Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de monter à cette tribune, je mesure la gravité du sujet qui nous occupe et l’importance du travail commun que nous devons poursuivre pour faire émerger le meilleur texte de loi possible.
Qui aujourd'hui peut nier l’état de tension de notre pays ? Les difficultés nous blessent et les peurs nous assaillent. La tentation du repli sur soi innerve chaque pan de notre vie sociale. À ceux qui pensent qu’il y aurait d’un côté une crise identitaire et de l’autre une crise sociale, je suis obligée de répondre que le mal qui vient naît de la conjonction de ces deux périls, et qu’il nous faut répondre aux deux aspects de la crise qui frappe notre pays si nous voulons – et je pense que cette volonté est partagée dans cet hémicycle – continuer à défendre ensemble les mêmes valeurs républicaines.
Ces valeurs sont attaquées non pas seulement par la montée des populismes, mais aussi par la dissolution de l’esprit de solidarité. C’est donc en ayant en tête que notre mission est la construction d’une République qui fait place à chacun que j’aborde notre débat. Faire France ensemble, voilà l’objectif. La cohésion sociale est bel et bien l’horizon de nos politiques publiques. Or chacun sait que les questions relatives à l’urbanisme et surtout au logement sont centrales dans la construction de la cohésion sociale.
Forte de cette conviction, j’ai l’honneur de défendre devant vous le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit ALUR. Il vous appartient de tout faire pour donner à ce texte l’efficacité la plus grande ; je suis persuadée que vous vous y emploierez. J’ai pu mesurer l’intérêt du Sénat pour le sujet qui nous occupe. Je vous remercie d'ores et déjà du souci que vous avez manifesté pour la discussion qui s’ouvre. Ces remerciements, je ne les formule pas uniquement en mon nom propre, mais au nom d’une certaine idée de la République et de la défense de l’intérêt général.
Je le répète à dessein dans les mêmes termes que ceux que j’ai utilisés devant l’Assemblée nationale : ce qui est en jeu, en discussion, en gestation, c’est la situation de millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui veulent pouvoir se loger et être logés dignement, de millions de femmes et d’hommes qui veulent mettre leur famille à l’abri des difficultés de l’existence. Je le dis paisiblement, mais avec solennité : nous avons un devoir de réussite.
En conséquence, je tiens à ce que chaque sénateur, chaque sénatrice mesure l’impérieuse nécessité de se départir des réflexes partisans traditionnels dans ce qu’ils ont de confortable mais aussi, parfois, de sclérosant. Nous ne sommes pas là pour mesurer nos capacités d’influence respectives ou nous écharper dans de vaines querelles, mais bel et bien pour construire l’outil législatif adapté à la situation d’urgence que traverse notre pays.
L’abandon des réflexes partisans est d’autant plus nécessaire que des tensions – tous les républicains les connaissent – pèsent actuellement sur le champ démocratique : la montée des extrémismes, phénomène puissant sur tout le continent européen, trouve dans notre pays une traduction particulière qui ne peut être combattue que si chacun, à la place qui est la sienne, s’attache à redonner à l’action publique ses lettres de noblesse. J’espère donc que le débat qui va nous animer sera de qualité.