Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec cet article 5, le volet du projet de loi consacré à la pénibilité.
J’ai souhaité prendre la parole sur cet article car, avec Mme la rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et plusieurs autres de nos collègues, j’avais cosigné un amendement n° 352 rectifié bis, qui, malheureusement, a fait les frais du funeste article 40 de la Constitution, lequel – vous en conviendrez, mes chers collègues – commence à poser un véritable problème démocratique, dans la mesure où il jugule toute initiative parlementaire.
Cet amendement traduisait une recommandation formulée par la délégation, dans la continuité des travaux menés, en 2012, sur le thème « femmes et travail ». Il visait à assimiler à un facteur de pénibilité les conditions de travail infligées aux salariés, principalement aux femmes, du fait d’emplois à horaires fractionnés et d’amplitudes horaires quotidiennes excessives, égales ou supérieures au double de la durée du travail effectif.
Si vous le permettez, mes chers collègues, je voudrais une nouvelle fois vous alerter sur la situation des femmes de ce point de vue, la pénibilité des emplois féminins restant très largement sous-évaluée, comme l’avait montré le rapport de la délégation auquel j’ai fait allusion.
L’amendement malheureusement déclaré irrecevable tendait à mettre en lumière la pénibilité engendrée par certaines formes de temps partiel, dont on sait qu’il concerne les femmes dans 80 % des cas, notamment les formes marquées par une amplitude horaire quotidienne excessive.
Dans des travaux qu’elle a présentés à la délégation en 2012, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, attribuait l’aggravation de la dégradation de la qualité de santé des femmes au travail à deux facteurs principaux : l’organisation du travail que subissent les femmes et les caractéristiques des emplois qu’elles occupent.
À ce titre, le temps partiel joue évidemment le rôle d’une loupe grossissante. Il a ainsi été avancé que le cumul d’horaires atypiques avec des difficultés émotionnelles, des facteurs de stress, l’absence de perspectives d’évolution et l’absence de reconnaissance rendent les conditions de travail des emplois à temps partiel plus contraignantes, affectant la santé morale de ceux qui les subissent.
À cet égard, il est significatif que, si la fréquence des arrêts de travail n’est pas véritablement différente selon que l’on travaille à temps plein ou à temps partiel, la durée de l’arrêt de travail, qui en reflète la gravité, est significativement plus longue pour les emplois à temps partiel.
Rappelons que les femmes sont largement majoritaires dans certains secteurs des services à la personne, notamment le secteur de la santé.
Elles souffrent de maladies professionnelles spécifiques, répertoriées dans la catégorie des troubles musculo-squelettiques, lesquels sont liés à des travaux répétitifs, tels que les postures sur écran ou encore les stations debout ou assise prolongées.
Sur la base de 50 000 pathologies en relation avec le travail, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, qui a animé, ces dernières années, un réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles, a mis en évidence les différenciations importantes existant entre les hommes et les femmes dans l’exposition aux risques : les hommes sont plus exposés à l’amiante, aux risques chimiques ou au port de charges, alors que les femmes sont plus spécifiquement concernées par les mouvements répétitifs, les troubles psychologiques, sujet tabou dans l’entreprise, et les risques managériaux.
Or, l’appareil statistique, sur lequel reposent l’évaluation et donc la prévention des risques au travail, a été constitué pour une organisation « masculino-centrée » des emplois. Ainsi, comme le rappelle Florence Chappert, de l’ANACT, en ignorant les pénibilités et les risques des emplois à prédominance féminine, « les politiques de prévention des risques touchent moins les femmes que les hommes, eu égard à la division sexuée des emplois ».
La chute de cet amendement est, encore, une belle occasion manquée.