Le présent article est symbolique de ce projet de loi. Il permet la création d’une garantie universelle des loyers, la GUL. Le terme est encourageant, voire prometteur, puisque les sénateurs de mon groupe réclament depuis longtemps la création d’une « sécurité sociale du logement ».
Cependant, derrière le concept, la réalité de son fonctionnement nous pose plusieurs questions. Tout d'abord, la GUL ne s’appliquerait qu’à l’horizon 2016, c'est-à-dire dans trois ans. Ce délai nous semble long. Madame la ministre, vous avez été capable d’agir par voie d’ordonnance lorsque vous estimiez qu’il y avait urgence. Or il y a aujourd’hui urgence à sécuriser les relations entre les locataires et les bailleurs et à prévenir les impayés afin d’éviter les expulsions, qui sont trop nombreuses dans notre pays.
Ensuite, lorsqu’on fait le point sur les bénéfices de la GUL pour les différentes parties, force est de constater que cette garantie est déséquilibrée. Elle est censée poursuivre deux objectifs : il s’agit d'une part de favoriser l’accès au logement des locataires en supprimant la nécessité de fournir aux propriétaires la caution d’un ou plusieurs proches, et d'autre part d’améliorer la protection des propriétaires face aux impayés et aux locataires indélicats.
Concrètement, lorsque le locataire ne sera pas en mesure de payer son loyer, un organisme prendra le relais pour assurer le paiement du loyer au propriétaire. L’organisme, voire le Trésor public, pourra ensuite se retourner contre le locataire mauvais payeur. Quel sera donc le bénéfice pour les ménages fragiles, puisqu’ils financeront la GUL mais devront aussi s’acquitter de leurs impayés ? §Nous ne sommes pas là dans une logique assurantielle.
Si la GUL est déséquilibrée, c’est aussi parce que son financement est réparti « de manière égale » entre les locataires et les bailleurs. Nous pensons que, in fine, le coût de la GUL risque de peser essentiellement sur les locataires, dans la mesure où, nous n’en doutons pas, cette garantie sera intégrée dans le prix du loyer. En pratique, il s’agit donc d’une caisse d’assurance pour les bailleurs face aux risques d’impayés, qui sera financée presque exclusivement par les locataires. Cela nous pose question.
Enfin, la GUL n’est que partielle, puisqu’elle ne s’applique qu’aux logements locatifs privés. Il y a là une difficulté majeure, car nombre d’expulsions s’opèrent aujourd’hui dans le parc social. Quelle garantie met-on en œuvre dans le parc public pour les locataires confrontés à des difficultés économiques ? Cette question n’est pas mineure. Elle est même fondamentale si nous avons une approche non pas résiduelle mais généraliste du logement social.