dans la province Nord.
C’est dire à quel point les prochaines années seront importantes, eu égard aux enjeux économiques en cause.
Telles sont, monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l’avenant à la convention fiscale de 1975 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE – M. Robert del Picchia applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada dont la ratification est soumise à notre examen, à une heure inhabituelle, n’a pas pour objet principal de modifier les dispositions de la convention signée par les deux pays en 1975 ; celle-ci a déjà été actualisée plusieurs fois, et elle est aujourd’hui conforme au standard international de l’OCDE.
En réalité, cet avenant vise à étendre le champ d’application de la convention à la Nouvelle-Calédonie, qui en est jusqu’à présent exclue. Cette extension répond à un besoin bien précis : permettre l’achèvement et la pérennisation du grand projet minier de Koniambo. Une courte explication s’impose.
En 1998, les accords de Bercy portant sur la valorisation du nickel au nord de la Nouvelle-Calédonie ont prévu que le massif de Koniambo serait exploité par un consortium canadien et néo-calédonien. C’est la société canadienne Falconbridge, rachetée depuis par le groupe suisse Xstrata, qui, après avoir été choisie, a réalisé l’essentiel des 4, 35 milliards de dollars d’investissement.
Pour que son engagement soit viable, la société Falconbridge ne doit pas se trouver en situation de double imposition, la filiale étant imposée en Nouvelle-Calédonie et la société mère au Canada. En d’autres termes, elle doit pouvoir bénéficier du régime canadien des sociétés mères, ce qui nécessite une disposition conventionnelle en matière fiscale, conformément à la norme en vigueur. L’extension de la convention franco-canadienne à la Nouvelle-Calédonie satisfera cette exigence.
Permettez-moi d’insister sur deux points particuliers.
En premier lieu, le présent avenant ne vise en aucun cas à permettre la création d’un quelconque montage fiscal dérogatoire : il ne s’agit pas d’autoriser une entreprise à échapper par des voies détournées à un impôt légitime que les autres paient. En effet, le régime canadien des sociétés mères est un régime de droit commun, ouvert à toutes les entreprises canadiennes ; du reste, le même existe en France, sous la forme du régime mère-fille. Ce système permet à toutes les entreprises qui détiennent des participations dans une filiale d’éviter une double imposition.
À vrai dire, l’iniquité résidait plutôt dans le fait que les entreprises canadiennes investissant en France métropolitaine pouvaient bénéficier du régime canadien des sociétés mères, contrairement à celles qui investissaient en Nouvelle-Calédonie.
Je signale en outre que ce dispositif n’aura aucune incidence budgétaire pour la France, puisque la réduction d’impôt sera à la charge du Trésor canadien. Le Canada a donné son accord pour cet avenant ; en réalité, c’est même lui qui l’a demandé.
Le développement économique de la Nouvelle-Calédonie est encouragé par d’autres mesures fiscales, qui bénéficient aussi aux autres collectivités d’outre-mer ; mais ces aides financières dépassent largement le cadre de l’avenant qui nous est soumis.
En second lieu, je tiens à rappeler qu’il existe de nombreux garde-fous : une charte environnementale a été signée avec la province Nord et, surtout, le schéma de mise en valeur des richesses minières adopté en 2009 par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, en application des accords de Nouméa, conditionne explicitement l’attribution de certaines aides au strict respect des normes environnementales.
Par ailleurs, cet avenant comporte une seconde série de dispositions visant à actualiser la convention pour ce qui concerne l’échange de renseignements fiscaux entre la France et le Canada. Il s’agit de renforcer le dispositif actuel et de le mettre en conformité avec le dernier modèle de l’OCDE, qui date de 2010, en attendant la mise en place prochaine de l’échange automatique d’informations, lorsque le nouveau standard aura été adopté par les membres de cette organisation.
Mes chers collègues, je suis sûre que nous souscrirons tous à cet objectif : la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales constitue aujourd’hui une impérieuse nécessité, car les efforts des Français n’ont de sens que s’ils sont partagés par tous, sans exception.
Le passage à l’échange automatique d’informations fiscales est devenu incontournable après l’adoption du dispositif FATCA par les États-Unis. Il figure à l’ordre du jour du G8, du G20 et de l’Union européenne. Un consensus national et international se fait jour à son sujet et vous avez été nombreux, dans tous les groupes politiques, à vous exprimer en faveur de son principe lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
En définitive, mes chers collègues, le projet minier de Koniambo, vital pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, ne requiert rien de plus que l’application du droit commun en matière de prévention de la double imposition. Par ailleurs, cet avenant nous permet de renforcer la coopération fiscale entre la France et le Canada.
Pour finir, je désire insister sur l’importance cruciale du projet de Koniambo pour le développement économique et social de la province Nord. Ce ne sont pas des mots, mais des réalités : l’usine pourrait créer, directement et indirectement, près de 5 200 emplois, pourvus en quasi-totalité par des Néo-Calédoniens, et porter à 15 % la part de la Nouvelle-Calédonie dans la production mondiale de nickel.
Il suffit d’observer, à proximité de la mine, le développement de la région de Koné, qui voit l’installation de zones artisanales, commerciales et industrielles, la construction de logements et d’infrastructures et la mise en place de services publics, pour se rendre compte des bénéfices concrets du projet.
L’usine est maintenant presque achevée, et une première coulée de nickel a pu avoir lieu au mois d’avril dernier, peu de temps avant la visite du Premier ministre ; c’est une bonne nouvelle pour tout le monde.
Les Néo-Calédoniens eux-mêmes ne s’y sont pas trompés : le Congrès a donné son approbation à cet avenant le 20 septembre 2012. Paul Néaoutyine, le président de la province Nord issu du Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, est un fervent soutien de ce projet, et par conséquent du présent avenant.
Mes chers collègues, ce projet permettra un rééquilibrage entre la province Nord et la province Sud. La première, moins peuplée et longtemps laissée en marge du développement économique et social, a trouvé, avec lui, une formidable opportunité, comme l’ont déjà constaté nos collègues Roland du Luart, Henri Torre et, plus récemment, Éric Doligé.
Certains d’entre vous ont pu exprimer des craintes au sujet des possibles conséquences environnementales du projet de Koniambo. Bien entendu, il conviendra d’être extrêmement vigilant pour prévenir ces risques, à vrai dire inhérents à tout projet de cette envergure.
Mes chers collègues, la commission des finances a approuvé cet avenant, et je crois que le Sénat ne peut qu’y être favorable à son tour !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – M. Robert del Picchia applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen autorise l’approbation de l’avenant à la convention fiscale conclue entre la France et le Canada en 1975 et modifiée à deux reprises.
Cet avenant a pour objet non pas de changer les dispositions de la convention, mais d’en étendre le champ d’application à la Nouvelle-Calédonie, qui en est jusqu’à maintenant exclue. Comme Mme la rapporteur l’a signalé, cette extension répond à un besoin précis : permettre l’achèvement et la pérennisation du grand projet minier de Koniambo, dans la province Nord de l’île.
Il n’est pas inutile de rappeler que l’économie calédonienne repose largement sur l’exploitation des ressources minières, notamment du nickel, dont l’île posséderait plus du quart des réserves mondiales.
Une usine de traitement du nickel existe depuis longtemps à Nouméa, au sud de l’île. L’idée d’en construire une seconde au nord est ancienne, mais elle s’est longtemps heurtée aux réticences de l’exploitant français. La province Nord étant majoritairement peuplée de Kanaks, ces derniers ont vu dans ces réticences une manœuvre politique néocolonialiste visant à les déposséder de la richesse de leurs terres. Ils ont donc posé comme préalable aux accords de Nouméa, signés en 1998, la réalisation de l’usine du nord.
La société Koniambo Nickel SAS est un consortium détenu à 51 % par la société minière kanake la SMSP, et à 49 % par une entreprise canadienne spécialisée dans l’extraction du nickel, Falconbridge, rachetée en 2006 par le groupe suisse Xstrata.
Après que, la même année, le projet d’exploitation eut été finalisé, l’usine a été mise en route au mois d’avril dernier, en tout cas pour une première coulée. Les Kanaks espèrent en tirer une rente, qui pourrait s’élever à 125 millions d’euros dès 2014, leur permettant de s’affranchir progressivement des transferts de l’État français et, ainsi, de rendre viable le projet d’indépendance de l’île, qui devrait être soumis à référendum avant 2018.
À terme, l’usine devrait employer de nombreuses personnes, notamment des Néo-Calédoniens, et porter à 15 % la part de l’île dans la production mondiale de nickel.
Seulement, pour que son engagement soit rentable, la société Falconbridge doit pouvoir rapatrier ses dividendes au Canada en franchise d’impôt, grâce au régime canadien des sociétés mères.
Ce régime, bien que critiquable, n’est en aucun cas dérogatoire au droit international. De plus, le dispositif n’aura aucune incidence budgétaire pour la France, puisque la réduction d’impôt sera à la seule charge du Trésor canadien.
Mes chers collègues, les écologistes sont par nature très vigilants à l’égard d’un modèle économique reposant quasi exclusivement sur une forme de mono-activité, en particulier lorsqu’il s’agit de l’exploitation de ressources minières, par essence épuisables. En l’espèce, ils sont d’autant plus portés à la vigilance que l’exploitation intensive du nickel est susceptible de provoquer des dégradations environnementales graves, notamment en matière de biodiversité.
Par ailleurs, le nickel est un minerai dont la valeur repose sur une économie extrêmement spéculative, fondée sur le court terme. Il faut aussi rappeler que les sociétés minières internationales sont évidemment tout sauf des enfants de chœur !
De ce point de vue, nous comprenons assez bien les réticences du groupe CRC à l’égard des multinationales minières en général, et vis-à-vis des canadiennes en particulier, qui bénéficient, de la part des autorités de ce pays, d’avantages fiscaux et en quelque sorte politiques qui dépassent parfois l’entendement.
De fait, si nous l’approuvons, cet avenant aura pour effet de permettre à la société canado-suisse Falconbridge de bénéficier des facilités propres à la Bourse de Toronto, où elle est cotée, et de jouir d’une forme de paradis judiciaire et réglementaire, qui se développe malheureusement au Canada.
Les écologistes, soucieux de la préservation de l’environnement et de l’instauration d’un contrôle accru des activités des sociétés minières, ne cachent pas leur préoccupation au sujet des éventuelles conséquences négatives de cet avenant.
Néanmoins, nous sommes également très attachés à l’idée de donner à la Nouvelle-Calédonie les moyens de se développer pour s’émanciper du système colonial qui l’a longtemps gouvernée, de même que nous sommes très attachés au droit à l’autodétermination de tous les peuples de la planète.
Nous le savons, l’exploitation du nickel par les Kanaks a été l’une des conditions majeures de la ratification des accords de Nouméa par les indépendantistes, qui y ont vu le moyen de sortir la province Nord de l’atrophie économique dans laquelle l’État français l’avait maintenue pendant des décennies.
Le projet a été développé en pleine concertation avec les populations et les tribus du Nord, et les bénéfices dégagés par la province seront pleinement réinvestis dans le développement et dans la diversification de l’économie locale. De plus, l’activité d’extraction s’accompagnera d’une activité de transformation sur place, rendant le produit fini moins sensible aux aléas des cours du nickel.
Naturellement, étant donné l’exceptionnelle richesse de la biodiversité terrestre et marine de l’archipel, la protection de l’environnement devra faire l’objet de toujours plus d’attention et de précaution, mais aussi de transparence et de concertation avec la société civile, qui doit être considérée, notamment sur les questions environnementales, comme un partenaire à part entière.
C’est sur le fondement de cet arbitrage, toujours délicat pour nous, écologistes, entre le respect de l’environnement et le droit des peuples à l’auto-détermination et au développement durable que nous approuverons cet avenant, tout en conservant notre vigilance critique.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas certain que l’avenant à la convention fiscale franco-canadienne, qui nous réunit ce soir, alors qu’il est prêt de dix-neuf heures à Montréal, méritait un débat. Au moins celui-ci ne devrait-il pas nous emmener, du moins je l’espère, trop tard dans la nuit.
La commission des finances avait proposé de recourir à la procédure d’examen simplifiée, suivant en cela notre rapporteur, Mme Michèle André, dont le rapport explique que le présent projet de loi vise à étendre la convention fiscale qui lie la France au Canada à la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit donc plus d’une régularisation ou d’une adaptation que d’une novation.
En étendant le bénéfice du régime mère-fille aux sociétés qui ont investi en Nouvelle-Calédonie, ce texte se situe dans une perspective de long et moyen terme permettant le développement économique de ce territoire.
Chacun l’a compris, son adoption permettra à la société canadienne Falconbridge, qui a investi dans l’extraction du nickel, de bénéficier d’une franchise d’impôt sur les dividendes qu’elle rapatrie au Canada. Il ne s’agit donc pas d’un cadeau fiscal qui aurait des conséquences sur nos finances publiques.
Nous le voyons bien, ce texte est surtout le prétexte à un certain nombre de développements tout à fait intéressants, mais assez éloignés, me semble-t-il, de sa technicité propre.
Partageant les conclusions de Mme le rapporteur, et sous le bénéfice des observations qui viennent d’être formulées par M. Gattolin, les membres du groupe UMP voteront sans réserve cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada. Vous le constatez, mes chers collègues, j’ai été bref ! §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bocquet, qui devait être présent ce soir, mais n’a pas pu rester pour assister à ce débat, ce qu’il regrette.
Dans un premier temps, l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi portant ratification d’un avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada ne nous a pas inquiétés.
Notre groupe, attaché à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pouvait être amené à considérer qu’un simple avenant à une convention fiscale concernant deux pays membres du G20, pour lesquels on peut penser que le droit fiscal est quelque chose d’assez solidement établi, ne nécessitait pas d’intérêt particulier.
Toutefois, dubitatifs sur la qualité du travail législatif qu’implique le recours à la procédure d’examen simplifiée, nous avons lu l’exposé des motifs et l’étude d’impact annexée au projet de loi. Ainsi donc, l’avenant ne s’intéresse nullement à une entreprise canadienne implantée dans l’Hexagone. Il concerne en fait une entreprise intervenant sur le territoire de Grande Terre, en Nouvelle-Calédonie. Il s’agit en l’espèce de la société Falconbridge, domiciliée à Toronto, associée, au sein de Koniambo Nickel SAS, ou KNS, à la Société minière du Sud Pacifique, propriété des collectivités locales du territoire.
Mme la rapporteur a rappelé à ce propos la raison d’être de la SMSP, entité portée, entre autres, par la province Nord de Nouvelle-Calédonie. Elle est destinée à mettre en œuvre l’exploitation des ressources du sous-sol néo-calédonien pour le bénéfice social et économique de la population locale.
La mine de Koniambo est exploitée pour l’heure par une entreprise comptant 51 % de capitaux néo-calédoniens, ceux de la SMSP, et 49 % de capitaux canadiens, qui font l’objet du présent avenant.
Le gisement, passé sous maîtrise canaque en vertu des accords de Nouméa, est plein de promesses : vingt-cinq années d’exploitation d’un minerai de bonne qualité, des retombées immédiates en termes d’emploi, des possibilités de qualification des jeunes et des salariés du secteur, et des ressources financières nouvelles pour les collectivités locales.
La juste répartition du produit de l’exploitation du nickel, première ressource de la Nouvelle-Calédonie, était et demeure une condition sine qua non de la mise en œuvre des accords de Nouméa, aboutissant à la réduction des inégalités sociales et économiques dont souffre le territoire et qui furent à l’origine des incidents sérieux qu’il connût par le passé.
Le fait que la SMSP ait recherché un autre partenariat que celui de la Société Le Nickel-Eramet, qui exploite pour sa part le gisement de Goro, dans le sud de Grande Terre, trouve son origine dans une situation marquée par la « confiscation » des revenus du nickel par la population caldoche.
Le partenaire choisi fut donc Falconbridge. Après de nombreuses péripéties, le projet de l’usine du nord a vu le jour et commencé à fonctionner le 19 avril dernier, avec une première coulée de nickel et plus de 6, 3 milliards de dollars d’investissements sur place.
Ces investissements ont été rendus nécessaires par la construction même de la mine, de l’usine de traitement du minerai, de la centrale électrique destinée à fournir l’énergie indispensable au traitement, du port de Vavouto, afin de favoriser l’exportation de la production du site, mais aussi des équipements et infrastructures indispensables à la préservation des équilibres environnementaux et à la reconstitution des espaces d’origine.
Ainsi le montant des investissements a-t-il atteint un niveau particulièrement significatif, largement supérieur à ce qui était initialement prévu, ne serait-ce que parce que des éléments comme le traitement rationnel des cendres et mâchefers de la centrale électrique au charbon ou la surveillance des équilibres écologiques sont pleinement intégrés, ce qui ne manque pas d’avoir un coût.
Est-il pour autant légitime, comme le prévoit le présent projet de loi, de ratifier un avenant à une convention fiscale dont l’objet, en intégrant la Nouvelle-Calédonie, après la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick, au périmètre d’application de la convention, est de permettre le versement des dividendes versés à la partie canadienne « en franchise d’impôt ».
Partis de Koniambo par la voie électronique, ces dividendes parviennent à Toronto pour être soumis, en vertu du droit fiscal canadien, au taux d’imposition de 0 % ! C’est-à-dire que 49 % des dividendes éventuellement tirés du nickel néo-calédonien ne seront soumis à aucune imposition, de quelque nature que ce soit.
Mes chers collègues, en réalité, l’avenant à la convention fiscale qui nous est soumis consiste à valider législativement un schéma d’optimisation fiscale pour le compte de la société Falconbridge.
Enfin, parler de Falconbridge, c’est taire le reste, à l’instar du rapport. Glencore Xstrata, le vrai patron de Falconbrigde et de KNS, est domicilié dans le canton de Zoug, plus précisément dans la localité de Baar. Comptant un peu plus de 110 000 habitants à la fin de l’année 2010, ce canton est un authentique paradis fiscal, où le taux de l’impôt sur les sociétés s’élève à 4 % jusqu’à 100 000 francs suisses et à 7 % au-dessus de cette somme, paradis accueillant rien de moins que 200 000 sociétés boîtes aux lettres, dont Glencore, mais aussi Metro, Pelikan, ou encore un groupe spécialisé en gestion de fortune nommé « SaintGraal » ! On y trouve aussi le groupe Petroplus, dont nous avons appris à connaître les agissements en Seine-Maritime, pour ce qui concerne la raffinerie de Petit-Couronne.
Glencore est une machine à tirer parti de l’optimisation fiscale, comme l’attestent ses quatre implantations européennes dans le canton de Zoug, l’île de Jersey, la City de Londres et le port de Rotterdam. Devons-nous lui faire le cadeau d’une exemption fiscale ne préjugeant pas, de surcroît, la poursuite définitive de l’engagement du groupe sur le site de Koniambo ? Nous ne le pensons pas.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC voteront contre le présent texte. §
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987 puis par l'avenant du 30 novembre 1995, signé à Paris le 2 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je vais mettre aux voix l’article unique du projet de loi.
Je rappelle que ce vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 22 octobre 2013, à quatorze heures trente et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (n° 851, 2012-2013) ;
Rapport de M. Claude Dilain et M. Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 65, 2013-2014) ;
Avis de Mme Aline Archimbaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 29, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean-Luc Fichet, fait au nom de la commission du développement durable (n° 44, 2013-2014) ;
Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 79, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 66, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 22 octobre 2013, à zéro heure cinquante-cinq.