Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait maintenant plusieurs mois que j’entends - dans des assemblées départementales de maires à la tête de petites villes ou de villages, et même de villes moyennes - des inquiétudes s’exprimer autour d’un projet de transfert automatique des compétences reconnues actuellement aux communes en matière d'urbanisme et de droit des sols vers les communautés d’agglomération ou les communautés de communes dont elles sont membres.
Cette préoccupation est aujourd’hui la nôtre, puisque nous sommes les représentants naturels des collectivités locales et nous allons examiner en séance une disposition prévoyant effectivement ce transfert de compétence, que l'Assemblée nationale a votée.
La commission des affaires économiques a voté cette disposition à une quasi-unanimité, toutes tendances politiques confondues, ce qui prouve que ce n’est pas un problème droite contre gauche, contrairement à ce que l’on a prétendu dans la discussion. C’est plutôt une conception de la gestion du bloc communal qui est en jeu ici.
En tant que maire d’une commune membre d’une communauté d’agglomération, en tant que maire aménageur, en tant que maire construisant des logements sociaux – 38% dans ma commune et 1 000 logements supplémentaires en dix ans-, je constate tous les jours les dégâts occasionnés par le mal-logement, mais, dans le même temps, je partage les réticences des élus sur cette question.
Serions-nous de meilleurs aménageurs en votant cette disposition telle qu’elle est et telle que nous la lègue l'Assemblée nationale ? Je ne crois pas que nous puissions mener des politiques d’aménagement du territoire sans considérer les élus comme de véritables partenaires.
Nos collègues Yves Krattinger et Claude Belot ont publié par le passé un rapport de grande qualité dans lequel ils recommandaient de faire confiance à l'intelligence territoriale. Il faut suivre la même orientation aujourd’hui, et ce d’autant plus que les communautés d’agglomération et les communautés de communes mènent déjà des politiques d’aménagement dans le cadre prévu par cet article. Mais elles le font librement, elles le font démocratiquement. Et ce mouvement s’amplifiera sans doute.
L'intercommunalité est porteuse d'avenir, c’est une orientation riche de potentialités, mais elle ne doit en aucun cas être un mariage forcé. On ne peut pas changer ainsi l’esprit de trente ans de décentralisation au détour d’un article ! L'intercommunalité choisie est, au contraire, synonyme de dynamique vertueuse.
Ne nous cachons pas le fait que d'aucuns n’hésitent pas à instrumentaliser cette mesure pour en faire un outil de rationalisation budgétaire aveugle, tout aussi inefficace que l'a été naguère certaine politique de rationalisation.
J’ai lu – et c'est pour cette raison que je vous invite, mes chers collègues, à faire attention à la façon dont vous présentez les choses- l'article de M. Lamassoure publié par le magazine Challenges, il y a quinze jours de cela. Pour M. Lamassoure, 90 000 communes en Europe, c'est trop ; 36 000 communes en France, c'est trop ! Donnons tous les pouvoirs des communes aux intercommunalités – il y en a 5 000 – nous serons plus compétitifs et nous ferons des économies !