Même si je comprendrais que l’on puisse m’opposer des considérations budgétaires, cet amendement me semble extrêmement important.
Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, l’adoption de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, a été l’aboutissement d’un long combat mené par des associations et des victimes, relayées par un grand nombre de personnalités politiques de tous bords, pour que l’État reconnaisse officiellement le statut des victimes, et ce quatorze ans après les derniers essais nucléaires !
Le rapport que j’ai remis avec notre collègue M. Jean-Claude Lenoir dresse un constat implacable des raisons pour lesquelles cette loi ne produit pas ses effets.
Le mécanisme d’indemnisation des victimes des essais nucléaires fonctionne très mal. Selon les derniers chiffres disponibles, qui datent du 24 juin 2013, il y a 840 demandes d’indemnisation reçues pour seulement 11 indemnisations accordées !
Le faible nombre de dossiers déposés suscite des interrogations, car cela ne correspond en rien aux différentes projections qui ont pu nous être présentées.
Pour sortir d’une telle impasse, nous vous proposons cet amendement de repli. Il s’agit de transformer l’élément central de la procédure d’indemnisation, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, ou CIVEN, en une autorité administrative indépendante, afin de garantir son indépendance et celle de ses membres à l’égard du ministère de la défense.
Nous vous suggérons aussi d’intégrer au sein du CIVEN un expert médical désigné par les associations représentatives des victimes, afin d’avoir une procédure médicale plus contradictoire dans l’examen des dossiers tout en conservant le caractère d’expertise et, surtout, le secret médical.
De même, nous souhaitons élargir le collège à d’autres spécialités médicales, par exemple dans les domaines de la radiopathologie ou de l’épidémiologie.
Telles sont nos propositions pour revoir l’organisation du CIVEN et permettre d’avancer dans le sens d’une véritable reconnaissance et indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Je vous ferai toutefois part d’un regret. Nous avions déposé un amendement qui permettait d’aller plus loin. Or il a été déclaré irrecevable. Nous aurions souhaité qu’il puisse être discuté, conformément à ce qui est l’esprit premier de la loi : traiter les victimes au cas par cas.
Selon nous, la méthode employée, qui consiste à calculer la probabilité que le cancer soit la conséquence de l’exposition au regard notamment des relevés dosimétriques, ne suffit pas à apprécier les conditions d’exposition du demandeur. Il y a là une différence d’interprétation. C’est aussi un véritable nid à contentieux.
Plusieurs décisions ont été annulées par le juge administratif sur ce fondement, le juge estimant que les conditions d’exposition, notamment, n’avaient pas été assez étudiées et prises en compte lors de l’examen du dossier.
Pour autant, nous saluons l’écoute du cabinet du ministre sur ce dossier extrêmement important, notamment l’extension des zones géographiques à l’ensemble de la Polynésie, annoncée lors de la dernière réunion consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.
Il faudrait aussi saluer le travail de notre collègue Michelle Demessine sur ce dossier depuis de très nombreuses années.