Madame la ministre, l’examen de cet article 1er donne un aperçu inquiétant de la nature de votre projet de loi.
Si l’on étudie attentivement les dispositions qui ont été soumises à notre examen – je pense par exemple à l’interdiction d’introduire dans le bail des clauses relatives aux pénalités contractuelles, à la rémunération des intermédiaires ou encore au délai de prescription qui est porté à trois ans pour l’ensemble des actions en paiement dérivant d’un contrat de bail –, on se rend compte que ce texte ne fait que déséquilibrer la relation entre bailleurs et locataires.
Pour les pénalités contractuelles, le projet de loi ne tendait à l’origine qu’à prévoir des pénalités pour retard de paiement pouvant s’élever jusqu’à 30 %, un taux fortement dissuasif pour les mauvais payeurs.
Ce taux a par la suite été supprimé au profit de pénalités qui ne pourront pas dépasser 5 %, un taux qui n’est, pour le coup, absolument pas dissuasif. Par cette mesure, vous participez, encore une fois, à la légitimation des impayés, qui ne relèvent d’ailleurs pas tous des accidents de la vie.
Pour la rémunération des intermédiaires, vous partez du postulat que le locataire ne profite nullement du travail des intermédiaires qui assurent pourtant la relation entre l’offreur et le demandeur. Ainsi, les bailleurs hésiteront demain à s’adresser à des professionnels, compte tenu du coût de leur intervention qu’ils seront seuls à supporter. Cette mesure, en plus de nous sembler déséquilibrée, va, comme beaucoup d’autres, scléroser le marché, non parce que les opérations ne se feront plus, mais parce que les propriétaires essayeront de contourner ces intermédiaires ou de retarder leur intervention.
Enfin, le délai de prescription est porté à trois ans. Le locataire pourra donc réclamer un trop-perçu de loyer ou de charges pendant trois ans, alors que le propriétaire qui a omis de faire application de la clause contractuelle de révision des loyers n’a qu’un an pour remédier à son oubli. Là encore, rien ne nous semble justifier une telle différence de traitement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet article 1er est d’ores et déjà une preuve du déséquilibre de ce projet de loi, déséquilibre d’autant plus étrange que vous semblez, madame la ministre, être consciente de la situation des propriétaires. Vous l’avez vous-même dit au cours de la discussion générale, tous les propriétaires ne sont pas des rentiers assoiffés par l’appât du gain. La plupart d’entre eux sont comme leurs locataires : ils ne connaissent pas forcément l’ensemble de leurs droits.
Certes, il y a peut-être des propriétaires peu soucieux de vos considérations éthiques, mais nul doute qu’il existe chez certains locataires les mêmes dérives procédurières.
Encore une fois, madame la ministre, la propriété, si elle est une sécurité dans la vie, engage également des responsabilités pour les propriétaires.
Aussi, même si votre article 1er n’est pas entièrement à abandonner – je pense à l’état des lieux type, qui d’ailleurs n’est pas équilibré, puisqu’il existe une possibilité pour le locataire de compléter l’état des lieux pendant une semaine, ce qui risque d’entraîner de nombreux contentieux entre locataires et propriétaires –, vos mesures sont pour l’essentiel assises sur des préjugés à l’encontre des propriétaires.
Pardonnez-nous ces répétitions, mais le meilleur moyen de mettre le locataire en situation de force par rapport au propriétaire, c’est de construire des logements et, par la même occasion, de fluidifier le marché de l’immobilier. Or vous faites exactement le contraire !
Pour cette raison, le groupe UMP votera logiquement, mais sans plaisir, contre l’article 1er.