Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour soutenir l’argumentation de mon collègue Jean-Noël Cardoux. Toutefois, vous ne m’avez pas convaincu, madame la rapporteur, de la simplicité d’une telle procédure.
Je constate en effet que, sur le terrain, l’emploi est souvent créé par les toutes petites entreprises, dont les responsables sont totalement polyvalents. Ce sont en général des techniciens qui maîtrisent leur métier. On leur demande d’être des commerciaux, ce qu’ils savent être, c’est une évidence. Ils doivent aussi être des financiers, puisqu’ils négocient avec leur banque les conditions du financement de leur trésorerie, et de bons fiscalistes, aussi, car ils n’ont pas toujours les moyens de s’adjoindre les compétences d’experts coûteux. Il leur faut, enfin, se spécialiser dans les relations sociales.
Ils seront désormais obligés de remplir ce compte pénibilité. Bien sûr, vous allez me dire que les CARSAT feront tout le travail et que les employeurs n’auront plus qu’à signer le document. En réalité, ce sera beaucoup plus compliqué ! Ce dispositif donnera lieu à de très nombreux contentieux entre employeurs et salariés, contentieux qui pourront, dans l’immense majorité des cas, s’arranger grâce à la bonne volonté des uns et des autres. Cependant, mon expérience des conseils de prud’hommes – je les fréquente tout comme vous - m’oblige à entrevoir d’incessants conflits s’agissant de la reconnaissance de la pénibilité.
Méconnaître le fait que les entreprises de dix salariés et moins n’ont pas les mêmes moyens que les entreprises plus importantes, c’est vraiment nier une évidence de société, une évidence économique.
Je suis très étonné que vous n’acceptiez pas une telle différence, considérant a priori que tout le monde peut faire la même chose. Pourtant, la complexité est évidente et les employeurs seront sans doute conduits soit à renoncer à l’embauche, soit à avoir à l’égard de l’emploi nouveau une attitude de prudence, ce qui constitue évidemment un facteur de découragement dommageable au regard de la nécessité de développer l’emploi dans notre pays.