Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le statut de nos collègues élus locaux bénéficiaires d’une pension d’invalidité. Je me fais leur relais au Sénat en ma qualité de président de l’Union des maires de l’Aisne, département dont je suis l’élu et qui, comme vous le savez, compte 816 communes.
Ce dossier récurrent, sur lequel plusieurs questions écrites ont été déposées depuis 2011 – toujours sans réponse ! –, suscite de plus en plus de remarques de la part de nos élus.
Les bénéficiaires d’une pension d’invalidité sont autorisés à reprendre un travail sans perdre cette pension, dès lors que leur salaire se situe dans la limite de celui qu’ils percevaient avant de devenir invalides, augmenté d’un coefficient fixé par décret. Or, s’ils sont élus, par exemple en qualité de maire adjoint, la sécurité sociale considère qu’ils sont dans la même situation que s’ils reprenaient un travail et ils perdent dès lors le versement de leur pension d’invalidité, avec tous les accessoires rattachés. Par conséquent, ils seraient contraints de choisir une seule des deux sources de revenus.
Or comment analyser les indemnités qui sont censées compenser les frais inhérents à l’exercice d’un mandat politique, montant déterminé par le code général des collectivités territoriales, et la pension d’invalidité, qui vise à la prise en charge par la solidarité nationale des contraintes liées à la situation d’invalidité ?
La législation actuelle peut être considérée comme source d’inégalités entre élus selon leur situation sociale et perçue comme une discrimination envers les personnes handicapées, qui ne peuvent, de ce fait, s’impliquer dans la vie politique.
Récemment, certains élus handicapés percevant l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation de logement sociale ou l’allocation de logement familiale, ont vu la caisse d’allocations familiales prendre en compte leurs indemnités d’adjoint pour reconsidérer le montant de leurs ressources. La CAF a d’ailleurs décidé, d’une part, de supprimer le versement de l’AAH et, d’autre part, de réclamer le remboursement du trop-perçu, qui s’élève à plusieurs milliers d’euros.
Je vous relaterai le cas d’un maire adjoint handicapé d’une commune d’un peu plus de 1 700 habitants de mon département bénéficiant de l’AAH, de l’ALS et de la majoration pour la vie autonome. Au mois de juillet 2013, la CAF lui a envoyé un courrier lui annonçant un réexamen de ses droits depuis le mois juillet 2011, soit près de deux années rétroactivement. Résultat, la CAF lui demande aujourd'hui le remboursement de plus de 3 000 euros et procède à des retenues sur ses allocations.
Cette situation est insupportable pour ces élus, actifs dans leur délégation, qui se voient pénalisés du fait de leur handicap ! En outre, cela est de nature à décourager les bonnes volontés qui acceptent encore d’assumer les charges municipales.
Je m’étonne d’autant plus de cette situation que, le 11 octobre dernier, dans le cadre de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, l'Assemblée nationale a voté à l’article 12 un amendement du Gouvernement qui clarifie le fonctionnement du cumul emploi-retraite pour les indemnités des élus locaux. En effet, depuis le 1er janvier 2013, ceux-ci sont affiliés au régime général d’assurance vieillesse.
Marisol Touraine a expliqué que « l’application du principe de non-ouverture de nouveaux droits en cas de cumul emploi-retraite conduirait les élus locaux souhaitant liquider leurs retraites à mettre fin à leur mandat ». Je la cite toujours : « Les élus locaux déjà pensionnés du régime général d’assurance vieillesse n’ayant pas atteint l’âge légal ou ayant liquidé leur retraite sans pour autant justifier du taux plein, se trouveraient placés dans une situation de cumul emploi-retraite plafonné et pourraient voir le service de leurs pensions de retraite suspendu en cas de dépassement du plafond. Cela interviendrait alors même que le mandat d’élu local n’est pas une activité salariée. Il est donc proposé d’introduire une dérogation au fonctionnement du cumul emploi-retraite : les indemnités d’élu local, au même titre, par exemple, que les activités à caractère artistique, littéraire, scientifique ou juridictionnel, ne seront pas considérées comme des ressources au sens du cumul emploi-retraite. » Ce sont les propres termes de la ministre !
Madame la ministre, ce qui est possible pour le cumul emploi-retraite par les élus locaux doit être possible pour le cumul des allocations d’invalidité de ces mêmes élus locaux ! Il paraît nécessaire, et évident, d’exclure les indemnités des élus du calcul des revenus suspendant la pension d’invalidité.