La commission entend tout d'abord une communication de M. Philippe Marini, président, relative à un nouvel indicateur permettant de mesurer l'émigration fiscale des particuliers.
J'ai conduit depuis plusieurs mois des travaux sur un indicateur permanent pour mesurer les départs pour l'étranger de résidents fiscaux français. La question de l'exil fiscal revient régulièrement dans le débat public, mais les éléments objectifs dont le Parlement et le Gouvernement disposent sont très lacunaires. Jusqu'à l'année dernière, ils se limitaient à la mesure des départs et des retours de contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), quelques centaines de personnes seulement. Sur un échantillon si petit, il était difficile de faire la part des diverses motivations à partir ou à revenir ou d'interpréter les variations d'une année sur l'autre. L'interprétation ne pouvait être que tendancieuse, d'autant que l'information n'était restituée qu'après un long délai.
Je me suis donc rendu à Bercy le 28 février dernier, dans le cadre de mes pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place, afin d'avoir un échange approfondi avec le directeur général des finances publiques, Bruno Bézard. Celui-ci, entouré d'une quinzaine de collaborateurs - ce qui montre la complexité du sujet - m'a montré les premiers résultats d'un compteur des déclarations de transferts de domicile fiscal hors de France au titre de l'exit tax. Ces travaux, inédits, présentaient un intérêt : sur les 251 déclarations enregistrées entre la création de l'exit tax et le 31 janvier 2013, qui correspondaient à 2,1 milliards d'euros de plus-values latentes, soit 8,36 millions d'euros par personne, seuls 83 contribuables étaient assujettis à l'ISF. Cela confirme que l'ISF est un indicateur réducteur. Cependant l'exit tax ne fournit pas de données plus robustes, car son assiette n'est pas large.
C'est pourquoi nous avons, ensemble, décidé qu'il fallait construire un indicateur plus solide et qu'à cette fin, la direction générale des finances publiques (DGFIP) extrairait les données concernant les départs à l'étranger de redevables à l'impôt sur le revenu, sur une longue période, et avec une ventilation par tranche du barème, par pays de destination, par âge du contribuable et par composition des revenus et du patrimoine. Il résulte des travaux de grande qualité conduits par la DGFiP un indicateur prometteur : nous avons pu retracer, sur les bases de données du ministère des finances, les départs entre 2007 à 2011. Cela ne permettra cependant pas d'apprécier les effets d'un changement de législature ou de politique fiscale, puisqu'il ne sera possible de rendre compte des départs d'une année N qu'entre juin et septembre de l'année N+2.
Cet indicateur a aussi des limites. D'une part, nous n'avons pas encore de mesure équivalente des arrivées ou des retours de contribuables sur le sol français. Le tri des seuls retours semblent poser des problèmes méthodologiques. D'autre part, la destination d'une proportion importante - 18 % en 2011 - de contribuables est inconnue, notamment lorsque les intéressés ont un représentant fiscal en France.
Le nombre de redevables de l'impôt sur le revenu partis de France, environ 26 000 par an entre 2007 et 2009, a baissé à 22 000 en 2010, puis augmenté de façon importante en 2011 : 35 000 départs. Cet indicateur général concerne, on le voit, un nombre de cas beaucoup plus grand que l'ISF ou l'exit tax. Il apparaît que des variations de forte ampleur peuvent se produire. La population de ces migrants a un revenu médian de l'ordre de 40 000 euros, supérieur de 70 % à celui de l'ensemble des redevables de l'impôt sur le revenu. Elle est surtout beaucoup plus jeune : 40 % des migrants de 2011 ont moins de 30 ans, contre 17 % pour l'ensemble des redevables. En limitant l'analyse aux foyers dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 100 000 euros, on observe que le nombre de départs progresse de 1 100 à 1 300 entre 2007 et 2010 et bondit à 2 000 en 2011. Il en va de même des foyers dont le revenu fiscal de référence dépasse 300 000 euros.
Ces constats contredisent une interprétation purement fiscale des départs : les motivations professionnelles, comme le moral des jeunes actifs, jouent un rôle important, quoique difficile à quantifier. Mais la fiscalité est loin d'être neutre : certaines destinations, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, sont privilégiées par ceux qui ont les plus hauts revenus salariaux et qui sont les plus jeunes, quand les contribuables plus âgés, aux revenus patrimoniaux les plus élevés, préfèrent la Belgique et la Suisse. La géographie fiscale qui se dessine ainsi correspond à celle que nous connaissons pour l'ISF.
Ce nouvel outil nous fournira de précieux renseignements sur la sociologie des migrants fiscaux comme sur les effets de la fiscalité. Observerons-nous des années de rupture ? Les tendances constatées se prolongeront-elles ? Identifierons-nous des différences notables entre le comportement des plus aisés et celui des autres ? Ces comportements rejoindront-ils ceux des détenteurs de capitaux, redevables de l'ISF ou de l'exit tax ? Chacun peut faire ses conjectures. Mais patience ! On ne peut tout demander de ces premiers chiffres, il faudra attendre de disposer de séries longues.
Nous ne disposons pas encore des données sur l'ISF de 2011 mais un doublement des départs des contribuables cette année-là aurait bien sûr suscité des interprétations que le nouvel indicateur fondé sur l'impôt sur le revenu permettrait de relativiser. Quant à l'interprétation de l'augmentation des départs en 2011, l'anticipation de l'alternance a-t-elle joué ?
En tous cas, quelle que soit leur évolution, ces statistiques nous donneront une meilleure appréhension des effets de la fiscalité. Il restera difficile de cerner les motivations des départs à l'étranger. La qualité du débat politique autour de ces questions devrait donc s'en trouver améliorée, car il sera mené sur des bases plus objectives.
Merci pour cette intéressante communication. Pouvons-nous évaluer le montant total des pertes d'imposition au titre de l'ISF, de l'impôt sur le revenu, de la CSG, des prélèvements sociaux, des impôts locaux ? Les foyers qui partent ont les revenus les plus élevés.
Merci pour ces chiffres précieux. Nous devrions avoir une idée du manque à gagner pour l'État, puisque nous connaissons le nombre de contribuables qui s'exilent et leur revenu moyen. Sur les 35 000 départs de 2011, seuls 2 000 contribuables ont un revenu fiscal de référence supérieur à 100 000 euros. Les 33 000 autres n'ont donc pas des revenus faramineux : 38 000 euros en moyenne, 3 500 euros par mois, cela ne justifie pas un exil fiscal ! Sait-on combien d'exilés ont pour motivation la recherche d'un emploi ? Les jeunes diplômés, en particulier, sont nombreux dans ce cas.
Il s'agit de l'impôt sur le revenu : il y a donc un décalage d'un an, auquel s'ajoute le temps nécessaire pour traiter les données.
Le Luxembourg ne figure pas dans le tableau, si ce n'est dans la rubrique « autres pays ». Celle-ci concernait près de 30 % des départs en 2010, ce qui en faisait la destination principale ! Partir à Londres ou aux États-Unis et partir au Luxembourg ou aux îles Caïman, ce n'est pas la même chose... Ne stigmatisons pas tous ceux qui quittent le pays en les qualifiant d'exilés fiscaux. Nous connaissons tous des jeunes qui partent pour leur carrière, ce qui est une force pour la France ! Ce document ne doit donc pas revêtir une tournure afflictive et infâmante pour eux : partir à l'étranger, c'est courageux.
Pour rebondir sur ce qui vient d'être dit, il est possible que les quelque 7 % de foyers qui partent avec un revenu supérieur à 100 000 euros ne le fassent pas principalement pour des raisons professionnelles. Mais les autres s'en vont pour travailler, pas pour des raisons fiscales. Il faudrait savoir combien de foyers déclarent partir sans raisons liées aux études ou à la vie professionnelle.
Vous avez peut-être eu tort d'ouvrir ce dossier, Monsieur le président... Il est très difficile de connaître les motivations des migrants. Il faudrait collecter auprès des proviseurs des lycées français à l'étranger des données sur le nombre d'élèves en attente : au lycée de Londres, il y en a 2 000, au lycée Charlemagne de Bruxelles, 900. C'est en croisant les données que nous pourrons avoir une idée précise du phénomène. Les considérations fiscales peuvent aussi porter sur les revenus futurs. Il serait intéressant de connaître, pour chaque niveau de revenu, la proportion de ceux qui partent.
Votre travail nous donne la mesure du nombre de personnes concernées. Mais ne parlons pas d'exil fiscal pour des personnes dont le revenu est inférieur à 100 000 euros. Lorsque je faisais un rapport sur les remboursements et dégrèvement d'impôts, les services fiscaux m'avaient indiqué que, dans leur analyse des départs et des retours, la masse la plus important était celle des personnes allant travailler à l'étranger, en moyenne trois ans. Pourrions-nous actualiser ces informations ? Une analyse plus précise des retours serait fort utile.
Les 35 000 émigrants que j'ai évoqués sont, pour les deux tiers, des personnes seules.
Il est temps de s'attaquer à ce problème avec lucidité. En 2011, le nombre de migrants au revenu supérieur à 100 000 euros a bondi. Pourquoi ? Il faut l'analyser, et distinguer entre ce qui relève de la mobilité professionnelle et ce qui est un exil fiscal.
Les exilés sont des émigrés, mais tous les émigrés ne sont pas des exilés...
Vous avez ouvert une brèche, dans un débat qui suscite depuis des années diverses interprétations. J'ai participé à deux commissions d'enquête sur la question, nous avons toujours eu du mal à appréhender la réalité du phénomène. Votre indicateur est bienvenu, donc, tout comme le serait une évaluation du manque à gagner pour l'État. À l'évidence, la rupture de 2011 a pour origine la remise en cause du bouclier fiscal au début de l'année. Il y a eu rupture de la politique fiscale et les conséquences sont apparues immédiatement.
Chacun peut apporter son interprétation. Je ne connais pas le manque à gagner pour le Trésor, mais l'estimation globale des revenus des partants en 2010 est de 1,35 milliard d'euros. Je demanderai des informations supplémentaires sur les pertes de recettes fiscales, ainsi que sur les arrivées et retours. Les indicateurs sont complexes, et mêlent plusieurs réalités, en particulier exil fiscal et émigration professionnelle. Ces chiffres, après tout, sont aussi un indicateur de l'ouverture de notre économie. Il est normal que les pays anglo-saxons exercent une certaine attraction sur nos jeunes diplômés formés dans les écoles de commerce.
Nous ne pouvons pas exclure, toutefois, que ce nouvel indicateur nous renseigne sur le moral des contribuables, et en particulier sur celui des jeunes actifs : nous entendons souvent dire que la France est un pays trop rigide, qui n'est pas suffisamment business friendly, accueillant pour les entreprises. Je le précise, donc : ces mesures ne visent nullement à stigmatiser qui que ce soit. Mais si la tendance se poursuit, elle révèlera un appauvrissement, une fuite des cerveaux, susceptibles de faire perdre à la France une part de sa capacité d'innovation et d'action. Les lycéens ne sont pas comptabilisés dans l'indicateur, bien sûr. Gilles Carrez, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avait l'an dernier formulé des questions sur ce thème, hélas restées sans réponse. Il n'y a qu'à s'adresser aux proviseurs d'établissement !
La moyenne des revenus mensuels des 35 000 personnes qui sont parties en 2011 est de 3 500 euros. Il y a une grande diversité de situations...
Quid du mouvement inverse ? Y a-t-il des personnes qui viennent en France pour y travailler et y payer leurs impôts ?
Nous l'apprendrons lorsque nous recevrons les réponses au questionnaire sur les retours et les installations. L'immigration fiscale serait après tout une bonne immigration, dont personne n'aurait à se plaindre !
Ne faut-il pas rapprocher les éléments que vous nous avez donnés du nombre de Français établis hors de France, qui ont douze représentants au Sénat ? Deux millions de nos compatriotes sont dans ce cas. En particulier, de nombreux jeunes considèrent que la mondialisation, c'est aussi la liberté de travailler ailleurs, allant parfois jusqu'à se fixer définitivement dans un autre pays.
Certes, dans optique libérale, c'est une excellente chose que les gens se déplacent...
La communauté des Français installés à l'étranger est en croissance, il faut s'en réjouir. Certains créent leur entreprise, hélas à l'étranger. En Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, il existe des communautés d'exilés fiscaux, connus des ambassades et des consulats.
A l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à M. Philippe Marini, président.
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Charles Guené, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».
Jusqu'en 2013, la mission « Conseil et contrôle de l'État » se composait de trois programmes : « Conseil d'État et autres juridictions administratives », « Cour des comptes et autres juridictions financières » et « Conseil économique, social et environnemental » (CESE). Elle s'enrichit dans ce projet de loi de finances d'un programme « Haut Conseil des finances publiques » (HCFP). Près de 60 % des 630,5 millions d'euros consacrés à la mission le sont pour la justice administrative, 34 % pour les juridictions financières et 6 % pour le CESE. Le HCFP ne représente que 0,1 % des crédits. En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire.
Les crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » sont de 374,9 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 1,4 %. En 2014, ce programme comptera 35 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, principalement dans le traitement du contentieux de l'asile : afin de rétablir sa performance, les moyens humains de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont été considérablement renforcés depuis 2010. L'objectif est d'y réduire le délai moyen de jugement, un an et trois mois en 2009, à huit mois et quinze jours en 2014. La performance des autres juridictions administratives est globalement satisfaisante. Les difficultés rencontrées il y a encore quelques années dans les tribunaux administratifs (TA) d'Ile-de-France ou du sud de la France ont été surmontées par la création de nouvelles juridictions à Montreuil, Nîmes et Toulon. Quelques situations demeurent problématiques, à Nantes, Poitiers, Basse-Terre en Guadeloupe... De nouvelles chambres seront ouvertes au sein de la cour d'appel de Marseille - où les délais, de dix-sept à dix-huit mois, sont excessifs - et certains dossiers seront transférés vers la cour d'appel de Lyon.
Le CESE disposera en 2014 de 38,45 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 0,6 %. Les dépenses de titre 2, soit 85 % des crédits du programme, sont les mêmes qu'en 2013. Le CESE poursuivra en 2014 l'objectif de réduction de son plafond d'emplois de 3 ETP par an. Les crédits de fonctionnement augmentent de 500 000 euros, soit une hausse de 11,5 %, gagée par une baisse des crédits d'investissement. Le CESE consacre également 200 000 euros au soutien du plan emploi et au redressement des finances publiques. La forte diminution des crédits d'investissement sera compensée par la valorisation du patrimoine immobilier, qui rapporte 1,7 million d'euros de recettes, dont 1,2 million seront consacrés à des travaux de conservation, d'accessibilité et de mise aux normes du Palais d'Iéna. Ce programme d'investissement pluriannuel est décidé en accord avec le ministère du budget : les crédits d'investissement non consommés seront reportés. Une partie des recettes de valorisation - 0,5 million d'euros - est affectée au financement de la Caisse de retraites dont l'équilibre, longtemps menacé, est ainsi assuré jusqu'en 2018 et sans doute jusqu'en 2025, grâce à la salutaire réforme amorcée en 2011.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 216,3 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 0,9 %. Les crédits hors dépenses de personnel diminuent de 2,5 % et les dépenses de titre 2, 87 % du programme, diminuent de 0,7 %, pour financer la création du HCFP. Les crédits, à structure constante et hors dépenses de personnel, sont les mêmes qu'en 2013. L'effort de maîtrise de la masse salariale est réel. En 2014, le regroupement de sept chambres régionales des comptes (CRC), suite à la réforme des juridictions financières, devrait avoir un impact de 0,6 million d'euros. L'essentiel des dépenses afférentes à cette réforme a été supporté en 2012 et 2013 et la Cour des comptes estime finalement son bilan financier à 7,19 millions d'euros, et non plus 12. Près de la moitié de ces coûts devrait être amortie dans quatre ans.
Le HCFP a été institué par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques afin d'éclairer les choix du Gouvernement et du Parlement et de veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques par rapport aux engagements européens de la France. Le programme correspondant a été créé à budget constant, par prélèvement de 0,82 million d'euros sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » ; 0,37 million d'euros financeront les 3 ETP prévus.
Je remercie le Conseil d'État, le Conseil économique, social et environnemental et la Cour des comptes pour la qualité de leurs réponses, et propose à la commission d'adopter sans modification les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.
L'indicateur « assiduité aux réunions » m'intrigue. Il révèle que 79 % des membres du CESE étaient présents en séance plénière en 2013, et 69 % en réunion de section, les taux espérés pour 2014 étant portés à 80 % et 70 %. Ces indicateurs pourraient-ils être appliqués dans d'autres enceintes ?
Nous ferions ainsi 38,4 millions d'euros d'économies. Son plafond d'emplois baisse. Mais c'est un plafond d'emplois théoriques, le nombre d'emplois réels étant inférieur. Supprimer des postes non pourvus, ce ne sont pas des économies.
Je ne suis pas favorable à la suppression du CESE, qui est la seule assemblée réunissant l'ensemble des corps sociaux de notre République. Des négociations qui donnent ensuite lieu à des accords de branche et d'entreprise prennent naissance là, grâce au dialogue entre professionnels, responsables associatifs et syndicaux.
Le CESE stabilise voire réduit ses effectifs, c'est une très bonne chose. Je rappelle qu'il est depuis la dernière réforme constitutionnelle à la disposition du Parlement pour étudier les questions que ce dernier souhaite voir approfondies - et qui sont soumises à tous les corps sociaux siégeant au Conseil. Les recettes augmentent, depuis plusieurs années. Longtemps, son président voulait garder au lieu son usage principal, mais je salue l'ouverture récente du Palais d'Iéna à des manifestations extérieures. Ces recettes sont d'autant plus précieuses que la caisse de retraite est très déficitaire.
Il se dit que le premier président de la Cour des comptes convoite l'Hôtel de la Marine, place de la Concorde. Qu'en est-il ?
L'indicateur que mentionne Joël Bourdin est la conséquence du nouveau système de pénalités infligées aux absents. Il produit ses effets et suscite des espoirs pour l'année à venir. Souhaitez-vous le généraliser et l'appliquer ici ?
Je suis plus proche de la position de Jean-Claude Frécon que de celle de Vincent Delahaye. Le président Delevoye a fait des efforts considérables pour lutter contre l'absentéisme, valoriser le palais et équilibrer le régime de retraite. L'État participe au financement de ce dernier à hauteur de 1,5 million d'euros, soit 1 million d'euros de moins qu'auparavant. Les recettes de l'institution ont augmenté de 2 millions d'euros par an, provenant pour l'essentiel de défilés de haute couture, et Jean-Paul Delevoye travaille désormais à un système de mécénat avec la Fondation du patrimoine. En retour, l'État a programmé la réhabilitation du palais d'Iéna.
Pour prolonger les propos de Jean-Claude Frécon, Jean-Paul Delevoye s'est, en effet, étonné que le Sénat ne fasse pas davantage appel à l'expertise du CESE.
A la Cour des comptes, la question immobilière était à l'ordre du jour l'année dernière. Elle ne l'est plus. On ne parle plus de l'Hôtel de la Marine.
Moi aussi.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».
Avant de vous présenter les points saillants des programmes « Création » et « Transmissions des savoirs et démocratisation de la culture », un mot sur les grands enjeux de la mission « Culture » en 2014 : 2,57 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,58 milliards d'euros en crédits de paiement sont prévus l'année prochaine. En volume, les crédits de la mission diminuent de 1,1 % en autorisations d'engagement et de 2,1 % en crédits de paiement, conformément à la trajectoire prévue par le programme triennal 2013-2015 : on ne peut pas dire que la culture soit favorisée par ce gouvernement.
Une importante partie des économies réalisées, 55 milliards d'euros, découle de l'arrêt ou de l'achèvement de plusieurs grands chantiers - notamment le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille et le bâtiment des archives nationale de Pierrefitte-sur-Seine - ainsi que de la progression des chantiers du musée Picasso et de la Philharmonie de Paris. La diminution des restes à payer se poursuit logiquement.
L'effort financier global de l'État en faveur de la culture et de la communication est de l'ordre de 13 milliards d'euros. Les dépenses fiscales y contribuent pour 393 millions d'euros, contre 406 en 2013. La modernisation de l'action publique (MAP) concerne bien sûr la mission « Culture », mais le budget 2014 ne comporte aucune réforme structurelle. Espérons que l'évaluation prévue de plusieurs politiques culturelles débouchera bientôt sur des rationalisations.
Les nombreux opérateurs seront mis à contribution, la réduction des subventions touchant surtout les grands établissements publics. Outre une réduction forfaitaire de leur dotation, ils feront l'objet un prélèvement exceptionnel tenant compte du niveau de leur fonds de roulement - ce n'est pas une source d'économie durable. La compensation de la gratuité dans les musées pour les 18-25 ans, inscrite dans la subvention pour charges de service public des opérateurs du programme 175 « Patrimoines » depuis la loi de finances pour 2013, diminuera de 65 % pour s'établir à 10,9 millions d'euros. En outre, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) subira une ponction de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement, après un prélèvement de 150 millions d'euros en 2013. En revanche, les taxes affectées à cet opérateur ne sont pas plafonnées.
S'agissant des emplois des opérateurs, le bilan est plus mitigé : si leur plafond d'emplois global est stable par rapport à 2013, les emplois hors plafond progressent très fortement, notamment au titre des emplois d'avenir. Par exemple, dans le programme « Patrimoines », les emplois sous plafond sont réduits de 8 550 à 8 510, mais les emplois hors plafonds passent de 272 à 473. En outre, je regrette que seuls 23 opérateurs sur 81 soient dotés d'un contrat d'objectifs et de performance. De nombreux rapports ont dénoncé cette carence, qui affaiblit la tutelle, notamment sur les plus gros opérateurs tels que le CNC.
Les crédits de paiement du programme 131 « Création » s'élèveront à 746 millions d'euros en 2014, soit une réduction de 4 %, plus forte que l'an passé. Le spectacle vivant absorbe 683 millions d'euros, les arts plastiques dix fois moins (63,3 millions d'euros). Les dépenses d'intervention du spectacle vivant et des arts plastiques sont ainsi consolidées, les dépenses des gros opérateurs de l'État maîtrisées. L'Opéra national de Paris, l'Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette et la Cité de la Musique subiront notamment une baisse pérenne de 2,5 % ainsi qu'une baisse non pérenne de leurs subventions. De surcroît, l'Opéra national de Paris perdra 20 équivalents temps plein (ETP). Le budget 2014 est aussi marqué par une réduction sensible des crédits de paiement pour le chantier de la Philharmonie de Paris. J'espérais ne pas vous parler de ce sujet douloureux...
L'ouverture est désormais prévue pour début 2015. Le public habitué aux salles de concert du centre parisien se déplacera-t-il à la Villette ? Ce chantier mobilisera 26,3 millions d'euros en 2014, contre 50 en 2013. Retards et surcoûts s'accumulent et le coût final est désormais évalué à 396 millions d'euros contre 386 millions l'an passé. La Ville de Paris et la région refusant de payer leur part, l'État devrait prendre à sa charge la totalité des surcoûts. L'affaire est mal engagée.
Les dépenses d'intervention du spectacle vivant s'élèveront à 403 millions d'euros en 2014 et financeront notamment les artistes, les compagnies artistiques et les scènes de musique actuelles. Une dotation de près de 2 millions d'euros sera spécifiquement dédiée au renouvellement des directions des centres chorégraphiques et dramatiques nationaux.
Le budget 2014 consacrera 0,8 million d'euros à l'instauration d'un fonds de soutien aux galeries d'art, et les crédits d'intervention seront en hausse pour la mise à niveau des fonds régionaux d'art contemporain de nouvelle génération. Enfin, 2,8 millions d'euros seront dédiés à l'extension de l'espace de présentation permanente de la donation exceptionnelle faite à l'État, en 2012, par le galeriste Yvon Lambert, qui compte 556 oeuvres.
Les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » seront globalement stables. Cette évolution générale occulte cependant des différences selon les actions : le soutien aux établissements d'enseignement supérieur et d'insertion professionnelle augmente de 7,2 %, dans la ligne des priorités affichées par le Gouvernement, mais les autres dotations diminuent, en particulier le soutien aux établissements d'enseignement spécialisé comme les conservatoires de rayonnement départemental ou régional, pour lesquels la baisse atteint 32 % - je m'en étonne.
Les dépenses de fonctions support hors dépenses de personnel se stabilisent à 82,3 millions d'euros, après un important effort de réduction en 2013. Les dépenses de personnel du ministère sont également stabilisées. Le plafond d'emplois augmentera de 4 équivalents temps plein (ETP), évolution qui s'explique notamment par différents transferts. En revanche, la masse salariale diminuera légèrement. Enfin, la prévision de réduction des effectifs imputés sur la mission est supérieure à l'effort consenti cette année : moins 83 équivalents temps plein (ETP), contre moins 15 en 2013.
Il me revient de vous présenter les crédits du programme 175 « Patrimoines ». En 2014, la dotation sera de 761 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 746 millions en crédits de paiement, ce qui représente une baisse respective de l'ordre de 1,2 % et de 4 %. Les grands équipements étant achevés, l'année 2014 consolidera une politique d'investissements soutenue en faveur des monuments historiques, du réseau des musées de France et des archives départementales sur l'ensemble du territoire.
On observe toutefois des disparités selon les actions : les crédits dédiés au patrimoine monumental, à l'architecture et aux acquisitions se stabilisent ; ceux consacrés au patrimoine des musées de France baissent fortement ; enfin, les moyens alloués au patrimoine archivistique et au patrimoine archéologique augmentent sensiblement.
Le patrimoine monumental (action 1) bénéficiera de 345 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 332 millions d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres tiennent compte de la rebudgétisation de la taxe sur les jeux en ligne, jusqu'alors affectée au Centre des monuments nationaux (CMN). Nous nous félicitons de cette rationalisation, que notre commission appelle de ses voeux depuis longtemps. Hors grands projets, les crédits d'entretien atteignent 48 millions d'euros, les crédits de restauration 240 millions, dont 139 dédiés à des monuments historiques n'appartenant pas à l'État. À cet égard, il me semble qu'il serait plus intelligent de confier aux entreprises du bâtiment les interventions d'entretien et de réparation ordinaires sur les sites classés, et de réserver aux architectes des bâtiments de France les opérations curatives les plus lourdes. Cela serait une source d'économies pour l'Etat.
La réduction des crédits affectés aux patrimoines des musées de France (action 3) s'explique par la fin du chantier du MuCEM. Sur les 340 millions d'euros de cette action, 258 financeront les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme, contre 247 millions d'euros en 2013. La baisse est due notamment à la forte réduction de la compensation de la gratuité dans les musées, précédemment mentionnée par Yann Gaillard.
La dotation allouée au patrimoine archivistique s'élèvera à 27 millions d'euros. Cette hausse de 7,6 % tient aux besoins du nouveau centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, au projet interministériel de plateforme d'archivage électronique et au lancement du chantier de rénovation des archives nationales du monde du travail à Roubaix.
Enfin, les crédits dédiés au patrimoine archéologique, 17 millions d'euros en autorisations d'engagement et 8,7 millions en crédits de paiement, augmenteront fortement, du fait du lancement de deux projets en partenariat avec les collectivités territoriales : le Centre d'art pariétal à Lascaux et le Centre de conservation et d'études d'archéologie du pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle.
Notre commission peut se féliciter d'avoir lancé le débat sur la fiscalité affectée, grâce à ses amendements sur le CNC...
et d'avoir mis la Cour des comptes sur la piste du CMN. L'enquête de la Cour a dressé un bilan mitigé du suivi de ses recommandations : la redéfinition du périmètre de l'opérateur est toujours en suspens, les résultats de la maîtrise d'ouvrage demeurent peu satisfaisants, les progrès dans la gestion ont été partiels et tardifs. La Cour des comptes réitère donc ses principales préconisations. Des efforts supplémentaires doivent être consentis rapidement, par le CMN comme par sa tutelle.
La Cour des comptes a en outre publié en août 2013 un référé très critique sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), appelant à des réformes structurelles majeures afin de garantir la pérennité du modèle d'archéologie préventive à la française. La situation de l'Inrap devra donc être suivie attentivement dans les prochains mois.
En conclusion, Yann Gaillard et moi-même vous recommandons l'adoption des crédits de cette mission.
Je salue la qualité du travail de nos deux rapporteurs. Les dépenses fiscales rattachées à la mission « Culture » sont toujours aussi nombreuses : 27 dispositifs, pour un total de 393 millions d'euros... La Cour des comptes comme l'Inspection générale des finances nous ont pourtant donné à penser qu'il faudrait passer tout cela au peigne fin. Quel est votre sentiment ? Le ministre a-t-il commencé à y regarder de plus près ?
Les taxes affectées représentent 700 millions d'euros. On se félicite de la rebudgétisation de la taxe sur les jeux en ligne, et on pourrait utilement étudier l'extension de ce type d'action à une plus grande échelle.
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche contribue aux crédits de cette mission, au moyen du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », à hauteur de 515 millions d'euros. Quelle est la destination de ces crédits ? Financent-ils les musées ou profitent-ils vraiment aux étudiants ?
L'action du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche consiste à valoriser le patrimoine scientifique, technique et naturel et à accompagner les projets des établissements. Une partie de ce montant sert à compenser la gratuité d'accès aux espaces d'exposition permanente des jeunes de moins de 26 ans, par exemple au musée du Quai Branly. Par ailleurs, ces crédits couvrent les subventions pour charges de service public en faveur des établissements d'enseignement supérieur.
S'agissant des dépenses fiscales, nous avons posé, dans notre questionnaire budgétaire, une question sur les perspectives de réduction dans le cadre du budget 2014. Le ministère ne semble pas avoir l'intention de supprimer de dispositifs pour le moment. Notre commission se doit de revenir à la charge. C'est bien notre insistance à dénoncer l'inutilité du trésor de guerre du CNC qui est à l'origine de la ponction en 2013 puis en 2014.
Oui, nous avions poussé le ministère dans ses retranchements. Nous pourrions poursuivre la démarche, avec une analyse détaillée des 27 dispositifs.
Nous avons récupéré sur le CNC 150 millions d'euros l'année dernière, 90 cette année. Monsieur le rapporteur général, nous prenons acte de votre préconisation d'approfondir l'évaluation des dispositifs de dépense fiscale.
Je félicite nos deux rapporteurs pour leur travail. La politique du ministère de la culture me laisse perplexe. Comme l'a expliqué l'an dernier Yann Gaillard dans son rapport d'information sur la Philharmonie de Paris, le coût du projet a dérivé, pour un total qui approche aujourd'hui les 400 millions. On invoque des demandes des architectes, mais ces exigences n'ont été négociées ni avec la Ville de Paris, ni avec la région Ile-de-France !
La région n'est pas compétente en matière culturelle et s'est pourtant engagée dans le projet initial, dont le coût était estimé à 204 millions d'euros : pourquoi financerait-elle les dépassements ? Fin 2012, on nous demandait de mordre sur le budget 2013, de même cette année sur le budget 2014, et maintenant on nous sollicite pour rénover certains bâtiments, châteaux, églises... Ce n'est pas notre mission et nous n'avons pas d'argent. L'Etat préfère les opérations nouvelles, et pour l'entretien du patrimoine, il se défausse sur nous. S'il se faisait moins pressant, nous pourrions discuter, mais en toute hypothèse, nous ne pouvons pas tout faire : avec quel argent ?
Notre commission a fait un gros travail sur la Philharmonie l'an dernier, nos conclusions avaient d'ailleurs fait scandale. Nous ne pouvons pas revenir chaque année sur ce sujet, d'autant que le mal est fait.
Je félicite à mon tour nos deux rapporteurs. Lassé par l'inefficacité et les retards accumulés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives, j'ai constitué ma propre équipe d'archéologie préventive dans le département. Ses interventions donnent toute satisfaction. La direction régionale des affaires culturelles (Drac), avec qui nous avons monté le projet, s'était engagée à apporter conseils et financement. Je ne vois toujours rien venir.
Je pourrais vous raconter des épisodes similaires datant de la période antérieure. Messieurs les rapporteurs, usez de votre influence auprès du ministère de la culture pour résoudre ce problème ! En 2006, le ministère de la culture a proposé de donner à certains départements la gestion des crédits relatifs au patrimoine. Après deux ans de négociations, elle nous a été confiée. Les crédits ont légèrement augmenté et ils ont été abondés par le département et la région. Il ne s'agissait pas seulement du patrimoine de l'Etat, mais de tous les bâtiments, publics ou privés. Trois ou quatre ans plus tard, les inspecteurs du ministère ont trouvé ce système formidable et ont préconisé sa généralisation dans toute la France. Mais l'administration centrale n'aime pas la décentralisation... Les crédits ont donc été repris par l'État, et je demande en vain depuis des mois un rendez-vous à la ministre. Nous sommes réactifs, efficaces, seulement les architectes de bâtiments de France voient cette évolution d'un mauvais oeil. Cette situation me désole !
L'année dernière, tout le monde reconnaissait que le CNC disposait d'un fonds de roulement excessif. Le prélèvement proposé par le Gouvernement était de 150 millions d'euros. Pour ma part, j'avais déposé un amendement le fixant à 400 millions d'euros, qui avait été rejeté. Vient un moment où il faut se mettre d'accord. Et à dire vrai, nous pouvons prélever davantage : sur 800 millions d'euros de fonds de roulement, je persiste à penser que nous pourrions en récupérer 400.
Selon l'architecte Dominique Perrault, l'entretien de la Bibliothèque nationale de France coûterait 200 à 300 millions d'euros par an, ce qu'il juge très normal. Si c'est le coût exact, il faudrait s'en souvenir au moment du choix de futurs projets architecturaux !
Le rapport indique qu'un avenant au contrat de performance 2011-2013 de l'Inrap devrait être signé. Or nous versons la redevance d'archéologie préventive mais les architectes de l'Inrap - qui ne compte pas moins de 2 095 équivalents temps plein (ETP) - ne sont jamais sur le terrain... C'est le contrat de performance entier qu'il faudrait renégocier.
Je salue à mon tour la qualité du travail de nos deux rapporteurs.
Contrairement à certains ici, je vois dans ce budget une véritable diminution. Le ministère de la culture n'est peut-être pas une variable d'ajustement, mais nous n'en sommes pas loin ! Tout le monde doit faire un effort. L'Opéra de Paris est une référence internationale, il remplit une mission de service public. En 2014, ses subventions n'en diminuent pas moins, en investissement comme en fonctionnement. Cela ne sera pas sans conséquences sur sa programmation artistique. Certes, il est dépourvu de contrat de performance et a récemment changé de directeur. Mais son plan pluriannuel de financement a déjà été revu en juillet dernier, et se verra cantonné à des mises aux normes du bâtiment. L'État doit arrêter de lancer de nouvelles opérations, faute de quoi son patrimoine existant sera condamné à vivre d'expédients.
Quoi qu'il en soit, je suis étonnée de voir à quel point le budget de la culture est sacrifié cette année !
L'Inrap agace tout le monde. Albéric de Montgolfier vous le confirmera, chez nous, il a fallu débourser 6 millions d'euros pour dégager les restes de quelques fermes gallo-romaines, alors qu'il y en a partout et qu'on les connaît déjà très bien. En période de crise économique, cela fait beaucoup. Le préfet et la Drac se moquent de nous nous ! Ils savent que nous avons raison mais trouvent toujours intéressant de fouiller. Nos lois ne tiennent pas suffisamment compte de la situation économique et environnementale.
Nous avons des services d'archéologie. Mais nous dépendons des services de l'État, dont les recettes proviennent à 60 % des fouilles. Quand ils ont besoin d'argent, ils viennent fouiller chez nous. Rendez-vous compte : sur un terrain de 8 hectares, 3 millions d'euros de fouilles, pour une malheureuse ferme gallo-romaine ! En période de récession, cela n'est plus supportable. Certaines entreprises sont parties à cause de cela. Ce n'est pas ainsi que les Drac se feront aimer des élus locaux.
Si le budget de la culture diminue, c'est parce que le Gouvernement a demandé des efforts à tous les ministères. Il y a certes des choses à revoir, mais il faut bien trouver des économies quelque part.
Je suis novice en matière de politique culturelle parisienne : qu'est-ce que l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris ? Si une collectivité se rendait responsable de dépassements de budget de cette nature, il y a belle lurette qu'elle en aurait répondu.
Tout figure dans le rapport de Yann Gaillard de l'année dernière. En 2012, nous faisions remarquer que manquait surtout à la Philharmonie de Paris une véritable maîtrise d'ouvrage apte à définir ses objectifs et à prendre ses responsabilités.
Les crédits des établissements d'enseignement spécialisé pour la musique et la danse, à savoir les conservatoires à rayonnement régional ou départemental, diminuent : 320 000 élèves sont concernés. En 2004 une clarification des compétences de chaque niveau de collectivité avait été demandée, elle n'a pas été faite. La baisse des crédits a atteint 25 % en 2013 et sera de 30 % en 2014. J'en redoute les conséquences... D'autant que les communes recherchent des animateurs dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.
Je partage les interrogations de Jean Germain. Ces baisses auront des conséquences sur l'évolution des activités de création dans lesquelles les collectivités territoriales sont impliquées. L'intervention de l'Etat recule ; nous savons vers qui se tournent alors ces structures. Les conséquences sur le terrain ne seront pas négligeables.
Pour ce qui est du CNC, je ne partage pas les vues de Vincent Delahaye. Mieux vaudrait des actions bien ciblées qu'une suppression des moyens. Nous avons été nombreux à remettre à niveau nos salles de cinéma, nous n'avons pas toujours été accompagnés. Enfin, nous devons veiller à la traçabilité de toute taxe affectée, qui doit conserver son objet, et non devenir un nouvel impôt alimentant le budget général.
Sur la question des fouilles préventives, le choix doit se faire en amont : nous avons décidé, nous, législateurs, que l'on fouillerait systématiquement. Si nous voulons infléchir cette orientation, à nous de le faire, l'Inrap n'est pas en cause.
Ma question porte sur l'établissement public de coopération culturelle de Tautavel, le Centre européen de la préhistoire, qui associe un musée de la préhistoire à un centre de recherche sur la préhistoire. Ce type d'association est fréquent entre le ministère de la culture et le ministère de la recherche. Or la culture souhaite se désengager des activités de recherche et les confier à l'Université de Perpignan. C'est là une hérésie : la collection est riche, mais elle perdra toute sa valeur si on en éloigne les chercheurs. C'est un problème budgétaire, il faut trouver une autre solution. D'autres établissements de même type pourraient connaître le même sort.
Je partage le point de vue de notre collègue Karoutchi, l'affaire de la Philharmonie est un vrai scandale.
La région n'a toutefois payé que 3,3 millions d'euros sur les 20 millions d'euros qu'elle s'était engagée à apporter, auxquels s'ajoutent les 25 millions que doit la Ville de Paris au titre des surcoûts identifiés en 2012. Enfin, si l'on prend en compte les 10 millions d'euros de surcoût identifiés cette année, c'est un minimum de 52 millions d'euros de dépassements qui seraient à la charge de l'État.
J'indique à Marie-Hélène des Esgaulx que, oui, la subvention de l'Opéra de Paris diminue mais, Michèle André l'a bien rappelé, en temps de disette il faut choisir des victimes. Même chose pour les conservatoires : nous sommes condamnés à supprimer certains crédits. Je comprends vos préoccupations, mais alors il faut prendre l'argent autre part. Quant aux interrogations de Marie-France Beaufils, je rappelle que la ponction sur le CNC porte, non sur ses ressources, mais sur un trésor de guerre stérile et inutile. Enfin, le devenir du Centre de recherche de Perpignan est en effet une question préoccupante.
M. Philippe Marini, président - Elle méritera d'être approfondie.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture ».
La commission entend enfin une communication de M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial, sur les investissements dans la police et la gendarmerie.
L'action de la police et de la gendarmerie se situe au coeur du pacte républicain. Toutes deux remplissent une mission régalienne aussi difficile qu'indispensable. Pour garantir leur efficacité, l'Etat a l'obligation de leur garantir les moyens de leur tâche, notamment via l'investissement.
La police et la gendarmerie ont-elles les moyens d'agir sur le terrain et d'accueillir convenablement les victimes ? Ont-elles accompli un saut technologique ? Tous les secteurs et les activités ont-ils profité équitablement des efforts ? La stratégie d'achat respecte-t-elle les impératifs de protection de l'environnement ?
Depuis 2007, l'investissement est à la baisse, il a fait les frais des arbitrages. La Cour des comptes a montré que les baisses d'effectifs ont été plus que compensées par les mesures catégorielles, le protocole « corps et carrières » pour la police et le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (Pagre) pour la gendarmerie. Dans ces conditions, la dynamique des dépenses de rémunération inscrites sur le titre 2 explique pour une bonne part les tensions pesant sur le titre 5 relatif aux dépenses d'investissement. La sanctuarisation des crédits de fonctionnement a aussi fortement joué. Dans le projet de loi de finances pour 2014, une enveloppe de 192,8 millions d'euros est prévue pour les investissements dans la police, soit une hausse de 23,2 % pour l'an prochain. Et 117,7 millions d'euros sont budgétés pour la police.
Comment sont utilisés ces crédits ? La modernisation de la police et de la gendarmerie s'est faite à un rythme soutenu : protection des agents, armements, innovations technologiques. La vidéosurveillance a absorbé à elle seule 133,6 millions d'euros depuis 2007. Aucune étude scientifique indépendante n'a pourtant démontré son efficacité. Les écologistes demandent un moratoire sur ces investissements. La montée en puissance de la police technique et scientifique (la PTS) est également un fait marquant de la période. De plus en plus, la culture de la preuve se substitue à celle de l'aveu.
La veille technologique est source d'efficacité. Attention cependant à maintenir, voire à renforcer notre vigilance afin que la protection des libertés publiques et de la vie privée ne soient pas remises en cause. Je songe par exemple aux fichiers génétiques. Un encadrement démocratique est indispensable.
Une part significative de l'investissement concerne les actifs immatériels. La formation valorise le capital humain. Son format a été redimensionné avec la fermeture de plusieurs écoles de police et de gendarmerie, avec pour contrepartie un effort sur le parc immobilier et les moyens informatiques des autres écoles. Reste à s'interroger sur la stratégie d'enseignement... La prévention fait également partie des actifs immatériels. Des initiatives ont été couronnées de succès ; il est hélas difficile de chiffrer les crédits correspondants, ce qui serait fort utile pour la suite.
L'émergence de nouvelles formes de criminalité, notamment sur Internet et à l'encontre de l'environnement, appelle des réponses adaptées. Il y faut des moyens financiers et humains.
Le principal point noir de l'investissement, sensible au niveau des départements, concerne le parc immobilier. L'immobilier a trop servi de variable d'ajustement ces dernières années. L'image de la police, de la gendarmerie et de la justice en est dégradée, les conditions d'accueil et de garde à vue ne sont pas satisfaisantes, le moral des troupes s'en ressent. J'ai visité des casernes qui sont dans un état pitoyable. Le besoin de financement, pour les seules casernes de la gendarmerie, est estimé à 300 millions d'euros. J'ai également visité le commissariat de la Rochelle, resté dans le même état que dans le film Le Train, tourné dans les années soixante-dix !
Le retard dans le renouvellement des véhicules des deux forces est patent. Une enveloppe de 183,3 millions d'euros serait nécessaire en 2014 ; le besoin d'investissement, les années suivantes, sera encore supérieur à 100 millions d'euros. La rationalisation des moyens aériens, entre la gendarmerie, la sécurité civile et la police a atteint un stade satisfaisant, mais le renouvellement de la composante aérienne dans la gendarmerie exige encore des arbitrages. Je signale que si les dernières tranches de renouvellement des Écureuils ne sont pas confirmées d'ici 2014, l'État devra s'acquitter d'un dédit de 5,5 millions d'euros.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur a accéléré la mutualisation des achats, favorisant économies et redéploiements de personnel. Toutefois, la dépense d'investissement dans la sécurité intérieure ne joue pas encore pleinement le rôle de levier de développement : le critère environnemental et social doit être mis en oeuvre avec plus de volontarisme, la production locale valorisée et l'achat écoresponsable privilégié. Réduisons le nombre de véhicules diesel. Et penchons-nous dès à présent sur l'obsolescence programmée du parc roulant.
Les difficultés rencontrées par la police et la gendarmerie sont bien réelles. La situation, je ne vous le cache pas, est assez inquiétante. Malgré les efforts de modernisation, les retards sont nombreux, touchant aussi bien l'état des bâtiments que les conditions de travail, d'accueil ou de garde à vue. Les éléments que je vous livre sont le fruit de nombreuses auditions, avec les syndicats, la préfecture de police, la Cour des comptes, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, l'Union de groupements d'achats public (UGAP)...
Il n'y aura en 2014 aucune acquisition de véhicule dans les départements de taille moyenne comme le mien. De plus, le budget en carburant diminuera de 15 %. Pourquoi recruter si l'on ne peut pas faire circuler les équipes ? Je signalerai cet exemple : sur une brigade de six motos, une seule fonctionne, et l'on doit « cannibaliser » les cinq restantes pour en construire une seconde opérationnelle.
Jean-Vincent Placé voudrait faire rouler les généraux en vélib'. Ma question porte cependant sur un autre point, la stratégie du ministère, qui souhaite fermer des antennes de police pour réduire les coûts, inventant une notion nouvelle, les « commissariats de regroupement ». En réalité, n'est-ce pas un moyen de fermer des commissariats en zone urbaine ? Allez-vous demander une augmentation du budget du ministère de l'intérieur sur ce point ? La situation est préoccupante, les postes de police sont dans un état accablant.
Où en sommes-nous de la chasse aux doublons ? Comment se passe la redéfinition des zones de police et de gendarmerie ? Y a-t-il encore des chevauchements ? L'unification, ou la compatibilité absolue des systèmes de télécommunication, progressent-elles ?
Quel rôle doivent jouer la police et la gendarmerie en cas de manifestations de rue ? Je suis curieux d'entendre sur ce point notre collègue qui appelait ce matin les lycéens à descendre dans la rue. A-t-on un chiffrage du coût ?
A-t-on des données, également, sur le temps moyen de travail : 28 heures de vacation hebdomadaire en moyenne, est-ce une réalité ? Quel est le temps passé sur le terrain dans la police, dans la gendarmerie, et qu'en est-il chez nos voisins européens ?
Pourrions-nous revenir aux investissements, l'objet du rapport ?
Quels sont les moyens mis en oeuvre pour améliorer la qualité de l'accueil des victimes et le respect des personnes gardées à vue ? La façon dont on les traite n'est pas sans incidences sur leur comportement quand ils sortent.
Quel est le nombre d'assistantes sociales à disposition de la gendarmerie ? Combien de véhicules sont saisis par les gendarmes, notamment dans les démantèlements des réseaux de la drogue ? Enfin, alors que les cambriolages se multiplient en zone rurale, l'interdiction de signaler l'origine des personnes est-elle pertinente ? Quand on connaît mieux son ennemi, on le surveille mieux.
Je rappelle, après Mme Beaufils, que la communication de M. Placé concerne les investissements...
Les besoins nationaux pour les investissements dans les véhicules sont de 180 millions d'euros. En 2014, 40 millions d'euros y seront consacrés pour la gendarmerie et 50 millions d'euros pour la police. Vos inquiétudes sont fondées, d'autant que les zones rurales ne seront sans doute pas prioritaires.
Le regroupement des commissariats, comme des ambassades ou des sous-préfectures, peut faire débat. En Ile-de-France, on s'oriente vers de gros commissariats et de petites antennes.
Les zones de police et de gendarmerie sont régulièrement revues en fonction des évolutions démographiques. Frédéric Péchenard, l'ancien directeur général de la police nationale, voulait étendre les zones de police à tous les départements, réservant la gendarmerie aux seules zones très rurales. La répartition est très difficile à changer. Dans l'Essonne, si l'on annonce la fermeture d'un commissariat au profit d'une gendarmerie, on sait ce que cela signifie... L'interopérabilité des systèmes de communication progresse dans toutes les zones, et la géolocalisation centralisée, efficace pour assurer le suivi d'une opération d'une zone à l'autre, se développe - elle est déjà opérationnelle dans les gros départements.
L'intervention de M. Arthuis a peu à voir avec le sujet d'aujourd'hui.
Nous songeons, pour les manifestations festives sur la voie publique, par exemple lors d'une victoire du PSG, à un système de convention avec les organisateurs de l'événement, pour obtenir un retour financier. Cela existe, modestement, avec le Tour de France. Il n'en va pas de même, bien sûr, des manifestations syndicales ou politiques.
Le temps de travail est très difficile à évaluer. La Cour des comptes a signalé le très grand nombre d'heures supplémentaires par rapport au temps de base. Nous poserons la question au ministre. C'est un sujet sensible, y compris au niveau syndical.
La qualité de l'accueil est le point noir du dispositif. Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, alerte sur la situation, qui reste difficile. Les choses ne sont pas plus réjouissantes s'agissant de l'état du parc immobilier ou du parc des véhicules.
J'ai vu le travail qu'accomplit, à Evry, une assistante sociale dans un commissariat - accueil des victimes, orientation vers les services sociaux si nécessaire, etc. Cela modifie la relation entre le plaignant et la police. Enfin, pour ce qui est des véhicules saisis, des mesures ont été prises pour accélérer le processus de réutilisation.
A l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.