L’intérêt de la présente loi de programmation militaire dépasse les seules questions de défense et intéresse en réalité toutes les questions relatives à la gestion de la sphère publique.
Je tiens spécialement à saluer les efforts consentis par notre défense nationale. Face à une crise qui n’en finit pas et qui mine nos marges de manœuvres budgétaires, alors que nous ne parvenons pas, au-delà de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, ou de la modernisation de l’action publique, la MAP, à rationaliser le secteur public, votre loi de programmation fera école. En effet, la baisse d’effectifs programmée à hauteur de 23 500 s’ajoute aux efforts très importants déjà accomplis par vos prédécesseurs, ce qui est à la fois très lourd pour l’armée et très courageux.
Je crois malheureusement que cet effort est nécessaire. Nous repoussons depuis trop longtemps l’échéance et la mise en chantier des vraies réformes. Notre secteur public est hypertrophié – il représente près de 56 % du PIB – et étouffe notre économie. Dès lors, nous ne pouvons échapper à la réalité. Il faut ramener nos administrations à de justes proportions.
La réforme que vous annoncez se déroulera comme elle a été préparée : sans heurts ni violence, sans tentatives de blocage ou de manifestations vaines. En effet, nos militaires ne participent pas à cette culture de la plainte qui anime tant d’autres administrations. Imagine-t-on une programmation aussi ambitieuse au sein du ministère des finances ou de l’éducation nationale ? Que dire également de notre administration territoriale ? La Cour des comptes est là pour nous rappeler tout cela.
Un grand silence obère le débat public. On le sait, il est politiquement impensable de s’en prendre aussi frontalement aux structures administratives d’un pays dont 25 % de la population active travaille dans le secteur public. Bien des gouvernements s’y sont rompu les dents, vos prédécesseurs au premier chef.
Aussi, monsieur le ministre, sur la base de votre travail, je souhaiterais lancer un appel à la réforme. L’ensemble de votre programmation, telle que décrite par le rapport annexé à l’article 2, illustre bien les axes que la France doit creuser pour accomplir sa réforme administrative. Au-delà, je pense notamment à la technique du « dépyramidage », qui permettra à l’armée de mieux gérer ses ressources humaines.
Dans un état d’esprit similaire, à la suite de mon expérience d’inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale, j’avais déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2012 relatif à la répartition du temps de travail pour les enseignants, autre administration qui connaît des problèmes analogues. Cet amendement aurait permis, en augmentant marginalement le temps de travail annuel des enseignants tout en redéployant les plages horaires consacrées à certaines matières, de faire économiser à l’État plusieurs milliers d’embauches de professeurs et aurait évité ce qui se passe à l’heure actuelle. Cet exemple illustre l’état d’esprit que l’on devrait appliquer à l’administration.
Nous n’avons que peu de choix. Face aux difficultés de pilotage des ressources humaines de la fonction publique, soit nous parvenons à une meilleure flexibilité dans les conditions de travail et les carrières, soit nous reviendrons un jour sur les garanties du statut général de la fonction publique.
Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, à un mois du début de la discussion budgétaire au Sénat, je souhaiterais que nous méditions sur le modernisme de l’action publique qui inspire la présente loi de programmation. Inspirons-nous en afin d’oser enfin nous attaquer aux vraies réformes et aux vrais problèmes !