Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 29 octobre 2013 à 14h30
Avenir et justice du système de retraites — Article 1er

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Cet amendement de notre groupe pose une question de fond.

L’entreprise est naturellement le lieu de création de richesses à partir duquel nous devons financer notre système de protection sociale et, entre autres éléments ou composantes de celui-ci, notre système de retraites.

N’en déplaise à certains, la fiscalisation du financement de la protection sociale n’a jamais ralenti le niveau de ses dépenses et elle n’a, au fond, fait qu’accompagner le lent mais sûr processus d’insuffisance de trésorerie que nous observons année après année, dans un contexte de sous-emploi chronique de la main-d’œuvre disponible.

Il est également évident que nous ne pouvons nous contenter de financer notre régime de retraite avec le seul concours du prélèvement sur la richesse créée que constituent les cotisations sociales calculées par la référence aux salaires. Je dois avouer que cet aspect de la question appelle plusieurs observations, puisqu’il est défendu par la plupart des économistes bien en cour dans l’univers du libéralisme que le prélèvement réalisé pour financer la protection sociale est effectué sur le travail.

À la vérité, cette apparence nous paraît trompeuse, bien que le montant des cotisations figure au bas de la fiche de paie de n’importe quel salarié de ce pays. Car, plutôt qu’un prélèvement sur les salaires, sur le travail, un prélèvement dit implicite, les cotisations sociales ne sont rien d’autre qu’une affectation de la valeur ajoutée créée par le travail, comme peuvent l’être les salaires, les investissements réalisés ou les provisions constituées pour les mettre en œuvre et même, n’en déplaise à certains, les frais financiers versés aux établissements de crédit ou les dividendes partagés entre les actionnaires.

Les dividendes que les assemblées générales d’actionnaires décident d’accorder aux détenteurs de parts sociales d’une entreprise sont d’abord et avant tout un prélèvement sur la valeur ajoutée créée par le travail.

L’observation vaut aussi pour les sommes que l’entreprise décide de placer en trésorerie ou en placements financiers divers, sans les consacrer de manière immédiate à solder les salaires, à investir dans la production, etc. Ces sommes, particulièrement importantes et qui témoignent le plus souvent de la financiarisation de notre économie, méritent d’être regardées avec le plus grand intérêt et de participer, elles aussi, au financement de notre protection sociale.

Souvent, au demeurant, plus la rente du capital s’avère importante dans une entreprise, plus s’y étiole et s’y affaisse la part de la richesse consacrée à rémunérer le travail. C’est donc aussi pour dissuader les entreprises de procéder à un dangereux aventurisme financier que nous souhaitons intégrer les revenus financiers dans l’assiette des cotisations sociales en vue de leur permettre une juste allocation de la richesse créée par le travail au service de l’emploi, des salaires, de la formation, bref, de l’intérêt général.

C’est sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, que nous vous invitons à adopter cet amendement.

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