Dans les zones détendues, le marché joue son rôle, et les montants des loyers sont très mesurés.
Je l’ai déjà expliqué en faisant une comparaison culinaire qui n’était peut-être pas très parlante, lorsque le marché se détend, l’encadrement des loyers n’est plus nécessaire. Il ne fixe alors qu’une borne supérieure en deçà de laquelle les loyers, qui n’ont plus besoin d’être contenus, sont naturellement situés.
Il ne s’agit donc pas de fixer un montant de loyer. Votre exemple de la valeur locative des biens prise comme base de calcul de la taxe foncière ou de la taxe d’habitation est donc totalement déplacé, puisqu’il s’agit d’un moment fixe, sans aucune évolution ; c’est d’ailleurs tout le drame de la fixation des bases.
Monsieur Mézard, le système que nous avons choisi est très réactif et localisé. Dans le cadre de l’article 16 de la loi de 1989, auquel se substituera l’article 3 du présent projet de loi, nous maintenons la possibilité de créer des observatoires des loyers, sur l’initiative soit des seules collectivités locales, soit des collectivités locales et de l’État conjointement, soit seulement de l’État si les collectivités locales ne disposent pas des moyens suffisants.
J’en viens à la question du financement. Une ligne budgétaire spéciale a été créée ; elle s’appuie sur la réalité. Un certain nombre de collectivités locales qui ont mis en place cet observatoire l’utilisent dans le cadre de leur politique de logement et pour les aider dans leurs choix en matière d’aménagement, de transports ou d’équipements publics.
Ces observatoires ont donc une vocation bien plus large que la simple fixation du loyer médian de référence. Il en existe un exemple qui fonctionne d’ores et déjà, avec une très grande finesse de maille : l’OLAP. Ce modèle éprouvé a d’ailleurs été utilisé comme référence pour le développement des observatoires.
Nous avons fait le choix, qui me semble adapté à la période actuelle, de faire confiance à l’initiative locale, en prévoyant un appui financier de l’État corrélé aux capacités contributives des collectivités concernées.
Un comité scientifique permettra que les données soient parfaitement comparables et garantira que la méthodologie employée est rigoureuse et identique du nord au sud du territoire français.
Quelle est la situation aujourd’hui ? Je souhaite répondre aux inquiétudes qui s’expriment quant à l’augmentation des loyers, notamment les plus faibles d’entre eux. Aujourd’hui, un propriétaire qui considère le montant du loyer perçu comme inférieur au marché peut l’augmenter dans des proportions très importantes par une action en réévaluation. Un grand flou juridique entoure d’ailleurs une telle possibilité. Nous entendons faciliter l’application du dispositif et éviter les augmentations, même lorsqu’elles sont comprises dans les bornes du loyer médian majoré. Le recours au loyer médian est d’une grande utilité : contrairement au loyer moyen, il n’intègre pas les loyers dont le montant a le plus augmenté à l’occasion des relocations. Puisqu’il se base sur le stock, il contient structurellement le prix du loyer au mètre carré vers le bas.
L’évolution des loyers restera encadrée par l’indice de référence des loyers, qui sera maintenu, grâce au décret que vous avez évoqué, monsieur Courteau. Je salue d’ailleurs votre présentation très politique du choix d’encadrer les loyers, qui constitue l’un des engagements forts du candidat François Hollande. La question est tellement sensible, et je le dis sans malice, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, que cette solution avait recueilli l’avis favorable de Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle.
Il faut être réaliste, la situation n’est plus tenable, les difficultés d’accès au logement s’accentuent et les niveaux de loyer constatés dans les zones tendues sont incompatibles avec les revenus d’une partie de la population pour permettre à celle-ci de se loger dans de bonnes conditions. En outre, cela freine et fragilise la mobilité professionnelle et pèse de manière évidente sur la compétitivité de la France, en stérilisant une grosse partie de l’investissement qui ne peut pas se reporter sur l’investissement productif ; tous les travaux l’ont démontré.
Il faut donc agir sur la fièvre et encadrer les loyers par la régulation. C’est non seulement utile, mais, de surcroît, nécessaire. Je le dis au nom du Gouvernement : nous assumons cette orientation.
Ne pas laisser le marché faire n’importe quoi, surtout quand il n’arrive pas à répondre au besoin vital d’avoir un logement, est une nécessité politique. Ce choix n’exclut évidemment pas l’engagement très fort en faveur de la construction ; ce serait une erreur d’opposer les deux.
Les plus récentes études montrent que, sur les vingt dernières années, l’investissement immobilier a été le plus rentable en France, avec un rendement atteignant 28 %, dépassant même l’investissement en actions. Quand l’immobilier atteint historiquement un tel taux de rentabilité, c’est le signe que le marché dysfonctionne. §
Oui, l’investissement dans l’immobilier doit conserver une rentabilité. Nous avons besoin des investisseurs privés et nous avons d’ailleurs travaillé sur cette question avec les investisseurs institutionnels. Nous avons également maintenu le dispositif d’incitation fiscale que vous avez rappelé, monsieur Dubois, même si nous l’avons modifié pour en corriger les effets pervers, que Mme Lienemann a très bien décrits pendant la discussion générale. Il doit redevenir un investissement sûr, durable, solide, mais surtout modéré, puisqu’il concerne l’immobilier résidentiel, c'est-à-dire le logement, bien de première nécessité.
Ce dispositif a été très travaillé. Il sera souple, de contention et fera baisser entre 25 % et 30 % des loyers, qui ont trop fortement augmenté ces dernières années. Il est protecteur à la fois des locataires et du pouvoir d’achat, puisque certains salariés consacrent aujourd’hui entre 40 % et 50 % de leurs revenus au logement.
Certains ont évoqué le blocage des loyers et la loi de 1948. Permettez-moi un bref rappel historique. Contrairement à ce que l’on croit, la loi de 1948 a été une loi de déblocage des loyers, qui étaient bloqués depuis 1914. Elle a permis de débloquer les loyers sous réserve de l’accord du locataire ou à l’occasion du changement de locataire. À l’époque, elle a été considérée comme dangereuse, parce que le blocage alors en vigueur plafonnait à 10 % de ses revenus du locataire. Les proportions actuelles ne sont tout simplement plus tenables. Par conséquent, réinstaurer la régulation des loyers est une nécessité politique pour des centaines de milliers de nos concitoyens.
On peut idéologiquement ne pas partager cette position ; je peux l’entendre. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes jour après jour confrontés à la situation de centaines de familles qui s’entassent dans un logement trop petit et qui, alors même que les deux parents sont salariés, n’arrivent pas à changer de logement, vous ne pas pouvez nier que l’application de cet article du projet de loi apportera un immense soulagement à celles et ceux qui font confiance aux responsables politiques et qui attendent que cet engagement très fort du Gouvernement soit tenu.
Cette attente va bien au-delà de cette Haute Assemblée et des responsables politiques qui s’expriment sur le sujet. Elle concerne une grande partie de nos compatriotes. L’enjeu, c’est de leur permettre de vivre dignement. §