Mon propos portera davantage sur des éléments de méthode que sur le fond du débat.
Je l’avoue, au-delà des clivages politiques, et quel que soit le gouvernement en place, j’ai beaucoup de mal avec les textes qui visent à contraindre le travail des élus.
En effet, dans un pays où la démocratie est en crise, chaque fois que l’on semble suggérer que les élus, par eux-mêmes, de manière volontaire, ne font pas leur travail et n’obtiennent pas les résultats escomptés, on discrédite d’une certaine manière la démocratie locale.
Il me semble toujours extrêmement difficile d’affirmer qu’un dispositif n’est pas obligatoire mais que certaines contraintes doivent néanmoins être imposées, sous peine de voir le dispositif échouer. Sous-entendu : vous n’imaginez quand même pas que les élus locaux sont suffisamment volontaires, intelligents, cohérents et efficaces pour faire le travail qui s’impose !
Il faut avouer que c’est la tentation constante du pouvoir central, quelle que soit sa couleur politique. Mais il est ensuite assez difficile de demander à la population de respecter le travail des élus et la démocratie locale…
Pour ce qui concerne maintenant la manière dont le Gouvernement conçoit la décentralisation, j’avoue qu’on a un peu de mal à suivre, madame la ministre.
Je me souviens, voilà quelque temps, d’un très grand discours du Premier ministre, pour lequel je l’avais félicité. Il y décrivait l’ensemble des orientations du Gouvernement et promettait un très grand texte.
Mais le grand dessein est progressivement devenu moins clair. On nous a depuis annoncé que le projet serait finalement découpé en trois textes. En réalité, au-delà de chacun de ces trois projets de loi – nous avons débattu du premier voilà quelques semaines –, on retrouve des éléments relatifs aux collectivités locales dans de très nombreux autres.
Au final, on a vraiment du mal, aujourd’hui, à avoir une photographie exacte de ce que souhaite le Gouvernement en matière d’organisation des pouvoirs publics territoriaux.
Ainsi, en matière d’urbanisme, faut-il se référer au présent texte, ou plutôt au texte précédent sur les métropoles, comme l’a dit M. Favier ? Faut-il attendre le débat budgétaire, au cours duquel on doit nous annoncer un certain nombre d’éléments sur les dotations ? Finalement, que veut faire le Gouvernement des collectivités et de l’organisation territoriale ? Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un schéma un peu plus clair, un peu plus cohérent, un peu plus global, quitte ensuite à prévoir des décrets d’application ? Au lieu de cela, les annonces se succèdent semaine après semaine, et les textes mois après mois. Au bout de l’année, je défie quiconque de dire exactement où l’on en est en matière de collectivités territoriales.
Enfin, j’entends bien la démonstration selon laquelle le Sénat doit élaborer un texte sinon l’Assemblée nationale tranchera – j’ai moi-même tenu le même raisonnement s’agissant des métropoles.
Toutefois, à un moment donné, il me semble nécessaire de crier : halte au feu ! Je rappelle que la Constitution accorde au Sénat une sorte de privilège de première vision en matière de territoires et de collectivités territoriales. Si, même dans ces domaines, nous nous autocensurons de peur de nous laisser déposséder du texte par l’Assemblée nationale, c’est que nous consentons déjà à un abandon du pouvoir, des prérogatives et des compétences du Sénat.