Les propositions que je présente visent à rationaliser et simplifier les conditions d'accès à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale même quand aucune décision de justice n'a été prononcée ou que l'auteur est considéré comme irresponsable. Dans ces cas, les victimes s'adressent à la commission d'indemnisation des victimes des infractions (Civi), qui est une juridiction existant au sein de chaque TGI. Depuis 2008, la solidarité nationale joue aussi lorsqu'une décision de justice n'a pas été exécutée grâce au service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions (Sarvi).
En aval, le FGTI assure l'indemnisation des victimes de préjudices corporels (article 706-3 du code de procédure pénale), de dommages matériels (article 706-14) ou de l'incendie de leur véhicule (706-14-1). Il se comporte parfois comme une partie adverse pour minimiser le montant de l'indemnisation des victimes devant la Civi.
Il faut simplifier cet ensemble.
Nous proposons tout d'abord d'allonger la durée des délais de saisine. Le délai pour saisir le FGTI, au titre du Sarvi, par exemple, est d'une année après une décision de justice non exécutée. C'est trop court. En matière de terrorisme le délai de saisine est de dix ans à compter de l'infraction. Nous proposons également d'ouvrir l'accès au dispositif de l'article 706-3 du code de procédure pénale à toute personne victime d'une ITT égale ou supérieure à 15 jours, et non plus 30 jours.
Il faut ensuite évaluer l'opportunité de conserver l'article 706-14-1 du code de procédure pénale relatif à l'indemnisation des personnes victimes de la destruction par incendie de leur véhicule. En effet, 70% des indemnisations relèvent de l'article 706-3, 26 % de l'article 706-14, 4% seulement relèvent de cet article, même si cette part est très dynamique, pour un montant de 800 000 euros. Mais les incendies sont-ils toujours fortuits ? En outre, les plafonds de ressources sont plus généreux que ceux au titre de l'article 706-14. Beaucoup de professionnels s'interrogent sur l'opportunité de maintenir cet article 706-14-1.
Enfin, nous proposons de fondre les dispositifs de l'article 706-14 et du Sarvi au sein d'un dispositif plus large jouant le rôle d'interface entre l'auteur et la victime.
Le deuxième axe consiste à renforcer le rôle du FGTI. Nous proposons de mener à son terme la logique de déjuridictionnalisation de la procédure d'indemnisation entre le FGTI et la victime afin que la Civi ne soit plus saisie qu'en cas de désaccord entre ces derniers, soit environ 20% des cas. De plus, recourons à des experts agréés par le FGTI pour la réalisation des expertises relatives à l'évaluation du préjudice de la victime dès le stade du procès pénal, afin d'éviter les doubles expertises.
Pourquoi, également, ne pas solliciter l'expertise du FGTI en amont de l'élaboration de directives générales de politique pénale relatives au traitement de contentieux présentant des problématiques similaires en matière d'indemnisation des victimes ?
Pour lui permettre d'exercer ces nouvelles missions, il faut renforcer les ressources du Fonds.
Nous proposons d'affecter au FGTI une part des amendes pénales collectées. De même, affectons une partie du produit des biens confisqués par décision de justice définitive à l'indemnisation des victimes par le FGTI. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) bénéficie ainsi déjà d'une partie du produit des amendes routières.
Comme l'a dit M. Kaltenbach dans son introduction, l'indemnisation des victimes doit d'abord relever des auteurs, d'où notre proposition n° 30. La solidarité nationale fonctionne de manière subrogatoire : le FGTI paye et tente de se rembourser sur les auteurs. En 2012, le FGTI a ainsi récupéré 73,5 millions d'euros. Depuis trois ans, ce montant stagne et pour l'accroître, le FGTI devrait pouvoir accéder au fichier sur l'application des peines, probation et insertion (APPI) afin d'avoir une meilleure idée de la situation des auteurs.
Enfin, tout ce que j'ai dit sur la CIVI, le SARVI et le FGTI ne s'applique pas aux victimes couvertes par des fonds particuliers : victimes de l'amiante, des accidents de chasse, des accidents de la route... Notre proposition n° 31 suggère de rapprocher les fonds existants sur un modèle proche de celui existant entre le FGAO et le FGTI. Une structure unifiée permettrait d'avoir une seule plateforme téléphonique, un seul système de gestion des fonds, une seule catégorie de personnel. Un FGTI unifié gèrerait ainsi l'ensemble des fonds ce qui mettrait un terme aux empilements.
Nous avons beaucoup parlé d'argent - telle était notre mission - mais nous sommes bien conscients que les perspectives d'indemnisation ne peuvent remplacer la catharsis nécessaire qui accompagne le procès. Néanmoins, l'indemnisation est nécessaire et nous avons le sentiment qu'avec ces 31 propositions, nous allons dans le bon sens.