L'action de la police et de la gendarmerie se situe au coeur du pacte républicain. Toutes deux remplissent une mission régalienne aussi difficile qu'indispensable. Pour garantir leur efficacité, l'Etat a l'obligation de leur garantir les moyens de leur tâche, notamment via l'investissement.
La police et la gendarmerie ont-elles les moyens d'agir sur le terrain et d'accueillir convenablement les victimes ? Ont-elles accompli un saut technologique ? Tous les secteurs et les activités ont-ils profité équitablement des efforts ? La stratégie d'achat respecte-t-elle les impératifs de protection de l'environnement ?
Depuis 2007, l'investissement est à la baisse, il a fait les frais des arbitrages. La Cour des comptes a montré que les baisses d'effectifs ont été plus que compensées par les mesures catégorielles, le protocole « corps et carrières » pour la police et le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (Pagre) pour la gendarmerie. Dans ces conditions, la dynamique des dépenses de rémunération inscrites sur le titre 2 explique pour une bonne part les tensions pesant sur le titre 5 relatif aux dépenses d'investissement. La sanctuarisation des crédits de fonctionnement a aussi fortement joué. Dans le projet de loi de finances pour 2014, une enveloppe de 192,8 millions d'euros est prévue pour les investissements dans la police, soit une hausse de 23,2 % pour l'an prochain. Et 117,7 millions d'euros sont budgétés pour la police.
Comment sont utilisés ces crédits ? La modernisation de la police et de la gendarmerie s'est faite à un rythme soutenu : protection des agents, armements, innovations technologiques. La vidéosurveillance a absorbé à elle seule 133,6 millions d'euros depuis 2007. Aucune étude scientifique indépendante n'a pourtant démontré son efficacité. Les écologistes demandent un moratoire sur ces investissements. La montée en puissance de la police technique et scientifique (la PTS) est également un fait marquant de la période. De plus en plus, la culture de la preuve se substitue à celle de l'aveu.
La veille technologique est source d'efficacité. Attention cependant à maintenir, voire à renforcer notre vigilance afin que la protection des libertés publiques et de la vie privée ne soient pas remises en cause. Je songe par exemple aux fichiers génétiques. Un encadrement démocratique est indispensable.
Une part significative de l'investissement concerne les actifs immatériels. La formation valorise le capital humain. Son format a été redimensionné avec la fermeture de plusieurs écoles de police et de gendarmerie, avec pour contrepartie un effort sur le parc immobilier et les moyens informatiques des autres écoles. Reste à s'interroger sur la stratégie d'enseignement... La prévention fait également partie des actifs immatériels. Des initiatives ont été couronnées de succès ; il est hélas difficile de chiffrer les crédits correspondants, ce qui serait fort utile pour la suite.
L'émergence de nouvelles formes de criminalité, notamment sur Internet et à l'encontre de l'environnement, appelle des réponses adaptées. Il y faut des moyens financiers et humains.
Le principal point noir de l'investissement, sensible au niveau des départements, concerne le parc immobilier. L'immobilier a trop servi de variable d'ajustement ces dernières années. L'image de la police, de la gendarmerie et de la justice en est dégradée, les conditions d'accueil et de garde à vue ne sont pas satisfaisantes, le moral des troupes s'en ressent. J'ai visité des casernes qui sont dans un état pitoyable. Le besoin de financement, pour les seules casernes de la gendarmerie, est estimé à 300 millions d'euros. J'ai également visité le commissariat de la Rochelle, resté dans le même état que dans le film Le Train, tourné dans les années soixante-dix !
Le retard dans le renouvellement des véhicules des deux forces est patent. Une enveloppe de 183,3 millions d'euros serait nécessaire en 2014 ; le besoin d'investissement, les années suivantes, sera encore supérieur à 100 millions d'euros. La rationalisation des moyens aériens, entre la gendarmerie, la sécurité civile et la police a atteint un stade satisfaisant, mais le renouvellement de la composante aérienne dans la gendarmerie exige encore des arbitrages. Je signale que si les dernières tranches de renouvellement des Écureuils ne sont pas confirmées d'ici 2014, l'État devra s'acquitter d'un dédit de 5,5 millions d'euros.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur a accéléré la mutualisation des achats, favorisant économies et redéploiements de personnel. Toutefois, la dépense d'investissement dans la sécurité intérieure ne joue pas encore pleinement le rôle de levier de développement : le critère environnemental et social doit être mis en oeuvre avec plus de volontarisme, la production locale valorisée et l'achat écoresponsable privilégié. Réduisons le nombre de véhicules diesel. Et penchons-nous dès à présent sur l'obsolescence programmée du parc roulant.
Les difficultés rencontrées par la police et la gendarmerie sont bien réelles. La situation, je ne vous le cache pas, est assez inquiétante. Malgré les efforts de modernisation, les retards sont nombreux, touchant aussi bien l'état des bâtiments que les conditions de travail, d'accueil ou de garde à vue. Les éléments que je vous livre sont le fruit de nombreuses auditions, avec les syndicats, la préfecture de police, la Cour des comptes, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, l'Union de groupements d'achats public (UGAP)...