Je souhaitais initialement m’exprimer sur la pénibilité à l’article 6, mais, monsieur le président, j’y renonce pour le faire à l’article 5.
Madame la ministre, dans ce projet de loi, vous avez souhaité mettre en place une série de dispositions relatives à la pénibilité pour tenter de gommer certaines inégalités entre ceux qui sont soumis à des travaux pénibles et les autres.
Je souhaite soutenir cette initiative qui répond, à mon sens, à un impératif de justice. Comment, en effet, ne pas différencier tel salarié, qui travaille en extérieur et met en jeu son intégrité physique, d’un cadre exerçant son activité dans une société ? Comment imaginer qu’à cinquante-cinq ans, cinquante-six ans ou soixante ans, on puisse encore travailler à la réfection des routes ou sur une chaîne de montage ?
Force a été de le constater, les mesures qui existaient jusqu’à présent – je pense aux accords sur la pénibilité de la loi de 2010, avec l’obligation de négociation sur la pénibilité au travail – n’ont pas donné les résultats escomptés.
Le nombre des accords de branche conclus s’est situé bien en deçà de ce que nous aurions pu espérer, avec quinze accords au 31 août 2013, sans parler du fait qu’ils ne s’appliquaient qu’aux entreprises de plus de 50 salariés, laissant de nombreux salariés, qui méritaient pourtant d’en bénéficier, en dehors du système.
Oui, il était urgent de traiter cette question, qui constitue un réel problème de société. En 2013, l’espérance de vie d’un cadre, à trente-cinq ans, est plus élevée de sept ans en moyenne que celle d’un ouvrier – M. Domeizel vient de le rappeler utilement. Les personnes occupant les professions les plus qualifiées ont, à cinquante ans, une espérance de vie supérieure de neuf ans à celle des ouvriers.
En 2010, on nous avait dit et redit que les décisions prises allaient financer durablement le système des retraites – c’était promis, juré ! On sait aujourd’hui ce que valaient ces propos…
En 2010, on nous disait que la pénibilité était bien prise en compte. En fait, c’était l’incapacité permanente et avérée qui était prise en compte…
Et en 2013, si j’en crois certains propos tenus à droite, les progrès proposés par le Gouvernement inciteraient en fait les salariés à conserver des travaux pénibles ! C’est incroyable ! Pourquoi ne pas affirmer que les salariés n’iraient plus désormais rechercher que des travaux pénibles…
En fait, en 2010, n’ont été prises en compte que les expositions aux risques qui ont un impact immédiat sur la santé des salariés et non un impact différé sur l’espérance de vie.
Comme vous, madame la ministre, nous estimons qu’il est légitime de compenser les atteintes irréversibles portées à la santé des personnes par leur exposition à des facteurs de risque professionnels.
Eh oui, le travail effectué à des températures extrêmes, ça existe ! Les postures pénibles, le bruit, le travail répétitif, le travail de nuit, ça existe ! Les horaires alternants, les manutentions manuelles de charges, ça existe !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, le compte de pénibilité par points concilie prévention et surtout réparation de la pénibilité.
Ce compte permettra, en cumulant des points, d’anticiper le départ à la retraite de deux années et demie. Il permettra aussi à ceux qui le souhaitent de suivre une formation en vue d’une réorientation professionnelle vers un emploi moins pénible. Je pense en particulier aux salariés qui ne sont pas encore proches de la retraite. Enfin, pour d’autres, il contribuera au maintien d’une rémunération tout au long de la vie en cas de passage à un temps partiel en fin de carrière.
Je crois qu’il s’agit de mesures justes et nécessaires, qui prennent en compte des situations que nous ne ferons peut-être pas disparaître entièrement, mais qu’il nous revient de compenser et de réparer. C’est pourquoi je tenais à soutenir ces dispositions, par simple souci de justice, car il n’est de pire inégalité que celle qui réserverait à certains salariés une retraite plus courte, parce que leur espérance de vie serait raccourcie du fait d’une vie profondément marquée par des travaux pénibles.