L’amendement n° 34 rectifié bis vise à supprimer l’article 33. On nous demande en effet subrepticement, au détour d’un projet de loi de programmation militaire avec lequel elle n’a pas grand-chose à voir, de statuer sur la question des harkis, supplétifs et assimilés ayant combattu durant la guerre d’Algérie aux côtés de l’armée française.
Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, nous aurions pu espérer que tous les harkis et assimilés qui avaient combattu aux côtés de notre armée puissent, enfin, bénéficier de la reconnaissance de la France, une fois pour toutes.
Or le Gouvernement semble ne toujours pas vouloir clore ce dossier et nous propose d'ignorer la décision du Conseil constitutionnel publiée au Journal officiel le 4 février 2011, entérinée par la décision du Conseil d’État du 20 mars dernier.
En dépit de l’inconstitutionnalité de la mesure, considérée comme « dépourvue de base légale », il nous est demandé de réintroduire dans la loi un distinguo pour ces supplétifs, entre ceux, arabo-berbères, qui relèvent du statut civil de droit local et ceux, de souche européenne, qui relèvent du statut civil de droit commun.
Ainsi, avec l’article 33, le Gouvernement, après les deux décisions évoquées, ne mettra pas un point final aux parcours chaotiques et particulièrement humiliants des demandes de reconnaissance de ces deux catégories de forces auxiliaires en Algérie et entend pérenniser une discrimination dépourvue de base légale.
Alléguant le respect de la volonté du législateur, l’article 33 réintroduit donc une notion ségrégationniste entre des supplétifs ayant pourtant participé aux mêmes actions civiles et militaires au péril de leurs vies.
Outre son inconstitutionnalité, ce distinguo repose sur des appréciations dépassées de la situation des intéressés. En effet, depuis l’indépendance de l’Algérie, la description de la réalité des harkis, appelés tantôt « rapatriés particuliers », tantôt « supplétifs réfugiés », a gagné en clarté grâce aux travaux d’historiens tels que le général Maurice Faivre, responsable d’une harka durant la guerre d’Algérie, qui a pu accéder aux archives militaires. Ses travaux corroborent ceux d’autres historiens, le général François Meyer, lui-même ancien chef de harka, et M. Guy Pervillé.
Les enjeux du chiffrage sont, aujourd’hui encore, au cœur des polémiques liées à la destinée des anciens harkis. L’exposé des motifs du projet de loi fait état de 9 000 supplétifs de statut civil de droit commun.
Or, parmi les harkas créées au sein des 700 SAS – les sections administratives spécialisées – ou SAU – les sections administratives urbaines –, la plupart n’avaient pas de supplétifs au statut civil de droit commun et les autres n’en comptaient que deux ou trois. On peut donc estimer le nombre de ces « harkis blancs », comme ils se désignent eux-mêmes, à seulement 500.
Ils ont vécu leur transfert en métropole comme un déracinement similaire à celui de leurs semblables arabo-berbères de souche. Ils ne sont pas revenus dans la mère patrie, comme l’on continue de le prétendre : ces supplétifs d’origine européenne et leur famille n’avaient généralement plus d’attaches avec la métropole, que leurs ancêtres avaient quittée trois ou quatre générations plus tôt. En fuyant l’Algérie, eux aussi ont perdu tous leurs biens.
Faut-il rappeler que, d’avril 1943 à mai 1945, 20 000 d’entre eux, appelés sous le drapeau français, ont été tués au combat contre les Allemands ?
Le temps n’est-il pas venu de manifester une certaine solidarité nationale envers ces Français dont l’existence même était menacée, qui ont tout perdu et qui demeurent les perpétuels oubliés des indemnisations ? Le Gouvernement va-t-il leur infliger une nouvelle vexation en leur refusant le droit à la reconnaissance nationale et le bénéfice de son allocation ?
L’honneur du législateur, aujourd’hui, serait de solder ce douloureux dossier sans exclusive et sans arbitraire, de respecter les deux décisions mentionnées, afin qu’aucune discrimination ne s’applique plus aux forces auxiliaires auxquelles il doit rendre hommage, et de faire en sorte que la nation les indemnise en raison des épreuves subies, à la hauteur de leur fidélité à l’égard de la France.
Quant à l’amendement n° 33 rectifié ter, c’est un amendement de repli.