Pierre Moussa fut l'inventeur des caisses de stabilisation africaines. À la limite, je serais partisan du retour de systèmes de ce type comme je suis partisan, en Afrique, d'un retour à des mécanismes fondés sur le modèle de la politique agricole commune.
La politique agricole commune fut financée dans les années soixante par le biais de prix élevés imposés aux consommateurs. Nous étions alors au coeur des Trente glorieuses. Aujourd'hui, les consommateurs dans les pays africains ne sont pas solvables. Dès lors que le producteur se voit garantir un prix rémunérateur, il faut qu'un tiers assure la compensation afin d'éviter des prix trop élevés dans les villes. Sinon, c'est la révolution qui menace. Cela étant, il faut reconnaître qu'une telle solution n'est pas du tout à la mode.
J'ai dû paraître à votre collègue Yannick Vaugrenard un horrible libéral et un être totalement sans coeur. Mais croyez bien que, quand je cherche à vendre mes idées sur la politique agricole dans les pays africains, je suis considéré comme le plus ringard des Français, à un point tel que vous ne pouvez pas l'imaginer. On est toujours à la droite ou à la gauche de quelqu'un. En ce qui me concerne, je fais le grand écart !
Le développement agricole de l'Afrique est le problème majeur du XXIe siècle. Pour le résoudre, il faudra selon moi passer par le maintien de la petite agriculture familiale, et donc par la garantie des prix et des débouchés. C'est ce qui a été admirablement réussi à l'époque de l'Onic et de la politique agricole commune des années soixante et qui a débouché sur ce que Debatisse a appelé la « révolution silencieuse ».
Cela étant, le credo néolibéral reste très largement dominant à Washington, à la Banque mondiale ou même à la FAO.