Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 29 octobre 2013 à 14h30
Avenir et justice du système de retraites — Article 1er

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Comme nous l’avons déjà dit dans la défense de nos précédents amendements, le cinquième alinéa du premier article de ce projet de loi prévoit que les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leur sexe, leurs activités professionnelles, etc. Cette ambition, qui pourrait paraître naturelle, pour ne pas dire minimale, montre toutefois combien ce traitement équitable est loin d’être respecté. Notons d’ailleurs qu’elle figurait déjà dans le projet de loi de 2010, et que nous sommes toujours loin d’atteindre l’égalité.

Si nous partageons l’objectif d’égalité mentionné dans cet article 1er, nous émettons des doutes sur sa possible réalisation, notamment au regard de l’article L. 3132-14-2 du code du travail, créé par la loi relative à la sécurisation de l’emploi. J’irai même plus loin en disant que cet objectif et l’article figurant dans l’accord national interprofessionnel, l’ANI, sont incompatibles, voire contradictoires. En effet, comment atteindre l’égalité si, parallèlement, on admet de déroger à la durée de travail hebdomadaire à temps partiel de vingt-quatre heures pour permettre de cumuler plusieurs temps partiels ? Car nous le savons tous ici, je citerai pour mémoire des extraits de l’intervention de notre collègue Claire-Lise Campion lors de la présentation de sa proposition de loi, « la précarité, grandissante en période de crise, touche majoritairement les femmes, qui occupent 60 % des contrats à durée déterminée et voient se multiplier les contrats de moins de quinze heures de travail par semaine. Le phénomène des “travailleurs pauvres” touche fréquemment les femmes, plus particulièrement celles qui élèvent seules leurs enfants. »

Ce n’est donc pas une lubie ou une posture du groupe CRC : les femmes sont bien les premières victimes de la crise que nous traversons. J’invite mes collègues, notamment sur les travées de droite, à écouter plus attentivement ce type d’intervention, car lorsqu’ils prennent la parole ils semblent ne pas connaître la situation des femmes…

C’est pourquoi nous avions dénoncé la précarité généralisée par l’ANI avec l’institutionnalisation des temps partiels comme mode d’organisation du travail, ce qui ne peut manquer d’avoir des conséquences sur les futures retraites. D’où notre insistance aujourd’hui à rappeler que cette disposition aggravera les inégalités entre les femmes et les hommes et que, si elle est maintenue, l’ambition figurant dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ne pourra être malheureusement qualifiée que d’affichage ou de vaine promesse.

De même, il est logique, arithmétiquement parlant, que des salaires inégaux entre hommes et femmes engendrent des pensions inégales entre les deux catégories. Je ne redonnerai pas les chiffres qui ont été abondamment évoqués, mais il faut que nous en tirions tous les enseignements.

Je citerai Christiane Marty : « Le système de retraites a été conçu il y a soixante-dix ans sur le modèle de l’homme soutien de famille, travaillant à temps plein, sans interruption de carrière : le calcul de la pension a été basé sur une “norme” de carrière entière. Ce modèle n’est donc pas adapté à la carrière des femmes, ni plus généralement à l’évolution actuelle qui voit se multiplier les périodes d’interruption du fait du chômage et de la précarité croissante de l’emploi. »

Il faut tirer les enseignements de cette constatation. C’est tout le sens de notre amendement.

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