Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 22 janvier 2009 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2009 — Articles additionnels avant l'article 1er, amendement 48

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Nous partageons les préoccupations exprimées à travers ces amendements par nos collègues du groupe socialiste quant à la détermination des dividendes distribuables. J’observe d'ailleurs avec intérêt que, par l’amendement n° 48, nos collègues ont repris le texte de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par Alain Bocquet et les autres députés communistes. Sur cet amendement, comme sur les précédents, nos points de vue convergent donc.

En effet, partout dans le monde, les bourses s’affolent et des milliards d'euros partent en fumée. Plus qu’une crise financière, il s'agit, à l’évidence, de l’échec d’un système économique et financier. Toutefois, comme l’a rappelé Nicole Bricq, ce n’est pas au monde du travail de régler la facture de la faillite de ce système !

En outre, on ne peut, d’un côté, au prétexte de cette crise et aux frais du contribuable, dilapider des milliards d'euros pour venir au secours des milieux bancaires et boursiers et, de l’autre, rester sourd aux difficultés grandissantes de milliers de salariés, et donc de leurs familles, qui sont condamnés aujourd'hui au chômage technique et à la diminution de leur pouvoir d’achat.

Cette situation est encore plus inacceptable quand on sait que le coût du chômage partiel repose en partie sur les contribuables puisque l’État se substitue aux entreprises pour assumer une part significative de la charge financière que ce dispositif entraîne.

Comment ne pas déclarer l’urgence pour tous ces salariés victimes d’arrêts temporaires d’activité et auxquels on impose une diminution de salaire alors qu’ils ne demandent qu’à travailler ?

Comment, en pareilles circonstances, ne pas prendre des mesures immédiates pour maintenir leur rémunération, alors que les grands groupes annoncent toujours des profits en hausse, ceux des entreprises du CAC 40 enregistrant une progression de 12 % ?

Comme l’a souligné Nicole Bricq, les salariés ne peuvent être la variable d’ajustement d’un capitalisme exclusivement soucieux de ses intérêts propres et de ses profits.

Par exemple, Renault, qui brise l’outil de production de Sandouville et impose le chômage technique, ne garantit pas l’intégralité des salaires des personnels alors que ce groupe a réalisé 2, 4 milliards d'euros de bénéfices en 2007.

Comme la presse l’a noté avec beaucoup d’honnêteté, les dividendes de Renault permettraient de financer la masse salariale de 30 000 personnes ! Rappelons que les dividendes distribués en 2007 par cette même entreprise ont été de 860 millions d'euros, soit 3, 91 euros par action. Ils représentent 32 % du résultat net consolidé et, malgré les difficultés économiques, semblent devoir être maintenus pour 2009. Si nous prenons pour hypothèse un salaire moyen mensuel de 1500 euros, soit, sur treize mois et en comptant les charges sociales, 28 275 euros, la distribution des dividendes de l’année dernière permettrait bien de financer la masse salariale annuelle de 30 000 personnes ! Ce chiffre est à mettre en parallèle avec l’actuel plan de restructuration, qui touche 4900 salariés.

Seulement 1 % des dividendes des actionnaires de Renault suffirait à maintenir à 100 % le salaire des 20 000 employés du constructeur concernés par le chômage technique !

Il en va de même pour le groupe PSA, dont les profits ont été multipliés par cinq entre 2006 et 2007, pour atteindre 885 millions d'euros.

La démonstration vaut aussi pour la sidérurgie – ArcelorMittal a versé 2, 2 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires en 2008 et annonce d'ores et déjà qu’ils devraient s’élever à 1, 8 milliard d'euros en 2009 – ou pour l’industrie pharmaceutique. Ainsi, Pfizer prétend supprimer 1 061 emplois en 2009 alors que son bénéfice net a triplé au troisième trimestre dernier de 2008. Avec un cash flow qui pourrait atteindre 13 milliards d'euros, je crois que ce groupe a de quoi voir venir la crise ! Je rappelle d'ailleurs qu’en 2007 Pfizer a versé 5, 5 milliards d'euros à ses actionnaires.

C’est dire que, comme l’a indiqué Nicole Bricq, la crise n’est pas la même pour tout le monde ! Ayant l’oreille favorable du Gouvernement, le grand patronat et les milieux d’affaires multiplient les pressions et les décisions pour en tirer des avantages et des rémunérations supplémentaires. Le diktat des dividendes qui vont toujours aux mêmes est, sachez-le, mes chers collègues, insupportable pour le monde du travail.

Il est donc urgent de faire évoluer cette conception de l’économie. Oui, il faut limiter la distribution de dividendes quand la situation économique est vécue aussi difficilement par le plus grand nombre ! C'est pourquoi nous voterons cet amendement et invitons l’ensemble du Sénat à nous suivre.

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