En effet, cette loi a perverti durablement les missions du logement social, en soumettant les organismes HLM, au travers de la création de conventions d’utilité sociale, à des impératifs de viabilité économique.
Témoin d’une conception malheureuse, cette loi a contraint les offices à vendre une partie de leur patrimoine, à diminuer les plafonds de ressources permettant l’accès au logement social et a instauré le principe du surloyer, que nous venons d’évoquer, permettant de ponctionner davantage des locataires dont les ressources sont au-dessus de plafonds fixés extrêmement bas.
Et, comme vient de le rappeler mon collègue Christian Favier, ce sont les ménages modestes qui doivent partir et s’éloigner du centre des villes pour trouver un logement à leur portée.
L’objectif affiché par ces mesures était de recentrer l’accès au logement social sur les populations les plus fragiles, conformément aux directives européennes. Cependant, une telle démarche a conduit plus sûrement à chasser du parc social les classes moyennes – disons les « classes moyennes inférieures » –, en refusant de fait toute mixité sociale, sujet dont mon collègue vient de parler et qu’il connaît bien.
L’existence d’un droit au logement, reconnu constitutionnellement, indique à l’inverse que la puissance publique doit répondre à la diversité des demandes, et non soumettre les organismes HLM à une logique purement comptable.
Le présent article poursuit une telle logique, en prévoyant que les ressources liées aux surloyers pourront être utilisées pour financer des remises sur quittance des ménages les plus fragiles. Ainsi, la solidarité au sein du parc locatif social ne s’opèrera qu’entre les locataires eux-mêmes, les locataires pauvres étant mis à contribution au bénéfice de ceux qui sont encore plus pauvres.
Dans un contexte de disette budgétaire, nous comprenons bien le sens d’une telle disposition, qui répond aux autres questions laissées en suspens : très faible rehaussement des aides à la pierre et perte de pouvoir d’achat des locataires, notamment au travers du gel des aides personnalisées au logement, les APL.
Au final, on aboutira à un système où ce n’est pas la collectivité publique qui finance la solidarité pour garantir à tous le droit au logement dans des conditions acceptables ; c’est aux locataires eux-mêmes d’assumer entre eux cette solidarité.
Il y a quelque chose de choquant dans une telle logique, qui ne pose jamais la question de la solidarité et des moyens publics accordés pour répondre au droit de tous d’avoir un toit. Nous souhaitions le souligner ici et rappeler notre volonté d’aller jusqu’à l’abrogation de la loi Boutin.