Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 29 octobre 2013 à 14h30
Avenir et justice du système de retraites — Article 1er

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Les inégalités dont pâtissent les femmes en matière de retraite sont un miroir grossissant des inégalités professionnelles et salariales qui les pénalisent encore et toujours.

En effet, les écarts en termes de pensions sont le reflet des inégalités salariales, bien sûr, mais aussi du mode de calcul des retraites et de l’évolution de celui-ci depuis le début des années quatre-vingt-dix. Fondé sur le niveau de rémunération et la durée de carrière, ce mode de calcul pénalise doublement les femmes.

Pour vous convaincre d’adopter cet amendement, je voudrais revenir assez rapidement sur les conséquences des dernières évolutions du régime général, reposant sur une conception de plus en plus « contributive » du système, selon laquelle les cotisations sont considérées comme une propriété individuelle du travailleur et le régime de retraite comme un système d’épargne individuelle. Cette conception s’oppose à celle de la sécurité sociale, qui prévalait à l’origine et que nous défendons, opérant une socialisation d’une partie des salaires, avec la mise en commun des cotisations.

J’aimerais aussi souligner un paradoxe : si l’augmentation de l’emploi salarié des femmes s’est traduite, depuis cinquante ans, par une amélioration de leurs droits à la retraite, des chercheurs ont montré que les changements opérés depuis la fin des années quatre-vingt ont en partie contrecarré cette tendance positive.

Ainsi, une étude de 2006 de l’Institut national d’études démographiques, réalisée notamment par Carole Bonnet, a permis d’évaluer l’impact des réformes de 1993 et de 2003 sur les affiliés au régime général. Selon cette étude, la mise en œuvre de la loi de 1993 a réduit le montant moyen de la pension de 9 % pour les hommes et de 13 % pour les femmes. Quant à la réforme de 2003, elle aurait permis une légère augmentation de la pension moyenne des hommes, tout en provoquant une légère baisse de celle des femmes.

On voit bien que la contributivité, telle qu’elle a été appliquée depuis ces réformes – à savoir l’augmentation de la durée de cotisation requise pour bénéficier du taux plein et l’augmentation du nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire de référence – et poursuivie à la suite de celle de 2010, a consisté à réduire le montant des pensions. Le présent projet de loi, dont la mesure phare est l’article 2, s’inscrit malheureusement dans la même logique, qui est, nous l’avons vu, défavorable aux personnes percevant de faibles salaires, du fait notamment de carrières hachées ou interrompues, et donc d’abord défavorable aux femmes.

Rompre avec cette logique et réaffirmer que la retraite est un droit salarial, et non un système d’épargne : telle est la position que nous allons défendre au cours de ce débat.

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