Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’incline à penser que c’est davantage dans la construction effective de logements, qui suppose un engagement fort de l’État, y compris financier, que dans le perfectionnement de la réglementation que réside la solution à la crise endémique du logement en France – de fait, cette crise n’est pas une nouveauté, même si elle s’est aggravée au cours des dix dernières années.
Comme le fait remarquer le Conseil d’État, dans un langage plus diplomatique que le mien, résoudre cette crise suppose d’apporter une réponse à « la double question de l’efficience de la régulation par le marché » – ce qui signifie qu’il n’y a pas de marché – « et de la pertinence de la gouvernance de la politique du logement et des interventions publiques » – ce qui signifie qu’on laisse faire. Cette observation figure à la page 77 du rapport de 2009 intitulé « Droit au logement, droit du logement ».
Dans ce rapport fort intéressant, on lit encore ceci : « l’État a largement libéralisé le marché du logement, décentralisé l’urbanisme et commencé à décentraliser les politiques du logement sans avoir préalablement songé à la gouvernance nécessaire à ce marché et en ayant sans doute abandonné trop rapidement ses principaux moyens de peser sur les coûts de la construction et le prix des loyers », l’un des moyens de peser sur les loyers étant de créer un parc social suffisant.
Le Conseil d’État conclut : « au total, en quelques années, par sa gestion déficiente du parc social, l’État aura perdu un outil précieux d’influence indirecte sur le marché libre ». Ces questions, qui obligeraient à repenser trente ans de politique du logement, ne sont visiblement pas à l’ordre du jour ; dommage !
Puisqu’on renonce ainsi à changer l’ordre des choses, on changera une nouvelle fois la réglementation ; l’exercice est de portée limitée, encore que je convienne volontiers qu’il puisse être utile.
Le projet de loi traite de questions aussi difficiles que, entre autres, les relations bailleurs-locataires, l’asymétrie d’information des partenaires, la sécurité des transactions et la gouvernance des copropriétés. Quant à la garantie universelle des loyers, si elle est discutable dans ses modalités d’application, l’idée vaut d’être débattue.
Si nous pouvons débattre paisiblement, nous le devons à notre commission des affaires économiques et à son rapporteur, Claude Bérit-Débat ; ils ont réussi à neutraliser élégamment le détonateur imprudemment déposé à l’article 63 par les amis du club PLUI – un club chic piloté par le ministère de l’égalité des territoires et du logement, dont j’ai appris l’existence à la lecture de l’étude d’impact du projet de loi.