Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de la majeure partie des articles du titre IV du projet de loi ALUR, portant sur la modernisation des documents de planification et d’urbanisme.
En effet, la rénovation des règles d’urbanisme et de planification stratégique est un levier essentiel dans la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain. Il s’agit là d’une préoccupation constante de notre commission, qui est compétente en matière d’aménagement du territoire comme d’environnement.
Les règles d’urbanisme ont un rôle à jouer pour faire évoluer l’aménagement de l’espace dans notre pays, pour adapter nos territoires à la transition écologique, pour préparer en amont l’adaptation au changement climatique, par exemple dans les zones inondables ou les zones littorales.
Après avoir examiné attentivement les dispositions du titre IV et procédé à un certain nombre d’auditions, j’ai été amené à proposer quatre séries d’amendements à la commission du développement durable. Néanmoins, la commission s’étant déclarée, dans sa majorité, opposée à ce projet de loi, elle a par principe rejeté la plupart des amendements que je lui ai présentés. §
La première série d’amendements prévoyait plusieurs améliorations à l’article 58 relatif aux schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Je me félicite que certains de ces aménagements figurent dans le texte adopté par la commission des affaires économiques. Il s’agit, notamment, du délai de mise en compatibilité des PLU avec le SCOT, qui ne devra être pris en compte qu’à partir du moment où celui-ci devient exécutoire. Il s’agit aussi de limiter dans le temps la non-application du principe d’urbanisation limitée pour les communes quittant le périmètre d’un SCOT.
J'ai constaté également avec satisfaction que l'article introduit à l'Assemblée nationale sur les démarches d'inter-SCOT a été supprimé. J'avais moi-même défendu cette suppression devant la commission du développement durable. Un tel cadre juridique n'a pas lieu d'être ; il s'inscrit en contradiction flagrante avec l'esprit de ce projet de loi. Des démarches d'inter-SCOT sont déjà mises en œuvre de façon volontaire et spontanée sur de nombreux territoires, sans qu'il soit nécessaire de légiférer et d'introduire une couche de complexité supplémentaire. À ce rythme, on risquerait bientôt de parler « d'inter-inter-SCOT » et l'on n'en finit plus de cette dynamique infernale d'inflation législative.
La deuxième série d'amendements que j'avais défendus concernait le PLU intercommunal, pour lequel il m'était apparu nécessaire de trouver une solution de compromis sur l'obligation de transfert de compétence introduite à l'article 63. J'ai en effet l'intime conviction qu'à terme le passage à une élaboration intercommunale du PLU est incontournable. Toutefois, cette évolution ne doit pas s'effectuer sous la contrainte de l'automaticité. Il s’agit d'un mauvais signal envoyé aux maires qui peuvent alors légitimement se sentir découragés et démobilisés.
En outre, cette démarche est relativement précipitée, à peine deux ans après l'entrée en vigueur de la loi Grenelle 2, dont les mécanismes d'incitation n'ont pas encore eu le temps de produire tous leurs effets.
En accord avec le rapporteur de la commission des affaires économiques, j’ai donc proposé à la commission du développement durable l’introduction d’une minorité de blocage permettant d’empêcher ce transfert. Je n’ai pas été suivi par mes collègues, mais je me réjouis de retrouver, là encore, dans le texte adopté par la commission des affaires économiques, une solution similaire.
La troisième série d'amendements que j’ai présentée a connu un sort différent des précédentes. Elle a en effet été adoptée à l'unanimité par la commission du développement durable et renvoyée à la discussion en séance publique par la commission des affaires économiques, ce qui témoigne de son importance. Il s'agit de l'introduction de mesures complémentaires pour la gestion de l'urbanisme littoral.
Je précise que ces propositions, dont nous aurons à débattre dans l'hémicycle, sont issues des travaux de la mission d'information sur les difficultés d'application de la loi Littoral. Cette mission, actuellement en cours, est conduite par nos collègues spécialistes de la question, Odette Herviaux et Jean Bizet.
La première mesure proposée consiste à introduire un nouveau dispositif : la charte régionale d’aménagement. Il s’agit d’un outil permettant de préciser avec force prescriptive, au niveau régional, les modalités d'application de la loi Littoral. Il ne s'agit de rien de moins que d'un retour à l'esprit initial de cette loi, et de la mise en œuvre de documents qui auraient dû exister depuis près de trente ans.
En effet, la loi Littoral a été volontairement conçue de façon interprétative. Elle doit être déclinée localement pour prendre en compte la diversité des littoraux de notre pays. Or cela n'a jamais été fait. Les difficultés actuellement rencontrées, dans certains départements, par les élus des communes littorales découlent en grande partie de cette absence d'interprétation. Sans compter que cela a permis au juge de s'engouffrer dans la brèche, au point de se substituer totalement au législateur, par le biais d'une jurisprudence restrictive, élaborée au cas par cas et de façon souvent peu cohérente.
Quant aux gouvernements successifs, ils ont globalement toujours eu conscience du problème, mais ont aussi toujours soigneusement évité de s'en saisir, préférant procéder à coup de rustines et proposer un accompagnement, certes utile, mais rarement suffisant pour résoudre l’ensemble des problèmes. Il est donc temps aujourd'hui que le Parlement se ressaisisse de cette question, et le présent projet de loi constitue un véhicule législatif approprié.
Enfin, comme tous les membres de la mission d'information, je suis pleinement conscient de la sensibilité de la loi Littoral et de la nécessité de maintenir une protection ferme sur un littoral français soumis à de fortes pressions. C'est pourquoi les amendements que je vous propose prévoient de nombreux garde-fous, que je vous invite à examiner attentivement. En particulier, ils donnent au Conseil national de la mer et des littoraux un rôle d'arbitre dans l'élaboration de ces chartes régionales d'aménagement. Il s'agit autant de préserver une vision harmonieuse à l'échelle nationale que de régler des problèmes liés à l'articulation des chartes et aux recoupements avec d'autres documents d'urbanisme.
La seconde mesure proposée sur ce thème vise à permettre l'urbanisation dans les « dents creuses » des hameaux des zones rétro-littorales des communes littorales. Il est en effet peu compréhensible que l'on puisse construire des hameaux nouveaux, même intégrés à l'environnement, dans des communes littorales, alors qu'il est interdit de combler les « dents creuses » des hameaux existants. En matière de lutte contre l'artificialisation des sols et la consommation d'espaces agricoles, on a déjà connu des dispositifs plus efficaces ! Ici encore, la possibilité d'urbanisation est encadrée par de très nombreux garde-fous, qui préviennent soigneusement toute dérive potentielle.
Ces amendements méritent que le Sénat y accorde de l'attention. Ils sont équilibrés, et n'ont en aucun cas pour but de porter atteinte à la protection du littoral français. Au contraire, ils visent avant tout à revenir à ce que la loi Littoral avait initialement prévu, conformément aux vœux de ses concepteurs. C'est la raison pour laquelle la commission du développement durable les a adoptés à l'unanimité.
Enfin, le quatrième thème sur lequel j'ai jugé opportun de reprendre un amendement à titre personnel, même s'il n'a pas été adopté par la commission du développement durable, est relatif au régime des sites et sols pollués.
En effet, à l'occasion des auditions que j'ai menées en tant que rapporteur pour avis, j'ai eu connaissance d'une réflexion conduite depuis quatre années par l'administration afin de donner davantage d'efficacité aux dispositifs existants d'information sur les sols pollués et de réhabilitation de ceux-ci. Cette réflexion a eu pour cadre le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, en liaison avec les associations représentatives des collectivités territoriales et les associations de défense de l'environnement.
Cette réforme s'inscrit pleinement dans les objectifs visés par ce projet de loi, car la réhabilitation des friches industrielles est l'une des clefs de la densification de l'habitat urbain que chacun appelle de ses vœux. Or, cette réhabilitation implique une maîtrise du risque de pollution des sols, et un traitement de ceux-ci lorsque la pollution est avérée.
L'amendement que je vous propose, portant article additionnel, crée, d'une part, des « zones de vigilance » pour les sites et sols pollués par des exploitations industrielles, afin d'améliorer l'information des acquéreurs et des aménageurs des terrains concernés.
Fondées sur les informations rendues publiques par l'État sur les 260 000 sites potentiellement pollués et jointes aux PLU, ces « zones de vigilance » seront plus aisément gérables par les collectivités locales, et par les notaires responsables de la sécurité des transactions, que les bases de données actuellement disponibles, qui sont certes exhaustives, mais insuffisamment sélectives. Elles permettront de cibler concrètement les quelque 8 000 sites identifiés comme réellement susceptibles de poser problème.
D'autre part, cet amendement simplifie les procédures de réhabilitation des sites et sols pollués visant à permettre leur changement d'usage, et clarifie les responsabilités des différents intervenants dans ce domaine.
Même si, pris par le temps, le Gouvernement n'a pas pu insérer ce dispositif dans le projet de loi initial, j'estime qu'il serait regrettable que le Parlement ne saisisse pas l'opportunité d'adopter, sans plus attendre, une réforme parvenue à maturité et consensuelle, qui sera de nature à faciliter la réutilisation des friches industrielles §à d'autres fins, et d'abord au logement.
Voilà les améliorations, madame la ministre, mes chers collègues, que je vous suggère d'apporter au projet de loi.
La commission du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption de ce texte. Je porte cette position à votre connaissance afin de m'acquitter fidèlement de ma tâche de rapporteur pour avis. Mais il va sans dire que, à titre personnel, je suis tout à fait favorable au vote de ce texte par notre Haute Assemblée.