Intervention de Michèle André

Réunion du 21 octobre 2013 à 21h30
Convention fiscale avec le canada — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada dont la ratification est soumise à notre examen, à une heure inhabituelle, n’a pas pour objet principal de modifier les dispositions de la convention signée par les deux pays en 1975 ; celle-ci a déjà été actualisée plusieurs fois, et elle est aujourd’hui conforme au standard international de l’OCDE.

En réalité, cet avenant vise à étendre le champ d’application de la convention à la Nouvelle-Calédonie, qui en est jusqu’à présent exclue. Cette extension répond à un besoin bien précis : permettre l’achèvement et la pérennisation du grand projet minier de Koniambo. Une courte explication s’impose.

En 1998, les accords de Bercy portant sur la valorisation du nickel au nord de la Nouvelle-Calédonie ont prévu que le massif de Koniambo serait exploité par un consortium canadien et néo-calédonien. C’est la société canadienne Falconbridge, rachetée depuis par le groupe suisse Xstrata, qui, après avoir été choisie, a réalisé l’essentiel des 4, 35 milliards de dollars d’investissement.

Pour que son engagement soit viable, la société Falconbridge ne doit pas se trouver en situation de double imposition, la filiale étant imposée en Nouvelle-Calédonie et la société mère au Canada. En d’autres termes, elle doit pouvoir bénéficier du régime canadien des sociétés mères, ce qui nécessite une disposition conventionnelle en matière fiscale, conformément à la norme en vigueur. L’extension de la convention franco-canadienne à la Nouvelle-Calédonie satisfera cette exigence.

Permettez-moi d’insister sur deux points particuliers.

En premier lieu, le présent avenant ne vise en aucun cas à permettre la création d’un quelconque montage fiscal dérogatoire : il ne s’agit pas d’autoriser une entreprise à échapper par des voies détournées à un impôt légitime que les autres paient. En effet, le régime canadien des sociétés mères est un régime de droit commun, ouvert à toutes les entreprises canadiennes ; du reste, le même existe en France, sous la forme du régime mère-fille. Ce système permet à toutes les entreprises qui détiennent des participations dans une filiale d’éviter une double imposition.

À vrai dire, l’iniquité résidait plutôt dans le fait que les entreprises canadiennes investissant en France métropolitaine pouvaient bénéficier du régime canadien des sociétés mères, contrairement à celles qui investissaient en Nouvelle-Calédonie.

Je signale en outre que ce dispositif n’aura aucune incidence budgétaire pour la France, puisque la réduction d’impôt sera à la charge du Trésor canadien. Le Canada a donné son accord pour cet avenant ; en réalité, c’est même lui qui l’a demandé.

Le développement économique de la Nouvelle-Calédonie est encouragé par d’autres mesures fiscales, qui bénéficient aussi aux autres collectivités d’outre-mer ; mais ces aides financières dépassent largement le cadre de l’avenant qui nous est soumis.

En second lieu, je tiens à rappeler qu’il existe de nombreux garde-fous : une charte environnementale a été signée avec la province Nord et, surtout, le schéma de mise en valeur des richesses minières adopté en 2009 par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, en application des accords de Nouméa, conditionne explicitement l’attribution de certaines aides au strict respect des normes environnementales.

Par ailleurs, cet avenant comporte une seconde série de dispositions visant à actualiser la convention pour ce qui concerne l’échange de renseignements fiscaux entre la France et le Canada. Il s’agit de renforcer le dispositif actuel et de le mettre en conformité avec le dernier modèle de l’OCDE, qui date de 2010, en attendant la mise en place prochaine de l’échange automatique d’informations, lorsque le nouveau standard aura été adopté par les membres de cette organisation.

Mes chers collègues, je suis sûre que nous souscrirons tous à cet objectif : la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales constitue aujourd’hui une impérieuse nécessité, car les efforts des Français n’ont de sens que s’ils sont partagés par tous, sans exception.

Le passage à l’échange automatique d’informations fiscales est devenu incontournable après l’adoption du dispositif FATCA par les États-Unis. Il figure à l’ordre du jour du G8, du G20 et de l’Union européenne. Un consensus national et international se fait jour à son sujet et vous avez été nombreux, dans tous les groupes politiques, à vous exprimer en faveur de son principe lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

En définitive, mes chers collègues, le projet minier de Koniambo, vital pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, ne requiert rien de plus que l’application du droit commun en matière de prévention de la double imposition. Par ailleurs, cet avenant nous permet de renforcer la coopération fiscale entre la France et le Canada.

Pour finir, je désire insister sur l’importance cruciale du projet de Koniambo pour le développement économique et social de la province Nord. Ce ne sont pas des mots, mais des réalités : l’usine pourrait créer, directement et indirectement, près de 5 200 emplois, pourvus en quasi-totalité par des Néo-Calédoniens, et porter à 15 % la part de la Nouvelle-Calédonie dans la production mondiale de nickel.

Il suffit d’observer, à proximité de la mine, le développement de la région de Koné, qui voit l’installation de zones artisanales, commerciales et industrielles, la construction de logements et d’infrastructures et la mise en place de services publics, pour se rendre compte des bénéfices concrets du projet.

L’usine est maintenant presque achevée, et une première coulée de nickel a pu avoir lieu au mois d’avril dernier, peu de temps avant la visite du Premier ministre ; c’est une bonne nouvelle pour tout le monde.

Les Néo-Calédoniens eux-mêmes ne s’y sont pas trompés : le Congrès a donné son approbation à cet avenant le 20 septembre 2012. Paul Néaoutyine, le président de la province Nord issu du Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, est un fervent soutien de ce projet, et par conséquent du présent avenant.

Mes chers collègues, ce projet permettra un rééquilibrage entre la province Nord et la province Sud. La première, moins peuplée et longtemps laissée en marge du développement économique et social, a trouvé, avec lui, une formidable opportunité, comme l’ont déjà constaté nos collègues Roland du Luart, Henri Torre et, plus récemment, Éric Doligé.

Certains d’entre vous ont pu exprimer des craintes au sujet des possibles conséquences environnementales du projet de Koniambo. Bien entendu, il conviendra d’être extrêmement vigilant pour prévenir ces risques, à vrai dire inhérents à tout projet de cette envergure.

Mes chers collègues, la commission des finances a approuvé cet avenant, et je crois que le Sénat ne peut qu’y être favorable à son tour !

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