Cet amendement vise à contester le principe d’un « complément de loyer exceptionnel », qui nous semble de nature à tirer vers le haut les prix du logement.
Il porte sur les compléments de loyer que les bailleurs seraient habilités à exiger de leur locataire à raison de conditions particulières de logement, de confort ou d’exposition.
Cette proposition pose évidemment un certain nombre de questions essentielles sur la manière de former le prix du logement, et donc le loyer.
Demandons-nous par exemple, avec ce paragraphe dont nous proposons la suppression, si l’on ne va pas faire payer, assez arbitrairement, la vue sur la tour Eiffel ou le port de Marseille à tout locataire qui jouirait du spectacle quotidien de l’art industriel de la fin du XIXe siècle en ouvrant sa fenêtre de cuisine, sans que cela lui permette, par exemple, de disposer d’un ascenseur…
Il me souvient avoir déjà vu, dans certaines cités d’habitat social du nord de Paris, de grands appartements familiaux à tarif social et double exposition nord-sud, permettant tout à la fois d’observer jusqu’aux buttes témoin des massifs forestiers d’Île-de-France et de l’Oise proche et d’admirer les lumières de Paris de l’autre côté. Un tel spectacle justifierait probablement les compléments de loyer ici évoqués.
Passons sur le faux marbre ou les boiseries à l’ancienne pour revenir à l’essentiel.
Si l’on commence à tenir compte d’éléments de confort divers et variés, même limités dans un décret, pour faire payer un loyer plus élevé au locataire en place, on va probablement réduire à néant les efforts accomplis dans le texte pour maîtriser les loyers, puisqu’il est à craindre que l’imagination des bailleurs soit sans limite.
Vous nous direz évidemment que le décret fixera des règles limitatives d’application du complément de loyer et qu’il sera ensuite loisible au locataire d’ester en justice pour obtenir réparation.
Mais devons-nous encombrer les tribunaux d’instance de contentieux locatifs qui porteraient sur le fait de savoir s’il est normal de faire payer plus cher un appartement exposé plein sud, avec vue sur la campagne environnante, la mer, le jardin des Plantes, le parc de la Tête d’Or ou le Borély ?
Nous l’avons bien vu, le remarquable b de l’article 17 de la loi de 1989, réécrit par le présent projet de loi, décrit avant tout une procédure.
S’il convient de prendre en compte les « éléments de confort » d’un bien mis en location, appliquons au secteur privé les règles de calcul de la surface corrigée dans le patrimoine locatif social et corrigeons d’autant le niveau des loyers !
Nous ne pouvons donc que vous inviter, mes chers collègues, à libérer les tribunaux d’un monceau de procédures en perspective en adoptant notre amendement.