Nous l’avons déjà indiqué, nous sommes tout à fait favorables à la reconnaissance et à la prise en compte de la pénibilité à effet différé.
Comme je l’ai signalé dans la discussion générale, l’article 6 du projet de loi présente à la fois des aspects positifs et des lacunes, la première d’entre elles tenant au fait qu’il ne concerne que les salariés du secteur privé.
Sans doute, des régimes spéciaux permettent de tenir compte de la pénibilité ; mais je considère que ce système doit être réformé – à terme, bien sûr, car il ne s’agit pas d’agir brutalement.
Dans le cadre de la réforme systémique que nous appelons de nos vœux, la pénibilité serait prise en compte, mais dans une approche universelle. De fait, il existe aussi des métiers pénibles dans la fonction publique et dans les collectivités territoriales, en plus des métiers auxquels correspondent les régimes spéciaux.
Je vois une deuxième lacune, un deuxième handicap, dans le compte personnel de prévention de la pénibilité lui-même.
En effet, la reconstitution de périodes d’exposition aux risques peut être très compliquée, dans la mesure où les carrières ne sont pas linéaires et où certains salariés changent d’entreprise. On m’objectera que le compte personnel permettra un suivi ; encore faut-il qu’il soit bien tenu.
En outre, comme certains responsables auditionnés l’ont souligné, il est parfois très compliqué d’évaluer la pénibilité : dans le bâtiment, par exemple, un salarié peut travailler pendant une heure avec un marteau-piqueur et, le reste du temps, monter un mur de briques, tâche qui n’est pas du tout considérée comme pénible.
Vous constatez, mes chers collègues, que le problème est plus complexe qu’il n’y paraît ; je n’ai pas l’impression que l’on en ait pris la pleine mesure.
La troisième lacune découle de ce qui précède et tient à la cotisation due par les employeurs. La cotisation de base, fixée à 0, 2 % de la masse salariale, sera la même pour toutes les entreprises ; des cotisations additionnelles dépendront du niveau d’exposition des salariés. Les modalités de ce système ne sont pas précisées : je crains fort qu’elles ne soient arrêtées par décret, dans l’obscurité des cabinets, alors qu’un débat serait nécessaire avec les spécialistes – nous en avons auditionné certains –, les hommes de l’art et les représentants des salariés, sans oublier les chefs d’entreprise, qui sont parfaitement au fait des situations.
Cet article présente un dernier défaut, qui est grave : on a voulu mélanger la prévention et la réparation. Je voudrais bien que l’on m’explique comment tel tourneur-fraiseur de telle petite entreprise, qui est totalement spécialisé dans la mécanique, pourra être reconverti dans un autre métier, alors qu’il ne sait faire qu’une chose et qu’il l’a fait très bien, et qu’il est bien payé pour cela. À quoi sert dans ce cas le présent dispositif ? Non, ce qu’il faut, c’est permettre une réparation !
Je pense donc que, dans sa rédaction actuelle, l’article 6 est entaché d’erreurs conceptuelles.