Je voudrais vous faire part du cas d’une personne qui commence à travailler en France et qui souhaite poursuivre sa vie professionnelle dans un pays de l’Union européenne. Avant de partir, elle se renseigne et lit le règlement du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
À l’article 12, intitulé « totalisation des périodes », elle apprend que « les périodes respectives d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence accomplies sous la législation d’un État membre s’ajoutent aux périodes accomplies sous la législation de tout autre État membre, dans la mesure où il est nécessaire d’y faire appel en vue de l’application de l’article 6 du règlement de base, à condition que ces périodes ne se chevauchent pas ». La personne comprend alors que, dans le calcul de sa pension de retraite, il sera tenu compte des périodes d’activité effectuées dans chaque pays de l’Union européenne.
À un autre moment de sa carrière, la même personne part travailler aux États-Unis. Elle prend soin de consulter préalablement l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Elle relève alors un point précis : « L’institution française prend en compte les périodes d’assurance validées en vertu de la législation des États-Unis dans la mesure où elles ne se superposent pas à des périodes d’assurance validées en vertu de la législation française, tant en vue de déterminer l’ouverture du droit à prestations qu’en vue du maintien ou du recouvrement de ce droit ». Elle note également que « l’institution française détermine, d’après sa propre législation, si l’intéressé réunit les conditions requises pour avoir droit à une pension de vieillesse ».
Là encore, les choses sont très précises : si la personne a travaillé en France et aux États-Unis, les périodes qu’elle a passées aux États-Unis seront aussi comptées pour le calcul explicite de son taux de retraite en France.
En réalité, la personne s’est trompée, parce que les conventions fiscales et les règles de l’Union européenne en la matière ne se conjuguent pas. Cette absence de cadre pour conjuguer les conventions fiscales pose un réel problème puisqu’elle pénalise la mobilité des travailleurs, qui, au regard du nombre de trimestres cotisés en vertu des conventions fiscales, pourraient éventuellement remplir les exigences d’un taux plein. Il faut donc que ces travailleurs fassent un choix entre les différentes conventions fiscales qui s’appliquent à eux.
Dans un arrêt de principe du 28 mars 2003, la cour d’appel de Caen, confirmant la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 22 février 2002, affirme que, si le champ d’application des conventions bilatérales ne vise, par définition, que les deux pays signataires, « aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe de deux accords bilatéraux […] et aucune règle, ni même aucune contrainte d’ordre technique, n’impose en l’espèce qu’un choix entre le bénéfice de l’un ou de l’autre soit effectué par l’assuré susceptible de bénéficier de l’un et de l’autre ».
L’amendement, qui tient compte de cet arrêt, vise non pas à faire peser sur nos partenaires avec lesquels nous avons signé des conventions de sécurité sociale un engagement que la France aurait pris lors de la signature d’une autre convention, mais à rendre compatibles les engagements que la France a pris vis-à-vis de plusieurs de ses partenaires. Il tend à corriger cette anomalie en permettant aux caisses de retraite de prendre en compte l’ensemble des années de cotisation, ce qui est de plus en plus indispensable compte tenu des nouvelles exigences de durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
C’est la raison pour laquelle je défends cet amendement, mes chers collègues, que je vous demande d’adopter au nom de la défense de la mobilité.