Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 26 octobre 2013 à 14h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Article additionnel après l'article 71

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

… dans le cadre de la mission d’information sur la lutte contre les discriminations.

Mes chers collègues, je veux vous rassurer : le droit administratif et les prérogatives des maires en matière de préemption ne sont absolument pas remis en question. Il s’agit seulement d’améliorer le droit pénal pour rendre plus effectives les dispositions de lutte contre les discriminations.

Il n’est pas acceptable que le droit de préemption soit utilisé à des fins discriminatoires, en raison de la religion, de la couleur de peau, de l’ethnie, de l’orientation sexuelle, etc. De telles pratiques existent, elles ne sont pas marginales et notre responsabilité de législateur est d’y mettre un terme.

Il n’est pas dans mon intention de dresser un inventaire à la Prévert. Je citerai seulement quelques cas qui ont été relevés par la presse pour illustrer mon propos.

En 2000, pour ne prendre que cette année, plusieurs cas de discrimination ont été recensés.

Ainsi, le maire de la commune iséroise de Charvieu-Chavagneux a été sanctionné en appel et condamné à s’acquitter d’une amende de 1 500 euros pour avoir exercé son droit de préemption contre un couple de Français d’origine maghrébine, les Ghezzal. En raison du vide juridique que j’ai rappelé, la Cour de cassation l’a relaxé.

La même année, dans une autre commune, une mère de famille d’origine turque, Mme Akdag, souhaitait acheter une maison pour elle et ses deux enfants. Le maire a lui aussi exercé son droit de préemption.

Dans le premier cas, le motif invoqué était la transformation de la maison en local associatif, dans le second, l’agrandissement de la route. Vous le voyez, les raisons avancées ne sont pas toujours convaincantes !

Cet amendement vise à punir de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public d’exercer un droit de préemption afin d’empêcher des personnes de se porter acquéreur en raison de l’un des motifs de discrimination énumérés par le code pénal.

Nous avons été confrontés au même vide juridique lors de l’examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. C’est lui qui a causé tant de dégâts.

Mes chers collègues, j’en appelle à votre conscience et vous exhorte à ne pas laisser perdurer ce vide juridique qui pourrait faire appel d’air pour d’autres discriminations. Les arguments en faveur de cette évolution sont nombreux.

Je vous demande donc d’adopter cet amendement et de bien réfléchir avant de lever la main pour voter.

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